La nouvelle ignorance et la crise de l'éducation
Certes, « le plus grand et le plus difficile problème qui puisse se poser à l’être humain, écrivait Kant, c’est l’éducation : car le discernement [Einsicht] dépend de l’éducation, et l’éducation, à son tour, dépend du discernement » (Über Pädagogik, AK IX, 446). Comment sortir de ce cercle au moins apparent ? De tout temps, la question de l’éducation a été au centre des débats. « La première des choses pour l’être humain, c’est, je pense, l’éducation [paideusis] », constatait déjà Antiphon le Sophiste (DK 87 B 60). Mais jamais sans doute n’est-elle apparue aussi problématique qu’aujourd’hui, où des réformes précipitées – marché et contestations obligent – répètent les erreurs passées et aggravent les problèmes, où l’on ampute – et greffe – à grande hâte avant tout diagnostic responsable, comme c’est désormais l’usage en économie et en administration.
Il est devenu banal de relever la crise de l’éducation, la crise de la culture, la crise des sciences dites exactes ou des sciences dites humaines, la « détresse » de l’enseignement, la « mort » des lettres, la démission des clercs, le vide du « pédagogisme » (« apprendre à apprendre » – mais quoi ?), le « naufrage » de l’université, et le reste. L’abondance de travaux de première qualité qui de nos jours dénoncent l’une ou l’autre de ces crises et offrent des diagnostics, est un signe de santé permettant l’espoir. Les constatations sont étonnamment similaires d’un pays à l’autre, notamment celle d’une paupérisation de la connaissance même des langues maternelles, lesquelles constituent pourtant l’accès premier, pour chacun, au langage, lieu par excellence de la réflexion critique et donc de la pensée, ainsi que le rappelle Danièle Sallenave déplorant, comme Michel Freitag, le glissement vers la démagogie qu’entraîne la diminution du sens critique et de la capacité d’expression. L’apparition de nouveaux dieux (« consommation », « science », « technologie », par exemple) fait bien voir que le problème fondamental est « métaphysique », et non pas un simple « problème d’ingénierie » (Neil Postman). « Combien de “marchands de tapis” ai-je rencontrés sur le marché universitaire, autant chez les promoteurs de la recherche que chez ceux qui se targuent du titre d’intellectuels », atteste Gabriel Gagnon dans un texte lucide et courageux. En France (comme ailleurs), il semble bien que le « niveau » qui « monte » à l’école ne soit que trop souvent celui du « flot montant de l’ignorance » (Jacqueline de Romilly). Pour George Steiner, les études sont en majeure partie aujourd’hui planned amnesia (une « amnésie planifiée ») ; Michel Serres a parlé du « désastre éducatif global » des sociétés contemporaines. D’une façon générale, « nos gains inouïs de connaissance se paient en gains inouïs d’ignorance […]. Le nouvel obscurantisme, différent de celui qui stagne dans les recoins ignares de la société, descend désormais des sommets de la culture. Il s’accroît au cœur même du savoir, tout en demeurant invisible à la plupart des producteurs de ce savoir, qui croient toujours faire uniquement œuvre de Lumière » (Edgar Morin) (33).
Comment des médecins ont-ils pu, il y a peu, envoyer des hommes et des femmes à la mort en prescrivant un sang qu’ils savaient mortel, puisqu’ils le savaient contaminé par le virus du sida ? Comment des drames d’une telle ampleur ont-ils pu survenir, au nom de « préoccupations budgétaires » ? « Les soucis de gestion, écrit Philippe Meyer, ne peuvent être qu’un prétexte, les véritables responsables sont l’ignorance et un état schizoïde ». Ce qu’il faut tenter de comprendre, ce sont « les mécanismes subtils et silencieux qui ont permis l’horreur » (34).
