L'adulte chez Descartes et Spinoza
Chaque époque a sa représentation de l'enfance: elle s'en donne une image qui ne se précise et ne se comprend que par opposition. Depuis quelques années, nous n'avons pas cessé d'exalter l'image de l'enfant créateur, spontané, victime du joug de l'éducation et de ses contraintes tyranniques, pour l'opposer à l'adulte craintif, conformiste, figé dans des stéréotypes de pensée et d'action. L'enfant, pour la plupart de nos contemporains, est le petit messie qui apportera à l'adulte son salut et sa délivrance. Pourtant cette double image, en passe de devenir un lieu commun, soulève de sérieux problèmes. En effet, qu'est-ce qu'un enfant créateur? La créativité est-elle réelle chez l'enfant? L'adulte, qui exalte ainsi l'enfance, ne projette-t-il pas sur elle ses illusions flétries, ses rêves perdus?
À ce culte sans discernement de l'enfance, nous voudrions opposer la conception de Descartes et de Spinoza. Si le thème de l'enfance tient une place considérable dans la réflexion cartésienne, c'est qu'elle est ce qui sépare l'esprit de la vérité; elle est peut-être la cause essentielle de l'erreur. Tel est le sens qu'il faut donner à ces étranges regrets exprimés par Descartes:
"Si nous avions eu l'usage entier de notre raison dès le point de notre naissance, et que nous n'eussions jamais été conduits que par elle2."
Spinoza est encore plus négatif: il pense que l'enfance est impuissance et esclavage; elle est ce qui nous sépare de notre puissance de penser et d'agir. Mais alors, cette survivance de l'enfant dans l'adulte est-elle un destin qui voue l'homme a l'infantilisme ou bien un obstacle qu'il faut dépasser pour devenir adulte?
L'adulte cartésien
Le grand problème de l'homme pour Descartes, celui qui fait obstacle à toute recherche de la vérité, est que l'homme commence par être enfant. C'est un thème qui revient à travers toute son oeuvre. Dans un texte des sixièmes réponses, Descartes confronte les vérités de sa propre philosophie avec ses anciennes opinions sur le même sujet. Cette confrontation le conduit à poser que la principale cause de la différence des opinions réside dans le fait que les jugements sur les choses de la nature formés dans l'enfance étaient dictés par le seul instinct de conservation. Ces jugements se caractérisent par leur aspect confus. La pensée de l'enfant est une pensée confuse, une pensée qui mêle ce qui appartient au corps et ce qui appartient à l'esprit. La pensée adulte, au contraire, distingue, sépare les deux notions d'âme et de corps et n'attribue pas à l'une ce qui est à l'autre; c'est une pensée qui analyse. La confusion de la pensée enfantine devient à la longue une disposition de notre esprit: elle sera à la source de nos croyances, de nos superstitions et de toute attitude qui consiste à doter les choses matérielles d'une âme. Cette distinction que la pensée adulte établit, c'est le dualisme. Nous pouvons dire que ce dualisme est purificateur, car il va à l'encontre de l'éternelle tentation de l'homme de chercher l'esprit dans les choses et de le réduire ainsi à un pur mécanisme. En analysant l'exemple de la pesanteur, Descartes veut montrer que la physique que ses précepteurs lui ont apprise n'est que la systématisation des pseudo-explications de l'enfant. Au fond, l'erreur qu'il dénonce est de croire que la pesanteur est une qualité inhérente à l'objet, ayant une connaissance du centre de la terre et une espèce de volonté capable de conduire les corps vers ce centre.
En somme, cet exemple nous met en présence d'une pensée confuse qui n'analyse pas, qui ne sépare pas, mais qui repose sur une somme considérable de préjugés. Ce texte des sixièmes réponses avance deux idées très importantes: la survivance de l'enfant chez l'adulte et la nécessite de revenir vers l'enfance lorsqu'on veut expliquer l'erreur et les résistances de l'esprit humain à certaines idées nouvelles. C'est donc par l'enfant qu'on peut expliquer l'adulte. Ainsi Descartes écrira dans la première partie des Principes de la philosophie, article 71, "que la première et principale cause de nos erreurs sont les préjugés de notre enfance"; et l'article suivant précisera: "que la seconde est que nous ne pouvons oublier ces préjugés".3
Ces derniers, loin de s'affaiblir avec le temps, se fortifient et s'enracinent plus profondément. Ils constituent, comme l'indique Gilson, la prévention, première et principale source de nos erreurs. La prévention implique la survivance de l'enfance en nous, puisqu'elle signifie que les jugements que nous avons portés sur les choses au cours de notre enfance, jugements que nous avons admis sans examen, persistent encore en nous et s'imposent à nous comme des évidences. L'article 71 des Principes contient toute une collection d'erreurs: par exemple, que les pierres et les métaux ont plus de substance que l'air ou que l'eau parce qu'ils sont plus durs, plus lourds et qu'ils opposent plus de résistance à l'action humaine. Là où il n'y a plus de données sensibles, il n'y a plus rien. Ainsi pour l'enfant toute connaissance, tout jugement provient des sensations. D'où, comme dit Gouhier en parlant de l'enfant, "un réalisme intégral dans cette âme".4
Descartes insiste sur le fait que, parvenu à l'âge de raison, l'esprit de l'enfant est déjà encombré de préjugés. Durant sa longue enfance, il a été gouverné par ses appétits et par ses précepteurs. Or précepteurs et appétits sont deux causes de préjugés: les premiers parce que leur enseignement ne peut qu'être accepté par les élèves dont la raison est encore incapable de soumettre à l'examen ce qu'ils enseignent; quant aux seconds, comme l'explique Gilson, "ce sont les mouvements de désir ou d'aversion qu'engendrent en nous les perceptions de certains objets sensibles ".5
Pour Descartes donc les conceptions de l'adulte sont souvent solidaires des impressions éprouvées pendant l'enfance. C'est parce que l'âme est substantiellement unie au corps qu'elle éprouve des impressions qui sont fonction de la vie du corps et des besoins corporels. Toute une gamme de jugements spontanés, qui vont constituer une source féconde et inépuisable de préjugés, s'élaborent pendant cette époque. Comme l'écrit Gouhier, Descartes "découvre une loi de la condition humaine".6 Toute cette critique oppose la nature raisonnable de l'homme à sa condition historique, c'est-à-dire au fait que l'homme commence l'existence par l'enfance.
En somme, le passage de l'enfance à l'âge adulte, c'est le passage de l'imagination à l'entendement, d'une pensée confuse à une pensée distincte et analytique. La pensée confuse mêle les réalités matérielles aux réalités spirituelles; elle reste attachée aux choses sensibles et ne considère les idées qu'en les imaginant; pour elle, tout ce qui n'est pas imaginable cesse d'être intelligible. Elle se représente l'intelligible par le biais de l'imagination d'où résulte une fausse intelligibilité qui persistera chez l'adulte. C'est pourquoi Descartes conseillera aux lecteurs des Méditations de détacher leur pensée des choses sensibles. Cette consigne a pour but d'affranchir l'homme de son histoire, c'est-à-dire de son enfance. La pensée adulte ne pourra se constituer que par le doute, doute par lequel sont rejetées toutes les opinions qui n'avaient pas été soumises à l'examen de notre raison. Il implique le refus absolu de toute autorité extérieure. Il a un caractère libérateur à l'égard des mauvaises habitudes qui sont invétérées en nous. Il a pour fin de détruire, de dissoudre une structure mentale formée et solidifiée au cours de l'enfance. Ainsi donc, le doute représente un traitement de choc comparable à une cure médicale, comme le dira Descartes lui-même. Le but de la cure est de détruire l'enfant dans l'homme, de déraciner la structure mentale enfantine afin de permettre la formation et le développement de la structure mentale adulte. La fin visée par le doute est de permettre à l'esprit humain d'être lui-même et de développer une pensée personnelle.
Une morale provisoire
Mais il ne suffit pas, quand on veut rebâtir sa demeure, de l'abattre ni de faire de nouveaux plans; il faut d'abord s'être pourvu d'une autre habitation où l'on pourra loger pendant qu'on rebâtit. Tel est le rôle de la morale provisoire.
Il s'agit d'abord d'une morale de la prudence et de la modération, parce qu'elle est éloignée de tous les excès et vise surtout à garantir et à sauvegarder la liberté du philosophe, sa liberté de pensée et d'action:
"Obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m'a fait la grâce d'être instruit dès mon enfance."7
Mais le caractère provisoire de cette première maxime est mis en relief par le refus de toute promesse, ce qui répond chez le philosophe au désir de perfectionner de plus en plus ses jugements.
La seconde maxime insiste sur la fidélité aux résolutions prises. Eliminer l'irrésolution, l'hésitation qui ne peuvent que nous donner des repentirs et des remords. Nous devons régler nos actions sur nos opinions et une fois que nous nous sommes déterminés d'après elles, quelque douteuses qu'elles puissent nous paraître, nous devons les suivre comme si elles eussent été très assurées. Comme le voyageur, perdu en forêt, n'apercevant aucune raison de choisir un chemin plutôt qu'un autre, choisit et s'en tient à ce choix comme s'il était le plus raisonnable. Et cela parce que "c'est une vérité très certaine que les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai ... "8. Il nous devons tâcher de bien vivre. La nécessité de choisir est urgente; et nous sommes dans l'impossibilité de parvenir à la vérité par une démarche méthodique de l'esprit.
