Une nouvelle guerre contre les pauvres ? - Partie 2

Stéphane Stapinsky

L'ANALYSE

Une vision moralisatrice de la pauvreté

J'ai voulu, dans la première partie de cet article, exposer une réalité qui me rend perplexe: alors que nous ne sommes pas encore sortis de la crise économique, et qu'on devrait donc s'attendre à avoir les uns pour les autres davantage de compassion, l'attitude envers les plus démunis est, au contraire, plus dure que jamais.

En décrivant, dans cette première partie, un durcissement des politiques relatives à la protection sociale dans un certain nombre de pays, j’ai souligné le fait que certaines de celles-ci étaient dictées par des considérations d'ordre moral bien particulières : celles, qui, par exemple, visent les familles monoparentales, les obèses ou les toxicomanes.

 L’aspect moralisateur des politiques actuelles en est une des dimensions essentielles. Tant en France et au Royaume-Uni, qu’en Amérique du Nord, l’emphase est mise sur la responsabilisation du sans-emploi et de l’assisté. Cette approche, bien sûr, cherche à contrebalancer la vision déterministe, qui prévaut souvent dans le milieu des sciences sociales: l'individu comme victime absolue de forces extérieures (ou de ses penchants incontrôlables) qui le déresponsabilisent totalement.

 On peut estimer que ce rééquilbrage en faveur d’une éthique de la responsabilité est plein de bon sens. Malheureusement, lorsqu’on examine le discours et les politiques mises en œuvre par ceux qui s’en réclament, cette volonté de responsabilisation conduit, dans les faits, à un autre excès, qui est tout juste l’opposé de la victimisation. On met en effet de l’avant l’idée que l’individu est totalement, entièrement responsable de son sort. S’il faillit, c’est qu’il est coupable, lui, d’une manière ou d’une autre, c’est de sa faute. Il y a en quelque sorte un bouclage de l’individu sur lui-même, avec ses faiblesses, ses lacunes, ses mauvaises décisions, ses complaisances, bouclage qui explique tout. Dans cette optique, les politiques jugées trop généreuses de l’État-providence ne font qu’encourager ces complaisance. Si l’invididu est coupable de son état, si sa pauvreté résulte de ses mauvais choix et de ses erreurs, et s’il ne cherche pas à s’amender, à s’améliorer, eh bien, on n’a pas à l’aider.

 Une telle façon de voir me paraît bien commode. Elle sent un peu trop la bien-pensance. Elle rend en tout cas possibles certains dénis de réalité, comme l’a bien mis en évidence Galbraith. Elle fait passer très loin à l’arrière-plan les inégalités structurelles qui expliquent AUSSI l’existence de la pauvreté dans nos sociétés. 

On peut dire la même chose de l’approche développée par le Centre of Social Justice, think thank britannique conservateur fondé par l’actuel ministre du Travail et des Pensions, Iain Duncan Smith, avant d’être recruté par David Cameron pour mettre en œuvre une réforme de la sécurité sociale et de l’assistanat. La pauvreté, selon cette approche, n’est pas seulement une question d’inégalité de revenu, mais elle est liée à bien d’autres problèmes (toxicomanie, famille éclatée, etc.) qu’il faut prendre en charge. C’est juste. Mais la question du revenu est TOUT AUSSI importante que ces autres aspects. On a un peu l’impression que les dirigeants de cette institution veulent noyer le poisson, qu’ils insistent tant sur ces distinctions parce qu’ils ne souhaitent pas que soit mise à l’agenda cette question cruciale des inégalités extrêmes de revenu et de richesse dans le pays. C’est d’ailleurs exactement l’approche que préconise le ministre Smith dans les politiques qu’il met en œuvre, en s'inspirant, par exemple dans sa lutte contre l'alcoolisme, de la philosophie des A.A.

Iain Duncan Smith, ministre britannique du Travail et des Pensions et principal architecte de la réforme de l'État-providence présentement en cours au Royaume-Uni

Source : Ministère britannique du Travail et des Pensions


 Par ailleurs, n’y a-t-il pas une certaine contradiction dans le discours de ceux qui prônent la responsabilisation de l’assisté tout en insistant en même temps sur sa déchéance complète, sur sa dégradation tant morale, psychologique que physique, en raison de l’état de dépendance dans lequel l’aurait placé l’État providence. S’il est à ce point au fond de l’abîme, s’il est à ce point dans la déchéance, comment peut-on même envisager qu’il puisse exercer sa liberté et s’en sortir de sa seule initiative?

C’est ce qui explique peut-être que tous ces grands appels à la responsabilité et à la liberté se fassent alors même qu’on met en place des politiques qui sont caractérisées avant tout par leurs aspect coercitif et même punitif? « Mais il semble que nous soyons devenus une nation de « juges lyncheurs » et les procès que nous intentons, où l’on est « coupable jusqu’à preuve du contraire », sont en train de faire passer la justice du moyen âge pour un des sommets de la civilisation » (1)

 Le caractère extrême de certaines mesures me semble dépasser le côté « donnant-donnant » qui est souvent mis de l’avant par les tenants des réformes. L’idée que l’assisté doive fournir quelque chose en retour de l’argent qu’il reçoit peut se défendre. Mais il y a certaines limites à respecter. Parce qu’on lui donne une prestation ne justifie pas qu’on ait par le fait même tous les droits sur lui, qu’on puisse s’introduire dans sa vie privée comme bon nous semble. On l’a vu, en plus de toutes les tracasseries administratives habituelles, il semble qu’on puisse maintenant, en certains pays, forcer le bénéficiaire de l'aide gouvernementale passer au détecteur de mensonge afin de prouver son honnêteté, ou qu’on puisse vérifier par des moyens électroniques qu’il fait bien ses exercices et n’achète pas de produits nocifs pour sa santé. Où cela arrêtera-t-il? En vérité, dans nos sociétés si soucieuses, au niveau du discours, des droits de l’homme, un obèse ou un toxicomane pauvres, par exemple, ont objectivement moins de droits qu’un obèse et un toxicomane aisés ou riches. C’est un fait.

Certains « réformateurs » prétendent agir pour le bien des pauvres. Le répubicain Paul Ryan, par exemple, qui met souvent de l’avant sa foi catholique et soutient que le fait de réduire les prestations des pauvres va réellement les aider, en les faisant sortir de leur état de dépendance. C’est une vue bien théorique qui, si elle était valable, ne donnerait des résultats qu’à très long terme. Sortir quelqu’un de la dépendance ne se fait pas en le privant simplement d’un chèque. Tout ce qu’on fait, c’est de le placer dans une situation où il ne pourra être préoccupé que de sa seule survie immédiate, et non par son perfectionnement. On lui coupe les ailes avant même qu’il puisse essayer de s’envoler. Ce n’est assurément pas en agissant de la sorte qu’on aidera le pauvre ou l’assisté à prendre sa place dans la société, à jouer un rôle utile, à vivre éventuellement des fruits de son travail.

Le fond de la question, c’est que, comme le répétait souvent le père Joseph Wresinksi, fondateur d’ATD Quart Monde, dans nos sociétés, on n’écoute JAMAIS le pauvre. On le juge impitoyablement, on décide de tout pour lui, sans le consulter. Et surtout sans l’aimer. 

 On fait cela souvent, souvent sans avoir même connu dans sa vie le moindre épisode de pauvreté ou de misère semblable à ce qu’il vit et qui nous permettrait une réelle empathie. Comme l'ai dit fort justement le pape François : « (…) on ne peut parler de pauvreté sans avoir d’expérience avec les pauvres. (…) L’expérience des pauvres. On ne peut pas parler de pauvreté abstraite, ça n’existe pas. La pauvreté est la chair de Jésus pauvre, de cet enfant qui a faim, de celui qui est malade, des structures sociales injustes. Il faut y voir la chair de Jésus. » (2) 

Dans un autre ordre d’idée, ce qui m’a frappé, dans la dernière réforme de l’aide sociale au Québec, c’est qu’elle a été annoncée par une simple mention dans la Gazette officielle du parlement. C’est presque par hasard que certains députés se sont aperçus des changements législatifs proposés « en catimini » (dixit Le Devoir) par la ministre Maltais. Imaginons qu’on ait plutôt modifié une loi affectant les médecins ou le milieu des affaires. Une consultation aurait certes eu lieu avec les principaux intéressés; le moment venu, on aurait annoncé une conférence de presse, à laquelle auraient été conviés les représentants d’organisations officielles ou d’ordre professionnels. Dans le cas des assistés sociaux, en vérité, ils n’étaient même pas assez importants pour qu’on leur annonce en personne les nouvelles mesures les concernant. Je pense que le manque d’égards manifesté à leur endroit par le gouvernement (et ce n'est pas une question partisane, l'administration libérale antérieure avait fait de même), traduit très bien ce que pense d’eux la société dans son ensemble. En un sens, l’inconscient aura parlé (3)

On me permettra, pour conclure la présente section, de mettre sur le papier ces quelques notes concernant les « standards » de moralité dans nos sociétés. Quand on examine le discours tenu à l’endroit des sans-emploi et des assistés sociaux, on voit bien qu’il y un « double standard ».

 Nous vivons dans des sociétés où chacun recherche son intérêt maximal. Par exemple, pour ce qui est du travail, la plupart des gens vont choisir, parmi les activités ou les emplois qui leur seraient offerts, ceux qui vont leur apporter le plus d’avantages (salaire, vacances, etc.). Ils lèveront le nez sur les emplois qui leur proposeront de moins bonnes conditions, n’hésiteront pas à « trahir » un employeur pour aller vers un autre qui leur conviendrait mieux. Ce sont les règles du jeu. Et tout le monde trouve cela normal. 

 Pourtant, quand il s'agit des chômeurs et des assistés, on s’indignera du fait qu’ils refusent un travail qui leur est proposé, du fait qu'il n'acceptent pas de s’engager, le sourire aux lèvres,  dans les voies sans issue qu’on leur présente bien souvent, ou qu’ils refusent d'embrasser avec plaisir des programme de formation bidon. On dira alors qu’ils ne veulent pas travailler, qu’ils sont paresseux, etc. C’est comme si les règles de fonctionnement de nos sociétés ne s’appliquaient pas à eux, du simple fait que celles-ci leur versent une prestation. Ce qui, si on y pense bien, n’est pas très loin d’une sorte de prostitution morale. On veut qu’ils soient comme des chiens savants qui lèvent la patte quand on leur présente un biscuit.

 On attend des pauvres qu’ils pratiquent une sorte d’idéalisme, de perfection morale, dont la très grande majorité des gens sont incapables. J’oserais dire que nous n’avons même pas, à l’égard de nos élites, politiques et économiques, des attentes de perfection aussi élevées que celles que nous avons vis-à-vis les sans-emploi et les assistés sociaux. L'idée, par exemple, qu'à des responsabilités et une richesse plus grandes, corresponde un plus grand sens de responsabilités, est une idée qui nous est devenue définitivement étrangère. Nous pouvons le constater tous les jours depuis la dernière crise. Et je suis d’avis qu’une société qui a plus d'exigences morales envers ses pauvres qu'envers ses élites est une société qui a de très sérieux problèmes.

 Le retour du « bon pauvre » et du « mauvais pauvre »

Dans un tel contexte de moralisation de la pauvreté, on ne s’étonnera pas du fait que la dichotomie traditionnelle « bon pauvre » / « mauvais pauvre » fassent un retour en force – si tant est qu'elle ait jamais réellement disparu. Elle occupe même une place centrale
 dans la vision qui préside à l'élaboration des nouvelles politiques.en Angleterre, ainsi que nous le verrons. Selon cette vision des choses, la pauvreté devient en quelque sorte un attribut de la personne. Bien des penseurs sociaux, au XXe siècle, l’ont combattue, défendant plutôt l’idée que la pauvreté n’est pas une catégorie définissant la personne mais bien une condition que chacun est susceptible de vivre à un moment ou à un autre de sa vie.  

