Infection

Le mot infection désigne à la fois une action, la pénétration et le prolifération de micro-organismes pathogènes dans un organisme et le type de maladies qui en résulte. Les agents pathogènes peuvent être des bactéries ou des virus. Une infection généralisée est appelée septicémie

La notion de terrain est essentielle à la compréhension des maladies infectieuses. On appelle terrain l'ensemble de l'organisme touché par les micro-organismes pathogènes. Ces derniers ne devienne nocifs que là où le terrain favorise leur prolifération.

Parce que Pasteur a découvert le rôle joué par les micro-organismes, on a eu tendance à se réclamer de lui pour lutter contre les maladies infectieuses en attachant aux agents venant de l'extérieur une importance démesurée par rapport à celle qu'on accordait au terrain. Dans une conférence intitulée Le microbe et le terrain qu'il a prononcée à L'Institut Pasteur en 1973, René Dubos a montré que Pasteur ne négligeait nullement le terrain.

«Sans connaître rien des mécanismes adaptatifs, Pasteur accepte comme une vérité évidente que, dans les conditions normales, le corps humain aussi doit posséder une grande résistance aux microbes avec lesquels il entre fréquemment en contact. « Notre corps oppose naturellement une résistance au développement et à la vie des infiniment petits. Dans les conditions physiologiques normales principalement et dans une foule de circonstances, la vie arrête la vie qui lui est étrangère.» Par exemple, le tractus intestinal contient une grande variété de microbes qui deviennent cause de maladie seulement quand le corps est affaibli. « L'homme porte sur lui ou dans son canal intestinal sans grand dommage les germes de certains microbes, prêts à devenir dangereux lorsque, dans des corps affaiblis . . . leur virulence se trouve progressivement renforcée.» De même, « Si toute amputation, toute plaie n'entraîne pas nécessairement la mort lorsqu'on s'affranchit des précautions antiseptiques... cela est dû principalement à la vie, à la résistance vitale.»

Pasteur eut même l'audace intellectuelle d'affirmer que ces vues concernant les rapports entre l'état physiologique, et la résistance à l'infection sont valables aussi pour les maladies les plus graves, par exemple pour la tuberculose. « Si vous placez cet enfant dans des conditions de nourriture et dans des conditions climatériques convenables, très souvent vous le sauverez, et il ne mourra pas phtisique ....il y a peut-être plus de rapport qu'on ne saurait le dire entre tous ces caractères relatifs à la phtisie pulmonaire et les caractères relatifs à l'affaiblissement qui détermine la maladie des vers à soie.»

Il alla même jusqu'à suggérer que l'état psychique pouvait influencer la résistance aux microbes. « Combien de fois la constitution du blessé, son affaiblissement, son état moral … n'opposent qu'une barrière insuffisante à l'envahissement des infiniment petits! »

Il faut noter que l'agent pathogène ne vient pas toujours de l'extérieur. Il peut séjourner depuis longtemps dans l'organisme et devenir subitement pathogène à la suite d'un affaiblissement du terrain qui le tenait en respect. En 1973, René Dubos craignait que les infections de ce genre ne deviennent de plus en plus fréquentes.

«Les méthodes basées sur 1'immunologie classique et la chimiothérapie nous permettent de maîtriser la plupart des infections aiguës qui dominaient le tableau de la pathologie au siècle dernier. Mais un très grand pourcentage des processus infectieux caractéristiques de notre époque échappent à ces méthodes de contrôle. C'est le cas surtout pour les infections causées par les pathogènes dont nous sommes porteurs mais qui restent essentiellement inactifs dans les conditions physiologiques normales. La multiplication de ces pathogènes peut recommencer cependant dès que la résistance générale est affaiblie. Un exemple typique est fourni par le virus de l'herpès simplex labial qui est généralement acquis dans la jeunesse et persiste ensuite d'une façon latente dans les tissus, mais cause des ulcères quand certains troubles physiologiques rompent son équilibre avec les cellules qui l'hébergent. Cette activation du processus infectieux se produit en dépit du fait que le porteur possède généralement une forte immunité humorale contre le virus. J'ose prédire qu'une grande partie de la pathologie infectieuse de 1'avenir sera de cet ordre. La compréhension de son déterminisme demandera donc la connaissance non seulement des pathogènes et des réactions immunologiques qu'ils mettent en jeu, mais aussi des mécanismes physiologiques qui gouvernent les rapports entre le germe et le terrain.»