La troisième maxime pose le primat de la réalité sur la subjectivité ou, en langage freudien, du principe de réalité sur le principe du plaisir. Si nous voulons être heureux, nous devrons accepter les choses telles qu'elles arrivent, car nous n'avons de prise que sur nos pensées;9 les événements extérieurs ne sont en notre pouvoir que dans la mesure où ils dépendent de notre pensée. Cette troisième maxime établit les limites de notre action et de notre pouvoir et par là limite également les insatisfactions et les frustrations qui pourraient naître de désirs ou d'aspirations contraires à la réalité. il s'agit de régler notre action sur ce que nous considérons être les limites de notre nature. Est entièrement en notre pouvoir, d'après Descartes, ce qui dépend de notre libre-arbitre.10 Le mérite d'une telle morale, à notre avis, est d'avoir fortement souligné que la conduite de la vie est intimement liée à la conscience de nos limites et de notre pouvoir: elle implique par là l'acceptation de nous-mêmes et celle de la nécessité extérieure. Cette double acceptation, loin d'être une démission, est ce qui nous sauve et la condition même de notre action. Parce qu'elle met l'accent sur l'urgence de l'action et sur la responsabilité qui en découle si nous la négligeons, parce qu'elle conseille une prudence et une modération fondées non sur la crainte mais sur la sauvegarde de la liberté de pensée et d'action, cette morale porte la marque d'une morale adulte.
L'adulte chez Spinoza
Le mineur
Si Descartes s'est contenté d'une analyse des structures mentales enfantines qui survivent chez l'adulte, Spinoza est allé beaucoup plus loin: il a décrit et dénoncé un type de personnage qu'on pourrait appeler le mineur. Il a, à travers toute son oeuvre, montré son lien avec le tyran et les prêtres, personnages qui ont besoin de ce mineur pour asseoir leur prestige et leur pouvoir. Ils ont tout intérêt à ce que l'homme soit et demeure mineur pendant toute sa vie, sans quoi ils ne seraient rien.
Mais qu'est-ce que le mineur pour Spinoza? Il faudrait préciser d'abord que pour lui le désir est la racine même de l'homme, son essence.11 Ce désir ou conatus est l'effort pour persévérer dans l'être. C'est l'ensemble des efforts de la nature humaine, efforts qu'on nomme appétit, volonté, désir ou impulsion, qui définissent l'action et la déterminent. Or ce désir peut se déployer de plusieurs façons en fonction du genre de connaissance de l'homme. La connaissance est le moyen qui permet au désir de se réaliser. Les différents genres de connaissance détermineront différents modes d'existence. Ainsi, si la connaissance n'est qu'opinion et imagination, le désir se déploiera sous forme de passion; mais si au contraire la connaissance est rationnelle, alors le désir se déploiera d'une façon efficace en affirmant l'existence.
Le premier genre de connaissance est appelé opinion ou imagination. Spinoza le définit d'après son origine: il comprend les perceptions et les notions universelles formées, d'une part, à partir des choses singulières sensibles, d'autre part, à partir des signes. Cette connaissance est appelée opinion à cause de son caractère incertain. Elle nous est fournie par les sens, sans ordre pour l'entendement; on perçoit suivant "l'ordre commun de la Nature",12 ordre fortuit, effet du hasard et de la rencontre de notre corps avec les corps extérieurs. L'enchaînement des idées se fait selon l'ordre et l'enchaînement des affections du corps humain. Il se fait selon l'habitude qui a ordonné les images des choses dans le corps humain.13 Les idées qui constituent la connaissance du premier genre sont toutes des idées inadéquates, c'est-à-dire des idées que nous n'avons pas formées, qui ne s'expliquent pas par notre puissance de penser. Ce sont des idées imprimées en nous par les corps extérieurs. Elles sont "comme des conséquences séparées de leurs prémisses, c'est-à-dire des idées confuses". 14
Cette connaissance est aussi appelée imagination à cause de son caractère confus et mutilé. L'imagination pose comme présentes des choses qui ne sont pas. En ce sens elle est une puissance de l'esprit humain. Ce dernier n'est pas dans l'erreur parce qu'il imagine, mais dans la mesure où il est privé de l'idée qui exclut l'existence des choses qu'il imagine présentes. C'est dire que sa connaissance est mutilée, que l'esprit n'est pas pleinement conscient de son acte: en imaginant présentes des choses qui n'existent pas, l'esprit ne sait pas qu'elles n'existent pas. Ainsi, l'imagination serait une vertu si elle était pleinement consciente de son acte, si elle était capable de faire en elle la part de l'erreur et celle de la vérité, mais elle ne l'est pas. De plus, la faculté d'imaginer de l'esprit n'est pas libre: elle dépend de l'ordre commun de la Nature et du rapport de mon corps avec les autres corps. Elle nous fait connaître les choses à travers les modifications de notre corps et nous pouvons dire qu'en ce sens elle est indifférente à la vraie nature des objets. Elle ne peut nous donner qu'une connaissance confuse où notre corps et les corps extérieurs sont mêlés. Elle est donc source d'impuissance.15 Pourtant son intention véritable est d'accroître la puissance d'agir du corps.16 Elle est un des moyens par lesquels le conatus ou désir s'exprime. Elle est un effort pour poser "ce qui augmente ou aide la puissance d'agir du corps."17
