Convention relative à l'esclavage

Conclue à Genève le 25 septembre 1926
L’Albanie, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Empire britannique, le Canada, le Commonwealth d’Australie, l’Union Sudafricaine, le Dominion de la NouvelleZélande et l’Inde, la Bulgarie, la Chine, la Colombie, Cuba, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, l’Ethiopie, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, le Libéria, la Lithuanie, la Norvège, le Panama, les PaysBas, la Perse, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, la Suède, la Tchécoslovaquie et l’Uruguay,

Considérant que les signataires de l’acte général de la conférence de Bruxelles de 1889-90 se sont déclarés également animés de la ferme intention de mettre fin au trafic des esclaves en Afrique;

Considérant que les signataires de la convention de Saint-Germain-en-Laye de 1919, ayant pour objet la revision de l’acte général de Berlin de 1885 et de l’acte général de la déclaration de Bruxelles de 1890, ont affirmé leur intention de réaliser la suppression complète de l’esclavage, sous toutes ses formes, et de la traite des esclaves par terre et par mer,

Prenant en considération le rapport de la commission temporaire de l’esclavage, nommée par le conseil de la Société des Nations le 12 juin 1924;

Désireux de compléter et de développer l’oeuvre réalisée grâce à l’acte de Bruxelles et de trouver le moyen de donner effet pratique, dans le monde entier, aux intentions exprimées, en ce qui concerne la traite des esclaves et l’esclavage, par les signataires de la convention de Saint-Germain-en-Laye, et reconnaissant qu’il est nécessaire de conclure à cet effet des arrangements plus détaillés que ceux qui figurent dans cette convention;

Estimant, en outre, qu’il est nécessaire d’empêcher que le travail forcé n’amène des conditions analogues à celles de l’esclavage,

Ont décidé de conclure une convention et ont désigné comme plénipotentiaires à cet effet:

(Suivent les noms des plénipotentiaires)

lesquels, après avoir exhibé leurs pleins pouvoirs, sont convenus des dispositions suivantes:

Art. 1

Aux fins de la présente convention, il est entendu que:

1° L’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux;

2° La traite des esclaves comprend tout acte de capture, d’acquisition ou de cession d’un individu en vue de le réduire en esclavage; tout acte d’acquisition d’un esclave en vue de le vendre ou de l’échanger; tout acte de cession par vente ou échange d’un esclave acquis en vue d’être vendu ou échangé, ainsi qu’en général, tout acte de commerce ou de transport d’esclaves.

Art. 2

Les hautes parties contractantes s’engagent, en tant qu’elles n’ont pas déjà pris les mesures nécessaires, et chacune en ce qui concerne les territoires placés sous sa souveraineté, juridiction, protection, suzeraineté ou tutelle:

a) A prévenir et réprimer la traite des esclaves;

b) A poursuivre la suppression complète de l’esclavage sous toutes ses formes, d’une manière progressive et aussitôt que possible.

Art. 3

Les hautes parties contractantes s’engagent à prendre toutes mesures utiles en vue de prévenir et réprimer l’embarquement, le débarquement et le transport des esclaves dans leurs eaux territoriales, ainsi qu’en général sur tous les navires arborant leurs pavillons respectifs.

Les hautes parties contractantes s’engagent à négocier, aussitôt que possible, une convention générale sur la traite des esclaves leur donnant des droits et leur imposant des obligations de même nature que ceux prévus dans la convention du 17 juin 19251concernant le commerce international des armes (articles 12, 20, 21, 22, 23, 24 et paragraphes 3, 4, 5 de la section II de l’annexe II), sous réserve des adaptations nécessaires, étant entendu que cette convention générale ne placera les navires (même de petit tonnage) d’aucune des hautes parties contractantes dans une autre position que ceux des autres hautes parties contractantes.

Il est également entendu qu’avant comme après l’entrée en vigueur de ladite convention générale, les hautes parties contractantes gardent toute liberté de passer entre elles, sans toutefois déroger aux principes stipulés dans l’alinéa précédent, tels arrangements particuliers qui, en raison de leur situation spéciale, leur paraîtraient convenables pour arriver le plus promptement possible à la disparition totale de la traite.

Art. 4

Les hautes parties contractantes se prêteront mutuellement assistance pour arriver à la suppression de l’esclavage et de la traite des esclaves.

Art. 5

Les hautes parties contractantes reconnaissent que le recours au travail forcé ou obligatoire peut avoir de graves conséquences et s’engagent, chacune en ce qui concerne les territoires soumis à sa souveraineté, juridiction, protection, suzeraineté ou tutelle, à prendre des mesures utiles pour éviter que le travail forcé ou obligatoire n’amène des conditions analogues à l’esclavage.

