Jacques Languirand: une biographie de Claude Paquette
Le biographe de Jacques Languirand a choisi la première voie. Avec comme conséquence qu'on a beau savoir que Languirand a éclaté de besoin de créer dans toutes sortes de domaines, théâtre, essais, centre de croissance, communication, etc., qu'on a beau apprendre aussi qu'il a eu moult aventures féminines, des relations avec de grands écrivains, Hubert Aquin, Pierre Emmanuel et autres ou avec des personnes clés de la vie politique ou artistique, René Lévesque, Judith Jasmin, Félix Leclerc, qu'il a été comédien, ou ceci et cela encore... en refermant le livre, on ne sait rien de lui.
Ou plutôt, il existe un tel contraste entre ce personnage agité et nomade, à cheval entre l'Amérique et l'Europe, et le Sage qu'on peut entendre tous les jours à la radio ou lire dans certaines revues - je pense à son très beau texte sur la mort publié récemment dans le Guide Ressources-, qu'on se sent aussi incapable de le saisir qu'une main qui joue dans l'eau d'une rivière est en mesure d'en recueillir assez pour se désaltérer.
Que Languirand n'en soit pas attristé. Le biographe lui-même souligne à la fin de son livre combien il était difficile d'obtenir qu'il se livre un peu. Et s'il ne s'est pas livré, ou s'il n'a livré que son être le plus visible, le plus médiatisé, c'est sans doute parce qu'il a senti combien la vie intérieure, celle que personne ne voit, ni ne devine parfois, qui est souvent cachée à l'âme elle-même, est autre, radicalement autre que tout ce remue-ménage d'actions, de sentiments, de paroles, de rencontres, qu'on appelle la vie...
Jacques Languirand aura donc gardé son secret.
Un André Siegfried l'aurait peut-être percé, ou tout au moins deviné. Et en touches fines, respectueuses et pénétrantes, nous en aurait fait deviner la quintessence. Celle d'un homme que rien dans cette vie n'aura comblé. Mais qui aura malgré tout continué de chercher et de communiquer ses découvertes plutôt que de se replier sur l'illusion d'une fausse plénitude.