Mais l'imagination ne donnant qu'une connaissance confuse et mutilée, l'esprit réalise le contraire de ce qu'il s'était proposé : l'impuissance, la passion. Comme l'écrit R. Misrahi:
"Très exactement la psychologie rationnelle des passions, chez Spinoza, est une analyse rationnelle de l'enchaînement des images et par suite des conduites folles qu'elles entraînent. On pourrait presque dire que, pour Spinoza, la science rationnelle des passions n'est rien d'autre que l'analyse déductive de l'enchaînement des délires."18
L'imagination est donc la source des délires de l'homme et de sa servitude. Or un des délires que Spinoza ne cesse de dénoncer est la superstition.19 Le mineur est pour lui un être craintif et superstitieux, car la crainte est la source où s'alimente la superstition. Elle est une "tristesse inconstante, née de l'image d'une chose douteuse"? Elle ne se sépare jamais de l'espoir. Si l'homme craint ou espère, c'est parce que sa connaissance des choses de la Nature et de leur enchaînement est inadéquate. En effet, on ne craint et on n'espère que parce que l'avenir ou l'issue d'un événement nous apparaissent incertains. La crainte est donc la marque du manque de connaissance et de l'impuissance de l'esprit. Elle est le signe d'une vie passionnelle soustraite à la conduite de la raison.20 Elle n'est jamais bonne par elle-même dans la mesure où elle est tristesse; celle-ci est directement mauvaise en tant qu'elle diminue la puissance d'agir du corps.
Si la servitude est "l'impuissance de l'homme à gouverner et à contenir ses sentiments",21 nous pouvons dire que le mineur est esclave de lui-même, de sa propre crainte, impuissant devant cette oscillation continuelle qui le mène de la crainte à l'espoir pour le ramener ensuite de l'espoir à la crainte. Cette impuissance à l'égard de la crainte le conduira à obéir à la loi divine et à ses prescriptions parce que, d'autre part, il espère en être récompensé après sa mort, et que, d'autre part, il craint d'être puni par d'horribles supplices s'il s'en dispense. Si cet homme n'était point gouverné par cet espoir et par cette crainte, s'il croyait que les esprits périssent avec les corps, qu'il n'y a pas de survie pour les malheureux écrasés par le lourd fardeau de la religion et de la moralité, il s'abandonnerait à ses penchants, voudrait tout gouverner selon eux et obéirait à la fortune plutôt qu'à lui-même. En somme, tout ce qui se rapporte à la force d'âme, c'est-à-dire à la fermeté et à la générosité, lui apparaît comme un lourd fardeau qu'il faut supporter pour pouvoir après la mort en recevoir le prix .22
Ainsi, esclave de cette crainte, incapable d'organiser les circonstances de sa vie comme il le voudrait, victime d'un hasard capricieux, le mineur va peupler le monde des fictions de son imagination. La crainte va donner naissance à toutes sortes d'êtres et de croyances auxquels il va se soumettre servilement. Il va se créer ainsi un nouvel esclavage: l'esclavage à l'égard des produits de sa propre crainte: c'est cela la superstition. Ce qu'il y a à l'origine de cette superstition, c'est une convoitise immodérée de biens, une ambition démesurée accompagnée du doute de pouvoir les obtenir. Nous sommes ainsi ramenés au désir, essence de l'homme, effort pour persévérer dans l'être par tous les moyens. L'inquiétude et le doute qui naissent à la suite des obstacles qui se dressent devant la réalisation de désirs immodérés fournissent à la superstition un terrain propice à son développement. Le mineur non seulement peuple le monde de divinités, mais cherche refuge dans les croyances les plus fantastiques (bons et mauvais présages) et met la Nature à l'envers.
Dans sa conduite avec les hommes, le mineur s'appliquera en premier lieu à reprocher à autrui ses vices plutôt qu'à lui enseigner les vertus. En second lieu, il se servira de la crainte comme du moyen le plus sûr pour contenir les hommes et les guider. Dominé par la crainte, il voudra dominer les autres et les conduire par la crainte. Pour lui, il ne saurait y avoir d'autre conduite.
Mais si c'est la crainte "qui entretient et alimente la superstition",23 cette dernière implique une recherche de la tristesse:
"... est bon, ... ce qui apporte la tristesse, ...
... est mauvais, ... ce qui apporte la joie."24
La superstition implique une valorisation des passions tristes. Elle manifeste l'impuissance de l'âme, son incapacité à participer à la nature divine.25 Nous pourrions dire que le mineur est ce personnage que Deleuze appelle l'homme aux passions tristes.
