L'Encyclopédie sur la mort


Quelles préventions dans un contexte de crises?

Thérèse Hannier

À l'occasion des 15 èmes journées nationales de la prévention du suicide en France (février 2011), Madame Thérèse Hannier, la présidente de l'union Nationale pour la Prévention du Suicide (UNPS), lance un appel à la nation insistant sur les nombreuses crises internationales qui déferlent sur le monde.
infosuicide@infosuicide.org
L’Union nationale pour la Prévention du suicide a choisi cette année de s’interroger sur l’individu au cœur d’un tumulte dont il n’est pas maître : la crise, ou plutôt les crises.

La France, comme bien d’autres pays, subit de plein fouet la crise financière internationale dont les répercussions sont ressenties profondément à tous les niveaux.

Quelles sont les conséquences, tant sur le plan économique et social que sur l’individu dans une société où les repères sont de plus en plus flous ? Quelle est la place de l’humain dans un univers de technique, de technologie, d’information, de surinformation, de visuel, de virtuel, de fictions et de réel en direct… Le temps, l’espace se sont modifiés pour devenir à la fois accessibles et insaisissables. La dimension humaine se perd dans un espace qui s’élargit sans cesse vers des
impératifs et des enjeux internationaux, la réduisant à l’état d’une poussière microscopique, comme un pion sur un immense échiquier dont les joueurs sont invisibles.

Le sentiment d’inutilité et d’impuissance dans ce monde en recherche de performance, de rentabilité et de profits financiers, sans pitié pour les plus vulnérables, s’empare de ceux qui aspirent à plus de beau, de bon et de bien.

Le monde du travail et de non travail, la cellule familiale sont percutés par des ondes de choc invisibles et puissantes.

Le suicide, s’il est un acte individuel par excellence, s’adresse pourtant aux autres. il s’impulse au terme d’une crise provoquée par un faisceau d’éléments déstabilisants, eux-mêmes l’expression de crises. Quelle est la part des causes exogènes sur l’individu en désespérance qui en vient à se supprimer pour mettre fin à sa souffrance ?

Les statistiques et les connaissances scientifiques sur le sujet sont actuellement partielles. Cette carence est reconnue par les pouvoirs publics mais d’autres priorités semblent prendre le pas sur la nécessité d’améliorer la connaissance dans ce domaine. il en est de même d’une volonté politique pour mettre en œuvre un ensemble de mesures qui viseraient à diminuer le nombre de suicides ou de tentatives de suicides en France et plus généralement, le mal-être.

Pourtant, la réalité est celle-ci : s’il y a un souci permanent de la part des pouvoirs publics de diminuer le nombre de morts, toutes causes confondues (accidents de la route, cancer, maladies infectieuses, virales, etc.) le suicide semble rester une préoccupation mineure. si le nombre de morts par suicide est en diminution depuis quelques 15 ans / 16 ans, le nombre de tentatives de suicides et les manifestations de mal-être semblent en augmentation.

La prévention du suicide n’est devenue une priorité de santé publique que dans un passé récent, en 1998 par décision du ministre de la santé de l’époque, sous l’impulsion de l’UNPS.

Un premier Plan national de Prévention du suicide, d’une durée quinquennale, est élaboré en 2000. Puis, un rapport rédigé par un Comité de Pilotage sous la présidence du Pr David LE BRETON, sociologue, anthropologue à l’Université de Strasbourg, a été remis en mars 2009 à la ministre de la santé, madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN, proposant un
certain nombre de mesures.

L’annonce d’une stratégie nationale d’actions face au suicide devrait être faite le 5 février 2011 à l’occasion du colloque organisé par l’UNPS à PARIS. Ce que nous savons actuellement du contenu de ce plan permet d’espérer une mobilisation interministérielle, condition sine qua none pour la réussite d’un tel projet.

Le pré-projet qui nous a été présenté en mai 2010 repose sur 5 axes :
- L’amélioration des connaissances (études et recherche),
- Le développement d’informations et de communications en direction du grand public avec notamment la sensibilisation des journalistes,
- La sensibilisation et la formation des professionnels,
- Le développement d’actions de prévention et de postvention,
- L’amélioration de la prise en charge des suicidants. tous les âges de la vie et les populations spécifiques sont pris en compte avec leurs risques particuliers. L’entourage est également pris en considération ainsi que tous les lieux de vie. Ce plan, tant attendu, serait donc une réponse majeure au mal-être profond ressenti par bon nombre de personnes dans le contexte sociétal en crise que nous vivons depuis quelques années. mais pour autant, il resterait bien insuffisant s’il n’était pas impulsé par une véritable volonté politique de changer profondément les mentalités et les rouages de fonctionnement
qui contribuent à porter atteinte à la dignité humaine et à provoquer la souffrance.

Alors que la défense de l’environnement, la défense des animaux sont des combats reconnus et adoptés par tous, celui de la protection de l’être humain ne semble pas être appréhendé dans toute sa dimension. Car enfin, n’y a-t-il pas plus grande richesse que celle de la vie d’un homme ?

Dans une période de crises, il est d’autant plus indispensable d’avoir le souci constant de préserver cette richesse.Replacer l’humain au cœur de toutes les préoccupations serait une grande avancée en termes de progrès de l’humanité. C’est ce que l’UNPS souhaite.

Le label «Grande Cause nationale» pour la prévention du suicide, que nous solliciterons pour 2012, constituerait un message fort pour créer un nouvel élan et une prise de conscience collective que la vie est le bien le plus précieux.

THÉRÈSE HANNIER. Présidente de l’UNPS
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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