Le vrai Jean Le Moyne

Mario Pelletier

« Luxe de sainteté ». Dans son article sur Marie de l’Incarnation ( Argument, printemps 2021), Carl Bergeron fait sien ce jugement de Jean Le Moyne sur les origines du Canada français. Jean Le Moyne est l’auteur injustement méconnu de Convergences, un  livre marquant paru en 1961 et réédité en 1993. À cette occasion, Mario Pelletier  a rendu justice au livre et à l’auteur par un article dans Les écrits du Canada français sous le titre Convergences 30 ans après. C’est cet article que nous reproduisons ici sous un autre titre.

 

Les vérités mal assimilées finissent toujours par remonter. Ou plutôt, à la faveur des vents changeants de l'histoire, elles reviennent en force comme des boomerangs au front des générations oublieuses. Ainsi en est-il des essais de Jean Le Moyne, Convergences. Le livre paru il y a plus de trente ans chez HMH vient de reparaître chez Fides[1].

Avec le recul du temps, je ne suis pas sûr que Convergences ait jamais été bien compris. Ni les acclamations des uns ni les vitupérations des autres ne me semblent lui avoir rendu pleine justice. Ce recueil d'essais, qui constitue probablement le livre le plus dense, le plus profond, qui ait jamais paru au Québec, en était aussi le plus redoutable, à bien des égards. Il remuait des questions troublantes, il soulevait des pauvretés honteuses, il dérangeait, et souvent violemment. On s'est donc empressé de l'enterrer, plus ou moins consciemment, sous la louange ou l'abomination, avec le même regard qui se détourne.

En 1961, le livre paru chez HMH tombait en pleine atmosphère de libération au Québec, au milieu d'une sorte d'ivresse générale. On se saoulait au gros rouge de la Révolution tranquille, qui jaillissait d'abondance dans tous les coins et recoins d'une société en dégel accéléré. Il n'y avait pas assez de ministres, sous-ministres et sous-n'importe-quoi à Québec pour tourner les pages de l'avenir radieux qui s'annonçait. Des deux côtés du fleuve géant, ça pétait de paroles dégelées comme celles que Pantagruel avait ouïes et recueillies aux confins de la mer de Glace. Dans ce contexte, les essais de Jean Le Moyne passèrent pour de telles « paroles dégelées » : on applaudit de les voir, de les entendre éclater dans l'air du temps, et on s'empressa de penser, de laisser entendre, de dire que Le Moyne voyait juste, mais qu'il parlait le langage d'une époque à jamais révolue. Le verbe implacable de l'essayiste fut loué en ce qu'il achevait de clouer le cercueil de Duplessis (symbole ultime de notre grande noirceur) et le bec de toute une armée de prédicateurs de l'enfer ! Pour le reste, qui était l'essentiel, on était passé complètement à côté. 

De ces textes écrits pour la plupart dans les années 50 et au début des années 60 (parus dans Cité Libre, dans la Revue dominicaine, dans le Journal musical canadien et ailleurs), on retint surtout la dénonciation de l'atmosphère religieuse au Canada français et l'indignation au sujet du sort fait au poète Saint-Denys Garneau. Le J'accuse vibrant d'un homme scandalisé (« Je ne peux pas parler de Saint-Denys Garneau sans colère. Car on l'a tué... »). Mais s'ils ajoutaient de l'eau au moulin des révolutionnaires tranquilles, les écrits de Le Moyne avaient aussi un côté gênant pour bien du monde, à cause du violent éclairage qu'ils projetaient sur la vicieuse pauvreté du Canada français et du mépris profond qu'ils exhalaient pour une certaine mentalité, qualifiée de « névrose » collective.

On vit même un Jean Marcel (tout jeune à l'époque, il est vrai !) réclamer que le gouvernement québécois interdise la traduction du livre au Canada anglais, sous prétexte que les jugements sévères de Le Moyne sur son peuple ne feraient que conforter les Anglo-Canadiens dans leurs préjugés et leurs sentiments anti-français[2].

Puis la grande querelle Québec-Canada emporta le reste d'attention que l'essayiste pouvait espérer au Québec. Parce qu'il dénonçait des consciences sclérosées, des étroitesses et surtout le nationalisme (qui avait été alors, avec un thomisme bien scolaire, le seul système de pensée en ce pays), l'auteur de Convergences fut ostracisé et rangé au nombre des dinosaures fédéralistes par les générations rock-and-roll du baby-boom.

Jean Le Moyne a aussi le grand tort de ne pas être un « moderne », au sens que l'on donne généralement à ce terme fourre-tout aujourd'hui, parce qu'il croit en Dieu et, surtout, parce qu'il le dit et en fait le fondement de sa pensée. Cela suffit à le discréditer au départ chez une cohorte de professeurs et haut-parleurs qui n'ont d'autres horizons que le matérialisme historique, le structuralisme, le lacanisme ou autres gargarismes.