Seulement, sitôt que le sort lui est favorable, qu'il devient maître des circonstances, qu'il acquiert une plus grande confiance en lui-même, le mineur devient vantard; la superstition disparaît et semble perdre pour lui tout intérêt, En réalité, elle ne disparaît pas complètement, mais subsiste à l'état latent. Spinoza cite l'exemple d'Alexandre.26 Dès qu'il devient à nouveau la proie de la crainte, il retombe dans la superstition et le cycle recommence. Elle dure le temps que dure la frayeur des hommes.
Mais ce mineur n'est pas seulement victime de lui-même, il est aussi victime du pouvoir politique et religieux et par là même de tous les tyrans et de tous les systèmes totalitaires qui se servent de cette superstition pour asseoir leur pouvoir, pour le faire idolâtrer. Ces régimes, selon Spinoza, réclament des mineurs et en produisent pour consolider leur pouvoir. Telles sont les conséquences politiques de la superstition.
En somme, le mineur est l'être qui est séparé de sa puissance de penser et d'agir. C'est à lui que s'applique cette réflexion de Spinoza:
"Ainsi nous sommes agités de bien des façons par les causes extérieures et, pareils aux flots de la mer, agités par des vents contraires, nous flottons, inconscients de notre sort et de notre destin."27
L'adulte
Face à ce mineur, la connaissance du second genre va nous permettre d'esquisser rapidement ce que nous pourrions appeler l'adulte spinoziste. Il faudrait rappeler tout d'abord que le désir se déploie efficacement au moyen de la connaissance vraie, qui est la connaissance du second genre, la connaissance rationnelle. Dans l'Éthique, Spinoza appelle Raison l'ensemble des "notions communes et idées adéquates"28.
Les notions communes représentent d'abord ce qui est commun à toutes les choses: par exemple l'étendue, le mouvement et le repos, ce qui est également dans la partie et dans le tout.29 Elles sont communes à tous les hommes.30 Elles sont adéquates parce qu'elles ne dépendent pas des modifications de notre corps, mais de notre seul esprit.31 Elles sont les fondements de notre raisonnement. En tant qu'elles sont adéquates, toutes les idées qui en découlent sont également adéquates et ainsi l'esprit, sans rien recevoir du dehors, peut progresser et construire par simple déduction une science qui nous fera connaître les choses à partir de leurs principes, de leur essence. Elles expriment notre puissance de penser.
De ce mode de connaissance autonome, qui n'exprime que la puissance de penser de l'esprit, va découler un mode d'existence complètement opposé au premier: l'existence selon la raison. Le premier mode d'existence se déroulait sous le signe de la servitude et manifestait notre impuissance. L'existence rationnelle se déroulera sous le signe de la liberté et de l'autonomie et manifestera notre puissance.
Il faut d'abord remarquer que par sa situation de fait l'homme est toujours en état de passion, il subit toujours l'effet des causes extérieures, car il n'est qu'une partie de la Nature. Même quand il passe à une perfection plus grande, c'est sous l'effet de causes extérieures. Toute libération à l'égard de la passion, toute tentative pour accéder à une liberté véritable doit tenir compte de cette passivité. Mais en quoi va consister alors le principe de la libération spinoziste? "Un sentiment ne peut être contrarié ou supprimé que par un sentiment contraire et plus fort que le sentiment à contrarier",32 répond Spinoza. Ce que l'on veut combattre, ce sont des passions tristes, qui contrarient ou diminuent notre puissance d'agir. L'adulte est donc d'abord celui qui combat les passions tristes, celui qui leur oppose la joie qui aide ou augmente notre puissance d'agir, qui est l'affirmation de notre être total. Mais elle reste une passion dans la mesure où elle est définie, en partie, par la puissance d'une cause extérieure. Cependant le désir qui naît de la joie dépend aussi de la puissance humaine:
"La force du désir qui naît de la joie doit être définie à la fois par la puissance humaine et par la puissance d'une cause extérieure."33
Or le désir qui naît de la joie, c'est le désir même d'exister, l'effort par lequel chaque être persévère dans son être; ce désir est, comme on le voit, à la fois source de passion et d'action. Ce qui est essentiel, c'est l'orientation même du désir qui se fait grâce à la connaissance. Toute passion étant consciente, sa connaissance adéquate permettra de passer de la passion à l'action,34 L'adulte est donc en second lieu celui qui comprend sa passion et, par cette connaissance qu'il en prend, transforme sa conduite en action. Il sépare alors la passion d'une cause extérieure pour l'associer à des pensées vraies.35 Sa conduite devient la conduite de l'homme selon la raison et la vertu.
