«Le critique en moi et le poète se combattent à votre sujet»
Monsieur et cher poète,
J'ai voulu lire les Poèmes saturniens avant de vous remercier : le critique en moi et le poète se combattent à votre sujet. Du talent, il y en a, et je le salue avant tout. Votre aspiration est élevée, vous ne vous contentez pas de l'inspiration, cette chose fugitive: vous l'avez dit dans votre Épilogue et en paroles qui ne s'oublient pas :
- Ce qu'il nous faut, à nous les suprêmes poètes,
Qui vénérons les dieux et qui n'y croyons pas, etc.
Ne prenons point ce brave et pauvre Baudelaire comme point de départ pour aller encore au delà. Et puis, le vers, le son, n'est pas exactement le marbre ni la pierre à graver : je le dirais à Gautier lui-même. J'aime comme emblème et image vos stances dé Çavitri et le vers qui termine :
- Mais comme elle dans l'âme ayons un haut dessein...
Poursuivez, monsieur et cher poète, sans vous détourner, en assouplissant votre manière sans l'amollir, en ne l'affectant pas en elle-même et pour elle-même, mais en l'étendant et en l'adaptant à de dignes sujets.
Agréez mes remercîments et mes sympathies.