La devise «Je me souviens»

Gaston Deschênes
En 1976, le Parti québécois, favorable à la souveraineté du Québec, était porté au pouvoir. Deux ans plus tard, la phrase Je me souviens était inscrite sur les plaques d'immatriculation de la Belle Province. Il en est résulté une controverse qui dure toujours. Les uns attribuèrent à cette devise une connotation revancharde, les autres y virent un éloge de l'administration anglaise; ils ajoutaient foi à une opinion selon laquelle la phrase complète d'où a été tiré le Je me souviens, était: «Je me souviens que né sous le lys, je croîs sous la rose.» Dans cet article, destiné à devenir un classique de l'analyse des rumeurs, Gaston Deschênes met fin à la controverse.
— Avez-vous lu le Globe and Mail?

    C’était un matin de janvier 1991. Fonctionnaire québécois, mon interlocuteur1 avait gardé, d’un séjour en Ontario, l'habitude de lire ce grand quotidien torontois. Ce matin-là, il cherchait à vérifier les propos du chroniqueur Stephen Godfrey.

    Dans un texte intitulé «The Pandora's box known as 'Je me souviens'» («La boîte de Pandore appelée “Je me souviens”») et publié le 24 janvier 1991, Stephen Godfrey soutenait que la devise qui figure sur les plaques d'immatriculation du Québec depuis 1978 doit gêner terriblement les nationalistes québécois qui connaissent l'histoire («must be a terrible embarrassment to Quebec nationalists who know history») car «Je me souviens» ne serait que le début d'une devise qui n'aurait pas le sens revanchard qu'on lui donne habituellement. D'après le journaliste du Globe, la version complète de la devise du Québec, «a motto we can all enjoy», serait: «Je me souviens que, né sous le lys, je crois [sic] sous la rose». Loin de témoigner d’un sentiment nostalgique ou revanchard qui trouverait ses origines dans le souvenir de la bataille des Plaines d’Abraham, cette devise complète «pays explicit tribute to both the province’s English and French roots». Mieux encore : «Grammatically, the principal clause being where it is [Je me souviens que … je crois [sic] sous la rose» ], this would seem to place the emphasis on the growth under the rose». Étonné de sa «découverte», et pour expliquer comment le Québec avait pu se donner, en 1883, «a slogan whose origins were so blatantly favourable to the British influence», Godfrey se référa au président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM), une institution chargée de défendre les intérêts nationaux du Québec («Québec’s national interests»), qui lui expliqua la théorie de la «conquête providentielle», une idée qui était à la mode à la fin du XIXe siècle : en 1759, la Providence a voulu que la civilisation britannique vienne préserver les Canadiens français de grands malheurs comme la Révolution française. Et le chroniqueur de conclure : «The fact that [the motto] was forged by a man who seemed to believe in cultural equilibrium is not nearly as important, in the end, as the fact that memory is a selective thing, and grievances are seldom forgotten».
    Comment Godfrey avait-t-il été mis sur la piste de la devise perdue? Il avait obtenu copie d’une fiche d’information utilisée, à cette époque, par la SSJBM pour expliquer les origines de la devise du Québec.2 Les cinq lignes d’information étaient exactes, mais elles étaient suivies du nota bene suivant : «Il semblerait que l’expression se complèterait comme suit : “Je me souviens que né sous le lys, je crois sous la rose”. Cette information fut donnée par un membre à Gilles Rhéaume». L’ancien président de la SSJBM avait fait consigner cette «précision» (en dépit de la fragilité de sa source) qui s’est retrouvée chez le chroniqueur avec ses fautes de syntaxe (virgule esseulée) et d’orthographe (crois au lieu de croîs).

    La «découverte» de Godfrey était étonnante3. Sept ans plus tôt, avec Madeleine Albert, j’avais rédigé un texte4 sur la devise et aucun des documents utilisés à ce moment n’avait donné le moindre indice d’un quelconque complément à «Je me souviens». Il faut dire que nous n’avions utilisé que des textes rédigés en français mais, avec le recul du temps et à la lumière des recherches ultérieures, force est de constater que les allusions à une présumée «devise complète» sont extrêmement rares avant 1984, en français comme en anglais.
    En fait, il apparaît évident que nous sommes en présence d’un mythe, probablement appuyé sur une tradition entretenue dans la famille Taché, ou, pour employer un terme contemporain, une légende urbaine.


    Les origines de la devise

    En 1984, les origines de la devise du Québec nous étaient apparues extrêmement simples et fort bien documentées.
    Ernest Gagnon, en 18965, semble être le premier à en avoir donné l’essentiel dans un appendice au rapport annuel du ministère dont il était le secrétaire:

    «M. Eugène Taché avait dressé le projet de la façade du Palais Législatif de Québec et y avait introduit les armes de la province avec cette devise: «Je me souviens,», dont il est l'auteur, et qui était alors inconnue. Les plans et devis préparés par M. Taché, architecte, M. J.-B. Derome, ingénieur, et MM. Cousin, Trudelle, Saint-Michel et autres, dessinateurs, servirent de base et furent annexés au contrat relatif à l'érection du Palais législatif, — contrat qui fut passé devant M. Cyrille Tessier, notaire, le 9 février 1883, sous l'autorité d'un arrêté du Conseil exécutif du 22 janvier de la même année, et signé par M. Alphonse Charlebois, entrepreneur de travaux, d'une part, et, de la part du gouvernement, par l'honorable M. Élisée Dionne et M. Ernest Gagnon, le premier comme commissaire et le second comme secrétaire du département des Travaux publics. Les parties signèrent aussi les plans annexés au contrat, sur lesquels étaient dessinées les armes de la province et la devise «Je me souviens». On peut donc dire que c'est à partir du 9 février 1883, date de la signature du contrat relatif à la construction de cette portion de l'Hôtel du Gouvernement qui est appelée le Palais Législatif, que cette devise: «Je me souviens» a revêtu un caractère officiel.»

