L'Iliade
Mercredi le 08 mars 2000
Présentation de l'Iliade d'Homère dans l'Anthologie de la poésie grecque.
Au commencement de la poésie de notre race, il y a Homère. Depuis trois mille ans tous les poètes de l'Europe s'abreuvent à cette source inépuisable, et les recherches les plus éloignées du classicisme, comme celles de James Joyce, s'abritent encore sous son nom. Les anciens l'appelaient le Père. On sait qu'aucun détail de sa vie n'est connu, ni même exactement l'époque où il composa ses poèmes. Ces derniers, on a voulu qu'ils fussent nés du hasard, du génie inconscient des peuples ioniens. Puis, on a rendu à un auteur mystérieux, sur lequel, bien sûr, se sont greffées des augmentations, des interpolations, le noyau de chacun d'eux. L'Iliade est le plus ancien. Rien ne nous dit qu'elle ait été composée par l'homme qui fit l'Odyssée, et dont la légende faisait un aveugle. Rien ne nous dit le contraire non plus. Elle doit dater du IXe siècle avant notre ère, et c'est pour les modernes un ouvrage inégal. Ennuyeux d'abord, il ne faut pas craindre de le dire. D'une terrible monotonie dans ses combats continuels et fastidieux entre guerriers troyens et guerriers grecs autour de Troie, la dixième année du siège. Des bagarres sans arrêts, des décervelages et des étripements, comme dans Rabelais et dans le Guignol's band de Céline. Mais l'oeuvre est toujours sauvée par sa langue unique, la splendeur sauvage des amples comparaisons qui y éclatent à chaque instant, la bouffée d'air naturel qui s'insinue soudain entre ces batailles et ces confabulations de divinités. Mais il y a Hector, le plus touchant des héros de l'Iliade, les scènes immortelles avec Andromaque, la supplication inouïe de Priam. Pas un chant où, à travers la monotonie épique, qui fixe dès à présent pour vingt siècles de littérature grecque et byzantine la forme et jusqu'au langage de toute épopée, pas un chant où n'éclate quelque splendide trouvaille. Toute la poésie grecque sort de là. Oui, vraiment, celui qu'on nommait le Poète tout court, comme on nommait son livre la Poésie, reste le Père.