Essentiel
«Deux ancolies se balançaient sur la colline.
Et l'ancolie disait à sa soeur l'ancolie;
Je tremble devant toi et demeure confuse
(...)»
Francis Jamme, Deux ancolies
poème entier
...Promenades...
Il pleuvait depuis des jours, le temps était froid, le ciel demeurait gris : une promenade s’imposait. Après un kilomètre sur le chemin Roy, exclamations de joie : des ancolies, une, deux, puis une touffe; nous prenons à gauche le chemin des rhinantes, mais voici sous un érable centenaire, au bord d’un pré, toute une colonie d’ancolies. Le pré n’avait pas été cultivé au cours des vingt dernières années, ayant été l’habitat exclusif de la vache d'un voisin; une créature sans veau ni lait, sans doute sacrée, puisque son maître lui avait réservé plus d’un acre de terre, jusqu’à ce qu’elle meure de sa belle mort. Dans sa jeunesse, elle lui avait donné un veau et allaité celui d’un voisin, pour s’adonner ensuite à la pure rumination. Quel mystérieux rapport y a-t-il entre cette rumination et les ancolies bleues?
Les promenades du frère Marie-Victorin
«De tout temps, la montagne de Beloeil a été le paradis des naturalistes de la région montréalaise, des botanistes surtout, aux époques où il y en eut. En petit nombre, amoureux, fidèles, ils viennent chaque année rendre visite aux hôtes silencieux de la montagne. Ils connaissent tous les recoins, suivent les torrents, escaladent les pentes ou dévalent dans les ravins. La sueur les inonde, les moustiques les dévorent, leurs pieds s'écorchent dans la chaussure brûlante; mais ils ne sentent rien, occupés qu'ils sont à saluer leurs silencieux amis, partout, au creux des sources, sur la mousse des rochers, aux branches des arbustes, sur le sable du lac. C'est ici qu'il faut venir cueillir les étranges sabots d'or que le Moyen Âge, poète et mystique, nommait si joliment Calceolus Marioe, sabot de la Vierge; ici qu'il faut venir voir l'ancolie balancer ses cornets écarlates sans cesse frissonnants sous la caresse passionnée des oiseaux-mouches; ici encore que l'on peut voir les clochettes bleues des campanules penchées sans peur au bord des précipices!
Le soir venu, on les voit, les naturalistes, se promener devant la gare, en marge des autres touristes, poussiéreux, piqués, fourbus, mais heureux des riches trouvailles qu'ils serrent précieusement sous le bras et des charmants tableaux qu'ils emportent au fond des yeux.»
frère Marie-Victorin, Croquis Laurentiens (dans l'E. de l'Agora)