 Qu’entend-on par « bon pauvre » et « mauvais pauvre » (en anglais : « deserving » et « undeserving poor »). Il s’agit d’une conception que d’aucuns vont retracer jusque dans la Bible et la théologie chrétienne. Sur un plan plus historique, en Angleterre, on la voit apparaître dans les premières législations sur la pauvreté à l’époque élizabétaine. Elle fait aussi un retour en force à l’époque victorienne, dans les lois sur les pauvres et dans l’univers de la charité. «Les asiles locaux et les « poorhouses » distinguaient, avec de grandes variations suivant les institutions et un large pouvoir discrétionnaire administratif de celles-ci, les « bons pauvres », comme les aveugles, les sourds, les malades mentaux et, éventuellement, les orphelins, des « mauvais pauvres », qui incluaient tous les autres indigents, y compris les enfants ayant une famille. » (4) Dans Pygmalion, George Bernard Shaw a écrit une scène qui élabore sur cette distinction (5). Mais on la retrouve aussi en France, à l’époque révolutionnaire (6). 

Chômeurs aux États-Unis à l'époque de la Grande Dépression (année 1930)

Source : U.S. Department of Interior


 Et, même si elle n’est pas toujours formellement exprimée, cette dichotomie a continué à exister, de manière implicite; je pense même qu’elle est sous-jacente à plusieurs de nos politiques, y compris au Québec et au Canada. (Par exemple, dans la loi québécoise sur l’aide sociale, la répartition des prestataires entre ceux qui sont « aptes au travail » et ceux qui sont « inaptes », ne recouvre-t-elle pas implicitement cette distinction? La catégorie d’assistés la plus stigmatisée par les médias populistes québécois est de fait celle des « aptes au travail », qui sont présentées, dans les médias populistes, comme des paresseux, des profiteurs, des parasites; l’autre catégorie d'assistés sociaux est relativement épargnée, car on estime malgré tout qu’ils ont des raisons valables d’être aidés.)

Ce qui est dit dans le passage qui suit, à propos des Etats-Unis, peut être observé, dans une large mesure, dans d’autres pays : « Les Américains se sont de tout temps demandé si les pauvres étaient dignes de recevoir une aide publique. Bien sûr, la plupart des gens ne posent pas le problème en ces termes, car cela peut leur sembler cruel ou, à tout le moins, inapproprié. Mais cette question est présente dans le discours public à chaque fois que des propositions de réforme de l’aide sociale sont présentées au Congrès, ou qu’une augmentation des prestations pour le logement est à l'agenda législatif. Est-ce que les bénéficiaires de cette assistance la méritent vraiment? En vaut-elle le coût du point de vue des contribuables? Est-ce que le filet de sécurité sociale aident véritablement ceux qui sont dans le besoin, ou les rend-il plutôt dépendant d’une forme d’aide gouvermentale qui étouffe leur motivation et détruit leur capacité à prendre soin d’eux-mêmes? » (7) 

De cette dichtomie du « bon pauvre » et du « mauvais pauvre », le père Joseph Wresinski a dit l’essentiel :

« Dans une telle conception, à laquelle d’ailleurs nul n’échappe entièrement, il ne peut être question d’accuser la pauvreté en tant que telle. Nous nous indignerons plutôt que telle catégorie se voit obligée de l’assumer. Pour telle autre, nous dirons qu’elle est méritée.

Le bon pauvre, c’est aujourd’hui sans doute l’ouvrier, le vieillard, le réfugié et avant tout, l’affamé des continents moins développés. D’autres, travailleurs instables peut-être ou sortant de prison, familles errantes, nous sont encore par trop répugnants. Ce sont de mauvais pauvres : ils ne méritent, ni ne désirent, autre chose. En somme, les vraies dimensions de la pauvreté et de la souffrance ne leur sont pas encore reconnues. » (8)

Le bon pauvre, c’est le pauvre « officiel », celui qui reçoit la bénédiction de la société qui accepte de l’aider. C’est en principe celui qui n’est pas responsable de son état : le handicapé, l’enfant, la personne âgée, le chômeur qui a perdu son emploi parce que son usine a été délocalisée, etc. C’est aussi le chômeur, l’assisté qui peut démontrer qu’il fait des efforts sérieux pour s’en sortir, pour se trouver du travail. C’est aussi celui qui ne travaille pas mais qui s’occupe d’un parent âgé ou malade. Ce peut être enfin le pauvre qui est au loin, dans un pays sous-développé, victime de la sécheresse ou des conséquences d'un tsunami. On aime le bon pauvre, et on le défend. On s’identifie aisément à lui, car on estime, au fond, être soi-même « bon ».

Sur internet, où le sujet fait beaucoup jaser, surtout dans le monde anglo-saxon, chacun y va de sa défintion du bon pauvre. C'est généralement l'occasion de « moraliser » sur le sujet. En voici deux exemples :

« Les bons pauvres (des membres de la classe ouvrière qui vivent dans la pauvreté, ou très près, ou un peu au-dessus du seuil de pauvreté) sont les plus souvent aux prises avec un manque d’opportunités sur le plan du travail ou un manque de possibilités, à coût raisonnable, en matière d’éducation. Les bons pauvres, ici, dans le comté de Hardin, sont, pour la plupart, des gens qui sont respectueux de la loi et qui désirent élever leur niveau de vie en travaillant dur. Leur situation malheureuse résulte du manque de volonté ou de l’incapacité de nos dirigeants locaux à créer des emplois ou à créer un environnement susceptible d’attirer des emplois dans le comté de Hardin. Nos bons pauvres, je vous prie de penser à eux comme des gens qui n’ont d’autre problème qu’un faible revenu, méritent beaucoup mieux que ce que nos entreprises et nos élus locaux leur ont donné. Je viens moi-même d'une famille à faible revenu d’ici et je sais que les gens comme eux sont la véritable épine dorsale de notre comté. Ce sont de braves gens qui prennent soin de leurs familles, obéissent aux lois, sont de bons amis et de bons voisins, et qui veulent ce qu’il y a de meilleur pour leurs enfants. Ce sont des individus qui réclament beaucoup pour eux, ils font leur service dans nos forces armées, ont un sens personnel de l’honneur, et ils vous donneraient leurs chemises si vous étiez dans le besoin. Ils veulent de meilleurs emplois et une éducation à coût abordable, et ils sont prêts à « se casser le cul » pour les obtenir. » (9).

Pour un autre internaute, les bons pauvres seraient ceux  « qui ne peuvent - et n'auraient pas pu -  prendre de mesures raisonnables pour éviter la pauvreté. (...) Des mesures raisonnables comme: travailler à temps plein, même si le meilleur emploi que vous pouvez obtenir n’est pas très amusant; dépenser votre argent pour de la nourriture et un abri, avant de vous procurer des cigarettes ou un abonnement de télévision par câble; utiliser la contraception si vous n’êtes pas en mesure de subvenir aux besoins d’un enfant. » (10)

Le mauvais pauvre, c’est celui auquel s’appliquent tous ces stéréotypes négatifs que l’on connaît, sur le plan physique comme sur le plan moral : le paresseux, le profiteur, mais aussi l’irresponsable, le lâche, mais aussi le délinquant, le toxicomane, l’itinérant. C’est celui qui est en premier lieu visé par les attaques des « réformateurs » de l’assistanat (on est habituellement plus tolérant, je l'ai dit, à l’égard du « bon » pauvre, de l’assisté méritant, même si les choses ne sont pas toujours aussi bien tranchée.) 

Le mauvais pauvre, c’est aussi l’ingrat qui ne témoigne pas de sa reconnaissance à ceux qui l’aident, ainsi que j’ai pu le lire sur quelques forums de discussion sur internet (11). C’est celui qui a des problèmes de comportement (peut-être a-t-il un maladie mentale et devrait-il être considéré comme un vrai malade, donc un « bon » pauvre?). Ce peut être celui qui ne sait pas gérer ses affaires et qui a fait faillite. Le « mauvais pauvre » est souvent jugé comme étant peu intelligent, stupide, manquant de discipline, inactif, passif. C’est celui qui ne prend pas soin de sa personne, qui est mal habillé et qui pue. La lecture d'un document produit par une association québécoise de défense des personnes assistées sociales, qui recense ces préjugés et bien d'autres encore, donne le vertige (12). C’est aussi ceux que présente, dans un chanson bien connue (« Les pauvres ») le chanteur québécois Plume Latraverse (13).C’est en somme un parasite dont on ne saurait que faire. Il a droit à notre mépris, et on ne se gêne pas pour le lui dire sur les lignes ouvertes ou sur certains sites internet (comme la page Facebook « Maudit BS », un triste exemple parmi bien d’autres) (14). 

 Celui que nous venons de décrire, c’est le mauvais pauvre « conventionnel », ou « traditionnel », si l’on peut dire. Celui qui, jusqu’ici, correspondait le plus souvent à la définition de l'assisté social, du sans-emploi non méritant. Toutefois, au cours des dernières années, la catégorie du « mauvais pauvre » a subi une certaine extension, à mesure que le processus de moralisation étendait son emprise. Le « mauvais pauvre », aujourd’hui, ce peut aussi être l’obèse qui ne fait pas les exercices que lui prescrit son médecin et le parent démuni dont les enfants échouent à l’école. Ce peut aussi être l’homme ou la femme célibataire qui élève un enfant, car les familles monoparentales sont dorénavant la bête noire de la droite conservatrice, soucieuse de faire la promotion des valeurs familiales traditionnelles, des deux côtés de l’Atlantique. 

Parallèlement à cet élargissement sémantique de la notion de « mauvais pauvre », on constate une restriction de plus en plus grande quant à ceux qui sont désormais perçus comme étant de bons pauvres. Jusqu’ici, le travailleur au chômage qui manifestait sa bonne volonté était épargné de cette épithète infamante. Mais au vu des politiques récentes, il semble que cela même soit en train de changer. De plus en plus, on prend pour acquis que lui aussi peut être un tricheur potentiel. C’est vrai, par exemple, avec la réforme canadienne de l’assurance-emploi. Ailleurs, on cherche à s’assurer que le candidat aux allocations de chômage n’est pas un toxicomane, ou qu’il ne fait pas de fausse déclaration. D’où l’utilisation de plus en plus fréquente du détecteur de mensonges, et la mise en place de tests de contrôle antidrogues, aux Etats-Unis et en Angleterre.

 En vérité, comme l’a fait remarquer un commentateur, dès qu’on commence à distinguer « bon » et « mauvais » pauvre, on peut s’attendre à ce que tout le monde, tout au tard, finisse par devenir suspect, par être traité comme un « mauvais pauvre » :  « Quelque chose ne tourne pas rond quand des distinctions «morales», telles que celles liées à la sexualité ou à l'éthique du travail, interfèrent avec l'aide qu’on doit accorder à tous ceux qui en ont besoin. Non seulement les pauvres sont-ils divisés selon des catégories morales, mais le processus même de la division affecte ceux-là même qui étaient jusque-là jugés méritants, en leur imposant des prescriptions en matière de comportement et en les soumettant à l’arbitraire des administrations et à la surveillance de l'Etat, des conditions qui ne seraient jamais imposées à d'autres citoyens. » (15) Ce n’est pas autre chose que dit Phil Mellows, à propos de la situation au Royaume-Uni, lorsqu’il écrit : « Mais un autre argument peut être avancé afin de démontrer le fait que Cameron ne visent pas seulement les mauvais pauvres mais les pauvres en général. » (16)

Le sort réservé aux personnes handicapées dans ce pays nous confirme malheureusement cette évolution. Traditionnellement vues comme faisant partie des « bons pauvres », celles-ci sont maintenant l’objet d’une suspicion croissante. Selon le ministre du Travail et des Pensions Iain Duncan Smith, « la hausse de 30 pour cent des demandes d’allocation de subsistance pour handicap (DLA) serait explicable par de la fraude dans le système, en dépit du fait que les chiffres de son ministère évaluent celle-ci à tout au plus 0,5 pour cent des demandes. » Sans surprise, « [u]ne réalité de plus en plus incontournable dans la rhétorique du gouvernement et des médias est la stigmatisation des personnes malades et handicapées qui reçoivent des prestations d'aide sociale (17).

