Les fondements de la direction scientifique des entreprises

Frederick Winslow Taylor
Extraits de l'ouvrage The Principles of Scientific Management, de Frederick Winslow Taylor, paru en 1911, et dans lequel il décrit les causes qui justifient l'introduction de nouvelles mesures organisationnelles pour accroître la productivité des ouvriers et par conséquent celle des entreprises, les fondements et les avantages de la direction et l'organisation scientifique du travail.
Extraits
I) Les fondements de la direction scientifique des entreprises
II) Les causes du travail à la traîne
III) Les principes de la direction scientifique des entreprises
IV) Des avantages découlant de la direction scientifique des entreprises


I. Les fondements de l'organisation scientifique du travail
L'objet principal de la direction d'une entreprise est d'atteindre la prospérité maximale pour l'employeur, et la prospérité maximale pour chaque employé.

L'expression «prospérité maximale» est employée, dans son sens le plus large, et signifie non pas seulement de grands dividendes pour la compagnie ou le propriétaire, mais le développement de chaque secteur de l'entreprise à son niveau d'excellence le plus élevé, dans le but d'atteindre une prospérité permanente. De la même manière, la prospérité maximale pour les employés signifie non pas uniquement des gages plus élevés que ceux auxquels ont droit les hommes au sein d'un même corps de métier, mais, encore plus important, elle sous-entend le développement de chaque individu dans le but d'atteindre son niveau maximal d'efficacité, afin qu'il puisse ainsi accomplir le travail de la plus haute qualité qu'il lui soit permis d'accomplir selon sa capacité naturelle, et que par conséquent, lui soit confié, lorsque cela est possible, un travail de ce niveau.

Il semble si parfaitement évident que la prospérité maximale pour l'employeur, associée à la prospérité maximale pour l'employé, doivent constituer les préoccupations premières de l'administration, qu'affirmer une telle évidence paraisse superflu. Et pourtant, dans le monde industriel, au sein des syndicats de travailleurs, aucune question ne suscite autant d'hostilité, et la majorité, de part et d'autre, ne semble pas croire qu'il soit possible de se réconcilier autour d'intérêts mutuellement avantageux.

La majorité de ces hommes croient en fait que les intérêts fondamentaux des employés et des employeurs sont irrémédiablement opposés. La direction scientifique des entreprises, au contraire, repose, dans ses fondements mêmes, sur la conviction que les véritables intérêts des deux groupes sont identiques; que la prospérité d'un employeur ne peut se maintenir pendant un certain nombre d'années si elle n'est pas accompagnée de prospérité pour ses employés, et vice versa; qu'il est possible d'offrir au travailleur ce qu'il désire le plus — des gages élevés — et ce que l'employeur souhaite — les plus bas coûts de main-d'oeuvre — pour son entreprise.

Il est au moins à espérer que ceux qui ne sympathisent avec l'un ou l'autre de ces deux objectifs, soient amenés à changer leurs vues; que certains employeurs dont l'attitude envers les employés consiste à tirer d'eux le maximum d'effort tout en leur versant les plus bas salaires possibles, considèrent qu'une politique plus libérale envers ces hommes leur rapportera davantage; que certains parmi les employés qui envient aux propriétaires un profit raisonnable voire important, et qui estiment que tous les fruits de leur travail devraient leur appartenir, alors que propriétaires et investisseurs devraient se contenter du strict minimum, soient également amenés à à amender leurs points de vue.

Nul ne contestera que lorsqu'il est question d'un seul individu, la prospérité maximale n'existera uniquement que lorsque cet individu aura atteint son plus haut degré d'efficacité, c'est-à-dire lorsque sa production quotidienne sera la plus grande.

L'exactitude de cet énoncé se vérifie dans le cas de deux hommes travaillant ensemble. Pour illustrer une telle affirmation, supposons que votre employé et un des confrères aient atteint un tel degré d'efficacité qu'ils produisent quotidiennement deux paires de souliers, alors que deux ouvriers travaillant chez un compétiteur n'en produisent qu'une seule. Il est clair qu'après avoir vendu vos deux paires de souliers vous pourrez rémunérer davantage vos deux travailleurs que ne saura en mesure de le faire votre compétiteur, et que, de plus, vos profits seront plus élevés que ceux de votre compétiteur.

Dans des établissements manufacturiers plus importants, il faut préciser que la plus grande et permanente prospérité pour l'employé, combinée à la plus grande prospérité de l'employeur, ne peut être obtenue que lorsque le travail est accompli selon la plus faible dépense combinée d'effort humain, de ressources naturelles, de coûts d'utilisation des machines, des bâtiments, etc. Ou, pour exprimer la même chose de manière différente: que la plus grande prospérité ne peut advenir que par l'obtention de la plus haute productivité des hommes et des machines de cette manufacture — ce qui revient à dire que chaque homme, chaque machine doivent fournir individuellement un rendement optimal, à défaut de quoi vous ne serez pas en mesure de dépasser la compétition et de verser à vos employés des salaires plus élevés que ceux payés par vos compétiteurs. Et ce qui vaut pour la possibilité qu'une compagnie installée en face d'une autre, puisse verser de meilleurs gages à ses employés en raison de l'excellence de sa productivité, vaut également pour des régions entières, pour des pays opposés par la compétition. En un mot, cette prospérité maximale ne peut exister que lorsqu'il y a une productivité maximale.

Si ce qui précède est vrai, il s'ensuivrait logiquement que la plus grande préoccupation des travailleurs et de l'administration devrait être la formation et le développement de chaque membre d'une entreprise, de manière à ce qu'il puisse réaliser, à la cadence la plus élevée et avec la plus grande efficacité, les tâches les exigeantes auxquelles le rendent apte ses habiletés naturelles.

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