    On peut contester l’idée que la devise créée par Eugène-Étienne Taché est devenue officielle avec la signature du contrat de construction6 et soutenir que c’est seulement avec l’adoption des nouvelles armoiries, en 1939, que cette devise, largement utilisée et désignée7 comme la devise du Québec depuis des décennies, a été reconnue comme telle. On peut soutenir aussi que c’est Ernest Gagnon qui a inspiré Taché8 mais la «paternité» de ce dernier et les circonstances dans lesquelles sa devise s’est retrouvée inscrite, plus ou moins officiellement, au-dessus de la porte principale de l’Hôtel du Parlement9 sont incontestables. Gagnon (1834-1915) connaissait très bien Taché (1836-1912) qui était sous-ministre des Terres de la Couronne10. Son explication a été souvent reprise, par lui et par d’autres, et plusieurs fois du vivant de Taché qui aurait pu rectifier le tir s’il n’avait pas été juste.


    La signification de la devise

    L’étude publiée en 1984 faisait le relevé des interprétations données à la devise par divers auteurs. Il est utile, pour les fins de la présente démonstration, de les revoir et d’y ajouter celles qui se sont ajoutées au dossier depuis.
    La première interprétation citée en 1984 était celle d’Ernest Gagnon: cette devise, écrivait-il en 1896, «résume admirablement la raison d’être du Canada de Champlain et de Maisonneuve comme province distincte dans la confédération11». L’historien Thomas Chapais avait précédemment donné une interprétation plus explicite dans un discours12 prononcé lors du dévoilement du bronze de Lévis dans la façade de l’Hôtel du Parlement, le 24 juin 1895 :
    «[…] la province de Québec a une devise dont elle est fière et qu'elle aime à graver au fronton de ses monuments et de ses palais. Cette devise n'a que trois mots: «Je me souviens»; mais ces trois mots, dans leur simple laconisme, valent le plus éloquent discours. Oui, nous nous souvenons. Nous nous souvenons du passé et de ses leçons, du passé et de ses malheurs, du passé et de ses gloires.»

    Vingt-cinq ans plus tard, l’historien Pierre-Georges Roy soulignait le caractère «symbolique» de cette devise «qui dit si éloquemment en trois mots, le passé comme le présent et le futur de la seule province française de la Confédération13».
    Les propos de Roy ont ensuite été souvent répétés ou paraphrasés14 mais, après le milieu du XXe siècle, les textes sur ce sujet se font plus rares. On cherche plutôt à quel endroit Taché aurait pris ces trois mots pourtant si simples et, en fin de compte, pas tellement originaux. D’après l’ethnologue Conrad Laforte15, Taché aurait tiré sa devise de la chanson Un canadien errant («Va, dis à mes amis/ Que je me souviens d’eux»), ou encore d’un poème de Victor Hugo, Lueur au couchant («J’entendais près de moi rire les jeunes hommes/ Et les graves vieillards dire «Je me souviens»). Pour l’écrivain André Duval16, la réponse se trouve dans le vestibule de l’Hôtel du Parlement, sous les armoiries du marquis de Lorne qui avait pour devise «Ne obliviscaris», ou «Gardez-vous d’oublier». Selon Duval, «la devise du Québec est à la fois la traduction de la devise du marquis de Lorne et la réponse d’un sujet canadien-français de Sa Majesté à cette même devise».

    On notera qu’il n’y a rien, chez les auteurs précités, pour appuyer les thèses du chroniqueur du Globe. On pourrait citer d’autres sources qui précisent, comme Chapais et Roy (déjà cités), que cette devise «n’a que trois mots». Ainsi, lors d’une fête donnée en l’honneur de Taché le 13 novembre 1911, Boucher de la Bruère déclarait : «Vous n’avez écrit que trois mots, il est vrai, mais trois mots qui valent un livre, et trois mots qui sont tout un poème17». En 1939, dans une lettre adressée au ministre des Travaux publics, un gendre de Taché, le lieutenant-colonel Étienne-Théodore Pâquet, estimait que «celui qui a synthétisé dans trois mots l’histoire et les traditions de notre race mérite d’être reconnu18» autant que Routhier et Lavallée qui ont composé l’hymne Ô Canada.


    Les sources de langue anglaise

    Les sources citées en 1984 et celles qui se sont ajoutées ci-dessus sont toutes le fait d’auteurs francophones mais des recherches récentes dans les ouvrages en langue anglaise donnent des résultats semblables.
    Ainsi, en 1934, l’Association des arpenteurs ontariens a publié une longue notice biographique d’Eugène-Étienne Taché, ingénieur civil et arpenteur de profession. On pouvait notamment y lire :

    «M. Taché is also the author of the beautiful poetic and patriotic motto which accompanies the official coat of arms of the Province of Quebec — “Je me souviens” — the full significance of which cannot perhaps be readily expressed in English words but which may be paraphrased as conveying the meaning “We do not forget, and will never forget, our ancient lineage, traditions and memories of all the past”.»