Manifestation de personnes handicapées contre les réformes du gouvernement Cameron, au Royaume-Uni

Source : Parkinson's UK


Le gouvernement britannique procède donc à des contrôles très serrés, qui plongent dans le désarroi bon nombre de personnes handicapées, désespérées à l’idée que leur sort dépend de l’autorisation accordée ou non par un bureaucrate du gouvernement. On l’a déjà mentionné précédemment, des centaines de milliers de personnes handicapées, au Royaume-Uni, sont sous la menace de perdre leur prestation ou de la voir considérablement diminuée.

Il y aurait encore beaucoup à dire au sujet de cette distinction idéologique entre bon et mauvais pauvre. Je voudrais en terminant cette section évoquer les difficultés d'ordre pratique qu'il y aurait à mettre en oeuvre des politiques basées sur des critères de moralité lorsqu’il s’agit d’accorder un soutien à des personnes dans le besoin. Et aussi insister sur l'arbitraire du processus, si on ne s'en tient, comme c'est le cas aujourd'hui, qu'à des définitions simplistes.

Un extrait que j’ai cité plus haut rapporte une déclaration du premier ministre britannique : « David Cameron est intervenu la semaine dernière pour frapper alors que nous sommes à terre; il a dit en effet que les gens qui sont malades parce qu'ils boivent trop, mangent trop ou prennent le mauvais type de médicaments ne devrait pas obtenir de prestation d'incapacité parce que c'est de leur faute s’ils sont dans cet état. » (18)

 Un des éditeurs du site de nouvelles de la BBC, Mark Easton, a apporté un démenti cinglant à vue du chef conservateur. On me permettra de le citer in extenso

« (…) une fois que la société commence à introduire la notion de «faute» dans le débat sur l’aide sociale, le débat se place sur un terrain dangereux.

Et si le fait que soient rapportées toutes ces histoires sur des toxicomanes, des alcooliques et des personnes obèses bénéficiant d'un soutien de l'Etat, s’expliquait parce que certaines personnes les jugent "indignes" (« undeserving »). Qu'en serait-il, de leur point de vue, de ces autres personnes? :

* Le fumeur qui connaissait les risques et a développé un cancer du poumon
* Le non-fumeur qui vit avec un fumeur, en connaissance de cause, et qui développe un cancer du poumon
* Le cavalier qui connaissait les risques du sport et a subi une lésion cérébrale après une chute à cheval
* La vieille dame qui a ignoré les conseils de son médecin de supprimer son petit verre de sherry et qui a développé un diabète débilitant
* L'homme qui a négligé de suivre les conseils de santé et de sécurité et a été victime d’un accident de travail qui l’a rendu infirme
* Le conducteur qui a percuté un arbre après avoir bu trois verres de gin tonic et qui n'a jamais été en mesure de travailler à nouveau

 Mais soyons honnêtes: ce débat qui ne nous est que trop familier a pour but de fournir des munitions à ceux qui sont d’avis qu’il est possible d’adopter une posture morale quant à l’assistance sociale; à ceux qui estiment que l’on peut répartir les bénéficiaires potentiels des prestations d’aide sociale entre ceux qui sont méritants et ceux qui ne le sont pas. 

 Ce qui pose problème avec cet argument, c’est qu’il faudrait qu’il y ait une sorte d’«agent de la moralité» qui serait chargé de décider si l'incapacité est ou non une «faute» de l'individu. Qui pourrions-nous recruter pour ce poste? Quelles questions seraient alors posées aux gens? 

L'alcoolique que sa condition a fait passer de bon citoyen fonctionnel à personne dépendante de l’aide sociale – est-ce bien le rôle du gouvernement d’enquêter sur lui et de démontrer sa faute?

 Quelle position adopterons-nous si, au cours de cette enquête, nous découvrons que cette individu avait subi de graves sévices étant enfant, qui ont conduit à de graves problèmes de santé mentale, qui l’ont ensuite amené à boire? L'agresseur ne devrait-il pas être sanctionné plutôt que sa victime? Le commerçant qui a vendu un cidre peu coûteux à cet homme en sachant fort bien qu’il avait un problème d'alcool devrait-il lui aussi être puni? Qu'en serait-il des fabricants de boissons alcoolisées qui font de la publicité afin de vendre des produits à haute teneur en alcool à prix doux? Et les institutions et les hommes politiques qui ont failli à leur devoir de protéger cet enfant et qui soutiennent toujours l’industrie des boissons alcoolisés, ceux-là devraient-il porter eux aussi une part de responsabilité? » (19)

La dimension religieuse

Cette distinction entre le « bon pauvre » et le « mauvais pauvre » semble avoir des résonances bibliques. Est-ce bien le cas? Sauf erreur, elle ne se trouve pas textuellement dans la Bible. Il ne me semble pas que le Christ nous ait dit de choisir qui nous devoins doit aider, ceux qui sont méritants et ceux qui ne le sont pas. Mais beaucoup de croyants se réfèrent à cette dichotomie, puisant dans le livre sacré les passages qui leur conviennent. Un peu comme le faisait Margaret Thatcher, dans sa défense de l’esprit d’initiative et du libertarisme économique.

 Bien des chrétiens, catholiques comme protestants de diverses allégeances, en débattent sur internet et dans certaines publications, livres et revues, surtout dans le monde anglo-saxon. Les discussions autour d'un budget fédéral américain comportant, à l'initiative des Républicains, d’importantes coupes dans les mesures d’aide aux plus démunis, et tous les problèmes entourant le fameux « Séquestre » déjà évoqué, suscitent bien des prises de positions, y compris des simples fidèles. Beaucoup se demandent si ce budget d’inspiration conservatrice est ou non conforme à la doctrine chrétienne. Certains s’interrogent à savoir s’il faut aider tous les pauvres sans distinction? Les pauvres non méritants seraient-ils dans cette situation en raison de leurs péchés?

 Il ne faut donc pas penser que parce qu’on est chrétien, ou catholique, on sera nécessairement porté à appuyer une aide inconditonnelle aux pauvres, aux sans-emploi et aux chômeurs. Non. Certains chrétiens manifestent beaucoup d’intransigeance face à ceux qu’ils voient comme des profiteurs. Le clivage entre ceux qui acceptent la dichotomie du « bon » et du « mauvais » pauvre me paraît correspondre dans une très large mesure au clivage politique entre la droite et la gauche (aux Etats-Unis du moins), même s’il peut y avoir des exceptions. Les républicains chrétiens (comme Paul Ryan et Newt Gingrich) sont enclins à en justifier le bien-fondé, alors que ceux qui se réclament, par exemple, d’un catholicisme plus social, de gauche, vont avoir tendance à lui dénier toute pertinence.

C’est le cas de la théologienne américaine Meghan Clark, qui collabore régulièrement au site Catholic Moral Theology : « Au sein de notre discours public et de nos mœurs sociales implicites, il existe une tradition profondément ancrée consistant à juger les pauvres -- avant d'avoir droit à la compassion, à la charité, à la justice, ils doivent être vus comme "méritant" notre soutien social » (20)

 Mais, précise-t-elle, n’est-ce pas là la voie de la facilité. Le Christ ne nous demande pas, en effet, de n’aimer que ceux qui nous conviennent, que ceux qui sont « aimables » :  « Il est plus facile d’envoyer un message [d’invitation] et de se réunir autour de ceux qui sont considérés comme les « bons pauvres » (… ). L'option préférentielle pour les pauvres se présente comme un correctif austère au fait de mettre trop l'accent sur les besoins des personnes qu’il est facile d'aimer, avec qui il est facile de sympathiser, sur les personnes qu’il est facile d’inclure. Dieu est bon et ce sont des êtres humains. C'est vraiment aussi simple que cela -- ce qui signifie qu'en tant que chrétien, je suis appelé à répondre aux besoins humains fondamentaux de tous -- y compris le toxicomane et ceux qui en prison. Je ne peux pas perdre ma dignité humaine, même à travers des actions contraires à l'éthique et la morale (21). »

 « Would you deny Jesus food stamps? », pose-t-elle enfin comme question aux Républicains de son pays qui soutiennent les mesures contre l’aide aux plus pauvres. De fait, si le Christ revenait sur Terre aujourd’hui, on peut se demander s’il obtiendrait une prestation d’aide sociale. Il vivait une vie d’itinérance, fréquentait des gens assez peu recommandables – des prostituées, des gens appartenant à des minorités ethniques, etc. Il ne travaillait pas et ne cherchait pas d’emploi. Il menait une vie oisive, en buvant du vin avec ses amis. Ne serait-il pas vu, selon les critères mis de l’avant aujourd’hui, comme l’exemple parfait du « mauvais pauvre »?

Une campagne politique d'une ampleur sans précédent contre le «mauvais pauvre» au Royaume-Uni

Nous nous pencherons, dans cette section, sur le cas du Royaume-Uni, car il nous permettra de montrer comment une dichotomie comme celle du « bon pauvre » et du « mauvais pauvre », dichotomie chargée d’idéologie et porteuse d’exclusion sociale, peut, en raison de sa diffusion par un appareil politique et par des médias ayant un parti pris « anti-assistés sociaux », influer sur l’opinion publique et modifier sa perception afin qu’elle appuie le gouvernement dans les politiques qu’il met en œuvre.

 Dans le cas qui nous occupe, on peut parler d’un véritable matraquage médiatique. Comme nous le verrons, à chaque intervention qu’ils faisaient publiquement, les membre du gouvernement Cameron en profitaient pour entrer dans la tête des gens l'équation entre assistés et profiteurs, et pour souligner la faillite généralisée de l’État-providence. Même le chef de la gauche travailliste, Ed Miliband, a été « contaminé » et fait usage des mêmes termes, comme en fait foi son discours tant attendu sur le "welfare", prononcé début juin. Certains médias, dont les fameux tabloids anglais (le Daily Mail et le Sun, notamment) ont entrepris une véritable campagne de dénonciation des abus de l’assistanat au quotidien, en mettant l’accent sur les cas de personnes en particulier qui ont été prises à frauder ou qui bénéficient, aux yeux de la rédaction du journal, de privilèges indus. Tout ce déballage médiatique entretient un climat nauséabond.

La journaliste Zoe Williams, du Guardian, a raison d’écrire, à propos de la rhétorique du « bon » et du « mauvais pauvre » utilisée par le gouvernement : « Mais le fait important n'est pas que les politiciens l’ait utilisée, ni que les gens qui n’y ont pas vraiment réfléchi y croient. Le fait est que cette dichotomie s'est infiltrée si profondément, si rapidement, dans la conscience nationale comme une idée significative que ceux-là mêmes qui sont stigmatisés par elle -- les gens qui savent qu'ils sont au chômage en raison des circonstances et non par choix -- sentent que leur vie est jugée par rapport à un étalon imaginaire. »

Dans le discours des membres de la coalition, l’opposition entre « bon » et « mauvais pauvres » prend la forme de celle des « strivers » et des « shirkers », des mots d’argot communs en Angleterre. Les « strivers », ce sont ceux qui travaillent dur, qui déploient beaucoup d’efforts pour avancer. On les associe aussi aux « hard working families », aux « hard working people » (les familles et les gens « qui travaillent dur »). Les « shirkers », ce sont les fainéants, ceux qui fuient tout travail et toute responsabilité. Pour désigner ces derniers, on emploie aussi le terme « skivers ». Le mot « scrounger », qu’on peut traduire par « parasite », fait aussi partie de cette constellation de termes infâmants dirigés contre les « mauvais » assistés sociaux.