Certains même ont voulu régler le cas de Le Moyne et de sa génération en deux coups de cuiller à pot sociologico-marxisant, assimilant son discours aux conceptions théocratiques du Moyen Âge. Le professeur Jacques Pelletier notamment – qui semble savoir, lui, ce qu'est la réalité ! – a invoqué à cet égard les « théories déréalisantes » de La Relève (la revue littéraire des années 30 à laquelle collaboraient Le Moyne et Saint-Denys Garneau, entre d'autres) et tenté d'y réduire, fort grossièrement, l'auteur de Convergences. C'est ainsi qu'une critique lilliputienne qui n'était pas à la mesure de ce géant a tenté de le ficeler, de le découper et de l'enfermer dans des petites boîtes d'inanité intellectuelle.

Ces ornières doctrinales ont empêché de voir ce qui fait la grandeur de l'essayiste : ses conceptions neuves et généreuses de la vie, un style à la fois sensuel et exact, qui s'inscrit dans une célébration – sans précédent ici – de l'universalité du monde. Que Le Moyne parle des fourmis, des atomes, de Rabelais, de Bach, des frères Marx, du journalisme ou de la société canadienne-française, tout converge chez lui en une vision cohérente de l'être au monde, en une ontologie d'une exigence radicale. Et c'est là qu'il se compromet sans retour et qu'il heurte rudement ceux qui préfèrent les demi-teintes et les équivoques. Être ou ne pas être, il n'y a pas de moyen terme pour Le Moyne. Avec des formules tranchantes comme des sabres, des mots dévastateurs à la Bloy, à la Bernanos ou à la Pascal (le Pascal des Provinciales), il pourfend tout ce qui entrave l'être, tout ce qui le diminue, le rapetisse, l'étouffe. Il jette à la face de toute une société le cadavre d'un poète broyé, miné, qui a été singulièrement empêché d'être : son ami intime, Hector de Saint-Denys Garneau (« Sa mort a été un assassinat longuement préparé – je ne dis pas prémédité, parce que nous ne saurions faire l'honneur de la conscience à ceux qui l'ont empêché de vivre. »). Mais sa puissance d'indignation est contrebalancée par une égale puissance de célébration quand il se tourne vers la  prodigieuse multiplicité de la vie (« ...je dois autant aux fourmis qu'à Homère, aux poissons qu'à Cervantès, à la basse-cour qu'à l'école... ») et les grands vivants que furent François Rabelais, Henry James, Teilhard de Chardin, Jean-Sébastien Bach, Marie de l'Incarnation et d'autres.

L'extrême exigence ontologique d'un Jean Le Moyne, comme de bien d'autres intellectuels de sa génération, procède d'une soif et d'une faim provoquées par un milieu aride, désertique, fermé sur lui-même – où Messieurs nos Évêques interdirent, par exemple, qu'on célébrât le centenaire de la mort de Balzac, en 1950, parce qu'une grande partie de la Comédie humaine était à l'Index ! Derrière ce glacis de catholicité qui les protégeait du monde, les Québécois d'alors ont dû se creuser des tranchées personnelles, s'inventer des armes intérieures, se battre contre tous les moulins d'une bondieuserie élevée en dictature. « La difficulté que nous avons eue à devenir contemporain de l'actuel est inimaginable », de dire Le Moyne. D'où sa colère, sa véhémence, qui éclate particulièrement contre une atmosphère religieuse qui entretenait une culpabilité morbide. Entendez ces éclats de voix de 1951, donc en pleine ère cléricalo-duplessiste :

Culpabilité maudite, voix perçue depuis la conscience première, tonnerre de malheur sur le paradis de l'enfance, venin de terreur, de méfiance, de doute et de paralysie pour la belle jeunesse, saleté sur le monde et la douce vie, éteignoir, rabat-joie, glace autour de l'amour, ennemie irréconciliable de l'être, on l'a respirée comme l'air, on l'a toujours entendue comme le vent, on l'a mangée comme une cendre avec toutes les nourritures, et les terrestres et les célestes.

À la même époque, Anne Hébert évoquait l'explosion matricide d'un « enfant dépossédé du monde » (Le Torrent, 1950) et l'horreur de « la main sèche qui cherche le cœur pour le rompre » (Le Tombeau des rois, 1953). Toute une fermentation intellectuelle et morale travaillait déjà la société québécoise, en parallèle avec les grèves qui éclataient à Murdochville, à Asbestos et ailleurs. Convergences se situe dans cette dynamique. Il manifeste plus explicitement et plus vigoureusement que d'autres livres cette révolution des esprits, ce fourmillement créateur des années 50 – époque notamment des débuts héroïques et combien féconds de la télévision de Radio-Canada – qui allaient déboucher sur la Révolution tranquille. Et si Le Moyne frappe fort, très fort à certains moments, sur son peuple – ce que plusieurs ne lui ont jamais pardonné ! –, c'est à cause de la singulière épaisseur des murs, à cause de la ténacité des complaisances et des illusions compensatoires en cette drôle de province, qui n'est pas, à cet égard, sortie du bois, quoi qu'on en pense.