    Dans son Histoire des Canadiens français, Mason Wade ajoute une nouvelle dimension aux interprétations précédentes et pourrait bien être à l’origine, sinon un relais, de la connotation revancharde qui est souvent associée à la devise du Québec chez les Anglophones :

    «When the French Canadian says “Je me souviens”, he not only remembers the days of New France but also the fact that he belongs to a conquered people19.» («Quand le Canadien français dit “Je me souviens”, il ne veut pas seulement dire qu’il se souvient des beaux jours de la Nouvelle-France, mais aussi qu’il appartient à un peuple vaincu».).

    Du côté des encyclopédies et des dictionnaires de citations repérés entre 1935 et 1979, on ne va pas plus loin que les trois mots attribués à Taché, que ce soit chez Wallace20, Hamilton21, Colombo22 ou Hamilton et Shields23. Seul Colombo apporte un élément d’interprétation en ajoutant que cette devise «is an allusion to the glory of the Ancien Régime».

    Comme on peut le constater, avant 1978, personne, dans les sources que nous avons trouvées jusqu’à maintenant, tant chez les francophones que chez les anglophones, ne fait la moindre allusion à une devise qui aurait plus que trois mots ou qui proviendrait d’un quelconque poème. Si quelqu’un avait fait le moindre lien entre la devise du Québec et le présumé complément que lui attribue Godfrey, il n’y aurait pas lieu de s’esquinter pour chercher un sens au «Je me souviens» ni associer cette devise à un souvenir particulier (le régime français, la défaite de 1759).


    Un tournant en 1978

    Le vent a tourné radicalement à la fin des années soixante-dix, quand le ministère des Transports, un peu plus d’un an après la prise du pouvoir par le Parti Québécois, a décidé de remplacer le slogan touristique «la belle province» par la devise «Je me souviens» sur les plaques d’immatriculation. Plusieurs se sont alors posé des questions sur la nature, la signification et l’origine du «Je me souviens», quand ils ont reçu leurs plaques au début de 1978, et un journaliste du Montréal Star a recueilli des commentaires24. Son texte a fait réagir une lectrice, Hélène Pâquet, dans une lettre ouverte25 intitulée «Je me souviens, just part of it»:

    «Sir,
    According to an article (Feb. 4), there is confusion about the Quebec motto.
    As you mentioned, it was written by E. E. Taché. “Je me souviens” is only the first line, which may be the cause of the confusion. It goes like this:
    Je me souviens/Que né sous le lys/Je croîs sous la rose.
    I remember/That born under the lily/I grow under the rose.
    I am a granddaughter of Eugène Étienne Taché. My aunt, Mme Clara Taché Fragasso of Quebec City, is the only surviving daughter of E. E. Taché.
    I hope that this enlightens some of your readers.
    H. Pâquet, St. Lambert.»

    Contactée en juillet 1992, par téléphone et par courrier, madame Pâquet, aujourd’hui décédée (tout comme sa tante Clara), n’a pu préciser l’origine de ce texte de Taché. On notera que ses propos ne concordent pas avec ceux que son père, Étienne-Théodore Pâquet, exprimait en 1939 dans la lettre citée précédemment.

    L’opinion de madame Pâquet était-elle répandue dans les milieux anglophones? Difficile à dire. On a vu que les ouvrages de références les plus connus n’y faisaient pas allusion. Un article publié dans The Gazette en 1986 porte à croire que la «devise complète» que citera plus tard le chroniqueur du Globe n’était pas de commune renommée. Don MacPherson26 traitait encore des plaques d’immatriculation; il se posait la même question que le journaliste du Star en 1978 («Quebecers remember - but what?») et y répondait de façon plutôt légère27. Il s’attira cependant les commentaires de généreux lecteurs, ce qui l’amena à revenir sur le sujet deux semaines plus tard28. Entre-temps, il avait trouvé le dictionnaire Colombo, dont l’information sur l’origine de la devise était correcte29, mais les propos des lecteurs lui parurent plus intéressants car «it turns out that the meaning of the motto is a matter of some disagreement».

    Le journaliste mentionna d’abord, pour l’écarter aussitôt, l’opinion un peu fantaisiste d’une première lectrice qui disait avoir vu, 50 ans plus tôt, sur le pupitre de l’institutrice de sa tante, une illustration montrant un chien (représentant les Français) tenant un os (représentant les Anglais) accompagnée du poème du Chien d’or («Je suis le chien qui ronge l’os…») et de la devise «Je me souviens» qui aurait été celle des Patriotes de 1837….
    Un autre lecteur lui raconta une histoire plus agréable qui lui permit, comme Godfrey et d’autres30 plus tard, d’ironiser sur la décision de mettre la devise sur les plaques d’immatriculation :

    «The story confirmed by Quebec historians is as follows, écrit-il (citant Jean-Pierre T[…] de Montréal). During the construction of the legislature […] in Quebec City, the deputy minister of Public works […], Eugène E. Taché, had stonemasons carve under a shield the first line of a statement he had written earlier.
    The statement read: Je me souviens /Que né sous le lys /Je crois sous la rose,
    which translates to: “I remember that while born under the fleur de lys (of France) I grow under the rose (of England)”.»