« Tout juste après être entré en fonction, David Cameron a justifié l’ampleur de la réduction des dépenses publiques en affirmant que le gouvernement ne pouvait pas réduire le déficit "en ne mettant à contribution que les seuls riches et les seuls assistés sociaux parasites". » (23) Avec le choix de ces mots, le ton était donné. Pour sa part, le chancelier de l’Échiquier, George Osborne, aime bien comparer le travailleur qui quitte pour son quart, qui quitte sa maison alors que le jour ne s’est pas encore levé, avec son voisin irresponsable, qui, derrière les stores fermés, dort profondément en jouissant de sa vie sur l’aide sociale (24). 

"Et ils ont cru qu'ils ne se seraient jamais fait prendre. L'an dernier, nous avons attrapé 56 493 voleurs de prestations"

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Source : Ministère britannique du Travail et des Pensions


Pour John Redwood, un collègue de M. Osborne au Parlement, « alors que, pour les pauvres, devenir riche est une affaire de chance et qu’il pensent y arriver par les jeux de hasard, les honnêtes « strivers » de sa circonscription de Wokingham sont trop affairés à bosser dur pour se faire une honnête revenu pour perdre leur temps à jouer » (25).

Voulant discréditer le régime de prestations de l’État, qu’il juge bien trop généreux, le ministre Iain Duncan Smith, responsable du Travail et des Pensions, a suscité la controverse en prétendant qu’il n’aurait aucune difficulté à vivre correctement avec 53 livres sterling par semaine, soit le montant maximal d’une prestation d’aide de dernier recours pour une personne seule. Cette déclaration a suscité la colère de bien des opposants à ses réformes, qui l’ont mis au défi de joindre l’action à la parole (26). Une pétition a même été mise en ligne pour inviter le ministre à prouver ses dires (27), ce qu'il n'a jamais bien sûr chercher à faire...

Toujours à l’affût d’un bon « truc » pour aider le gouvernement Cameron, le très sensationnaliste Daily Mail a tout de suite donné raison au ministre, en invoquant l’exemple d’une enseignante désargentée qui aurait survécu pendant un an avec seulement £ 1 par jour en poche. « La frugale Kath Kelly, 51 ans, s’est alimentée dans des buffets gratuits, a magasiné dans des bazars d’église et a grappillé les restes laissés à la rue par les épiceries et les restaurants. Elle s’est aussi nourrie de fruits cueillis sur des buissons et des arbres et a amassé un beau pécule de £ 117 en menue monnaie échappée par les passants sur la voie publique – soit un tiers de son budget annuel. » (28)

Le plus ironique, dans tout cette affaire, c’est que, si cette dame n’était pas venue à la rescousse du ministre Smith, le Daily Mail aurait sans doute, dans un autre type de reportage, tourné en ridicule sa vie en la présentant comme celle d’une parasite, d’une pauvre, qui vit comme une bête, en fouillant dans les poubelles des commerces et en profitant des offres gratuites pour vivre aux crochets des honnêtes travailleurs.

On pourrait donner ici des dizaines d’autres exemples de discours et d’interventions où ces expressions, ou de semblables, ont été employées, louant les uns et stigmatisant les autres. Il ne sera pas utile de le faire. Ce qui importe, par contre, c’est de bien comprendre qu’il s’agit d’une stratégie en bonne et due forme appliquée par le gouvernement depuis les débuts de son administrations afin de mener à bon terme son projet de réduction de la taille de l’État.

Il faut y insister. Cette utilisation de la rhétorique des « strivers » et des « shirkers » s’inscrit dans une véritable campagne dont le but ultime est d’obtenir l’adhésion de la population aux réformes en cours. Et le gouvernement y réussit.

Zoe William a identifié quelques-unes des étapes du plan gouvernemental. 

 En premier lieu, il s’agit de modifier certains termes. « Tout d'abord, (...) il y eut un effort concerté visant à remplacer l’expression «sécurité sociale» par celle d’ «bien-être social ». Personne n'a décrit plus élégamment cette transformation que la baronne Hollis, lors d'un débat à la Chambre des Lords en 2011: «Jusqu'à tout récemment, lorsque nous présentions un projet de loi comme celui-ci, ce n'aurait pas été un projet de loi de réforme de l'aide sociale, ç’aurait été un projet de loi sur la sécurité sociale; la différence entre la sécurité sociale et l’aide sociale est précisément la différence entre le droit et la stigmatisation ". » (29)

 Il faut ensuite trouver une façon de « démoniser » les bénéficiaires de l’aide sociale, d’en faire les boucs-émissaires de la population en général. Pour ce faire, «Vous devez également créer une distinction entre ceux que vous approuvez et ceux que vous désapprouvez. (...) Personnellement, je suis d’avis que Iain Duncan Smith a été le député qui a travaillé le plus activement au développement d’une classe de parias - les bénéficiaires de prestations qui adorent vivre de leurs prestations, qui se moquent de votre bêtise à payer pour eux, qui détestent le travail comme le diable et aiment le diable presque autant que leurs téléviseurs de 57 pouces. Une grande partie de ces affirmations est pure rhétorique – par exemple l’expression « generations of worklessness » (générations de personnes d’une même famille qu’on n’ont jamais travaillé) a une connotation congénitale, qui laisse entendre que certaines personnes sont tout simplement nées pires que d’autres – mais un plus grand nombre de ces propos tient de la désinformation délibérée. » (30) C’est ici que la rhétorique des des « strivers » et des « shirkers » prend tout son sens.

 Enfin, il faut insuffler à l’opinion publique une dernière chose, à savoir l’idée que ces gens, si différents du reste de la population, ces sans-emploi et ces assistés, ces paresseux et ces parasites, sont aussi pour une bonne part des profiteurs et des tricheurs, sinon des fraudeurs : «A partir de là, il était assez facile d’attribuer au prestataire de l’aide sociale la connotation de « malhonnêteté », puisqu’une personne trop paresseuse pour travailler aurait fort probablement mis en place des stratégies pour éviter d’avoir à le faire, dont certaines ne pourraient qu’avoir été malhonnêtes. Le mot « tricherie » est maintenant si naturellement associé à celui de « prestations » qu’ils forment maintenant, ensemble, un seul et unique concept. S’il existe des gens qui demandent des prestations mais ne trichent pas, ce n’est sûrement qu'une question de temps pour qu’ils le fassent. » (31)

 Et jusqu’ici, comme je l’ai dit, la stratégie du gouvernement lui réussit. La quasi-totalité de la population soutient le gouvernement dans sa dénonciation des profiteurs de l’aide sociale. Les deux-tiers d’entre elle appuient ses réformes, selon un sondage publié en avril. Selon un autre sondage réalisé en début d’année, seuls 15% des gens croient que les prestations des sans-emploi devraient être augmentées malgré le contexte économique très difficile.

Mais tous ne sont pas aussi enthousiastes que les partisans du gouvernement au fait de diviser la population entre « strivers » et « shirkers ». Une certaine gauche, qui s’exprime notamment dans The Guardian, voit dans l’utilisation de cette rhétorique une forme de « pollution » des esprits. Parmi d’autres critiques, moins militante, on trouve celle-ci, qui estime que cette dichotomie popularisée par la coalition est porteuse d’une vision idéologique : celle du capitalisme triomphant, de l’ultralibéralisme qui veut faire de nous des être assoiffés d’argent et d’avancement, des êtres jamais rassasiés : 

 « Le potrait des "strivers" peut être assez juste. Il y a certainement bien des gens qui correspondent à cette description. Pourtant, le contraste établi entre "strivers" et  "shirkers", quoique justifiable, présente une fausse image de la société. Un grand nombre de personnes ne sont ni l’un ni l’autre. Ils font leur travail consciencieusement, mais ils peuvent n’avoir aucun désir de promotion. Ils sont artisans ou boutiquiers, ont d'autres petits commerces qu’ils n’ont aucune envie de faire croître. Ils travaillent dans des magasins et des usines, des banques, des écoles et des hôpitaux. Ils sont agriculteurs ou médecins, commis de bureau, chauffeurs d’autobus, facteurs ou travailleurs manuels. Ils sont contents de leur sort dans la vie, sont heureux d’accomplir leur tâche, mais ne sont pas tiraillé par le désir d’être autre chose et plus que ce qu'ils sont. La mobilité sociale ne les concerne pas. Ils s'occupent de leur famille et de leurs amis, s’engagent dans leur travail et dans des activités communautaires, au sein de clubs sportifs locaux ou de sociétés de théâtre amateur, prennent soin de leur jardin ou jouent au golf. Ils ne peuvent pas être appelés "strivers" et ils ne sont certainement pas des "shirkers", mais ils appartiennent à toutes les classes sociales, ont foi en la décence et dans un bon comportement, se retrouvent partout dans la société, et constituent en effet la plus grande partie de l'électorat. » (32) 

La responsabilité des médias

La pauvreté « simple », « banale » quotidienne n’intéresse pas les médias. Elle n’intéresse pas grand monde d’ailleurs. Mais le pauvre qui est pris à tricher, le pauvre qui a des « privilèges » auxquels il ne devrait pas avoir droit, c’est tout autre chose.

Les médias populistes l’ont compris. Les tristement célèbres tabloids anglais (Daily Mail, Daily Express, parmi plusieurs autres), feuilles à scandales, à mise en page et à contenu sensationalistes, ont pris la tête de la croisade contre l’État providence et ce qu’ils voient comme ses excès. Certains accusent même le gouvernement anglais de les stimuler à faire leur basse besogne (33) 

Tout est prétexte, dans ces journaux, à critiquer les privilèges du système en place. A chaque jour, on présente des cas, des histoires de vie d’assistés ou de chômeurs, le plus souvent tricheurs, profiteurs, fraudeurs, qu’on veille à présenter sous leur plus mauvais jour, même par les photos qu’on en publie. Ces médias alimentent, dans la population, un sentiment de haine dirigé contre les sans-emploi et les assistés qui sont présentés comme des êtres dégérés. Ce sont habituellement ceux que nous avons décrit comme les « mauvais pauvres » qui sont pris à partie, mais la distinction est-elle si claire…?

 Le « biais » anti-assisté atteint dans ces publications un rare fanatisme. Survient un événement. Si un des personnages impliqués est un assisté social, eh bien!, l’emphase sera mise sur cet assisté et sur la preuve de la faillite du système que sa mauvaise action confirme. Prenons un exemple fictif. On rapporterait une attaque à main armée dans une commerce. Si le coupable se révèle être un sans-emploi, ce n’est plus d’un simple vol qu’il s’agit, c’est la confirmation de la dépravation des mœurs des chômeurs, qui est une conséquences de la dépendance dans laquelle les place l’État-providence. 

J’ai préparé, pour le lecteur, un florilège de quelques titres d’articles parus dans ces journaux :

 « Should jobless spongers have their benefits cut? » (« Les sans-emploi parasites devraient-ils voir leur prestation supprimée » , demande à ses lecteurs le Daily Express du 11 juin dernier. 

Le même jour, le journal évoque avec ironie le cas d’une femme assistée : « Don't cut my £32k benefits: Jobless mum of 7 says she CAN'T live on £2,000 a month welfare ».(« Ne coupez pas mes prestations de 32 000 livres : une mère de sept enfants, sans-emploi, affirme qu’elle est INCAPABLE de vivre avec un montant de 2000 livres par mois versé par l’aide sociale ») (34)

Dans le Liverpool Daily Post, du 22 juillet 2008 : « Benefits cheat had £46,000 in bank » (« Un fraudeur de l’aide sociale avait 46 000 livres sterling en banque »).

Dans le Daily Mail du 19 janvier 2013 : « Mother-of-two who posed as struggling single parent to claim £30,000 exposed as benefits cheat when she posted pictures of Cyprus wedding on Facebook » (« Un mère de deux enfants, qui prétendait être un parent célibataire travaillant dur afin de les élever et qui recevait pour cette raison des prestations d’un montant de 30 000 livres, était en fait une fraudeuse qui a été trahie par les photos prises lors de son mariage à Chypre, photos mise en ligne sur son compte Facebook »).

