Le TDAH et autres pseudo-diagnostics en pédopsychiatrie
Le TDAH (Trouble par déficit attentionnel avec ou sans hyperactivité) est généralement considéré comme un diagnostic. Le grand public en conclut qu’il s’agit d’une maladie comme le diabète caractérisée par des symptômes auxquels correspondent des lésions organiques identifiables…ainsi que des médicaments et des traitements appropriés. Ce n’est pas le cas. Le TDAH est un pseudo-diagnostic, un fait alternatif qui correspond plus aux intérêts des compagnies pharmaceutiques qu’à la réalité médicale. Lors d’un même colloque [1]sur le surdiagnostic en santé mentale, les exposés de deux experts, un clinicien, le pédopsychiatre Jacques Thivierge de Québec, et un épidémiologiste(statisticien) le médecin danois Peter C. Gøtzsche concordaient sur ce point, non sans semer une certaine inquiétude chez les omnipraticiens à qui leurs messages étaient destinés et qui sont souvent confrontés à des parents qui réclament un diagnostic et les médicaments, comme le ritalin, auxquels il donne droit.
Pour y voir plus clair voici un extrait d’un livre récent. L’auteur, Jacques Thivierge, est à la fois un pédopsychiatre ayant une grande expérience comme clinicien et un disciple du philosophe des sciences Karl Popper. Ce qui veut dire qu’il sait distinguer le fait scientifique authentique de ce qui n'en a que les apparences.
«Une des phrases qui rebondit souvent sur les quatre murs de mon bureau à l’hôpital est la suivante : « Nous venons chercher un diagnostic; nous n’avons pas de diagnostic, donc nous n’avons pas de services ».
Si votre enfant a un mal de ventre persistant, vous imaginez-vous allant dire à votre médecin : « Il n’a pas de diagnostic; je viens chercher un diagnostic pour qu’il ait des services » ?
Des services? Compte tenu du contexte, le médecin comprendra ce que signifie votre demande mais il ne pourra probablement pas s’empêcher de penser que vous devez quelque part travailler pour la division de la Planification quinquennale en faveur des prestataires de soins du Ministère de la Santé PQ ! Un langage de gestionnaire administrateur qui colore de plus en plus les paysages de notre société, y compris de notre médecine.
Dans le contexte où l’enfant a un mal de ventre persistant, le terme diagnostic conserve son plein sens médical. Dans le contexte où l’enfant présente un comportement turbulent, le sens médical du terme diagnostic n’est conservé que si une condition médicale peut être identifiée comme étant reliée à ces comportements; dans le cas, par exemple, de certains enfants dont le cerveau a été exposé à la cocaïne en période fœtale, ou d’un jeune dont le cerveau est sous l’influence toxique de drogues. Cependant, dans la majorité des cas de comportements turbulents chez l’enfant, il demeure impossible de mettre le doigt sur une quelconque condition médicale liée à la turbulence. Comment se fait-il alors que dans nos sociétés modernes, nous continuions à utiliser le terme de diagnostic pour ces enfants turbulents ? La réponse à cette question a ses racines dans une longue histoire dont nous n’allons retenir que deux épisodes : d’une part des faits qui expliquent le problème et d’autre part des faits qui entendent le résoudre.
Des faits explicatifs : en 1918, eut lieu aux E-U une épidémie d’encéphalites virales. On remarqua que les enfants dont le cerveau avait été atteint par le virus demeuraient impulsifs, inattentifs et hyperactifs (Diller 1998) L’idée que les « autres » enfants impulsifs, inattentifs et hyperactifs avaient un cerveau atteint nous était présentée sur un plateau d’argent, et on la retint. L’idée était logique et on supposa qu’elle était vraie sans autre forme de procès. On en vint, au cours des années, à prendre l’habitude de dire que les enfants impulsifs, inattentifs et hyperactifs souffraient de dysfonction cérébrale mineure. Voilà pour le problème et son explication.
Maintenant le traitement. En 1936 le Dr Charles Bradley administre de la benzédrine pour atténuer les céphalées souvent liées aux pneumo encéphalogrammes auxquels il soumet ses jeunes patients. Il en constate l’effet calmant (Bradley 1937), et a l’idée d’utiliser cette médication chez les enfants très agités; il en arrive même à décrire une amélioration des performances scolaires chez ces derniers (Bradley 1940). Voilà pour le traitement.
Prises comme un tout, ces deux idées forment une image claire, simple et rassurante pour les parents dont les enfants sont impulsifs, inattentifs et hyperactifs et qui, de surcroit, comme souvent mais pas toujours, ont des difficultés d’apprentissage. Cette image pointe vers un trouble du cerveau, qui pourrait ouvrir la porte à un diagnostic et à un traitement médical. Signalons, comme pour tous les diagnostics à caractère médical approximatif, qu’on a régulièrement assisté à des changements de nom de ce diagnostic au cours des années : Dysfonction cérébrale mineure, Trouble hyperkinétique et, actuellement, Trouble par déficit attentionnel avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Pourquoi un diagnostic approximatif ? Parce que si je fais une grippe, il est normal que je fasse de la fièvre; mais si je fais de la fièvre, je ne fais pas nécessairement une grippe; si je fais de la fièvre, je peux faire une infinité d’autres choses qu’une grippe : un coup de chaleur, une septicémie, une appendicite, un cancer etc. Il en est de même pour l’hyperactivité chez l’enfant; mais même si elle n’est pas nécessairement une maladie du cerveau, cette idée (agitation, manque d’attention et impulsivité) est tellement imprégnée dans l’esprit de notre époque, que nous continuons à la véhiculer dans une société qui en redemande et n’arrive pas à s’en défaire.
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[1] SURDIAGNOSTIC ET SURTRAITEMENT EN SANTÉ MENTALE,
Le vendredi 20 janvier 2017, Hôtel Chéribourg, Magog‐Orford, par le Centre de formation continue de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke.