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Julie Payette ou l’abdication de la première reine astronaute

Jacques Dufresne

Voici une bonne raison de remplacer Julie Payette par un ou une autochtone.

Janvier 2021, Julie Payette, gouverneure générale du Canada, donne sa démission. La première reine astronaute abdique. Cet événement hautement symbolique nous oblige à une réflexion allant au-delà des commentaires politiques convenus. De nombreux Canadiens souhaitent que Madame Payette soit remplacée par un ou une autochtone. Ce serait une excellente chose à condition que l’élu(e) soit plus proche de sa culture traditionnelle que de celle des hommes-dieux et par là le symbole de l’autonomie du vivant plutôt que de l’hétéronomie de la machine.

L’amérindien enraciné et le coureur des bois à un pôle, à l’autre pôle l’astronaute, c’est-à-dire l’homme branché sur un cerveau artificiel qui le gouverne depuis une lointaine tour de contrôle. On constate, en ces temps de pandémie, que la tendance vers l’hétéronomie est plus forte que jamais, que des populations entières sont branchées sur les systèmes de santé de même que sur les grands réseaux médiatiques. Au même moment et conformément à la même vision du monde, le nombre de véhicules récréatifs énergivores ne cesse de croître, la masse de déchets en orbite autour de la terre atteint 6,000 tonnes et le tourisme spatial à 50 millions par voyage suscite l’enthousiasme des investisseurs.

En choisissant Julie Payette, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau inscrivait son pays dans cette tendance. Si encore il avait eu le courage de s’engager dans cette voie sans tomber dans la plus flagrante contradiction, celle qui consiste à encenser simultanément Julie Payette et Greta Gründberg. Entre ces deux femmes idéales, il faut choisir, comme entre la fusée et le brin d’herbe de Murcia Hans;

La fusée et le brin d’herbe

Propulsée par un million
d'ailes de feu,
les ailes de l'homme,
la fusée déflora
le ciel et
la foule exulta.

Tirant sa force
d'une seule pensée de Dieu
la graine s'empresse
de traverser l'épaisseur noire
Et quand elle perce
la lourde écorce du sol
pour se propulser d'elle-même
dans l'espace extérieur
Personne ne songe même à applaudir.

Marcie Hans

La plante enferme pourtant beaucoup plus d’intelligence, d’ordre et de complexité que la fusée et constitue par là un objet plus riche pour la science. La fusée se limite à utiliser les déchets de la plante sous forme d’énergie fossile et elle est guidée par des calculs linéaires qui, si rigoureux puissent-ils être, paraissent simplistes par rapport à ceux qui rendraient adéquatement compte des interactions de la plante avec le soleil, le sol et les plantes voisines, voire avec l’ensemble de l’univers. «Nul ne peut affirmer que le parfum de l’aubépine est inutile aux constellations.» (Hugo)

Les hommes préfèrent les machines simples qu’ils fabriquent aux merveilles complexes que leur donnent la nature et  la vie. Pourquoi ?

Lectures

Éblouir pour régner

Où l'on voit comment, fort de ses connaissances en optique, Descartes propose aux rois d'impressionner leur peuple au moyen d'arcs-en-ciel artificiels qui paraîtraient naturels. Ce qui donne à penser que les prouesses techniques s’expliquent moins par leur utilité que par le fait qu’elles sont un spectacle qui renforce le pouvoir des puissants sur leurs semblables et prouve la supériorité de l’homme sur Dieu.

***

Santé : de Radisson à Ray Kurzweil

En 1980, le cosmonaute avait déjà plus d’admirateurs que le coureur des bois. Le glissement vers l’hétéronomie était déjà manifeste à l’époque, mais la voie vers l’autonomie n’était pas fermée. C’était la première heure de gloire des médecines douces, le retour de l’idéal hippocratique. Cette tendance persiste mais elle est marginalisée par rapport à la tendance inverse vers l’hétéronomie. Nous serons bientôt bardés de capteurs qui nous feront ressembler à la voiture sans chauffeur.

***

Météo et environnement : faits saillants, 27 janvier 2021

Nouvelle chronique du météorologue Gérard Croteau

«Il y a quelques années on déplorait la quantité de débris artificiels flottant en orbite autour de la Terre; on estimait alors qu’il y avait 10 000 pièces de 10cm ou plus. Nous en sommes maintenant à 34 000, et 128 millions toutes tailles confondues, pour une masse totale de six mille tonnes.  Tout comme l’océan Pacifique a son continent de plastique, l’espace a son nuage de plastique en orbite.»

 

 

 

Extrait

L’amérindien enraciné et le coureur des bois à un pôle, à l’autre pôle l’astronaute, c’est-à-dire la femme branchée sur un cerveau artificiel qui la gouverne depuis une lointaine tour de contrôle.

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Cet article a d'abord paru dans la revue Relations à l'automne 2020. On peut




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