Wilhelm Furtwängler et la musique atonale
Mais cette résistance ne serait-elle pas aussi liée à la disparition de données dont tous les compositeurs auraient, jusqu'au XXe siècle, instinctivement tenu compte dans la conception de leurs oeuvres? Wilhelm Furtwängler tient à ce sujet des propos très éclairants. Il montre d'abord que c'est la cadence qui, en donnant à chaque accord sa place et sa fonction, [...] délimite un espace sonore [...] C'est la cohérence de ces rapports qui permet à la musique de prendre forme. Il aura fallu des siècles pour en arriver à cela. La tonalité, qui est la matière de la cadence, le musicien ne la perçoît pas comme un procédé de composition accessoire dont on peut se défaire mais comme une force de la nature. ...Cette force a fini par s'emparer complètement de la pensée musicale d'Europe; elle a pénétré toute musique sans exception; elle en est devenue la loi et la forme... Elle concentre la vie même dans son foyer et la métamorphose... en mille formes musicales, le lied, la fugue ou la sonate. Par la cadence, toute musique est une alternance de tension et de détente. Ce mouvement correspond à ce que nous connaissons de la biologie moderne. Et nous retrouvons ce couple tension-détente, selon une alternance rigoureuse, dans une symphonie de Beethoven par exemple.
Voici l'opinion de Furtwängler sur la musique atonale: Une profonde inquiétude et bougeote semblent s'être saisies de la musique. Peu d'instants de repos, peu d'instants de détente... On y trouve souvent un dynamisme rythmique comme d'un moteur sans trêve, une sorte de tourbillon mécanique qui procède, bien plutôt que de l'homme vivant, de la mécanique qui reste morte, quelle que soit la vitesse du mouvement. [...] Il y a parfois infiniment d'esprit dans de la musique atonale... Mais du point de vue de la vie profonde, cette musique est déficiente (Entretiens sur la musique, Albin Michel).