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Essentiel

Il ne suffit pas de rappeler que l'action de l'agent pathogène varie en fonction du terrain. Le microbe et le terrain deviennent autres en agissant l'un sur l'autre

«Au moment ou l'infecté cherche à se protéger, il commence déjà à se nuire à lui-même, parce que, à l'intérieur de cette réponse inflammatoire, dans cet ensemble plus ou moins fibreux, le microbe risque de trouver un refuge et d'échapper ainsi aux assauts de la médication destructrice. Paradoxalement, plus l'organisme combat, plus il s'enflamme, plus il se lèse et se consume. Il nous faut renoncer à la croyance d'un germe seul causal et malfaisant. En réalité, l'organisme irritable et intolérant amplifie l'injure, il flambe et se congestionne, d'où il résultera des cicatrices, des adhérences, bref un tissu conjonctif qui prolifère et surtout qui s'indure. Justement ce qui paraissait défendre le terrain envahi et menacé compromettra finalement la guérison» (François Dagognet, La raison et les remèdes, Paris, Presses Universitaires de France, 1964, p. 187).

Enjeux

Voici le sommaire du plus récent rapport de l'OMS sur la question des maladies contagieuses dans le monde.

«Aujourd'hui, face aux maladies infectieuses, nous connaissons une situation de crise aux proportions planétaires, qui remet désormais en cause les progrès que nous avons eu tant de peine à réaliser sur le plan de la santé et de l'espérance de vie. Les maladies infectieuses sont maintenant la principale cause de mortalité parmi les enfants et les jeunes adultes. Elles sont à l'origine de plus de 13 millions de décès chaque année- dont un sur deux dans des pays en développement.

D'ici une heure, 1 500 personnes seront décédées d'une maladie infectieuse- des enfants de moins de cinq ans pour plus de la moitié d'entre elles. Les autres seront pour la plupart des adultes en âge de travailler, dont un grand nombre ayant une famille à charge. Dans les deux cas, ce sont des tranches d'âge d'une importance vitale qu'un pays peut difficilement se permettre de perdre.

La plupart des décès dus aux maladies infectieuses se produisent dans des pays en développement - c'est-à-dire ceux qui ont le plus de mal à faire face aux dépenses de santé. Dans ces pays, le tiers environ de la population - soit 1,3 milliards d'êtres humains- vit avec un revenu de moins de 1 USD par jour. Près d'un enfant sur trois souffre de malnutrition et ils sont près de un sur cinq à n'avoir pas bénéficié de toutes les vaccinations requises quand ils atteingnent leur premier anniversaire. Enfin, plus d'un tiers de la population n'a pas accés aux médicaments de base. Dans un tel climat de pauvreté et d'abandon, il n'est donc guére des maladies infectieuses mortelles aient pu se développer de la sorte. Quelques-uns des pays les plus pauvres paient aujourd'hui très cher la négligence et la passivité du monde.

La situation est encore aggravée par l'accroissement considérable des déplacements de masse des populations qui se sont produits au cours de la dernière décennie. En 1996, ce sont 50 millions de personnes - 1 % de la population mondiale - qui ont été arrachés à leur foyer. Les réfugiés et les personnes déplacées sont vulnérables face aux maladies infectieuses mais en plus, leur déplacement favorise la propagation de ces maladies infectieuses à d'autres régions.

D'autre part, la croissance de villes déjà surpeuplées avec leur eau insalubre, leur assainissement insuffisant et la multiplication de leurs quartiers pauvres a fait le lit des épidémies. Dans les quartiers défavorisés, les enfants ont moins de chances d'avoir été vaccinés contre ces maladies mortelles et les parents, probablement pas les moyens de les faire soigner s'ils tombent malades. Toutes ces circonstances font que des maladies autrefois maîtrisées reprennent pied et se réinstallent.