    Une lectrice de l’Ile Perrot, Jane S[…] ajouta que cette devise était souvent utilisée autrefois dans des discours :
    «When a speech was started, or towards the end of a speech, the speaker started with je me souviens (and) the room would respond with the other (words) which were supposed always to be ensemble
    It was taught in many French Catholic classical colleges until approximately 1940, when changing courses, etc., caused it to be dropped from the instruction.»

    MacPherson concluait en se demandant si le PQ savait cela en 1978 : «Somehow, I doubt that what it had in mind in those pre-referendum days was to remind Quebecers that they had flourished under the rose of England.»
    Rejoint par téléphone le 8 février1995, T. n’avait pas d’historiens à citer à l’appui de son histoire. Il prétendit que la «devise complète» était inscrite dans la façade de l’Hôtel du Parlement (ce qui est évidemment inexact) et se rappelait l’avoir entendue pendant la campagne électorale de 1979 dans Vaudreuil; dans une conversation téléphonique une semaine plus tard, il reconnut que sa seule source était une entrevue télévisée avec une descendante de Taché. Quant à Mme S., il n’a pas été possible de la rejoindre et elle est aujourd’hui décédée31. Si ce qu’elle prétend est exact et vraiment répandu dans les collèges classiques, comment se fait-il qu’on ne puisse en trouver aucune trace dans la documentation en langue française?

    Et c’est ainsi qu’après avoir écarté l’information exacte, tirée d’un dictionnaire, au profit de l’opinion d’un lecteur qui ne pouvait s’appuyer sur aucune source fiable, Don MacPherson relaya la rumeur qui s’amplifia et gagna en notoriété car John Robert Colombo, inspiré par ces témoignages, profita d’une nouvelle édition de son dictionnaire, en 1987, pour rédiger une entrée plus élaborée, cette fois sous le titre «Je me souviens /Que né sous le lys, /Je crois [sic] sous la rose» :

    «Eugène Taché, architect, selected the first three words of the twelve-word motto to be inscribed beneath the coat of arms on the National Assembly building in Quebec City, 9 Feb. 1883. The inscription “Je me souviens” (I remember) recalls the glory of the Ancien Régime, the language, laws, and religion of Quebec before the Conquest of 1759. However, as columnist Don MacPherson noted in The Gazette of Montreal, 19 Aug. 1986, the full passage, of unknown origin, runs: “I remember/that while under the fleur de lys [of France]/, I grow under the rose [of England]”.»

    Don MacPherson était donc devenu la source. Sept ans plus tard, Colombo récidiva dans un autre ouvrage32 et y ajouta un commentaire plus politique :

    «The architect Eugène Taché took the words from a three-line poem, which runs like this: “Je me souviens/ Que né sous le lys,/ Je crois sous la rose.” The poem is of unknown origin; the words mean: “I remember/ That while under the fleur de lys [of France],/ I grow under the rose [of England].” The lines implied co-existence; but in the motto the words suggest separate existence.»

    Voilà donc un poème d’origine inconnue (et non de Taché?) qui inviterait à la co-existence tandis que la devise qui en serait issue évoquerait la séparation!

    Il serait trop long d’énumérer ici tous les articles qui, depuis dix ans, ont colporté ces propos, particulièrement dans les médias de langue anglaise33. Le plus souvent, en remontant vers la source, on rencontre Godfrey ou MacPherson pour tomber finalement sur une source anonyme, un lecteur ou une lectrice, ou un descendant de Taché. D’un média à l’autre, le message se déforme parfois au point où l’on obtient des propos qui tiennent du roman, comme ceux que la Gazette a publiés, sous la plume de Nick Auf der Maur le 27 juillet 1997 :

    «What are we supposed to remember? Everybody thinks it was the Plains of Abraham or something like that.
    In fact, our motto was coined for the opening of the legislative buildings in Quebec City in the 1860s.
    Under the French regime, Quebec was a colony under the monarchy. It was under the British that responsible government and democracy were introduced.

    And so when they opened the legislative building, today called the National Assembly, they read a poem:

    Je me souviens /que né sous le lis,/je fleuris sous la rose.
    I remember, that born under the (French) lily; I grew under the (English) rose.»

    Voilà maintenant que le poème a été lu à titre de reconnaissance à l’inauguration de l’édifice du Parlement, une cérémonie dont on ne trouve aucune trace34!


    L’autre devise

    D’où vient alors ce pseudo complément? D’une autre devise conçue par la même personne, Eugène-Étienne Taché, plusieurs années plus tard.

    Ernest Gagnon est encore la source obligée. Dans un ouvrage paru en 190835, après avoir rappelé que Taché a donné au Québec son «Je me souviens», Gagnon révélait qu’on pourrait peut-être lire bientôt «sur un de ses monuments cette autre devise si poétique et si vraie : “Née dans les lis, je grandis dans les roses”.»
    Dans un article publié la même année36, Gagnon précisait son information :
    «On a parlé, il y a quelque temps, d’une œuvre d’art représentant une femme, une adolescente gracieuse et belle, symbole de la Nation Canadienne. Cette allégorie de circonstance, qui est encore inédite, devrait être accompagnée de la devise :

    Née dans les lis, je grandis dans les roses:
    Born in the lilies, I grow in the roses».

