La pollution automobile

Mathieu-Robert Sauvé

Vivre près d'un axe routier important pourrait augmenter le risque de souffrir d'un cancer du sein.

Article tiré de la Revue Forum de l'Université de Montréal, 11 oct 2010.



C'est ce que révèle une étude réalisée par quatre chercheurs montréalais dont une épidémiologiste de l'Université de Montréal, France Labrèche. «Nous ne savons pas encore si la pollution atmosphérique mène directement au développement du cancer du sein, mais le lien mérite d'être examiné attentivement», indique Mme Labrèche en entrevue à Forum.

Spécialiste des polluants en milieu professionnel et professeure adjointe de clinique aux départements de médecine sociale et préventive et de santé environnementale et santé au travail, elle-même préfèrerait ne pas vivre près d'un axe routier très fréquenté dans l'état actuel des connaissances. Mais en science, il vaut mieux attendre d'avoir des preuves solides avant d'établir des liens de cause à effet. «L'étude que nous venons de publier est la première du genre à avoir été entreprise. Il faudrait qu'il y en ait plusieurs, effectuées à différentes périodes et à divers endroits, avant de conclure à un lien avéré.»

Les chercheurs sous la direction de Mark Goldberg, associé à l'Université McGill et au Centre universitaire de santé McGill, ont comparé des cartes de la pollution atmosphérique illustrant la répartition du dioxyde d'azote (NO2) produit par les gaz d'échappement dans la région de Montréal et les cas de cancers du sein diagnostiqués en 1996 et en 1997. Leurs résultats démontrent que l'incidence du cancer du sein était supérieure dans les zones où la pollution atmosphérique était plus élevée.

Le cancer du sein est la deuxième cause de décès liée au cancer chez la femme. Les cas sont en hausse et la raison de cette augmentation n'est pas connue. C'est pourquoi les chercheurs ont voulu suivre la piste de l'environnement. En choisissant d'étudier le NO2, les chercheurs savaient qu'ils utilisaient un marqueur de la pollution de l'air et non un polluant cancérogène. Ils espèrent que d'autres chercheurs iront plus loin dans la compréhension du problème.

Une collaboration à long terme

Depuis plus de 10 ans, les professeurs Goldberg et Labrèche collaborent à différents travaux de recherche sur le cancer du sein chez la femme postménopausée. Une analyse récente de leurs données sur les expositions professionnelles a montré un lien entre ce type de cancer et certaines substances présentes aussi dans la pollution atmosphérique liée au trafic routier. Comme le professeur Goldberg et ses collègues de l'Université McGill étudiaient en particulier la pollution par le NO2, la recherche actuelle s'est imposée d'elle-même. Le rôle de Mme Labrèche a consisté à apporter des données sur la répartition géographique et sur les facteurs de risque personnels des personnes atteintes de cancer du sein.

Bien que les chercheurs aient tenté de tenir compte le plus possible des variables, certaines incertitudes persistent. Par exemple, on ignore dans quelle mesure les femmes qui ont participé à l'étude ont été exposées à la pollution à leur domicile ou au travail. Il aurait fallu, pour être au fait de ces détails, enquêter sur la nature de leurs activités quotidiennes et connaitre le nombre d'heures passé à l'extérieur de la maison, notamment.

Les résultats de l'étude sont parus dans la revue Environmental Health Perspectives. Ils permettront peut-être d'orienter les politiques de santé publique en matière de prévention, signale Mme Labrèche. «Le lien potentiel entre la circulation automobile et le cancer du sein plaide en faveur des mesures visant à réduire la pollution atmosphérique liée à la circulation routière dans les zones résidentielles», dit-elle.

La recherche a été financée par la Société canadienne du cancer et les Instituts de recherche en santé du Canada.

Mathieu-Robert Sauvé

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