Enfin, on sait aujourd'hui que des maladies que l'on a cru longtemps sans rapport avec des agents infectieux - le cancer, en particulier - sont en fait le résultat de maladies infectieuses chroniques. On a établi par exemple que le cancer du col de l'utérus - l'un des cancers les plus fréquents chez les femmes du monde en développement - était lié à une infection par le virus du papillome humain.

Des maladies infectieuses chroniques comme les hépatites B et C sont susceptibles de déboucher sur un cancer du foie et on estime que plus de 6 % de la population mondiale est exposée au risque. La schistosomiase chronique peut également provoquer un cancer de la vessie.

Mais le problème des maladies infectieuses ne se limite pas aux pays en développement. Si on ne leur porte pas un coup d'arrêt, les pays industrialisés vont être menacés à leur tour. De vieux fléaux comme la tuberculose ou la diphtérie se mettent à exploser en Europe et dans le reste du monde industrialisé. La flambée de poliomyélite qui a touché l'Albanie, la Grèce et la République fédérale de Yougoslavie en 1996, montre avec quelle facilité une maladie peut se réintroduire dans des pays qui en étaient exempts, pour peu qu'on baisse la garde en matière de couverture vaccinale. Avec la progression accélérée du trafic aérien, les maladies peuvent désormais passer d'un continent à l'autre en l'espace de quelques heures. Même aujourd'hui, aucun pays n'est à l'abri de cette menace.

Et cela arrive précisément au moment où notre arsenal thérapeutique commence à s'épuiser suite à l'apparition de souches microbiennes résistantes aux antiinfectieux. Etant donné les proportions et la complexité considérables de cette situation de crise et parce que les causes sont étroitement liées à la pauvreté, on est un peu enclin, dans certains milieux, à l'envisager avec un certain fatalisme. Pourtant la situation est loin d'être désespérée. En effet, l'un des moyens les plus pratiques et les plus réalistes de faire reculer la misère et de favoriser le développement socio-économique consiste à prévenir et à combattre ces maladies.

Ce que cet exposé veut démontrer, c'est qu'il existe une chance à saisir pour accomplir des progrès décisifs contre les anciennes maladies et pour mettre en place un système d'alerte qui nous protégerait contre des maladies nouvelles ou inattendues. Si nous échouons, la résistance aux médicaments et l'apparition de nouvelles souches virales ou bactériennes risquent à l'avenir de nous rendre incapables, scientifiquement et économiquement, de juguler les maladies infectieuses.

Voir les graphiques

Les maladies infectieuses les plus meurtrières: les infections respiratoires aigües (y compris la pneumonie et la grippe) le sida, etc.
Les principales causes de décès

Leçons de l'histoire

En Occident, la fin du XIXe siècle aura été l'un des plus beaux moments de la lutte contre les maladies infectieuses. On commençait à identifier les microbes maléfiques, mais comme on ne savait pas encore comment les combattre une fois le mal fait, on en était réduit à les prévenir. Jamais l'hygiène ne suscita tant d'enthousiasme et tant d'actions efficaces compte tenu des moyens de l'époque. C'est à ce moment que l'on comprit l'importance de la qualité de l'eau et de l'air et d'une manière générale celle de la propreté, ce qui conduisit à la plus grande découverte médicale de tous les temps, celle de l'aseptie qui rendit enfin la chirurgie moins dangeuse que la non-intervention.

C'est plutôt hélas! à propos des antibiotiques que l'on parle de miracle de la médecine. Pourtant, comme René Dubos lui-même l'a démontré, la streptomycine n'aura eu qu'un rôle mineur et dernière minute dans l'éradication temporaire de la tuberculose. La maladie avait commencé à perdre de sa virulence depuis longtemps. Nul ne conteste l'efficacité des antibiotiques contre d'autres infections. On peut se demander toutefois si la découverte de ce remède miracle n'a pas réduit l'effort préventif au point qu'on néglige aujourd'hui l'aseptie même dans les hôpitaux et qu'on se limite à des efforts dérisoires pour assainir l'environnement, menacé par les ennemis d'autrefois dans les pays en développement, auxquels s'ajoutent les nouveaux polluants chimiques inventés par les pays riches.

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