La vertu est puissance, c'est-à-dire affirmation de soi. Elle est l'essence même de l'homme, l'effort de chacun, selon sa puissance d'être, pour persévérer dans l'être. L'action vertueuse, c'est l'action qui facilite le déploiement de notre propre nature. C'est également l'action entreprise sous la conduite de la raison. Cette action, cette conduite doit réaliser l'autonomie du désir selon ses propres lois qui définissent sa propre essence indépendamment des causes extérieures.36 Agir selon les lois de notre propre nature, c'est agir librement .37 L'adulte est alors celui qui discerne ce qui vient de lui, de sa spontanéité naturelle et ce qui vient de l'extérieur, des choses qui l'entourent, des causes extérieures. Son idéal - bien qu'on ne puisse pas parler d'idéal dans la philosophie de Spinoza - consiste à vivre conformément à sa propre nature; c'est un idéal d'autonomie. La vertu, c'est donc la vie conforme à l'essence propre de l'homme, la puissance, l'autonomie. Elle a pour fondement l'effort pour comprendre.38 Ainsi, toute action est autonome dans la mesure où nous possédons la compréhension de ce que nous faisons. Par là, la vertu apparaît comme effort vers une vie authentique. L'adulte, c'est ce que Spinoza appellera l'homme libre par opposition au mineur. La vie de cet homme se définit par la recherche de la joie; elle se déroule toute entière sous la conduite de la raison et sa méditation est une méditation de la vie et non de la mort. 39 C'est l'homme de la force d'âme, c'est-à-dire de la générosité et de la fermeté d'âme, la fermeté étant "le Désir par lequel chacun s'efforce de conserver son être d'après le seul commandement de la Raison";40 c'est donc le principe même qui définit l'autonomie de l'homme. Quant à la générosité, Spinoza la définit comme "le Désir par lequel chacun s'efforce, d'après le seul commandement de la Raison, d'aider les autres hommes et de se lier avec eux d'amitié."41
Cette générosité est condamnation du remords et de la pitié. Celle-ci en effet est mauvaise, car non seulement elle est tristesse mais encore elle nous pousse à agir par sentiment sans que nous ayons la certitude que ce que nous faisons est bon. Or ce qu'elle nous pousse à faire par sentiment, nous pouvons le faire par le seul commandement de la Raison; et c'est cela qu'on appelle générosité, l'action efficace pour aider autrui faite dans la joie.
L'homme libre enfin est celui qui est uni aux autres par la fin qu'ils poursuivent ensemble: la connaissance vraie, celle du troisième genre. Elle est intuitive et "progresse de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu jusqu'à la connaissance adéquate de l'essence des choses".42 Le Traité de la réforme de l'entendement la définit comme suit: "une perception où la chose est perçue par sa seule essence ou par la connaissance de sa cause prochaine",43 c'est-à-dire la connaissance de la relation de l'essence de la chose avec Dieu et ses attributs. Ainsi nous pouvons dire que, sous un certain angle, cette connaissance du troisième genre s'oppose à celle du deuxième genre. Cette dernière nous montre de façon générale que toutes les choses dépendent de Dieu, alors que la connaissance du troisième genre nous permet de tirer la même conclusion à partir de la considération de l'essence même d'une chose singulière; autrement dit, chaque essence d'une chose singulière dépend de Dieu. C'est une connaissance immédiate de l'essence d'une chose singulière dans son rapport avec l'essence de Dieu. Comme l'écrit Deleuze:
"... dans les trois genres de connaissances, nous retrouvons les trois aspects de l'ordre de la Nature: ordre des passions, ordre de composition des rapports, ordre des essences elles-mêmes.44"
La connaissance du troisième genre se situe dans l'ordre des essences. Elle est connaissance à partir de l'essence.
"... elle (essence) exprime Dieu comme ce principe lui-même qui contient toutes les essences et dont chacun dépend en particulier.45"
Mais, d'un autre côté, nous pouvons affirmer qu'il y a une continuité entre ces deux types de connaissance. En effet, l'effort ou le désir de connaître les choses par la connaissance du troisième genre naît de la connaissance par idées adéquates, soit la connaissance du deuxième genre. Et ce désir est "le suprême effort de l'esprit et sa souveraine vertu".46 De ce type de connaissance naît une profonde satisfaction de l'esprit et un désir de comprendre plus de choses. Plus nous comprenons de choses singulières, plus nous comprenons Dieu, car les modes, c'est-à-dire les choses singulières, qui sont les affections des attributs de Dieu, expriment ces attributs. Ainsi cette connaissance conçoit les choses sous l'espèce de l'éternité, elle les conçoit comme contenues en Dieu et découlant de la nécessité de la nature divine. Elle nous rend plus conscients de nous-mêmes et de Dieu. Elle procure la joie, une joie active, accompagnée de l'idée de Dieu comme cause, puisque c'est parce que nous comprenons beaucoup de choses singulières que nous comprenons Dieu de mieux en mieux. Dieu est la cause de cette joie. Or la joie avec l'idée de Dieu comme cause, c'est l'amour intellectuel de Dieu. Il naît du fait que Dieu est éternel. Cette connaissance du troisième genre est la source de notre félicité et de notre régénération.47 Mais elle est surtout la source de notre vraie liberté par notre union à Dieu. Nos idées deviennent par cette union même aussi vraies que celles qui sont en Dieu. Par là elles échappent à l'imagination et dépendent de notre seule puissance de comprendre.