    Le projet de monument qui devait honorer, notons-le, «la Nation Canadienne», et non le Québec, ne s’est pas concrétisé, mais Taché a «recyclé» son idée sur la médaille commémorative qu’il a conçue pour le troisième centenaire de la ville de Québec en 190837. On peut en effet y lire: «Née sous les lis, Dieu aidant, l’œuvre de Champlain a grandi sous les roses38».

    L’existence de cette autre devise, et la paternité de Taché, est aussi mentionnée par Blanche Gagnon39, la fille d’Ernest. Elle dit l’avoir entendue, vers 1910, lors d’un exposé sur l’hymne royal anglais, God save the King, dont les origines seraient françaises. Mme Gagnon rapporte que le narrateur fit un rapprochement avec «la devise qui résume si poétiquement l’histoire de notre pays : Né dans les lis, je grandis dans les roses.» Et elle ajoute :

    «Cette devise, moins connue que celle qui fut officiellement approuvée le 22 janvier 1883, et qui traduit, dans son éloquente brièveté, les sentiments de l’âme canadienne-française : Je me souviens, est également de M. Taché, l’architecte du Palais législatif de Québec».

    Ces deux sources n’en formeraient qu’une seule à cause du lien familial? David Ross McCord (1844-1930), le fondateur du musée qui porte son nom, les confirment dans une note écrite entre 1898 et 190740 et intitulée «French sentiment in Canada» :

    «However mistaken may be the looking towards France as a desintegrating factor operating against the unification of the nation – it may be perhaps problematic – no one can gainsay the beauty and simplicity of Eugene Taché’s words “Je me souviens”. He and Siméon Lesage have done more than any two other Canadians towards elevating the architectural taste in the Province. Is Taché not also the author of the other motto – the sentiment of which we will all drink a toast “Née dans les lis, je croîs dans les roses”. There is no desintegration there.

    (Traduction : «Sentiment français au Canada –Aussi mal avisé que puisse être l'attachement à la France, qui constitue un facteur négatif pour l’unité nationale ¾ il y a peut-être lieu de s'interroger à ce sujet ¾, personne ne peut nier la beauté et la simplicité du “Je me souviens” d'Eugène Taché. Siméon Lesage et lui ont fait plus que quiconque au Canada pour accroître le goût de l'architecture dans la province [de Québec]. D'ailleurs, Taché n'est-il pas aussi l'auteur de l'autre devise, “Née dans les lis, je croîs dans les roses”, à laquelle nous lèverons tous nos verres. Celle-là ne crée pas de division.)»

    Par la suite, on perd la trace de cette «autre devise», du moins sous forme écrite41. Comme on l’a vu précédemment, aucun des auteurs cités ne l’associe à la devise du Québec et on la cherche en vain dans les dictionnaires de citations ou de mots historiques québécois42.


    Quelles étaient les intentions de Taché?

    Il ne fait aucun doute que «Je me souviens» et «Née dans les lis, je grandis dans les roses» sont deux devises distinctes et personne n’a fourni la moindre preuve sérieuse, que Taché les aurait jointes, de son vivant, pour en faire une seule.

    Pourquoi, d’ailleurs, l’aurait-il fait? Ce présumé poème serait une injure au bon goût de cet homme instruit et cultivé. Ce n’est pas, d’un point de vue formel, le genre de poésie que Taché aurait produit à cette époque. Son «Née dans le lis…» est une belle trouvaille, complète en soi, qui existe parfaitement sans le «Je me souviens» qu’on lui accole. Cet homme était un héraldiste accompli qui savait qu’on ne peut concevoir des armoiries avec une devise de douze mots.

    À quel moment, alors, ces deux devises ont-elles été accolées? Pourquoi la présumée «devise complète» et ce «poème d’origine inconnue» ont-ils resurgi depuis une vingtaine d’années, particulièrement au milieu des années 1990?
    C’est un mystère. Il manque un chaînon43, mais on peut aisément déceler un fil conducteur, de McCord à Colombo: un Je me souviens suivi de «Né sous le lys…, ou tiré du mythique poème dont personne ne trouve (évidemment) la trace, constitue une séduisante hypothèse. McCord (vers 1900) aurait préféré que la devise du Québec soit «Née dans les lis…» au nom de l’unité nationale. Croyant découvrir, 90 ans plus tard, l’origine du Je me souviens, Godfrey (1991) y voit «a motto we can all enjoy». Colombo (1994) ajoute que la devise du Québec évoque la séparation tandis que le poème d’où elle vient implique la co-existence. Ajoutons un autre témoin, William D. Gairdner44(1994) pour qui le «poème» rappelle «the peacefull blending of peoples in early Canada».