Et l’on pourrait continuer à l’infini.

 Un fait divers sordide et meurtrier, survenu en 2012, et qui s’est conclu cette année en avril, devant la justice, au moment même où entraient en vigueur les réformes de l’aide sociale, était taillé sur mesure pour les tabloids anglais, car il réunissait, dans une seule personne, tout ce qu’ils haїssent et dénoncent jour après jour. Il s’agit de l’ « affaire Mick Philpott ». Rappelons brièvement les faits. Philpott, père de 17 enfants (!) avait planifié en 2012, avec son épouse et un de leurs amis, l'incendie de sa maison, un logement social de deux étages, à Derby, dans le centre de l'Angleterre. Ils voulaient faire porter la responsabilité de l’acte sur l'ancienne maîtresse de Philpott, qui avait quitté la maison quelques mois plus tôt avec ses cinq enfants, dont quatre nés de sa relation avec lui. Il semble que l'une des motivations de Philpott ait été d'acquérir un logement social plus grand ou d'obtenir le retour des enfants qu'il avait eus avec sa maîtresse. 

 Mais le scénario ne s’est pas déroulé comme prévu, et les six enfants qui dormaient dans la maison périrent dans l’incendie. La police avait salué, lors des événements, la «tentative courageuse» de Philpott de sauver les bambins dans l’immeuble en flamme. Mais, par la suite, ayant des soupçons, elle mit le trio sur écoute et découvrit le pot-au-rose. Philpott fut condamné, au début d’avril, à la prison à perpétuité. Son épouse et l’ami complice ont, eux, écopé d'une peine de 17 ans de prison (dont 8 ans et demi fermes).

Les tabloids se sont bien sûr déchaînés sur le personnage, qu’on a présenté comme une personnalité « diabolique ». Le 2 avril, le Daily Post s’exclamait, à la une : « Vile product of Welfare UK » (L’ignoble produit de l’État-providence du Royaume-Uni). Assisté social, chômeur, incendiaire, « meurtrier », délinquant récidiviste, fraudeur, père d’un très grand nombre d’enfants, à la tête d’une famille dysfonctionnelle, dépravé (il avait vécu en ménage à trois avec sa femme et sa maîtresse pendant 10 ans), menteur né, profiteur jusqu’au bout (« Mick Philpott a tenté d'abuser de la générosité de citoyens qui avaient récolté des fonds pour payer les obsèques des enfants. Il avait demandé que l'argent restant lui soit versé sous forme de bons d'achat (…) (35)) Le personnage n’avait certes pas de quoi susciter la sympathie des gens. Mais la presse à sensation a centré ses reportages sur le fait qu’il était un assisté, dont le geste horrible constituait la preuve de la dégénérescence morale du système. Un homme financièrement à l’aise et apparemment bien intégré qui aurait commis pareille abomination aurait certes été condamné aussi sévèrement par l’opinion publique, mais il aurait avant tout été jugé sur son crime, et non pas sur son statut social.

Si le presse jaune britannique joue assurément un rôle dans la radicalisation de l’opinion publique du pays à l’égard du système de protection sociale, dans chacun des pays que nous avons considérés, une certaine presse écrite, ainsi que des médias électroniques, n’hésitent jamais à jeter de l’huile sur le feu.

Au Québec, certaines stations de radio régionales exploitent depuis longtemps le filon de la détestation de l’assisé social et du sans-emploi. Des chaînes de télé aussi, et certains animateurs en particulier, que nous ne nommerons pas afin qu’ils n’en tirent pas un motif supplémentaire de fierté. Chacun à leur façon, ces médias et ces animateurs contribuent à nourrir les préjugés de la population envers les plus démunis qui sont le plus souvent présentés, ici aussi, comme des fainéants et des paresseux qui gaspillent les taxes des bons citoyens qui « travaillent dur ».

 Depuis le début des années 2000, des séries télévisées, des deux côtés de l’Atlantique, mettent en scène des personnages appartenant aux classes populaires et même des assistés sociaux. Au Québec, la série « Les Bougon » a suscité la controverse. Les associations représentants les assistés sociaux étaient très inquiets de sa diffusion. L’avenir leur a donné raison, malgré les dénégations des auteurs de la série qui ont toujours affirmé ne pas vouloir ridiculiser les plus démunis. Je pense qu’ils sont sincères mais ils ont été très naїfs en pensant que la présentation la série ne nuirait pas, à plus long terme, à l’image des plus pauvres dans notre société. Certains auteurs, comme Jean-Philippe Trottier, qui collabore à cette encyclopédie, ont proposé des analyses subtiles des Bougon (36). Toutefois, ce que la majorité du public en a retenu, c’est une lecture au premier degré, qui confortait leurs préjugés les plus simplistes. Le jugement de Pierre Côté, fondateur de l’Indice relatif du bonheur et participant à la série documentaire-réalité « Naufragés des villes », me semble parfaitement justifié : « La dévastatrice série « Les Bougon » diffusée de 2004 à 2006 à la SRC. Une honte à mes yeux. Une série qui (…) a contribué à cristalliser l’opinion des gens et les préjugés que l’on entretient vis-à-vis des prestataires de l’aide sociale. Les retombées négatives d’une telle série sont incalculables, mais nettement plus importantes et néfastes que les malheureux dollars ramassés les mardis soirs. Facile de faire rire en exploitant les travers des plus démunis. Nettement plus long, difficile et coûteux de modifier des perceptions, d’atténuer des préjugés. » (37) D’ailleurs, au Québec, les expressions « un Bougon », « des Bougon », sont passées dans la langue de tous les jours pour désigner un assisté social malhonnête et profiteur du système.

 Dans le monde anglo-saxon, un série comme « Shameless », dans ses deux versions américaine et britanniques, pourrait recevoir le même genre de commentaires dans la mesure où elle flatte dans le sens du poil les préjugés du téléspectateur moyen.


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 En prenant toujours l’exemple anglais, dirions-nous que les médias « grand public » de ce pays, en apportant leur soutien à la réforme mise en œuvre par le gouvernement de coalition, ont pu jouer un rôle déterminant dans le changement de perceptions de l'État providence survenu depuis quelques années? Oui, je pense qu’ils ont joué un rôle important d’amplification, mais il faut prendre garde à voir dans le parallélisme entre l’intensification de leur action et le durcissement de l’opinion publique un rapport de cause à effet. Les médias n’ont pas créé le sentiment présent dans l’opinion publique, ils l’ont simplement nourri.. Si la campagne entreprise par les médias a assurément amené certains électeurs à modifier leur position en la matière, des commentateurs, comme Daniel Sage, du site Inequalities, nous apprennent qu’un changement plus profond dans l’opinion publique britannique, sur la question de la protection sociale, était déjà en cours sous le règne de Tony Blair (1997-2007): 

« Quand Tony Blair a été élu chef du Parti travailliste [1994], 55,1% des gens étaient d’avis que les prestations d’aide sociale étaient trop faibles; au moment où il devait quitter ses fonctions [2007], cette proportion n'était plus que de 22,7%. Certes, nous pouvons dire que ce n'est pas en raison de l'introduction de prestations plus généreuses pour les chômeurs.

 En outre, les données BSA montre une conviction croissante du public que les chômeurs ont une forte responsabilité personnelle et sont peut-être même coupable de leur situation. Il y a eu une augmentation de plus de 30 pour cent de ceux qui croient que les chômeurs pourraient trouver un emploi "s'ils le voulaient vraiment», une plus petite mais néanmoins toujours importante augmentation de ceux qui sont d'accord avec le fait qu'un grand nombre de gens obtiennent des prestations sans y avoir droit . Plus largement, entre 1986 et 2006, il y a eu une augmentation de 10% des gens partageant l’idée que les pauvres le sont en raison de leur «paresse» et d'un «manque de volonté». (...) 

Cependant, la transformation généralisée et profonde dans la façon dont les gens expliquent l'inactivité professionnelle – en mettant l’emphase sur la culpabilité personnelle – laissent croire à un changement d'attitude qui ne peut être expliqué par la seule croissance économique. » (38)

 Sage est d'avis que les messages politiques véhiculés par les Travaillistes alors qu’ils étaient au pouvoir, expliquent ce revirement de l’opinion publique : 

 « A ce sujet, nous pourrions émettre l'hypothèse que certains des messages politiques centraux du New Labour – tels que le slogan «Droits et responsabilités» et «Le travail pour ceux qui le peuvent » -- ont fait en sorte de modifier grandement la perception que l’opinion publique a des demandeurs de prestations en âge de travailler. Comme le dit Tom Sefton du LSE : "Consciemment ou non, la manière dont les gouvernement parlent des problèmes sociaux et présentent leurs politiques peuvent au fil du temps façonner la manière dont les gens se représentent les choses." » (39)

 On peut aussi se demander s’il n’y aura pas aussi une autre transformation, dans la manière de voir les choses des populations, qui expliquerait cette attitude plus dure des opinions publiques dans différents pays, et non pas seulment en Angleterre. Il semble aujourd’hui que la majorité des gens soit plus sensible au fait qu’il devrait y avoir une sorte de réciprocité entre ce que reçoivent les sans-emploi et les assistés sociaux et le reste de la société. Comme le fait ressortir, pour le cas anglais, une étude de la Fondation Joseph Rowntree sur les perceptions relatives aux inégalités sociales (40), l'hostilité de beaucoup de gens à leur endroit paraît s’expliquer par le fait qu'ils ont l'impression que les assistés sociaux et les sans-emploi refusent de contribuer à la société, dans le présent et même dans l’avenir, donc qu’ils brisent une sorte de contrat moral, où le don doit être suivi d'un contre-don. (Cette lecture des choses me paraît mal fondée. On peut bien espérer que les assistés contribuent d’une certaine façon. Encore faut-il qu’ils soient vraiment en mesure de donner quelque chose, ce dont je ne suis pas sûr. Peut-on sérieusement exiger quelque chose de semblable de gens qui sont le plus souvent dans une situation de survie?) Quoi qu’il en soit, cette façon de voir les choses, que met en évidence l’étude britannique, on la retrouve assurément ailleurs dans le monde au sein des populations. Je crois la reconnaître au Canada et au Québec. Elle peut-être bien plus profondément enracinée qu’on le croit. Il faudrait un jour creuser cette piste.  

L’infra-humanisation

Avec les médias à caractère sensationaliste comme les tabloids anglais, on atteint le fond d’un abîme moral. Il ne faut donc pas se surprendre de ce que certains analystes croient déceler, dans les représentations que l’on se fait des assistés sociaux et des sans-emploi en Angleterre, une dévalorisation extrême. S’appuyant sur les travaux des chercheurs Jacque-Philippe Leyens et Stephanie Demoulin, rattachés à l’Université de Louvain, ils introduisent, pour l’expliquer, le concept d’« infra-humanisation », qui a surtout été utilisé jusqu’ici pour décrire les perceptions réciproques des groupes ethniques.