Seulement cet homme, défini par la connaissance du troisième genre, vit parmi les hommes, il doit cohabiter avec des non-philosophes. Quelle sera alors son attitude à leur égard? Que doit être la Société pour qu'elle favorise la liberté et l'essor de la pensée? En un mot, que doit être la Société pour permettre à l'homme de devenir pleinement adulte?
D'abord l'homme qui vit sous la conduite de la raison cherche à guider les hommes par la raison, à les mettre sur la voie de la raison. Cependant l'homme vit dans une société où règnent la menace, la crainte, la servitude. En effet, ce n'est pas la raison qui établit et affermit les lois, mais la menace: il y a une continuité entre l'état de nature et l'état de société de l'homme. La Société s'établit en revendiquant pour elle-même le droit qu'a chaque individu à l'état naturel de se venger et de juger du bon et du mauvais.48 Une telle Société est bien loin d'être une Société adulte; elle est mineure dans ses fondements mêmes. Pourtant elle est nécessaire, les hommes ont besoin d'un secours mutuel: elle est la condition même de l'épanouissement de la raison. Il s'agit donc d'aménager, dans la société, un régime qui permette à l'individu de s'épanouir librement: ce régime est la démocratie, Spinoza la définit comme suit:
"une démocratie naît de l'union des hommes jouissant, en tant que groupe organisé, d'un droit souverain sur tout ce qui est en leur pouvoir".49
Elle permet à chacun de vivre sous la conduite de la raison. L'homme vivant sous un tel régime est sujet.50 Mais il est en même temps législateur.
"Ainsi la communauté politique la plus libre est celle dont les lois s'appuient sur la saine raison".51 La démocratie est le seul régime qui favorise, réalise et sauvegarde la liberté de penser. L'adulte spinoziste trouvera son plein épanouissement dans un régime démocratique.
Conclusion
Quelle est en définitive la valeur de cette double réflexion sur l'adulte?
En ce qui concerne Descartes, on a pu lui reprocher de considérer l'enfance comme erreur, de ne voir en elle qu'une étape négative, oubliant qu'elle est aussi, comme l'a très bien souligné Dewey, par exemple, "curiosité compréhensive, ... réponse sans parti pris, ... ouverture d'esprit".52 Cela est vrai. Cependant Descartes souligne là un fait dont l'importance nous semble considérable. Il faut lui reconnaître le grand mérite d'avoir dégagé d'une façon très nette la structure mentale de l'enfant: syncrétisme et verbalisme ne sont malheureusement pas le seul apanage de l'enfant, mais celui de beaucoup d'"adultes" enfermés dans leur dogmatisme, dans leur univers unidimensionnel, univers sécurisant parce qu'il permet de calmer leurs angoisses et de cacher leurs conflits. Piaget a pleinement confirmé les analyses cartésiennes de la mentalité enfantine et Freud a montré que dans le domaine affectif nous restons en grande partie sous la domination de l'enfant que nous avons d'abord été.
Mais ce qui nous semble positif dans la conception cartésienne de l'enfance, c'est qu'elle nous permet d'apporter quelques éléments de réponse au problème de la créativité de l'enfant. Si l'enfance est erreur, peut-on vraiment parler de créativité? D'ailleurs toute création n'implique-t-elle pas certaines conditions psychologiques, sociologiques et culturelles qui ne sont jamais réunies chez l'enfant? N'y a-t-il pas là un excès de verbalisme (celui-là même que dénonce Descartes!) qui fait qu'on répète des mots sans trop savoir ce qu'ils veulent dire? Ne perçoit-on pas alors l'enfant tel qu'on voudrait qu'il soit au lieu de le percevoir tel qu'il est? En tout cas, il peut y avoir là quelque chose de dangereux et peut-être même d'aliénant pour l'enfant!
Cependant ce que Descartes n'a pas vu - ses regrets nous le confirment - c'est que l'erreur de l'enfance est nécessaire au développement de l'adulte. Car on ne peut pas exister comme homme, si on ne passe pas par ces erreurs. Etre adulte, c'est dépasser l'enfance en la conservant. L'enfance, dirions-nous volontiers avec Alain, est un étage de l'homme. Ce que Descartes semble ignorer, c'est que l'âge adulte n'est pas une étape du développement de l'homme à laquelle on parvient nécessairement. L'âge adulte est une création, c'est la création de nous-même par nous-même; c'est notre deuxième naissance. En somme, on ne devient adulte que par et contre l'enfant que nous avons été en surmontant ses erreurs, ses conflits, mais aussi en conservant cette fraîcheur, cette ouverture d'esprit et cet "élan humain" dont parle J. Château, qui sont le propre de l'enfance.
