Faites le zéro

Raphaël Korn-Adler
Vivement le voyage, les nouveaux horizons, le Nord mythique! Ils ne parlent ni l'anglais ni le français? Qu'importe! N'ont-ils pas les cartes de crédit qui parlent toutes les langues? Et le téléphone, cette merveille, permet toujours de trouver de l'aide. Alors, partons, la vie est belle!
C'est aussi l'histoire d'un cauchemard de voyageur qui tombe malade à l'étranger, et qui à la suite d'une erreur administrative, se retrouve privé de son argent, ce qui équivaut à la perte de ses droits comme personne.
«Lucio avait une forte fièvre. Ses yeux rouges brillaient d'un mauvais feu. Des taches incarnates s'étendaient sur ses pommettes. Quand il ne toussait pas, il tremblait de tous ses membres.
- Un médecin, balbutia-t-il. Il faut que tu appelles un médecin. Je ne me sens vraiment pas bien.
Il ferma les yeux. La toux le secoua encore une fois.
- Voici ce que tu vas faire. Tu vas téléphoner à l'administrateur de notre carte de crédit. Comme nous avons acheté nos billets d'avion avec la carte, nous avons droit à une assurance-maladie. Tu leur demanderas comment il faut procéder pour obtenir une consult...
Le reste de la phrase se perdit dans un gargouillis suivi d'une nouvelle crise de toux. Il reprit son souffle.
- Il y a des aspirines dans les poches de mon manteau. Donne-m'en deux, s'il te plaît.
Maria ne savait pas ce qu'elle redoutait le plus. Cette subite maladie de son mari ou la perspective de devoir affronter un téléphone dans ce pays où elle ne comprenait personne.
ne comprenait personne. Elle mit les comprimés dans la bouche de Lucio, souleva sa tête et l'obligea à boire un grand verre d'eau.
- Il y a un numéro gravé sur la carte, pour les urgences. Tu peux demander l'aide d'un employé qui parle portugais. Il te dira quoi faire.
- Mais comment fait-on pour parler avec les autres, avec ceux qui ne parlent pas le portugais?
Elle pleurait presque, complètement désemparée, comme un enfant auquel on demande de traverser un couloir mal illuminé. Il réussit à sourire.
- Tu décroches l'appareil, tu composes le numéro et tu dis "allô".
- Cesse de te moquer de moi.
Ses yeux se remplissaient de larmes.
- Achète une carte et appelle d'une cabine téléphonique. Ça reviendra beaucoup moins cher que d'employer cet appareil, dit-il en désignant du menton le combiné de la chambre.»

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