Nul sans doute n'a sondé plus profondément les reins et les cœurs du Canada français. Avec une lucidité féroce, Le Moyne a débusqué tout ce qu'il y avait de bêtise, d'ignorance et d'inconscience au cœur de cette société. Il y traque d'abord une culpabilité profonde, presque atavique, issue d'une conception dualiste du monde. Un divorce de la chair et de l'esprit, qui rendait le matériel et le charnel méprisables, redoutables même. Ce dualisme, bien sûr, n'appartient pas en propre aux Canadiens français, mais l'essayiste, avec moult exemples tirés de l'histoire et de la littérature, montre brillamment qu'il a été vécu ici avec une intensité spéciale, véhiculé et imposé de génération en génération par une religion figée, scrupuleuse à l'excès, qui voyait dans la chair la faute essentielle et y logeait donc toute l'angoisse du monde. « Maintenant, dit-il, le sexe mystérieux et rageur va s'emparer de nous et se constituer le mal. »

Évidemment, les conditions et mentalités ont beaucoup changé depuis les années cinquante. Mais si l'on parle désormais du sexe comme de la pluie et du beau temps à la radio et à la télévision, si on en voit et dévore en film ou autrement, est-on pour autant libéré, épanoui ? Les nouveaux confesseurs (qui chôment moins que jamais !), psychanalystes, psychologues et compagnie, pourraient sans doute nous dire à quel point les subconsciences restent douloureusement chargées à ce chapitre.

Une autre singularité « canadienne-française » que Jean Le Moyne a fait ressortir reste d'ailleurs plus vérifiable, car elle est toujours, et peut-être plus que jamais, d'actualité : le matriarcat.

Ce serait un euphémisme de dire que l'image masculine ici est amochée. Depuis le Survenant (qui était d'ailleurs une sorte de mystérieux étranger), il n'y a guère de héros masculins de souche qui se soient imposés dans nos œuvres de fiction. Kamouraska d'Anne Hébert est exemplaire, à cet égard : le Canadien français, seigneur de Kamouraska, est un parfait salaud, sa femme est une martyre qui subit ses brutalités, et le héros mâle, le sauveur, est un étranger, anglophone par surcroît.

Or, Jean Le Moyne l'avait montré magistralement dans un texte qui date déjà de quarante ans (« La femme dans la civilisation canadienne-française »), la femme ici n'existe pas autrement que mère, et l'homme n'arrive pas à être autre chose qu'un fils soumis ou une brute. Avec des accents de prophète qui résonnent encore dans le désert de notre lucidité collective, il clame :

Et nous nous sommes multipliés en rejetant la chair, au fond d'un secret que notre conscience a rejoint sans le comprendre ; nous nous sommes aimés dans une intimité défectueuse où la nécessité féminine s'est revêtue d'interdiction, nous nous sommes trompés dans une union où la femme était mère.

Il dénonce « la femme en nous qu'on a voulu abolir et l'homme en nous qu'on a voulu faire mourir ». De fait, les profondeurs du mépris de la femme québécoise pour l'homme n'ont pas encore été sondées, de même que les abysses d'inconscience (et de mépris de soi) du mâle québécois[3]. Ce double aveuglement engendre un malheur réciproque qui s'enveloppe dans un climat d'infantilisme (ah! la dictature de l'enfance divinisée...) et se noie dans la petite bière d'une médiocrité repue. L'oppression silencieuse qui se vit au sein du couple aboutit de plus en plus à des impasses tragiques, dont on voit trop souvent les sanglants épilogues à la une des journaux.

Incidemment, pour celles et ceux qui seraient portés à croire que Le Moyne est un macho épouvantable, qu'ils lisent ce qu'il dit de la présence de la femme dans le monde et dans l'Église ! Il tient un discours de féministe avant l'heure et avant la lettre – on est à la fin des années 50, rappelons-le ! –, quand il juge « suspect » tout ce que les hommes ont dit des femmes, quand il parle d'un conditionnement millénaire qui a enfermé les femmes dans l'impuissance et « par lequel en même temps les hommes furent diminués et retardés », et quand il entrevoit à l'avenir « des Mères des conciles siégeant à côté des Pères des conciles » (c'était l'époque du concile Vatican II). 