    Si Taché avait expliqué sa devise? Peut-on penser qu’il n’en a jamais senti le besoin, parce que le message qu’il voulait transmettre est trop simple quand on sait dans quelles circonstances cette devise a été créée, ce que plusieurs ont oublié?
    Taché a tout de même laissé un texte qui laisse percer son intention. Il s’agit d'une lettre adressée le 9 avril 1883, un mois après la signature du contrat, à Siméon Lesage, assistant-commissaire (sous-ministre) des Travaux publics, en réponse au mémoire de Napoléon Bourassa sur la décoration de l'Hôtel du Parlement45. Cette lettre est citée ici in extenso car elle n’a jamais été publiée précédemment et qu’il est essentiel, à défaut d’une explication plus claire, de se replacer dans le contexte du début des années 1880, quand Taché, après avoir fait les plans de l’édifice, s’appliquait à en faire un Panthéon. C’est parce qu’on ignore ou qu’on oublie dans quelles circonstances précises la devise a été conçue qu’on se pose des questions sur sa signification.

    «En quelques mots, écrivait Taché, j'établirai ce que cette façade dans son développement complet doit contenir, puis je tâcherai, le plus brièvement possible, d'exposer les raisons sur lesquelles je m'appuie pour recommander de ne pas se départir du programme tracé.

    Le campanile et les avant-corps qui le flanquent sont dédiés respectivement aux trois grandes personnalités qui s'identifient avec l'origine de notre histoire.

    Le campanile à Jacques Cartier, dont la statue domine tout l'ensemble; l'avant-corps de droite (en regardant l'édifice) à Champlain, celui de gauche à de Maisonneuve. Ensuite, à cause de l'influence suprême du clergé sur nos destinées, je fais entrer dans la première série de niches comprises dans le 2me [sic] étage de cette partie de notre édifice ci-dessus décrite, l'image des hommes les plus marquants de nos annales religieuses: Laval, Bréboeuf [Brébeuf], Marquette et Olier.

    Dans le premier étage, au-dessous de ces derniers, figurent les grands capitaines: Frontenac, Wolfe, Montcalm et Lévis.

    Enfin, je réserve une des niches formant partie du rez-de-chaussée des avant-corps, à la statue de Lord Elgin, dont la mémoire sera toujours vivante au milieu de nous.

    La fontaine, embrassée par une rampe semi-circulaire donnant accès à l'entrée principale, avec niche et fronton, est destinée à rappeler le souvenir des nations sauvages, la plupart disparues de cette terre que nous habitons, autrefois leur domaine.

    Sur ce roc, site de l'ancienne bourgade de Stadaconé, il n'est pas, il me semble, hors de propos de rappeler ce souvenir.

    En premier lieu, je m'étais arrêté là.

    Après mûre réflexion, présumant que nos descendants seraient aussi jaloux de payer leur tribut de reconnaissance à ceux des hommes de notre siècle, qui ont le plus contribué au bonheur et à la grandeur de notre pays, j'ai disposé dans les ailes réunissant les avant-corps susdits aux pavillons d'angle de l'édifice, huit piédestaux lesquels, avec la niche correspondante à celle vouée à Lord Elgin, qui n'a pas encore de destination, pourront être remplis par une autre génération avec beaucoup plus de justice, de discernement et avec moins de parti pris que nous ne le saurions faire aujourd'hui.

    Dans les trumeaux compris entre les ouvertures du premier étage des ailes en question, j'ai ajouté les armes des principaux Gouverneurs du régime Français, savoir: D'Argenson, Tracy, Callières [sic] et Vaudreuil.

    Celles du chevalier de Montmagny et du Marquis d'Aillesbout [sic] étant aussi intercalées dans la décoration du campanile.

    De l'autre côté, comme pendant à la partie ci-dessus décrite, je fais entrer les armoiries des Gouverneurs Anglais les plus sympathiques à notre nationalité: Murray, Dorchester, Prevost et Bagot.

    Au-dessus, dans le 2me [sic] étage, sur des cartouches compris dans des panneaux disposés d'une manière analogue à ceux déjà indiqués, j'inscris les noms suivants: Iberville, Joliette, Lassalle [sic], Boucher, Nicolet, de Beaujeu, Hertel et Laverandrye [sic]

    Telle est à peu près cette partie de l'ensemble des souvenirs que je veux évoquer, tout en laissant à nos descendants l'occasion et le soin de le compléter.»


    Le devoir de mémoire

    Ce texte de Taché contient plusieurs «nous» et, lorsqu’il mentionne «les gouverneurs anglais les plus sympathiques à notre nationalité», on comprend que ce «nous» fait référence aux Québécois de souche française.

    On ne peut cependant attribuer à un esprit nationaliste étroit une décoration qui place Wolfe et Montcalm côte à côte, exactement au-dessus du «Je me souviens» (ce qui règle le cas de la connotation revancharde qu’on lui associe parfois46), ni l’hommage fait aux Amérindiens (un cas unique dans les édifices parlementaires canadiens), ni l’appel fait à «une autre génération» qui a répondu en installant plusieurs personnages du Régime français sur les piédestaux vacants, mais aussi l’homme politique haut-canadien Robert Baldwin (une situation qui n’a sûrement pas d'équivalent à Queen’s Park), et plus récemment, de Lesage et Godbout aux côtés des Mercier, Duplessis et Lévesque.