Pour Robert de Vries, « research fellow » en sociologie à l’université d’Oxford, le concept d’infra-humanisation se rapproche de celui, plus familier, de déshumanisation. Il s’agit en quelque sorte d’une version « adoucie » de celle-ci. Dans le cas de l’infra-humanisation, on ne nie pas le caractère, l’essence fondamentalement humaine d’un autre être. Non, il s’agit plutôt de nier, en lui, une certaine subtilité, une certaine complexité, qui sont pourtant le propre de notre espèce. «Plus précisément, alors que les gens trouvent qu'il est facile d’imaginer que ces autres personnes [i.e. les assistés] ressentent des émotions «de base», comme la colère, le plaisir ou la tristesse, ils ont du mal à imaginer qu’ils éprouvent des sentiments plus complexes, comme la crainte, l'espoir, la mélancolie ou l’admiration. C'est une idée très importante - si les gens se voient refuser la même vie intérieure riche et subtile que celle que nous avons, alors il est facile de les voir souffrir et de ne rien faire. Après tout, ils ne ressentent pas vraiment les choses de la même façon que nous. (41) »

Le même auteur rapporte l’existence d’une recherche en neuroscience et en sociologie, à l’Université de Princeton, qui démontrerait «que les groupes à qui l’on est le plus susceptible de refuser la possiblité d’éprouver des émotions complexes, sont ceux ayant un statut social peu élevé, qui sont à la fois détestés et méprisés (comme les toxicomanes et les sans-abri). C'est un qualificatif qui peut clairement s’appliquer aux assistés sociaux. » (42)

 Serait-il exagéré de dire que de refuser à certains personnes le droit d’avoir des émotions aussi riches, aussi complexes que les nôtres, n’est-ce pas, d’une certaine façon, les rabaisser à l’animalité. C'est un peu comme si on les considérait comme des bêtes, non pas comme des êtres humains à part entière. Prenons un animal domestique, un chat par exemple. On va reconnaître qu'il peut éprouver de la colère, du plaisir, une certaine tristesse. Des émotions simples, de base. Mais guère plus. 

 Réfléchissant sur les réformes en cours en Angleterre, Zoe Williams fait cette observation des plus pertinentes : «Les gens attribuent parfois le fait qu’ait été adopté le terme "welfare" ("aide sociale", "bien-être social") comme une preuve de l’influence américaine; cet "américanisme" aurait été conçu pour véhiculer une partie du sens de la synecdoque grinçante grâce à laquelle le nom d’un programme de soutien gouvernemental américain est vu comme un raccourci pour désigner la personne assistée. Je pense qu’il s’agit aussi d’une tentative visant à déshumaniser les assistés sociaux – en effet, nous n'avons jamais utilisé le terme « welfaire » (« bien-être ») à propos des être humains, mais le mot a été d’un usage courant au Royaume-Uni, pour aussi longtemps que je me souvienne, pour parler des animaux. Recevoir des prestations d’aide sociale de l’État devient ainsi implicitement quelque chose qui a une connotation de passivité, de stupidité, une chose pitoyable. Vous ne rechignez pas nécessairement à accorder aux animaux leur « welfare » (« bien-être »), mais vous ne voudriez assurément pas vous prendre pour l'un d'eux. » (43)

 Lorsque Zoe Williams parle d’une « synecdoque grâce à laquelle le nom d’un programme de soutien gouvernemental est vu comme un raccourci pour désigner la personne assistée », je suis immédiatement ramené au Québec. J'ai toujours trouvé en effet assez effrayant qu’ici, dans la langue familière, on désignât les assistés sociaux comme des "BS", et même des "maudits BS", comme s'il était nécessaire d'ajouter, à leur misère, une malédiction de plus. Désigner des personnes du nom du prograeffectivement, comme le soutient Mme Williams, la forme la plus perfide de déshumanisation. Une déshumanisation par abstraction.

Je ne peux finir cette section sans évoquer un article paru quelques semaines sur le blogue du sociologue Mathieu Bock-Côté (44). Ce dernier y faisait état, avec la plus grande indignation, d’une vidéo tournée par un jeune homme et diffusée sur internet, dans laquelle on le voyait tabasser lâchement un assisté social sans défense. L’agresseur insultait sa victime, en lui rappelant qu’il n’était rien qu’un déchet humain. Cette vidéo m’a bien sûr rappelé cette scène du film American Psycho, dans laquelle on voit le personnage principal, un yuppie psychopathe, assassiner dans une ruelle un itinérant, après lui avoir dit combien il était répugnant. Une matérialisation de la dialectique hégélienne du maître et de l'esclave, du bourreau et de sa victime, ainsi que le suggérait Bock-Côté. N’est-ce pas là ce à quoi risque de conduire l’infra-humanisation?

Pourquoi tant de haine contre les pauvres et les assistés sociaux?

 Jusqu’ici, nous avons pu constater que les gouvernement d’un certain nombre de pays occidentaux avait mis en œuvre des réformes des politiques de protection sociale, allant dans le sens d’une restriction plus grande du soutien aux plus démunis. En cela, bon nombre d’enquêtes nous révèlent qu’ils sont généralement suivis majoritairement par l’opinion publique de ces pays. Dans les débats qui ont lieu au moment de ces réformes, on constate une hostilité de bien des gens à l’égard des sans-emploi et des assistés sociaux. Le rôle des médias – journaux, radio, télé – pour amplifier ce sentiment négatif, est certes primordial. Mais il n’explique pas tout. Surtout, il ne crée pas ce sentiment. 

Ce qu’il importe de comprendre et d’expliquer, c’est non seulement la nature de cette hostilité, de cette haine même, mais surtout son incroyable intensité, qui est perceptible à quiconque connaît personnellement des chômeurs et des assistés sociaux, et à quiconque fréquente internet, la presse qui y est publiée mais aussi les blogues, les forums de discussion, les réactions des simples lecteurs ou internautes. Pour ce qui est du Québec, une recherche rapide montre l’existence de plusieurs forums de discussion dont la préoccupation centrale est la stigmatisation du « BS ». On en trouve encore plus dans le monde anglo-saxon, où les esprits hargneux semblent avoir moins d’inhibition à livrer le fond de leurs pensées. 

 L’intensité de cette haine à l'endroit des « mauvais pauvres », des chômeurs et des assistés qui sont vus comme profitant du système.me rend toujours perplexe. Après tout, il y a bien d'autres gens qui profitent dudit système (par exemple, les hommes d'affaires qui se livrent à la corruption (cf. commission Charbonneau), ou les fraudeurs du fisc, et ces deux catégories de tricheurs coûtent bien plus cher à l'État que tous les fraudeurs du système d'assistance sociale), mais on n'a pas l'impression d'une haine si féroce, si "personnelle", comme dans le cas des autres.

 Dans certaines sociétés, comme les Etats-Unis, on valorise beaucoup le « self help » et la dépendance envers l’État est vue depuis toujours comme quelque chose de très négatif. Bien souvent, les Américains, même s’ils sont dans la pire des situations, vont plutôt tenter de s’en sortir seuls, sans aide extérieure. Surtout sans aide gouvernementale. Cette mentalité est profondément ancrée dans les mentalités de l'Amérique profonde. Sans doute explique-t-elle bien des mauvais jugements à l’égard des assistés mais elle ne me semble pas expliquer l’intensité de la haine à leur endroit. 

 J’ai aussi évoqué plus haut une étude anglaise qui révèle que la majorité des gens sont d’avis que les assistés sociaux et les sans-emploi ne jouent pas le jeu du « donnant-donnant ». Encore là, cette perception pourrait expliquer une certaine hostilité à leur endroit mais pas la haine viscérale que beaucoup éprouvent.

 Je pense que l’explication de ce niveau incroyable de haine est à trouver dans un rapport entre les classes sociales, rapport qui, à mon sens, est instrumentalisé par les classes possédantes qui en comprennent très bien la dynamique. « Ceux qui ont de gros capitaux savent s’organiser mais, en bas de la structure sociale, c’est la division, avec des antagonismes qui se nouent, la frange inférieure des classes moyennes considérant avec méfiance les classes populaires, lesquelles dénoncent ceux qu’elles appellent les "assistés" » (45).

 Une chose est frappante : on déteste d'autant plus les assistés sociaux "parasites" qu’on est à peine plus « riche » qu’eux et qu'on est soi-même en lutte pour sa survie (le contexte de la crise économique trouve ici son importance). Comme l’écrit le visiteur d’un blogue à caractère économique: « la crainte de tomber au bas de l’échelle peut conduire à l’admiration de ceux qui sont au haut de l’échelle, au mépris de ceux qui sont au bas. » (46) Sur un des forums de discussion "Anti-BS" que j’évoquais plus haut, un de ceux, parmi les participants, qui étaient le plus dur, en s’en prenant à la paresse des assistés sociaux, disait être « emballeur » dans un grand magasin d’alimentation. On ressent d'autant plus ce qu’on perçoit comme les « privilèges » des assistés qu'on surnage juste un peu au-dessus d'eux.

« C’est un mécanisme redoutable que décrit là Marx. Il indique que la richesse est toujours relative. Que l’on ne mesure pas sa richesse par rapport aux gens les plus fortunés ou les plus démunis. Les extrêmes sont trop lointains et inaccessibles. C’est par rapport aux proches que l’on mesure sa position. Même ceux qui ne cherchent pas forcément à participer à cette course à la réussite sociale sont pris dans ses filets. Car ils éprouveront tout de même un sentiment de déclassement s’ils restent stables alors que les proches – collègues, amis ou parents – progressent de leur côté. (...) Ces différences parfois minimes sont ressenties de façon plus sensible que les grandes inégalités sociales de revenus entre riches et pauvres (47)..

« La mise en cause des aides sociales, (…) du parasitisme social, ne sont-ils pas des épouvantails commodes, conduisant les pauvres à s’en prendre aux pauvres ? Plus grande est la peur du déclassement, plus grande la haine contre ceux qui donnent l’image d’une chute prochaine ou d’un lent déclin. La réalité des riches est quant à elle bien plus lointaine... et elle a au moins l’avantage d’offir des rêves pour occuper les nuits et les jeux. » (48)

 Les groupes dirigeants et les classes économiquement supérieures sont très au fait de cette dynanique des classes sociales. Cet auteur d’un blogue de politique britannique a bien cerné les intentions de ces classes supérieures et le rôle instrumental que jouent les hommes politiques à leur côté : 

 « C'est une politique brutale faite par des gens qui n’auront jamais à jeter un regard en direction de ceux qui survivent avec des prestations, et qui pratiquent leur jeu habituel consistant à «diviser pour régner», avec ceux qui sont à des niveaux de rémunération inférieurs et moyens, afin de distraire leur attention de ceux qui au sommet de l'échelle des «nantis», eux y compris. (...)

 La politique de l'envie est facile, mais elle est ignoble. En encourageant la population à envier ceux qui ont moins, plutôt que ceux qui ont davantage, ils (c'est-à-dire la classe des politiciens) détournent notre attention des véritables batailles que nous devons livrer. (49) »

Aux Etats-Unis, cette stratégie est bien connue : «Mais les attaques contre l’assistance sociale sont une vieille posture des Républicains; si la classe moyenne vous soupçonne de ne pas en faire partie, rappelez-lui que son ressentiment doit être dirigé vers ceux qui sont en bas, et non vers ceux qui sont en haut. Ses véritable ennemi sont les pauvres, et ceux qui les cajolent. » (50)

 La discours haineux contre les assistés et les sans-emploi parasites, instrumentalisé par les classes supérieures de nos sociétés afin que les classes moyennes (et, dans certains pays, les classes populaires), s’en prennent à eux, n’est qu’un « discours écran » -- comme il existe, dans les paradis fiscaux, des sociétés écrans. Il est là pour dissimuler autre chose, pour détourner l’attention. Et pourquoi les classes possédantes cherchent-elles tant aujourd’hui à détourner l'attention des classes moyennes? Pour qu'on ne discute pas, au sein de la société, des sources des inégalités sociales croissantes. Pour qu'on ne pense pas trop non plus à ce déclassement qui commence à les affecter sérieusement. Pour qu'on évite aussi d'aborder trop sérieusement le sujet de l'évasion fiscale généralisée, qui est la vraie source de l'appauvrissement des finances publiques, on le voit bien aujourd'hui. – et non pas les dépenses de la protection sociale, si élevées soient-elles. Et ça marche. Dans l'étude anglaise déjà citée, on dit fort justement que la majorité des gens sont plus indulgents envers les fraudeurs fiscaux qu'envers les assistés parce qu'on estime que les premiers font tout de même quelque chose d'utile en travaillant (51). Par ailleurs, je vous le demande, qui critique aujourd'hui l'évasion fiscale sur la place publique? La gauche, essentiellement la gauche. Ce ne me semble pas être du tout une préoccupation de monsieur et madame tout le monde.
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A ceux qui éprouvent de l’hostilité envers les assistés sociaux et les sans-emploi, je dirais : « Arrêtez-vous et réfléchissez un peu. Vous vous trompez de cible. Vous faites partie d’une immense pièce de théâtre où l’on vous fait jouer un rôle que vous ne voulez pas en fait jouer. Votre haine, ce n’est pas contre de plus pauvres que vous que vous devez la diriger. Non. Si votre haine doit servir à quelque chose, c’est à exiger, de ceux d’en haut, des réformes bien réelles, qui apporteront, pour une fois, de vraies solutions aux problèmes de l’humanité. »

 Robert Saletti a observé, avec beaucoup de justesse, que « le mauvais pauvre, il est vrai, est l'ennemi intime du libéralisme. » (52) Une raison supplémentaire de la haine qu’on éprouve pour les assisté sociaux ne serait-elle pas au fond qu’on leur reproche d’avoir compris bien avant nous que l'emploi et le salaire qu'on retire au bout de nos longues journées, ne sont plus « un facteur d’enrichissement individuel mais une variable d’ajustement nécessaire à [notre] employeur pour rester compétitif jusqu'à temps qu'il [nous] jette » (53), d’avoir compris en somme la faillite morale de notre système économique?