« Qui est plus méprisable que celui qui dédaigne la connaissance de lui-même ? » demandait Jean de Salisbury. Dans La civilisation inconsciente, John R. Saul pose à neuf, à juste titre, la même question à propos de la société dans son ensemble : « Quoi de plus méprisable, en effet, qu’une civilisation qui dédaigne la connaissance d’elle-même ? », et montre que ce qui est nouveau n’est pas la bureaucratie, mais bien plutôt la dévotion de toute une « élite » envers une éthique bureaucratique – celle de la gestion – comme s’il s’agissait d’une habileté première. L’élite technocratique, qui ne produit rien elle-même, s’asservit aux intérêts de groupes, altérant ainsi la relation de l’individu à la démocratie. En s’alignant sur les besoins immédiats du marché, notamment en privilégiant une technologie galopante, l’éducation publique se donne des airs pratiques qui ne sont que cela, des airs ; il saute aux yeux qu’elle « produira » de la sorte des diplômés aux habiletés vite obsolètes. Le réalisme commanderait au contraire d’enseigner à penser, rendant les jeunes aptes à assumer la myriade de changements, y inclus de changements technologiques, auxquels ils auront inéluctablement à faire face dans les décennies à venir. L’amitié n’exige-t-elle pas la franchise : qu’on dise aux institutions concernées qu’en se constituant les servantes du système corporatiste au lieu d’exercer le leadership intellectuel qu’on est en droit d’attendre d’elles – en renonçant, somme toute, au débat rationnel, à la réflexion critique, plus que jamais nécessaires – elles trahissent la société ? « Lieu sans âme où coexistent et prolifèrent dans le désordre des savoirs spécialisés », en France l’université n’aurait aux yeux des étudiants rien à voir avec la vie. Danièle Sallenave ne craint pas de comparer les universités d’aujourd’hui au fameux couteau sans manche de Lichtenberg, auquel manquait la lame (35).
Non moins néfaste est la double ignorance de ces hommes et femmes politiques – ou en positions de pouvoir – qui préfèrent l’immédiat (plus exactement le peu qu’ils en perçoivent) à l’essentiel, quand ce n’est pas tout uniment leur propre intérêt. Aussi n’ont-ils de cesse de couper les vivres là où les besoins sont les plus vitaux pour l’avenir : le monde de l’éducation, les hautes institutions du savoir, notamment les centres de recherche et les universités, rendant ainsi pratiquement inéluctables les comportements suicidaires de ces derniers (36). On pousse l’inintelligence jusqu’à défavoriser la recherche fondamentale – laquelle, les gens de métier l’attestent, n’existe pratiquement plus, – tant on se laisse obnubiler par la technoscience. Un minimum de bon sens et d’information juste suffit cependant pour voir que la science et la médecine ne font que commencer et que leur progrès dépend en premier lieu, comme toujours, de la vraie recherche fondamentale, celle qui ne sait pas d’avance ce qu’elle trouvera. Le cas de la médecine a l’avantage de nous rappeler de manière plus évidente chaque jour notre ignorance en quelques-unes de ses conséquences plus manifestes. Depuis 1973, trente nouvelles maladies (qu’on n’est pas près de vaincre parce qu’on n’en sait tout simplement pas assez encore) ont été dénombrées par l’oms ; le sida, par exemple, devenu une maladie « presque ordinaire », est apparu en 1983 et se répand de façon terrifiante dans le Tiers Monde ; à quoi s’ajoute le retour en force d’anciennes maladies infectieuses (notamment le paludisme, la tuberculose, la fièvre jaune et le choléra) (37) .