    «Je me souviens» doit-il avoir un complément précis? En a-t-il déjà eu un, même dans l’esprit de Taché? En créant cette devise, Taché n’a-t-il pas tout simplement résumé ce qu’il a suggéré d’inscrire dans la pierre, le bois et le bronze, tout en laissant les générations futures continuer son projet? La devise «Je me souviens» invite tout simplement à… se souvenir notamment de ce que la décoration de la façade de l’Hôtel du Parlement évoque. En ce sens, la devise du Québec est ouverte et ne comporte pas de jugement de valeur (contrairement à l’autre devise où plusieurs ont vu les bienfaits de la Conquête). C’est une invitation à se souvenir que chacun peut interpréter à sa guise en toute liberté, ou, comme l’écrivait récemment le journaliste Antoine Robitaille47, «une forte apologie de la mémoire qui se maintient au cœur de l’espace public».


    Notes
    1. Il s’agit de Pierre Roberge qui s’est trouvé, sans le vouloir, à l’origine d’une passionnante recherche.
    2. Télécopie de Patrick Van de Wille à Gaston Deschênes, 29 janvier 1991.
    3. Un note a été adressée au Globe dans les jours qui ont suivi mais elle n’a pas été publiée. Le Devoir a publié une mise au point : Deschênes, Gaston, « La Devise du Québec selon le Globe and Mail », Le Devoir, 2 mars 1991.
    4. Madeleine Albert et Gaston Deschênes, «Une devise centenaire : Je me souviens», Bulletin de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, 14, 2 (avril 1984), p. 21-30.
    5. Ernest Gagnon, «Notes sur la propriété de l’Hôtel du gouvernement à Québec» dans Rapport du Commissaire des Travaux publics pour l’année 1895-1896, Documents de la session, 1896, 1, doc. 7, p. 115-116. Ce paragraphe a été inséré dans un article du même auteur «Armoiries, grand sceau et devise de la province de Québec», Bulletin des recherches historiques, 2, 2 (février 1896), p. 20. Ce dernier texte a été repris presque intégralement dans Anecdotes canadiennes […] compilées et annotées par E. Z. Massicotte, Montréal, Beauchemin, 1913, p. 21., puis dans la revue L’Enseignement primaire de septembre 1925.
    6. C’est le cas de Maurice Brodeur, alors chef du service de la signalisation du ministère de la Voirie et plus tard héraldiste du gouvernement, dans un article intitulé «Les armes de la province de Québec sont-elles conformes à l’Histoire» et publié probablement dans le supplément de L’Action catholique vers 1935. Brodeur sera le principal promoteur d’une révision des armes octroyées à la province de Québec en 1868 par la reine Victoria.
    7. Voir, par exemple, les propos du lieutenant-gouverneur Chapleau lors du dévoilement de la statue de Lévis, le 23 juin 1895 (Premier rapport de la Commission des monuments historiques…, Québec, Proulx, 1923, p. 73).
    8. Dion, Histoire primitive de la paroisse de Saint-Thomas de Montmagny, Québec, Action catholique, 1935, p. 188 : «C’est fâcheux, mais on rencontre parfois chez nous des intellectuels raffinés qui font de l’ironie au sujet de la belle devise que Taché, inspiré d’Ernest Gagnon, a gravée sur l’écusson de notre province : “Je me souviens”».
    9. Pendant de nombreuses années, on a désigné sous de nom de «Hôtel du gouvernement» l’édifice qui abrite l’Assemblée nationale et qui s’appelle, depuis 1980, «Hôtel du Parlement».
    10. Pierre-Georges Roy écrira en 1919 : «M. Gagnon était à cette époque secrétaire du département des Travaux publics de la province. Il parle donc avec connaissance de cause». Les petites choses de notre histoire, Lévis, 1919, p. 285.
    11. Gagnon, loc. cit.
    12. Thomas Chapais, Discours et conférences, Québec, 1897, p. 333.
    13. Pierre-Georges Roy, Les petites choses de notre histoire, Lévis, 1919, p. 285. Roy a exprimé ailleurs une idée à peu près semblable en disant que «les mots qu’elle contient sont une heureuse conception puisqu’ils disent clairement le passé, le présent et le futur de la seule province française de la Confédération canadienne» mais nous n’avons pu trouver la source de cette phrase citée notamment par Hormisdas Magnan dans Cinquantenaire de notre hymne national…, Québec, 1929, p. 65. Nous ne reprendrons pas ici les propos de Magnan sur l’interprétation du juge Jetté en 1890, à cause des doutes que nous entretenions alors et encore aujourd’hui sur l’exactitude de la transcription du discours du juge.
    14. Voir, entre autres, Élie Salvail, 366 anniversaires canadiens, Montréal, Frères des écoles chrétiennes, 1930, p. 61; Roch Aubry, «Les armoiries de la province de Québec», L’Enseignement primaire, 54, 1 (septembre 1932), p. 26-32; et, d’une manière un peu plus élaborée, F. J.-F., Connaissons-nous le Québec?, Lévis, Procure des Frères maristes, 1952, p. 7.
    15. Conrad Laforte, «Un Canadien errant», Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, Montréal, Fides, 1978, p. 715.
    16. André Duval, La Capitale, Montréal, Boréal Express, 1979, p. 293-294.
    17. L’Événement, 14 novembre 1911.
    18. Lettre de Étienne-Théodore Pâquet à John S. Bourque, 3 mars 1939.