Ce qui éclate avec le plus d'évidence à travers le livre, c'est la liberté de la foi religieuse de Le Moyne, une foi reçue dès le jeune âge auprès de son père « non par un enseignement sûr, orthodoxe et figé, mais dans une incertitude passionnée ». Cette foi est ouverte à toutes les manifestations de la vie, elle est pleinement incarnée dans un quotidien, une actualité que Le Moyne a vécue de nombreuses années comme journaliste[4] et qui lui a inspiré une particulière « attention à l'immédiat ». Nous sommes « invités à faire du Christ », dit-il à propos de nos quotidiennes tâches, et, dans sa pensée, cela rejoint ce qu'il appelle magnifiquement « nos mains travailleuses qui fabriquent de l'esprit ».

Il y a tout un arrière-plan de rédemption – du corps, de la matière, du temps – qui court dans les écrits de l'essayiste, qu'il s'agisse de la musique de Bach aboutissant à l'ascèse suprême du contrepoint, des spirituals des Noirs américains qui transfigurent le corps en prière, des théories de Teilhard de Chardin révélant les « affinités spirituelles de la matière » ou des romans de Henry James réconciliant « l'être double » d'Amérique et d'Europe.

Cette conception christique du monde devait trouver chez Le Moyne, après Convergences, des prolongements novateurs dans la mécanologie. En quête d'un « humanisme intégral », il poursuit depuis quelques décennies une investigation à la fois freudienne et bachelardienne des rapports de la machine avec l'âme humaine. Les quelques textes qu'il a laissé échapper jusqu'ici – notamment les huit chapitres d'un Itinéraire mécanologique publiés dans les Écrits[5] – montrent la profonde originalité de cet effort d'appréhension de la réalité machinique dans son rapport avec le désir et le rêve. Il cherche à cerner l'instant de l'insertion de cette réalité dans l'esprit, le moment de rencontres décisives, illuminatrices, qui remontent souvent à la petite enfance.

Une locomotive jouet ou un bateau lui sert de « petite madeleine » dans une démarche qui n'est, somme toute, pas si éloignée de Proust, car elle reconstitue en même temps le climat d'un milieu, d'une époque (le Montréal victorien du début du siècle, les années trente, etc.). Du fond de la mémoire, il déterre l'objet technique avec sa gangue de poésie. Et ainsi trouve-t-il une voie qui réconcilie le mécanique avec le psychologique et le poétique. Une sorte de rédemption du rêve par la machine. À cet égard, Jean Le Moyne a posé le pied sur un nouveau continent de la pensée et de la sensibilité, dont il nous tarde de connaître d'autres avancées[6].

Il y a finalement, chez lui, une conception écologique de l'univers, où tout se rejoint. Ses propos sur le contrepoint dans Convergences sont assez éclairants à cet égard :

...l'univers de Dieu est le contrepoint de toutes présences, depuis celle des anges jusqu'à celle de l'électron, contrepoint objet de cette présence amoureuse qui ne néglige aucun de mes cheveux, contrepoint promis à la cadence parousiaque du Christ total, résumé de toutes choses, centre de toute attention.

En somme, une supra-écologie qui englobe le physique et le métaphysique et qui fait de lui, paradoxalement (c'est l'effet boomerang dont j'ai parlé au début), un « postmoderne », pour employer une expression à la mode. La pensée de Le Moyne respire large, peut-être trop pour le petit milieu chicanier dans lequel elle est tombée. Rendons-lui grâce d'avoir été le premier grand exorciste de nos démons intérieurs. Quant à sa démarche actuelle d'approfondissement de la matière du monde et des techniques qui la meuvent, une époque plus dégagée saura sûrement en reconnaître la pleine valeur.

 

 

 


[1][1]. Convergences a été réédité l'automne dernier chez Fides, dans la collection du Nénuphar.

[2].  Jean Marcel, « Sur la traduction en anglais des Convergences de Jean Le Moyne », L'Action nationale, vol. LIV, no 9, mai 1965.

[3]. Jean Larose s'est déjà engagé courageusement dans cette voie périlleuse. Au sujet de la paternité notamment, il remarque : « Peut-être n'y a-t-il nulle part ailleurs une société où la fonction de père soit aussi généralement méprisée, méconnue, oubliée, voire forclose. » (La petite noirceur, Boréal, 1987).

[4]. Jean Le Moyne a été en même temps l'un de nos plus importants critiques littéraires dans les années 40 et 50.

[5].  « Évocations », Écrits du Canada français, no 46, 1982; et « Évocations II », Ibidem, no 53, 1984.

[6].  Notons que Le Moyne a organisé en 1971, avec le professeur John F. Hart, le premier colloque international de mécanologie, à Paris.

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