Miniaturisation

Voici une histoire qui illustre bien la miniaturisation et la façon dont elle peut transformer la vie de chacun d'entre nous.

«Après avoir créé la première ampoule électrique, Edison croyait avoir découvert une source lumineuse telle qu'elle serait un nouveau soleil capable de remplacer la lumière du jour. Et même si Edison adaptait son concept de l'environ­nement dans les sociétés humaines à sa nouvelle décou­verte, il ne le fit que partiellement. Il pensait en effet que le nouvel éclairage électrique éclairerait, à partir d'une source unique, les unités de vie ou de travail, donc qu'un nouveau style architectural verrait le jour, où l'on n'aurait plus que des bâtiments (maisons, bureaux, usines) sans fenêtres extérieures. Les fenêtres seraient ouvertes sur un immense hall intérieur, brillamment éclairé par son ampoule électrique. De cette manière, il remplaçait un système “global” (le système solaire) par un système satel­lisé secondaire qui n'en était pas moins un système haute­ment centralisé (même s'il était réalisé à plus petite échelle). Ce qui est arrivé fut le contraire, les développe­ments technologiques permirent de remplacer ce système lumineux unitaire par des systèmes lumineux décentrali­sés, où chaque pièce, chaque bureau ou chaque atelier est doté de son propre système d'éclairage “miniaturisé”, com­posé d'ailleurs d'une ou de plusieurs ampoules électriques.»

C'est un ingénieur américain, Earl Joseph, rendu célèbre par une autre forme de miniaturisation, la smart bomb,  qui a raconté cette histoire en 1978, dans le cadre d'une conférence intitulée «Miniaturisation et société future». Dans la même conférence il a évoqué en ces termes le phénomène connu sous le nom de loi de Moore, toujours confirmée par les faits:  «doublement tous les deux ans du nombre de transistors sur un même composant».

«En 1960, les premiers transistors commencent à sor­tir des usines américaines; montés pièce par pièce, ils re­viennent entre un à deux dollars chacun. Quelques années plus tard, grâce à une intégration à petite échelle, les mê­mes usines produisaient des transistors de taille identique, mais munis de 10 sorties (équivalant à environ 25 transistors de la première génération). Cependant, grâce aux progrès de la technologie, le prix de chacun de ces élé­ments était pratiquement identique à ceux d'un transistor de la première génération.

Aux alentours de 1965, apparut l'intégration à moyenne échelle grâce à laquelle il était possible d'intégrer une cinquantaine de circuits dans un seul élément, équivalant cette fois à une centaine de transistors encore au coût de un à deux dollars pièce.

En 1971‑72, le concept de l'intégration à grande échelle permit d'intégrer plusieurs milliers de circuits logiques en un seul élément, équivalant à environ deux mille tran­sistors; cependant la valeur de l'un de ces éléments oscil­lait toujours entre un et deux dollars. La progression géo­métrique, observée jusqu'à présent, du nombre de circuits qu'il est possible d'intégrer à un élément permet de con­clure que les circuits intégrés de l'avenir comprendraient des millions si ce n'est des milliards de transistors, mais que leur prix n'excéderait pas les limites de un à deux dollars. Le nombre de transistors produits en 2011 était de 2,600,000,000.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce tableau explique la prospérité des États-Unis au cours des trente dernières années. Chaque étape franchie dans l'échelle de Moore provoquait la désuétude des ordinateurs et rendait possibles de nouvelles applications dans le domaine de la téléphonie notamment. C'est ainsi que le téléphone cellulaire, l'appareil photo numérique, le GPS sont apparus.

Tant et si bien que la croissance économique est désormais associée dans l'esprit de bien des gens à l'idée contre nature que la loi de Moore continuera de s'appliquer indéfiniment. De temps à autre cependant, un physicien se lève pour rappeler l'existence d'une limite même dans ce domaine. Le physicien Michio Kaku est l'un de ceux-là. Au rytme où la miniaturisation continue de progresser, explique-t-il, en 2020 au plus tard on se heurtera au mur de la physique quantique, au principe d'incertitude. Et il faut, ajoute-t-il, craindre des conséquences économiques catastrophiques.

«Dans son nouveau livre « Physics of the Future », le physicien théoricien américain Michio Kaku explique qu'une grave crise interviendra quand la loi de Gordon Moore - cofondateur d'Intel avec Robert Noyce - ne pourra plus s'appliquer. C'est-à-dire au moment où la lumière ultraviolette ne suffira plus pour graver des circuits toujours plus petits sur des plaquettes de silicium, un phénomène qu'il situe, compte tenu de l'évolution actuelle, dans moins d'une décennie. À ce moment-là, la loi de Moore commencera à décliner graduellement, avec un impact technologique et économique désastreux.

Le physicien fait valoir que les industries de l'informatique sont dépendantes de la sortie permanente de nouveaux produits offrant deux fois plus de puissance à échéance d'une ou deux années. Privées de loi de Moore pour augmenter les capacités de calcul des appareils, les industries ne pourront plus compter sur cette culture de l'upgrade, et leur chaîne de production s'en trouvera paralysée, parce que l'intérêt des consommateurs pour les produits risque fort de diminuer.» Source, Le monde informatique.

Cette situation illustre bien la thèse de Jacques Ellul selon laquelle la technique forme un système qui obéit inexorablement à ses propres lois plutôt que de se conformer à des fins que l'homme pourrait lui assigner.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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