Non moins manifeste en ses effets est la double ignorance dont ne cesse de faire preuve ce qu’on appelle improprement la « science économique ». Depuis la mort de John Maynard Keynes en 1946, cette prétendue science s’est peu à peu transformée en une discipline abstruse, voisine des mathématiques au point de ressembler à une branche de cette dernière. On ne s’y intéresse plus guère à des sujets concrets comme l’inégalité, la pauvreté, le chômage et le reste. Il s’agit plutôt d’un vaste jeu académique. Si on y avait fait des progrès analogues à ceux de la physique ou de la chimie, on ne lui reprocherait pas plus son inaccessibilité qu’on ne le fait à la théorie de la relativité d’Einstein, par exemple, car dans ce dernier cas les vérifications et les retombées empiriques n’ont pas manqué de corroborer la théorie. Mais ce qui marche en économique est toujours relativement simple et connu depuis longtemps, cependant que l’inaccessibilité de la « science économique » du jour va de pair, bien plutôt, avec son incompétence et s’avère à l’origine de désastres économiques et humains comme ceux dont nous parlions plus haut. De l’aveu des économistes américains, des phénomènes comme le ralentissement de la productivité et l’augmentation des inégalités salariales demeurent inexpliqués par leur science encore maintenant. La théorie radicale-ment nouvelle de Robert Lucas, prix Nobel de 1995 en économique, s’est révélée un fiasco dans ses résultats. Sa complexité mathématique avait entre-temps offert un champ pratiquement infini à des développements techniques et à des spéculations d’ordre purement mathématique. Son postulat fondamental était pourtant loin de ces abstractions. Il posait en principe que l’offre est toujours égale à la demande, bref que le chômage est impossible, puisque cela signifierait que l’offre de travailleurs est plus élevée que la demande de travailleurs. Or sans ce postulat – d’entrée absurde puisqu’il posait, sans aucun égard aux réalités, le plein emploi comme une donnée de départ – la plupart des conclusions de Lucas s’écroulaient, l’une d’entre elles étant la croissance monétaire à un taux constant (le « monétarisme »). Il n’empêche que sa méthodologie règne encore dans le domaine de la macroéconomique, dont l’abstraction et l’éloignement du monde réel continuent de croître.
Un autre exemple d’irresponsabilité professionnelle est l’application de la géniale théorie des jeux de John von Neumann à des domaines divers ayant en commun la dépendance par rapport aux actions d’un autre intervenant : par exemple, la course aux armes de mort, les politiques d’échanges commerciaux, les guerres de prix. Les opérations extrêmement compliquées auxquelles donnent lieu ces jeux mathématiques ne fournissent cependant jamais de solution pratique, soit qu’il faille en choisir une parmi une pléthore (à proportion que les intervenants se multiplient), soit qu’on n’en trouve simplement pas. Ces jeux sont de toute manière incapables de prédire quoi que ce soit : ici encore, la contingence échappe à la « science ». Qu’ils soient passionnants et amusants pour celles ou ceux qui s’y livrent, nul n’en doute. En 1991, un groupe de douze éminents économistes américains constituant la « Commission on Graduate Education in Economics » a fait montre, en revanche, de réalisme et de sagesse en déclarant qu’elle craignait qu’on ne soit en train de former une génération d’« idiots savants, habiles en technique mais ignorant les problèmes économiques réels (38) » .
Idiots est le mot juste (du latin idiota, « ignorant », emprunté au grec idiôtês, « ignorant », par opposition à pepaideumenos, « homme cultivé »). Le malheur est que leur réputation imméritée d’experts étend d’autant plus l’influence de cette idiotie en des sociétés comme les nôtres où la « science » exerce un pouvoir magique et où « le pouvoir semble de plus en plus légitimé par des experts “savants” », comme le relève Jacques Testart : « En effet, l’expert rassure et les citoyens hésitent à affirmer l’absurdité ou le cynisme d’une décision politique ayant reçu l’aval des “experts les plus qualifiés” ». L’hostilité de ces « idiots savants » et de ceux qui les écoutent à l’égard de la culture et de la pensée est, en ce qui les concerne, on ne peut plus fondée. « Car rien n’est plus mobilisateur que la pensée », écrit excellemment Viviane Forrester. « Il n’est d’activité plus subversive qu’elle. Plus redoutée. Plus diffamée aussi […]. Le seul fait de penser est politique. D’où la lutte insidieuse, d’autant plus efficace, menée de nos jours, comme jamais, contre la pensée. Contre la capacité de penser. Laquelle, pourtant, représente et représentera de plus en plus notre seul recours. (39) »