Il est entendu:

1° Que, sous réserve des dispositions transitoires énoncées au paragraphe 2 ci-dessous, le travail forcé ou obligatoire ne peut être exigé que pour des fins publiques,

2° Que, dans les territoires où le travail forcé ou obligatoire, pour d’autres fins que des fins publiques, existe encore, les hautes parties contractantes s’efforceront d’y mettre progressivement fin, aussi rapidement que possible, et que, tant que ce travail forcé ou obligatoire existera, il ne sera employé qu’à titre exceptionnel, contre une rémunération adéquate et à la condition qu’un changement du lieu habituel de résidence ne puisse être imposé;

3° Et que, dans tous les cas, les autorités centrales compétentes du territoire intéressé assumeront la responsabilité du recours au travail forcé ou obligatoire.

Art. 6

Les hautes parties contractantes dont la législation ne serait pas dès à présent suffisante pour réprimer les infractions aux lois et règlements édités en vue de donner effet aux fins de la présente convention, s’engagent à prendre les mesures nécessaires pour que ces infractions soient punies de peines sévères.

Art. 7

Les hautes parties contractantes s’engagent à se communiquer entre elles et à communiquer au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies2 les lois et règlements qu’elles édicteront en vue de l’application des stipulations de la présente convention.

Art. 8

Les hautes parties contractantes conviennent que tous les différends qui pourraient s’élever entre elles au sujet de l’interprétation ou de l’application de la présente convention seront, s’ils ne peuvent être réglés par des négociations directes, envoyés pour décision à la Cour internationale de Justice3 Si les Etats entre lesquels surgit un différend, ou l’un d’entre eux, n’étaient pas parties au Statut de la Cour internationale de Justice4, ce différend sera soumis, à leur gré, et conformément aux règles constitutionnelles de chacun d’eux, soit à la Cour internationale de Justice5, soit à un tribunal d’arbitrage constitué conformément à la convention du 18 octobre 1907 pour le règlement pacifique des conflits internationaux, soit à tout autre tribunal d’arbitrage.

Art. 9

Chacune des hautes parties contractantes peut déclarer, soit au moment de sa signtature, soit au moment de sa ratification ou de son adhésion, que, en ce qui concerne l’application des stipulations de la présente convention ou de quelquesunes d’entre elles, son acceptation n’engage pas soit l’ensemble, soit tel des territoires placés sous sa souveraineté, juridiction, protection, suzeraineté ou tutelle, et peut ultérieurement adhérer séparément, en totalité ou en partie, au nom de l’un quelconque d’entre eux.

Art. 10

S’il arrivait qu’une des hautes parties contractantes voulût dénoncer la présente convention, la dénonciation sera notifiée par écrit au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies6, qui communiquera immédiatement une copie certifiée conforme de la notification à toutes les autres hautes parties contractantes, en leur faisant savoir la date à laquelle il l’a reçue.

La dénonciation ne produira ses effets qu’à l’égard de l’Etat qui l’aura, notifiée, et un an après que la notification en sera parvenue au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies7.

La dénonciation pourra également être effectuée séparément pour tout territoire placé sous sa souveraineté, juridiction, protection, suzeraineté ou tutelle.

Art. 11

La présente convention, qui portera la date de ce jour et dont les textes français et anglais feront également foi, restera ouverte jusqu’au 1er avril 1927 à la signature des Etats membres de la Société des Nations.

La présente convention sera ouverte à l’adhésion de tous les Etats, y compris les Etats non membres de l’Organisation des Nations Unies, auxquels le Secrétaire général aura communiqué une copie certifiée conforme de la convention.8

L’adhésion s’effectuera par le dépôt d’un instrument formel auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, qui en avisera tous les Etats parties à la convention et tous les autres Etats visés dans le présent article, en leur indiquant la date à laquelle chacun de ces instruments d’adhésion a été déposé.9

Art. 12

La présente convention sera ratifiée et les instruments de ratification en seront déposés au bureau du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies10, qui en fera la notification aux hautes parties contractantes.

La convention produira ses effets pour chaque Etat dès la date du dépôt de sa ratification ou de son adhésion.

En foi de quoi, les plénipotentiaires ont revêtu la présente convention de leur signature.

Fait à Genève, le vingtcinq septembre mil neuf cent vingtsix, en un seul exemplaire, qui restera déposé dans les archives de la Société des Nations11, et une copie certifiée conforme sera remise à chacun des Etats signataires.

(Suivent les signatures)


Notes

1 Cette convention n’est jamais entrée en vigueur
2 Nouvelle teneur selon le prot. d’amendement du 7 déc. 1953
3 Nouvelle teneur selon le prot. d’amendement du 7 déc. 1953
4
Nouvelle teneur selon le prot. d’amendement du 7 déc. 1953
5 Nouvelle teneur selon le prot. d’amendement du 7 déc. 1953
6
Nouvelle teneur selon le prot. d’amendement du 7 déc. 1953
7 Nouvelle teneur selon le prot. d’amendement du 7 déc. 1953
8 Nouvelle teneur selon le prot. d’amendement du 7 déc. 1953
9 Nouvelle teneur selon le prot. d’amendement du 7 déc. 1953
10 Nouvelle teneur selon le prot. d’amendement du 7 déc. 1953.
11 Après la dissolution de la Société des Nations, le secrétariat général des Nations Unies a été chargé des fonctions mentionnées ici

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