Sondages. Dommageurs de démocratie
Condamnés à la liberté
CONDAMNÉ À LA LIBERTÉ
Les sondages. Dommageurs de démocratie
« À semer du vent de c’te force-là Tu t’prépares une joyeuse tempête ! » Gilles Vigneault, Lettre de Ti-Cul Lachance à son premier Sous-ministre (1972)
Je respecte Léger et Léger (feu père et fils…). Ou Legerweb.com, aujourd'hui. Plus que la plupart de ses concurrents du milieu, d'ailleurs. Estimant toutefois que les sondages sont devenus de véritables dommageurs de démocratie – involontairement, bien sûr – en orientant l'« opinion publique » (toujours sans intentions délibérées, du moins chez Léger et Léger, je pense, car j'éprouve de très sérieux doutes, à l’occasion, sur ce plan, à l'égard d'autres sondeurs du Québec et du Rest of Canada) par la diffusion même des résultats de leurs sondes ponctuelles. Et ce, nonobstant la qualité professionnelle, les cas échéants, et de la démarche et de la méthodologie. Et quels que soient, en outre, les thèmes abordés. De fait, d’un simple claquement de doigts nous passons de l’information à ce que j’appellerai l’informatage. Effet pervers s’il en est un.
D’où le retrait conséquent de votre liste d’envoi, gens de LégerWeb (ou Listing, ou encore Playlist, pour les millions de Français d’outre-Atlantique qui ne comprennent plus leur propre langue), auquel j’ai procédé dans les dernières heures. Et que j’explique succinctement sans plus tarder.
Dans une très large mesure le citoyen « actuel » – on l’aura constaté une fois de plus, mais sans retenue aucune pour le coup, lors du récent appel aux urnes du pays encensé des Trudeau (père et fils), des Philippe Pétain (aussi nommé Couillard) et autres Jean-Marc Fournier – s’interroge de moins en moins [s’interroger ↔︎ interroger soi-même] sur les idées (si tant est...) et les enjeux en présence sur la place publique à l’occasion, par exemple, du choix électif d’un gouvernement. Il se contente, ce dit citoyen, pour une bonne part, de se laisser porter par les vagues du vent à la faveur de la haute médiatisation des conclusions de ces dits sondages. D’où une espèce de flatus vocis généralisé, stricto sensu, qui se saisit insensiblement (pardon Misraki !) de l’agora citoyenne.
Nous ne pensons plus, nous ne réfléchissons plus. Ou si peu. Et perdons aisément, en ces occurrences, nos convictions les plus nobles, ou ce qu’il en reste (une cheffe québécoise de Parti présumé indépendantiste qui à l’échelle canadienne accorde son suffrage à un Parti fédéraliste, par exemple ; nonobstant la présence en lice d’un Parti de « la famille », de haute crédibilité qui plus est). C’est en tout cas, depuis maintenant plusieurs années, l’effet observé chez un nombre grandissant de citoyens.
Qui de la sorte sacrifient à l’un des grands paradoxes de notre temps : Chercher à se distinguer en faisant comme tout le monde. Aussi, et en conséquence, proposerais-je sans détour l’interdiction ferme, plus spécialement, de tout sondage en périodes électorales. Ou référendaires...
« Condamné » à réfléchir plutôt qu’à plébisciter aveuglément l’Opinion de tous, et surtout de personne, Opinion ô combien volatile au surplus, le citoyen (re)deviendrait d’évidence, ce faisant, le rouage décisif du débat public. Ne fût-ce, au creux de sa conscience, que dans le rapport réflexif entretenu avec lui-même à la lumière de l’information recueillie. Laquelle, est-il nécessaire de le préciser, n’a rien à voir avec ce que l’on désigne habituellement – terme vulgaire entre tous (vulgus : « le commun ») – comme étant la tendance.
Et la démocratie, ce me semble – ou enfin, les lambeaux pour consommateurs qu’elle nous offre désormais en pâture et en partage –, ne s’en porterait que mieux. Beaucoup mieux.
En attendant de se voir refondée. Franchement. Hardiment. Avant le point de non-retour. Et mes cent et une excuses, au passage, à notre Patriarche national. Pour citation apparemment hors-contexte. Jean-Luc Gouin, LePeregrin@yahoo.ca