Une société peut-elle survivre longtemps à pareil vide en son centre, voire à sa tête (ou plutôt ce qui passe pour telle) ? Aux statistiques d’autodestruction des jeunes s’ajoute le taux sans précédent d’abandons scolaires (environ 50 % dans les écoles publiques américaines). Y a-t-il lieu de s’en étonner ? « Le commencement est plus que la moitié du tout », dit le vieux proverbe grec. Le jeune est dès l’enfance extraordinairement doué, il est même en mesure d’apprendre alors davantage que jamais plus tard en sa vie ; un enfant de trois ou quatre ans peut apprendre simultanément, avec succès, trois langues – systèmes complexes s’il en est – et les enfants sont aptes à mille autres prodiges d’apprentissage ; à partir de onze ans, la plasticité neuronale commence à diminuer, étant du reste inversement proportionnelle à l’âge. Époque merveilleuse de la vie de chacune et de chacun qui sera à jamais perdue si on n’a su en faire profiter l’enfant à temps (40). De plus, l’affection naturelle pour les êtres et les choses connus en premier lieu laisse des marques indélébiles. Or non seulement, dans nos sociétés, des centaines de milliers d’enfants pauvres et sans logis sont-ils délaissés, mais même chez les nantis un nombre croissant de jeunes sont sevrés de l’affection, du respect et de l’attention qui sont les conditions les plus indispensables au développement de l’esprit (41). Au niveau scolaire, on les a en outre privés d’une variété de matières parmi les plus essentielles. Le soi-disant système d’éducation les a, par exemple, stupidement dépourvus de l’étude proprement dite des langues et de la littérature, voire de celle de l’histoire – comme si on avait oublié ce qui arrive à ceux qui, frappés par la maladie d’Alzheimer, perdent la mémoire : ils oublient qui ils sont et qui sont les autres. « Une personne a un avenir en se donnant des projets ; mais cela lui serait impossible sans le sentiment de son identité, sans son aptitude à donner un sens à son passé. Il n’en va pas autrement pour les cultures ».
Notes
(33) Aux titres ou références déjà indiqués, il faut ajouter notamment Jacqueline de Romilly, L’enseignement en détresse, Paris, Julliard, 1984 ; Edgar Morin, La connaissance de la connaissance, Paris, Seuil, 1986 (phrases citées, p. 13) ; George Steiner, « A Responsion », dans Reading George Steiner, éd. Nathan A. Scott Jr. et Ronald A. Sharp, Johns Hopkins University Press, 1994, p. 284 ; Michel Serres, cité par Ignacio Ramonet, dans Géopolitique du chaos, p. 133 ; Marie-Claude Bertholy et Jean-Pierre Despins, La gestion de l’ignorance, Paris, puf, 1993 ; Hervé Bouillot et Michel Le Du, La pédagogie du vide, Paris, puf, 1993 ; Philippe Nemo, Le chaos pédagogique, Paris, Albin Michel, 1993 ; Alain Caillé, La démission des clercs. La crise des sciences sociales et l’oubli du politique, Paris, La Découverte, 1993 ; Danièle Sallenave, Lettres mortes, Paris, Michalon, 1995 ; Michel Freitag, Le naufrage de l’université, Québec, Nuit Blanche et Paris, La Découverte, 1995 ; Gabriel Gagnon, Au cœur des possibles, Montréal, Écosociété, 1995 (phrase citée, p. 29) ; Neil Postman, The End of Education, New York, Al-fred A. Knopf, 1995 ; Godelieve De Koninck, À quand l’enseignement ? Plaidoyer pour la pédagogie, Montréal, Les Éditions logiques, 1996. Afin d’illustrer « The Antilanguage Assumptions of Our Culture », Christopher Lasch notait qu’à l’Université de Californie, 40 à 60 % des étudiants devaient s’inscrire à des cours de « remedial English ». À Stanford, un quart seulement des étudiants débutant en 1975 avaient pu passer l’examen universitaire d’anglais, alors qu’ils avaient réussi brillamment le « Scholastic Aptitude Test » (The Culture of Narcissism, p. 128).
(34) Philippe Meyer, L’irresponsabilité médicale, Paris, Grasset, 1993, p. 181-182.
(35) John Saul, La civilisation inconsciente, p. 7 sq. Philippe Bénéton, De l’égalité par défaut. Essai sur l’enfermement moderne, Paris, Criterion, 1997, p. 9-13 ; Danièle Sallenave, Lettres mortes, passim.
