Liminaire
«Voici la première revue publiée par les professeurs d'un Collège d'enseignement général et professionnel.
Nous avons craint jusqu'à la dernière minute, nous aussi, le mauvais sort qui s'abat avec une régularité implacable sur les projets de revue. Dieu merci, il nous a épargné une première fois; nous espérons qu'il nous épargnera une deuxième, puis une troisième fois... En attendant, nous recherchons des collaborateurs inspirés et décidés à tenir leurs promesses.
Disons-le tout de suite nos objectifs sont modestes. Nous désirons que la revue soit, pour les professeurs du Collège Ahuntsic et d'ailleurs, le complément indispensable à leur enseignement. Nous voulons en effet susciter dans notre milieu, et de plus en plus, un intérêt pour l'expression écrite. Nous aimerions, du même coup, provoquer et favoriser les échanges entre professeurs, ainsi que fournir aux étudiants intéressés une source de documentation.
Si nous pouvions enfin contribuer à un certain décloisonnement des disciplines, comme le pratiquent bon nombre de penseurs contemporains, nous estimerions avoir atteint un autre objectif important.
Toutefois la modestie, comme la noblesse, oblige. Si nous voulons éviter à tout prix la fausse originalité, ce n'est pas - du moins nous voudrions le croire - parce que nous nous sommes résignés d'avance à la médiocrité et à la platitude. Le sens de nos limites ne nous empêchera aucunement de chercher à faire valoir le premier CRITERE de toute revue qui se respecte, à savoir la qualité, et ce, tant au niveau de l'expression qu'au niveau du contenu des articles.
Bien sûr, nous ne prétendons pas posséder tous les critères. Nous voudrions seulement, avec nos collaborateurs aussi bien qu'avec nos lecteurs, partir à la recherche de critères qui nous permettent de jeter un peu plus de lumière sur ce monde dans lequel, bon gré mal gré, nous sommes embarqués et où, suivant le mot de Valéry, il nous faut tenter de vivre.
Visons-nous d'autres objectifs? Oui. D'une part, nous prendrons les chemins de ce que l'on pourrait appeler "l'humanisme nouveau". Nous nous réservons cependant le droit de juger ces nouveaux apports selon nos modestes moyens et à la lumière de nos enracinements.
L'un de nos enracinements, nous le trouvons justement dans notre sol québécois. Refusant tout autant le narcissisme que l'aliénation culturelle, nous savons reconnaître l'une de nos fidélités. C'est ainsi que l'on pourra saisir, au coeur de nos prises de position, une optique québécoise ou du moins une confrontation avec des situations et des auteurs du Québec.
D'un autre côté, dans notre monde qui cherche souvent à se libérer du poids de la tradition, nous tâcherons de redécouvrir les grandes oeuvres du passé. En dépit du fait que les consommateurs-des-derniers-"ismes"-à-la-mode passent aujourd'hui pour des prophètes, nous gardons la conviction qu'un homme digne de ce nom doit demeurer disponible à l'égard des plus hautes expériences de l'humanité. Pour parler plus concrètement, nous nous sentons quelque peu gênés de balayer du revers de la main Platon, Mozart, Rembrandt ou Voltaire. Nous nous appliquons à nous-mêmes l'exhortation que peuvent lire ceux qui visitent les pyramides d'Egypte: "Ceux qui ont bâti ici méritent non pas votre pitié, mais votre respect ému, votre admiration."
Enfin, nous choisissons d'écrire selon ces genres particuliers que sont l'essai, l'étude et la chronique.
L'essai favorisera l'expression personnelle de nos recherches. L'étude nous fera profiter des découvertes de chercheurs qui sont venus avant nous ou qui sont nos contemporains. La chronique, elle, nous permettra d'apprécier les événements actuels: politiques, sociaux, littéraires.»