Notes

(1) James Bloodworth, « Hounslow foodbank rejects undeserving poor », Left Foot Forrward, 4 juin 2013 - http://www.leftfootforward.org/2013/06/hounslow-foodbank-rejects-undeserving-poor/
Traduction libre du passage suivant : « But it seems we have become a nation of “hanging judges” whose trials by guilty-until-proven-innocent moralising make medieval judicial practices look civilised. »
(2) « "J'essaie de devenir un peu plus pauvre" - Dialogue entre le pape et les jeunes des écoles jésuites », Zenit, 7 juin 2013 - http://www.zenit.org/fr/articles/j-essaie-de-devenir-un-peu-plus-pauvre
  (3) L’inconscient parle également en d’autres circonstances. Nos lecteurs québécois auront sans doute rempli leur déclaration de revenu au cours des dernières semaines. L’examen de la section de ladite déclaration consacrée aux sources de revenu des particuliers fait ressortir un fait intéressant. Dans l’énumération des différents revenus susceptibles d’être déclarés au fisc, les prestations d’aide de dernier recours ne viennent qu'en avant-dernière place, tout juste avant les « autres revenus », ceux qui n’appartiennent à aucune des catégories énoncées. Tout en haut trônent les revenus « de travail », ce qui correspond bien à la valoration de celui-ci dans nos sociétés. Au milieu, sont mentionnées les allocations de chômage et les pensions pour les personnes âgées; c’est normalement à cet endroit qu’on aurait pensé trouver les prestations d’assistance sociale. Mais non, elles figurent tout au bas de la « hiérarchie » des revenus.
(4) Decades of Distortion (PublicEye.Org) - http://www.publiceye.org/welfare/Decades-of-Distortion-01.html
Traduction libre du passage suivant :  « Local asylums or poorhouses separated the deserving poor, such as the blind, deaf, insane, and eventually the orphaned, from the undeserving, comprising all other paupers including children in families, with wide variation and broad local administrative discretion. »
(5) Voir par exemple : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1993_num_23_80_6220
(6) On peut trouver ici cet extrait, tiré de Pygmalion, dans l’édition de New York, Brentano's, 1916 - http://www.monologuearchive.com/s/shaw_006.html
(7) The Undeserving Poor? (Editorial), Forward – The Jewish Daily, 21 juin 2012 - http://forward.com/articles/158169/the-undeserving-poor
 Traduction libre du passage suivant : « Americans have long debated whether the poor are worthy of our help. Most people don’t put it that way, of course, because it seems cruel or, at very the least, inappropriate. But the question flows through the public discourse whenever proposals for reforming public welfare come before Congress, or an extension of housing benefits is on the legislative agenda. Do the recipients of such aid deserve it? Is it worth the cost to taxpayers? Does the safety net help those who truly are in need, or does it shackle them to the kind of government assistance that stifles motivation and derails self-sufficiency? »
(8) Joseph Wresinski, « La place du pauvre dans la pensée ». Reproduit dans la Revue Quart Monde, no 165, février 1998/1
(9) Deserving Poor VS Undeserving Poor – Savannah Forum. Intervention d’un certain Observer, 14 décembre 2012 - http://www.topix.com/forum/city/savannah-tn/TS42LLPDM1U2IARC5 - Traduction libre du passage suivant : « The deserving poor (working class people living at or near or a bit above the poverity line) most often are saddled with lack of opportunity or lack of affordable education. The deserving poor here in Hardin County are, for the most part, hard working people who are law abiding and desire to elevate their standard of living. Their unfortunate situation stems from the lack of will or ability of our local government leaders to create jobs or to create the environment to attract jobs to Hardin County. Our deserving poor, please read that as low income, deserve much better than what our businesses and local elected officials have provided. I come from a low income family here and know that people similar are the true backbone of our county. Good people who take care of their families, obey the laws, are good friends and neighbors, and who want better for their children. They are individuals that don't ask for much, serve in our military, have personal honor, and would give you the shirt off their backs. They want better jobs and affordable education and are willing to bust their asses to get it. »

(10) Jacob Epstein, « How Deserving Are the Poor? », 2 février 2012 - http://jacobepstein.tumblr.com/post/16926373894/how-deserving-are-the-poor  - Traduction libre du passage suivant : « who can’t take - and couldn’t have taken - reasonable steps to avoid poverty. (…) Reasonable steps like: Work full-time, even if the best job you can get isn’t fun; spend your money on food and shelter before you get cigarettes or cable t.v.; use contraception if you can’t afford a child. »

 (11) Ceux qui font ce type de reproches ont en fait assez peu réfléchi aux « paradoxe de la charité », selon l’expression d’Avishai Margalit, auteur de La société décente. George Orwell, qui avait vécu dans des « lodging houses », avait noté que les vagabonds se montraient cruels envers les gens qui les nourrissaient. « L’homme à qui l’on fait la charité, nourrit, quasi invariablement, une haine féroce à l’égard de son bienfaiteur – c’est une constante de la nature humaine. » (Dans la dèche à Paris et à Londres). Selon Thibault Saint-Just, « les vagabonds se vengeraient ainsi comme d’avoir subi une humiliation ». Nous somme redevables à cet auteur des informations contenues dans cette note. Voir Thibault Saint-Just, « George Orwell : La common decency, un essai sur le don (9/11) », Enquête & Débat, 5 septembre 2012 - http://www.enquete-debat.fr/archives/george-orwell-la-common-decency-un-essai-sur-le-don-911-65887
 (12) Marc-André Deniger, Le B. S., mythes et réalités. Guide de conscientisation – 2e édition – Conseil canadien de développement social / Front commun des personnes assistées sociales, 2012. Voir en particulier la section consacrée aux préjugés à l’endroit des assistés sociaux. On peut le télécharger ici au format PDF : http://www.fcpasq.qc.ca/doc/bs.mythes_et_r%e9alit%e9s_%e9dition2012/bsmythes%20et%20r%e9alit%e9s-r%e9%e9dition%20012.pdf
(13) Voir le site YouTube : http://www.youtube.com/watch?v=syzxtqlyne4
(14) Voir : https://www.facebook.com/pages/maudit-BS/160826797305548
(15) Noah Zatz, « Poverty Unmodified?: Critical Reflections on the Deserving/Undeserving Distinction », UCLA Law Review, vol. 50, 2012  - Traduction libre du passage suivant : « Something is amiss when “moral” distinctions, such as those related to sexuality or the work ethic, interfere with assisting all those in need. Not only are the poor divided along moral lines, but the very process of division marks even those ultimately deemed deserving, subjecting them to behavioral conditions, administrative discretion, and state surveillance that never would be inflicted on other citizens. » 
(16) Phil Mellows, The politics of drinking, 25 avril 2011 - http://www.philmellows.com/PhilMellows_Diary_25_04_11.htm
Traduction libre du passage suivant : « But there’s a further point that can be made to expose the fact that Cameron’s target is not merely the undeserving but poor people in general. »
(17) Kayleigh Garthwaite, « Fearing the brown envelope: sickness benefits and welfare reform », New Statesman, 2 novembre 2012 - http://www.newstatesman.com/economics-blog/2012/11/fearing-brown-envelope-sickness-benefits-and-welfare-reform
Traduction libre des passages suivants : « (…) the 30 per cent rise for claims for Disability Living Allowance (DLA) was a result of fraud in the system, despite the fact that official DWP figures estimate fraud is a mere 0.5 per cent. » ET « An increasingly unavoidable occurrence within government rhetoric and the media is the labelling of sick and disabled people who are receiving welfare benefits. »
(18) Phil Mellows, op. cit. Traduction libre du passage suivant : « David Cameron stepped up last week to slap us when we’re down, saying people who are sick because they drink too much, eat too much or take the wrong sort of drugs shouldn’t get incapacity benefit because it’s all their fault. »
(19) Moral welfare. Mark Easton’ UK, BBC News, 21 avril 2011 - http://www.bbc.co.uk/blogs/thereporters/markeaston/2011/04/moral_welfare.html
Traduction libre du passage suivant : « One can understand why the question is asked but once society starts introducing the idea of "fault" into the issue of welfare, the debate enters dangerous territory.

Let us assume that the reason for all these stories about drug addicts, alcoholics and obesity sufferers receiving state support is that some people regard them as "undeserving": what about these people?

The smoker who knew the risks and developed lung cancer
The non-smoker who lived with a smoker, knew the risks and developed lung cancer
The horse-rider who knew the risks of the sport and suffered brain injury after a fall
The spinster who ignored her doctor's advice to lay off the sweet sherry and developed debilitating diabetes
The man whose refusal to follow health and safety advice resulted in a disabling industrial accident
The driver who crashed into a tree after three gin and tonics and was never able to work again

But let's be honest: this familiar debate is really about providing ammunition for those who insist it is possible to take a moral stance on welfare; that we can divide up potential recipients in terms of deserving and undeserving.

The trouble with this argument is that it would necessitate some kind of "morality officer" charged with deciding whether incapacity was the "fault" of the individual. Who would we recruit for this job? What questions would be asked?

The alcoholic whose condition has led them from well-functioning citizen to welfare-dependency - is it the role of government to investigate the case and apportion blame?