(36) Cf. Peter C. Emberley, Zero Tolerance. Hot Button Politics in Canada’s Universities, Toronto, Penguin Books, 1996 ; cf. par ailleurs Alain Renaut, Les révolutions de l’Université, Paris, Calmann-Lévy, 1995 ; et Charles W. Anderson, Prescribing the Life of the Mind, University of Wisconsin Press, 1993.
(37) Cf. Jacques Testart, Pour une éthique planétaire (avec Jens Reich), Paris, Mille et une nuits, 1997, p. 23-24 : « Ils s’imaginent que dans les laboratoires de recherche on fabrique des concepts, on cherche à comprendre comment l’organisme vit… c’est merveilleux. Ce serait une recherche fondamentale que personne ne voudrait arrêter si elle existait, quelque chose de fantastique. Je ne sais pas si vous l’avez rencontrée, mais moi jamais. Ce que j’ai rencontré, c’est une recherche non pas appliquée, mais finalisée. On sait ce que l’on cherche. Il y a un but, souvent tout à fait honorable. Mais si on cherche par exemple un vaccin contre cette maladie horrible qu’est le sida, c’est une recherche finalisée même si elle oblige à certains détours de compréhension des mécanismes, le but étant d’obtenir le vaccin. Autrement dit, aujourd’hui, ce que nous faisons presque tous dans le monde de la re-cherche, pas seulement en biologie, pas seulement en médecine, c’est une recherche finalisée. Elle sait où elle va » (p. 23-24). Et Lewis Thomas : « […] aids is, first and last, a problem and a challenge for science. We simply do not know enough about this extraordinary virus – or, as it is already beginning to appear, this set of extraordinary viruses, all closely related but differing in subtle ways – and we have a great deal to learn. And it seems to me that the only sure way out of the dilemma must be by research » (The Fragile Species, p. 43).
(38) Cf. John Cassidy, The Decline of Economics, dans The New Yorker, 2 décembre 1996, p. 50-60. Les mots « idiots savants » sont en français et en italiques dans le texte. Dans L’horreur économique, Viviane Forrester a trouvé de justes qualificatifs pour ce type d’ignorance : « L’indifférence est féroce » (p. 59) ; « Le détachement, l’assoupissement ont tant dominé […] » (p. 60).
(39) Jacques Testart, Pour une éthique planétaire, p. 45 ; Viviane Forrester, L’horreur économique, p. 96 ; sur la confiscation des valeurs culturelles, « celles de l’intelligence », cf. p. 88, 114 et passim.
(40) Cf. Claude Hagège, L’enfant aux deux langues, Paris, Odile Jacob, 1996 ; Christian de Duve, Poussière de vie. Une histoire du vivant, trad. Anne Bucher et Jean-Mathieu Luccioni, Paris, Fayard, 1995, p. 391-431. « As a society, we are so obviously guilty of neglecting the minds of our school-age children […]. The educational neglect that I am more worried about exists at a deeper level and will, in the long run, cause much worse damage to our culture if it is not corrected. It is the neglect, amounting to abuse, of the minds of very small children, throughout the years of early childhood and long before kindergarten or first grade. […] What we keep overlooking is the sheer tremendous power, unique in the brain of a young child, never to be matched again later in life, for learning » (Lewis Thomas, The Fragile Species, p. 62-63).
(41) Cf. Andrée Ruffo, Les enfants de l’indifférence : il suffit pourtant d’un regard, préface d’Alice Miller, collaboration de Michèle Morel, Québec, Éditions de l’Homme, 1993. D’autre part, Aristote, Politique, VII, 17, 1336 b 33 : ce qui est connu d’abord est « toujours ce que nous affection-nons davantage » (πάντα γὰρ στέργομεν τὰ πρῶτα μᾶλλον) ».
(42) Fernand Dumont, Raisons communes, Montréal, Boréal, 1995, p. 103 ; cf. 105 et 224-225 ; cf., du même auteur, L’avenir de la mémoire, Québec, Nuit Blanche, 1995. Sur la situation québécoise, cf. Paul-Émile Roy, Une révolution avortée. L’enseignement au Québec depuis 1960, préface de Pierre Vadeboncœur, Montréal, Méridien, 1991 ; Jean Larose, L’amour du pauvre, Montréal, Boréal, 1991.