    19. Mason Wade, The French Canadians, 1760-1945, Toronto, 1955, p. 47. La version française est celle de l’édition du Cercle du livre de France, 1966, p. 62.
    20. «Québec», dans Encyclopedia of Canada, Toronto, 1935, p. 197.
    21. Canadian Quotations and Phrases Literary and Historical, Toronto, McClelland, 1952, p. 191.
    22. Colombo’s Canadian Quotations, Edmonton, Hurtig, 1974.
    23. The Dictionary of Canadian Quotations and Phrases, Toronto, McClelland and Stewart, 1979, p. 754.
    24. Robert Goyette, «Car owners argue over motto», Montréal Star, 4 février 1978. Texte trouvé en 1992.
    25. Montréal Star, 15 février 1978. Texte trouvé en 1992. Cette lettre est reproduite en exergue dans les mémoires de Jean-Louis Gagnon, Apostasies, volume III, Les palais de glace, Montréal, La Presse, 1990.
    26. «Quebecers remember - but what?», The Gazette, 5 août 1986. Article trouvé en février 1995.
    27. «The Battle of the Plains of Abraham? Rocket Richard’s career goals total? To buckle our seatbelts? The correct answer, apparently, is two centuries of oppression by the English.»
    28. «Remembering is a breeze for Quebecers», The Gazette, 19 août 1986. Article trouvé en février 1995.
    29. «Taché, Eugène. Je me souviens — The motto of the Province of Québec was first inscribed beneath its coat of arms on February 9, 1883. The phrase which translates «I remember» and is an allusion to the glory of the Ancien Régime, was suggested by the architect Eugène Taché.»
    30. Voir notamment William Gairdner, «Canada’s culture as obvious as history», Edmonton Journal, 11 mars 1995. Dans une lettre du 3 novembre 1995, Gairdner a donné comme source l’historien torontois Joe C. W. Armstrong qui n’a pas donné de réponse.
    31. D’après le cinéaste Thierry Lebrun, ces deux lecteurs se connaissaient bien.
    32. John Robert Colombo, Colombo’s all-time great Canadian quotations, Toronto, Stoddart, 1994, p. 67.
    33. Citons quand même le Toronto Star du 19 mai 1991, le Globe and Mail du 17 mars 1994, le Citizen (Ottawa) du 20 janvier 1995, le Edmonton Journal du 11 mars 1995, la Gazette du 25 mars 1995, etc. Ajoutons Joan Fraser (The Gazette) à l’émission Bouillon de culture le 2 juin 1996. On en trouve aussi dans des médias de langue française mais leurs sources sont… anglophones. C’est le cas du Soleil en 1992 et de L’Agora en 1995.
    34. Il y a eu la pose d’une pierre angulaire en juin 1884 mais les reportages ne mentionnent aucune lecture de poème. Comment cette inauguration aurait-elle pu échapper à tous ceux qui ont parlé de la devise par la suite, Ernest Gagnon, en particulier, et aux historiens qui ont scruté l’histoire du Parlement depuis plus de 30 ans?
    35. Le fort et le château Saint-Louis, Montréal, Beauchemin, 1908, p. 162.
    36. «Armoiries et devises», Revue canadienne, nouv. série, 1 (1908), p. 483.
    37. Dans une autre version du texte de la Revue canadienne, éditée à Québec en 1910 dans Feuilles volantes et pages d’histoire, ce passage est supprimé (p. 42), probablement parce que le propos était caduc, le projet de monument étant mort et la devise, recyclée sur la médaille de 1908.
    38. Les fêtes du troisième centenaire de Québec, 1608-1908, Québec, 1911, p. 22-23.
    39. Blanche Gagnon, Réminiscences… et actualités, Québec, Garneau, 1939, p. 46. À noter que madame Gagnon utilise le masculin («né») et qu’elle parle de «notre pays», contrairement à son père qui utilisait le féminin.
    40. McCord Family Papers, McCord Museum of Canadian History, File 2024, Historical Notebook, vol. III, page 323. Cette information a été fournie par madame Kathryn Harvey via le cinéaste Thierry Le Brun. Madame Harvey est l’auteure de David Ross McCord (1844-1930) : Imagining a Self, Imagining a Nation.
    41. On peut penser qu’une devise écrite sur une médaille tirée à quelques centaines d’exemplaires et souvent gardée en sécurité ait eu moins de visibilité et soit tombée dans l’oubli.
    42. Anecdotes canadiennes suivies de Mœurs, coutumes et industries d’autrefois, mots historiques, miettes de l’histoire, compilées et annotées par E. Z. Massicotte, Montréal, Beauchemin, 1913; Pierre-Georges Roy, Les mots qui restent, Québec, Garneau, 1940, 2 volumes; Robert Prévost, Petit dictionnaire des citations québécoises, Montréal, Libre expression, 1988.
    43. Il faudrait explorer l’hypothèse que la jonction ait été faite à l’époque du mouvement de Bonne entente, dans les années 1910.
    44. William D. Gairdner, Constitutional Crack-up. Canada and the coming showdown with Québec. Toronto, Stoddart, 1994, p. 93.
    45. ANQ-Québec, Ministère des Travaux publics, L.R. 768/83, 9 avril 1883. Le soulignement est de Taché.
    46. Cette interprétation se retrouve à peu près uniquement chez les anglophones, et encore assez récemment car elle est absente des textes de McCord, notamment, et de la première édition du dictionnaire de Colombo.
    47. Antoine Robitaille, «“Je me souviens”», dans Québec, espace et sentiment, Paris, Autrement, 2001, p.

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