La Commission sur la gestion de l'eau au Québec
Rendu public par le BAPE (Bureau d'audiences publiques sur l'environnement) le 3 mai dernier, suite deux tournées des 17 régions administratives du Québec, 379 mé.moires, 143 séances publiques et à près de 1000 interventions, le Rapport de la Commission sur la gestion de l'eau au Québec, au chapitre de l'assainissement agricole, propose une révision de fond. Le développement de l'agriculture biologique fait bonne figure parmi des stratégies proposées.
Plus de deux pages (32 à 35 du tome 2 ) présentent des arguments de poids, car les méthodes préconisées par les agrobiologistes, notamment la culture les plantes de couverture et de rotation, la fertilisation à base de composts et d'engrais minéraux naturels, contribuent à minimiser la pollution diffuse. On sait que la pollution diffuse des eaux de surface, ainsi que la dégradation et l'érosion des sols arables, sont les deux revers d'une seule médaille.
Les programmes québécois d'assainissement agricole sont axés jusqu'à présent sur la pollution ponctuelle par la mise en place de structures d'entreposage des fumiers. Or, la pollution diffuse est la plus redoutable à long terme et risque même d'annuler les acquis de l'assainissement urbain et industriel dans les principaux cours d'eau du Québec. Selon la Commission, il faut réviser l'approche actuelle en intégrant les objectifs environnementaux aux objectifs de production et en établissant la règle de la «conditionnalité» des subventions, celles-ci ne pouvant être accordée que si les objectifs environnementaux sont atteints.
La Commission s'oppose à l'exportation massive d'eau douce, une telle stratégie est jugée «probablement pas rentable et constitue un risque écologique à éviter». Par ailleurs, il est proposé que les projets d'exportation de l'eau souterraine soient soumis à un processus d'évaluation environnemental. Afin de permettre une exploitation rationnelle et prudente des eaux souterraines, la Commission fait les recommandations suivantes: «Clarifier le statut de l'eau souterraine de sorte que celle-ci soit considérée comme une chose commune au même titre que l'eau de surface; Assujettir les projets de captage de l'eau souterraine de 75 mètres cube et plus d'eau par jour à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux; Réaliser la cartographie des nappes aquifères».Les équipements municipaux de traitement de l'eau sont des biens collectifs qui doivent le rester, cela rallie un large consensus partout au Québec. La Commission recommande donc la mise en place d'un programme de rénovation des infrastructures municipales subventionné par les gouvernements québécois et fédéral. Les coûts liés à la réhabilitation sont évalués à 9 milliards $.
Ce rapport exhaustif de la volonté du peuple québécois au sujet de la gestion de l'eau donne aux décideurs un orientation qui pourrait avoir un impact important à moyen et long terme sur l'aménagement rural et le développement agroforestier en régions: La gestion de l'eau par bassin versant apparaît de plus en plus comme la bonne façon de faire en matière de gestion de l'eau. Selon la Commission, le Québec accuse un retard notoire en ce domaine et elle recommande la création d'un organisme qui aurait pour mission de soutenir les comités locaux et régionaux de bassins versants sur le plan administratif, technique et financier.
La gestion par bassin versant est avant tout un exercice de conscientisation des collectivités et des corporations ainsi que de concertation entre voisins se partageant un même bassin hydrographique. On pourrait se permettre de rêver au jour où un premier bassin versant au Québec verrait tous ses agriculteurs se convertir à l'agriculture biologique. Plus de problème de bandes tampon! Il serait logique, afin de pouvoir mesurer sans biais les impacts des premières expériences, que celles ci se réalisent à petite échelle et plutôt à la tête des eaux' Les producteurs biologiques ont aussi des problématiques de pollution des eaux à résoudre au quotidien dans leur gestion des engrais de ferme et leurs procédés de compostage, en particulier.
La bonne régie des composts est souvent laissée pour compte devant les urgences incessantes aux champs au cours de notre si courte saison de croissance. «Vaut mieux un bon fumier qu'un mauvais compost!», entend-on parfois, en passant sous silence qu' un mauvais compostage résulte en abondance de lixiviats qui sont souvent, avouons-le, perdus dans l'environnement. On voit aussi parfois des champs certifiés BIO laissés à nu l'automne se faire lessiver, le printemps venu, alors qu'ils auraient pu bénéficier d'une couverture végétale, tandis que de nombreux producteurs agricoles québécois dits «conventionnels» surtout en grandes cultures, avancent au pas accéléré au niveau agroenvironnemental. Du rêve à la réalité: en positionnant le BIO comme un élément de solution à la pollution des eaux, le rapport rendu public par le BAPE lui lance en même temps le défi de la soutenabilité.
La Commission sur la gestion de l'eau conclut son rapport en ces termes: «La gestion actuelle de l'eau et des milieux aquatiques est sectorielle, peu intégrée, et insuffisamment soucieuse de la protection de la ressource. Il faut passer à une gestion intégrée, mieux harmonisée au pallier gouvernemental, tenant ensemble les fonctions de la protection et de mise en valeur et délibérément mise en oeuvre à l'échelle des bassins versants.»
Le rapport intitulé. L'eau, ressource à protéger, à partager et à mettre en valeur est disponible sur Internet: www.bape.gouv.qc.ca/eau . On peut également en obtenir une copie en communiquant au 1-800-463-4732.