Quant à Spinoza, ce qui nous semble plein d'intérêt dans sa réflexion, c'est sa conception du mineur et de sa situation à l'intérieur d'une société elle-même mineure, "la cité les esclaves" comme l'appelle Alquié.53 Au fond, ce que Spinoza souligne avec force, c'est la difficulté d'être adulte: cela tient surtout au fait que l'homme n'est qu'une partie de la Nature, toujours assailli par des causes extérieures. La passivité est le lot de la condition humaine. La connaissance du premier genre est celle qui définit notre situation dans le monde: car savant ou ignorant nous aurons toujours, comme dit Spinoza, la même image du soleil, celle d'un objet éloigné de nous de deux cents pieds. Accéder à l'âge adulte, c'est surmonter cette connaissance centrée sur le corps en la comprenant et en comprenant aussi que jamais nous ne pourrons la dépasser complètement. Nous commençons par avoir une connaissance imaginative des choses et nous y retombons chaque fois que nous sommes la proie des passions qui sont notre erreur, notre servitude et notre drame. C'est peut-être ce drame qui constitue le fond même du passage de notre état de minorité à notre état adulte: car on ne passe pas sans heurts et sans retours en arrière, de la connaissance du premier genre à celle du deuxième ou du troisième genre. Ce passage est une lutte, il nous semble, car la passivité qui caractérise l'homme est, répétons-le, une donnée fondamentale de la condition humaine. C'est pourquoi la philosophie de Spinoza nous pose un problème assez grave et assez inquiétant: cette philosophie qui rejette un des postulats fondamentaux de la pensée judéo-chrétienne - celui de l'opposition de l'idéal et du réel - n'introduit-elle pas l'idéal lorsqu'elle définit le type d'homme qui correspond à la connaissance du troisième genre?»
Notes
1. Descartes, Discours de la méthode, Vrin, p. 13.
2. Discours de la méthode, p. 13.
3. Oeuvres et lettres, N.R.F., Pléiade, p. 606-608.
4. Goubier, La pensée métaphysique de Descartes, Vrin, p. 46.
5. Discours de la méthode, Vrin, commentaire, p. 165.
6. Gouhier, op. cit., p. 50.
7. Discours de la méthode, p. 22-23.
8. Ibidem, p. 25.
9. Ibidem, p. 25.
10. Discours de la méthode, p. 25-27.
11. Éthique, III, Définitions des sentiments, 1, p, 465, Par la suite nous désignerons Ethique par E suivi du livre, de la proposition, la démonstration ou le scolie et la page. Nous utilisons l'édition des Oeuvres Complètes de la bibliothèque de La Pléiade.
12. E, 11, XL, Scolie 2, p. 450 et E, II, XXX, scolie, p. 442.
13. E, II, XVII, Scolie, p. 434.
14. E, II, XXVIII, dem., p. 441.
15. E, II, XVII, Scolie, p. 432-433.
16. E, III, XII, p. 481.
17. Idem.
18. Spinoza, Éditions Seghers, p. 84.
19. E, III, XVIII, Scolie, II, p. 486.
20. E, IV, XLVII, Scolie, p. 587.
21. E, IV, Préface, p. 543.
22. E, V, XLI, scolie, p. 650.
23. Traité des Autorités théologique et politique, p. 664.
24. E, IV, chap. XXXI, p. 617.
25. Idem.
26. Traité des Autorités théologique et politique, p. 664.
27. E, III, LIX, Scolie, p. 524.
28. E, II, XL, p. 451.
29. E, II, XXXVII, p. 446.
30. E II, XXXVIII, p. 447, cor.
31. E II , XXXVIII, p. 446.
32. E, IV, VII, p. 552.
33. E, IV, XVIII, dem. p. 560.
34. E, V, III, p. 622.
35. E, V, IV, Scolie, p. 623-624.
36. E, IV, Def. VIII, p. 547.
37. E, IV, XVIII, Scolie, p. 561.
38. E, IV, XXVI, dem. p. 566.
39. E, IV, LXVII, p. 603.
40. E, III, LIX, Scolie, p. 523.
41. Idem.
42. E, II, XL, Scolie 11, p. 451.
43.Traité de la réforme de l'entendement, par. 19, p. 164.
44. Spinoza et le problème de l'expression, Éd. de Minuit, p. 282.
45. Ibid., p. 283.
46. E, V, XXV, p. 639.
47. Court Traité, p. 136-137.
48. E, IV, XXXVII, Scolie II, p. 577-579.
49. Traité des Autorités théologique et politique, p. 886.
50. Ibidem, p. 888.
51. Ibidem.
52. Democracy and education, The Free Press, p. 50.
53. Servitude et liberté selon Spinoza, C.D.U., p. 73.