What if it emerged that the individual had suffered serious child abuse which had led to severe mental health problems which in turn had led to the bottle? Should the abuser face sanction rather than the abused? Should the retailer who sold the cheap cider knowing the customer had a drink problem? What about the drinks company promoting sales of high-strength low-cost booze? And do the institutions and politicians who failed to protect the abused child and supported the drinks industry shoulder any responsibility? »

(20) Meghan Clark, « The Overwhelming Desire to Connect Wealth and Holiness: Primordial Social Sin? », Catholic Moral Theology, 4 septembre 2011 - http://catholicmoraltheology.com/the-overwhelming-desire-to-connect-wealth-and-holiness-primordial-social-sin/
Traduction libre du passage suivant : « Within our public discourse and our unspoken social mores, there is a deep tradition of judging the poor – before being entitled to our compassion, charity, or justice the poor must be found “deserving” of social support. »
(21) Meghan Clark, « An Option that’s not Optional: The Preferential Option for the Poor », Catholic Moral Theology, 7 avril 2013 - http://catholicmoraltheology.com/an-option-thats-not-optional-the-preferential-option-for-the-poor/
Traduction libre du passage suivant :  « It is easier to message and rally around those considered the deserving poor (…). The option for the poor stands as a stark corrective to placing too much emphasis on the needs of those it is easy to love, easy to empathize with, easy to include. God is good and they are human. It really is that simple – that means that as a Christian I am called to attend to the basic human needs of everyone – including the addict and those in prison. I cannot relinquish my human dignity even through unethical and immoral actions. »
(22) Zoe Williams, « Skivers v strivers: the argument that pollutes people's minds », The Guardian, 9 janvier 2013 - http://www.guardian.co.uk/politics/2013/jan/09/skivers-v-strivers-argument-pollutes
Traduction libre du passage suivant : « But the point is not that politicians spout it, nor that people who haven't given it any thought believe it. The point is that it has seeped so far, so fast, into the national consciousness as a meaningful idea that the very people vilified by it – the people who know they are unemployed by circumstance and not by choice – feel their lives judged against its fictional benchmarks. »
(23) Juliette Jowit, « Strivers v shirkers: the language of the welfare debate », The Guardian, 8 janvier 2013 - http://www.guardian.co.uk/politics/2013/jan/08/strivers-shirkers-language-welfare
Traduction libre du passage suivant : « Just after becoming prime minister, David Cameron justified the wide-ranging impact of spending cuts by saying the government could not cut the deficit "by just hitting either the rich or the welfare scrounger" ».
(24) Voir ibid.: « Chancellor George Osborne likes to contrast the “shift worker, leaving home in the dark hours of the early morning” with his feckless neighbour, behind closed blinds, “sleeping off a life on benefits”. »
(25) Tristram Hunt, « Talk of ‘shirkers’ echoes Victorian past », Financial Times, 10 janvier 2013 - http://www.ft.com/cms/s/0/ab35522c-5b1b-11e2-8ccc-00144feab49a.html
Traduction libre du passage suivant : « Whereas poor people “put getting rich down to luck and think they can take a gamble”, the honest strivers of his stockbroker-belt Wokingham constituency “are too busy working hard to make a reasonable income” »
(26) Rowena Mason, « Iain Duncan Smith: I could live on £53 per week », The Telegraph, 1er avril 2013 - http://www.telegraph.co.uk/news/politics/9964767/Iain-Duncan-Smith-I-could-live-on-53-per-week.html
(27) Voir la page Web suivante : http://www.change.org/en-GB/petitions/iain-duncan-smith-iain-duncan-smith-to-live-on-53-a-week
(28) « £53 a week? I can survive on ONE POUND A DAY says cash-strapped teacher », Daily Mail, 4 avril 2013 - http://www.dailymail.co.uk/news/article-2304042/Iain-Duncan-Smith-right-You-CAN-live-just-53-week-says-cash-strapped-teacher-Kath-Kelly-survived-year-1-day.html
Traduction libre du passage suivant : « A teacher who survived for a year on just £1 a day has backed Iain Duncan Smith and said 'anybody' can live on a daily budget of £7. Frugal Kath Kelly, 51, ate at free buffets, shopped at church jumble sales and scrounged leftovers from grocery stores and restaurants. She picked fruit from bushes and trees and collected a staggering £117 in loose change dropped in the street - a third of her annual budget. »
(29) Zoe Williams, ibid. Traduction libre du passage suivant : « First, (…) there was a concerted effort to recast "social security" as "welfare". Nobody described this more elegantly than Baroness Hollis, in a debate in the Lords in 2011: "Until recently, when we introduced a bill like this it would not have been a welfare reform bill, it would have been a social security bill. The gap between social security and welfare is precisely the gap between entitlement and stigma." »
(30) Ibid. Traduction libre du passage suivant :  « You also need to create a distinction between the ones you approve of, and the ones you don't. (…) I personally think that Iain Duncan Smith has been the most industrious MP at building a pariah class – benefit recipients who love benefits, who scoff at your idiocy in paying for them, who hate work like the devil and love the devil almost as much as their 57in TVs. Much of it is rhetorical flourish – "generations of worklessness" has a good, congenital ring, with its suggestion that some people are simply born worse than others – but more is deliberate misinformation. »
(31) Ibid. Traduction libre du passage suivant :  « From here, the taint of dishonesty was relatively easy to introduce; a person too lazy to work would most likely have built up strategies for the avoidance thereof, some of which must have been dishonest. The word "cheat" now fits so snugly against the word "benefits" that they run together as a single concept. If the people exist who claim benefits but don't cheat, surely it's only a matter of time. »
(32) Allan Massie, « The 'strivers and shirkers' narrative is a misleading and ridiculous oversimplification », 7 février 2013 - http://blogs.telegraph.co.uk/culture/allanmassie/100068105/the-strivers-and-shirkers-narrative-is-a-misleading-and-ridiculous-oversimplification/
Traduction libre du passage suivant : « The picture of the strivers may be fair enough. There are certainly lots of people who fit the description. Yet the contrast drawn between strivers and shirkers, however justifiable, presents a false picture of society. Vast numbers of people are neither. They do their work conscientiously, but they may have no desire for promotion. They are tradesmen or shopkeepers or other small businessmen who have no desire to grow their business. They work in shops and factories, banks, schools and hospitals. They are farmers or physicians, clerical works, bus-drivers, postmen, or manual labourers. They are people content with their lot in life, happy to be of service, but free of any urgent wish to be more than they are. Social mobility doesn’t concern them. They occupy themselves with their family and friends, with their work and with activity in their community, with local sports clubs or amateur dramatic societies, with their gardening or their golf. They can’t be called strivers and they certainly aren’t shirkers, but they come from all classes, believe in decency and good behaviour, are found everywhere, and constitute indeed the greater part of the electorate. »
(33) Voir par exemple : « Minister denies fuelling tabloid attacks on 'workshy' », BBC, 8 juin 2011 - http://www.bbc.co.uk/news/uk-politics-13695440
(34) Pour être juste, il faut préciser que le coût des logements, en Angleterre et notamment à Londres, est prohibitif. Une bonne partie de ces prestations est versée afin d’aider les plus démunis à se loger.
(35) Angleterre : prison à vie pour un père coupable de la mort de 6 enfants, Le Parisien, 4 avril 2013 - http://www.leparisien.fr/faits-divers/angleterre-prison-a-vie-pour-un-pere-coupable-de-la-mort-de-6-enfants-04-04-2013-2696997.php
(36) Jean-Philippe Trottier, « Diderot, lecteur des Bougon », Argument, vol. 8, no 1, automne 2005 - hiver 2006 - http://www.revueargument.ca/article/2005-10-01/325-diderot-lecteur-des-bougon.html
(37) Pierre Côté, « Radio-Canada en doit une aux “BS” ». Blogue « Bonheur et société », 13 avril 2011 - http://www.indicedebonheur.com/blog/?p=251
(38) Daniel Sage, « Attacking the poor in the UK ». Inequalities, 26 octobre 2010 - http://inequalitiesblog.wordpress.com/2010/10/26/attackingthepoor/
Traduction libre du texte suivant : « When Tony Blair was elected leader of the Labour Party [1994], 55.1% agreed that benefits were too low; by the time he was due to leave this proportion was just 22.7%. Certainly, we can say that this is not due to the introduction of more generous benefits for the unemployed.

In addition, the BSA data shows an increasing public belief that the unemployed have strong personal responsibility and, perhaps, moral culpability for their situation. There has been an overwhelming increase of over 30 per cent of those who believe that unemployed people could find a job “if they really wanted one” with a smaller, but still large, increase in those who agree that large numbers of people falsely claim benefits. More broadly, between 1986 and 2006, there was a 10% increase in the belief that people live in need because of “laziness” and “lack of will power”.
(…)

Yet the widespread and deep change in how people explain worklessness – i.e. with a stronger emphasis on personal culpability – suggests a shift in attitudes beyond what can be explained by economic growth alone. »
(39) Ibid. Traduction libre du passage suivant : « For this, we might hypothesise that some of New Labour’s core policy messages – such as “rights and responsibilities” and “work for those who can” – acted to strongly alter public perceptions towards working-age benefit claimants. As Tom Sefton from the LSE states: “consciously or not, the way government talks about social problems and presents its policies can over time shape the way people think” »
(40) Louise Bamfield et Tim Horton, Understanding attitudes to tackling economic inequality, 22 juin 2009. On peut télécharger ici cette étude au format PDF : http://www.jrf.org.uk/publications/attitudes-economic-inequality
(41) Robert de Vries, « ‘Infrahumanizing’ benefit claimants ». Inequalities, 6 mai 2013 - http://inequalitiesblog.wordpress.com/2013/05/06/benefit-claimants-they-hurt-like-we-do/
Traduction libre du passage suivant : « Specifically, while people find it easy to imagine them feeling ‘basic’ emotions like anger, pleasure or sadness; they have trouble picturing them experiencing more complex feelings like awe, hope, mournfulness, or admiration. This is a very important idea – if people are denied the same rich, subtle inner lives that we have, then it is that much easier to see them hurt and do nothing. After all, they don’t really feel it the same way we do. »
(42) Ibid. Traduction libre du passage suivant : « that the groups people find it most difficult to imagine experiencing complex emotions are those low status groups who are both disliked and disrespected (such as drug addicts and the homeless). This is a label that clearly applies to benefit claimants. »
(43) Zoe Williams, op. cit. 
Traduction libre du passage suivant :  « People sometimes ascribe this adoption of "welfare" as an Americanism, designed to convey some of the US's sneering synecdoche where the name of the government support becomes shorthand for the person being supported. I think it's also an attempt to dehumanise people on state benefits – we never used to talk about welfare in terms of humans, but the word has been in everyday UK usage, for as long as I can remember, to describe animals. To be in receipt of state benefits thus tacitly becomes a passive, piteous, dumb thing to do. You don't necessarily begrudge the animals their welfare, but you wouldn't mistake yourself for one of them. »
(44) Mathieu Bock-Côté, « Fesser sur un pauvre et en jouir (vidéo) ». Blogue du Journal de Montréal, 2 mai 2013 - http://blogues.journaldemontreal.com/bock-cote/general/fesser-sur-un-pauvre-et-en-jouir-video/
(45) « Camille Peugny, sociologue : « Passons d’une école méritocratique à une école démocratique » », La Croix, 31 mai 2013, p. 11.
(46) Voir, ce commentaire, sur le blogue Jeanne Émard : http://jeanneemard.wordpress.com/2012/08/02/lart-dignorer-les-pauvres/#comment-16231
(47) « La course à la distinction ». Observatoire des inégalités, 24 mars 2011 - http://www.inegalites.fr/spip.php?article1395&id_mot=28
(48) Alain Garrigou, « Assommons les pauvres ! ». Les blogs du Diplo, 11 juin 2013 - http://blog.mondediplo.net/2013-06-10-Assommons-les-pauvres
(49) « Benefit Caps and the Politics of Envy ». Blogue « The Not So Big Society ». Mis en ligne le 24 janvier 2012 par ermintrude2 - http://notsobigsociety.wordpress.com/2012/01/24/benefit-caps-and-the-politics-by-envy/
Traduction libre du passage suivant : « This is crude policy making by people who will never need to bat an eyelid in the direction of subsistence on ‘benefits’ playing their usual ‘divide and rule’ between those who are at the lower and average pay levels in order to distract attention from those at the top end of the ‘haves’ scale including themselves. (…)

Politics of envy is easy but it is ignoble. By encouraging the population to envy those who have less rather than those who have more (i.e. the class of politicians) they are diverting our attention from the real battles we should be fighting. »
(50) Paul Waldman, « The Truth about Welfare », The American Prospect, 10 août 2012 - http://prospect.org/article/truth-about-welfare#13709900036291&action=collapse_widget&id=804098
Traduction libre du passage suivant : « But the welfare attack is an old Republican standby; if the middle class suspects you're not one of them, remind them that their resentment should be pointed down, not up. The real enemy is poor people, and those who would indulge them. »
(51) Étrange argument, dont l’opinion publique ne mesure sans doute pas toute la portée.
(52) Robert Saletti, « Assommons les pauvres! », Le Devoir, 12 avril 1998 - http://archives.vigile.net/economie/solid/salettiillusion.html
(53) « Pour en finir avec la classe moyenne ». Le blog de Seb Musset, 29 septembre 2009 - http://sebmusset.blogspot.ca/2009/09/pour-en-finir-avec-la-classe-moyenne.html

 

 




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