N'être que sa différence..Naître de sa différence

Pierrette Laperle
N’être que sa différence…Naître de sa différence
Pierrette Laperle, femme aux ailes de vent

Présentation
Soyez à vous-même votre propre flambeau et votre refuge. (Bouddha)
Rien n’est tragique que ce à quoi on prête soi-même des couleurs de drame.
Je suis une femme aux semelles de vent. (A. David Néel) Pour la paraphraser :
Je suis une femme aux roues de vent, aux ailes de vent.
Fin de la présentation

N’être que sa différence ou naître de sa différence? On ne choisit pas l’une des deux voies de façon consciente. Ce n’est que plus tard dans la vie que ce choix fait, qui n’en est pas un, s’impose à notre connaissance. Quant au premier choix qui n’en est toujours pas un, on le subit comme on subit sa vie.

Peut-on (re) naître de ses manques, des mailles échappées dans le tricot de son existence? Peut-on faire en sorte que cette disharmonie devienne un atout, que le chaos se transmute en harmonie même dysharmonique comme cette musique de Murray Schaffer composée de bruits urbains grinçants et pourtant quand même belle à entendre.

Cette débandade de mes cellules motrices, cette communication bousillée qui n’arrive plus à faire fonctionner ma main gauche et de façon chaotique la droite, la main qui prend, saisit, qui, tous les jours, exécute les commandes nécessaires de façon automatique. Quelle petite merveille, une main! Quoi de plus banal que de se boutonner, se gratter en arrière de l’oreille, ouvrir une porte, le pot de café, de confitures…

En présence de mes incapacités, je n’ai pas eu le choix d’être créatrice, je dus parer à, inventer. Comme si mes insuffisances avaient fait en sorte que je puise dans un bassin de potentialités qui m’étaient inconnues. J’ai dû inventer ma vie. La créer.

Ne connaissant pas le concept de la résilience à ce moment-là, je suis à même aujourd’hui de constater que mon parcours de vie a été semé de tuteurs de développement selon Boris Cyrulnik : des hommes, des femmes, des amoureux, des rencontres, des livres, des expériences m’ont formée, m’ont permis d’accéder à ce que je devais être.

À cette époque d’abondance dans nos pays dits développés, dans nos sociétés de consommation à outrance, au-prêt-à-manger, au prêt-à-utiliser, au-prêt-à-jeter, y a-t-il des espaces où l’on peut encore créer? Dans nos sociétés axées sur l’excellence, l’efficacité, la rapidité, je suis la tortue dans la formule 1 sauf… lorsque je suis assise dans mon quatre-roues poussée par mes ailes de vent. Mes tableaux les plus achevés ne sont pas ceux où j’avais sous la main toutes les couleurs à ma portée mais plutôt là où il y avait une économie de moyens, je dirais de pauvreté mais riche en trouvailles, de tons, de nuances qui venaient unifier l’ensemble.

Je suis un pays parsemé d’espaces sous-développés, de crevasses béantes que je dois contourner pour avancer, de sources taries, paralysées, figées, de régions désertées et désertiques. En dépit de cela, malgré cela est apparue une fleur bien accrochée à une falaise soufflée par le vent, bien enracinée malgré un terrain instable, fragile. Fleur tenace. Pugnace. Des gerbes d’eau vive ont jailli de sources inconnues, insoupçonnées. Là où la mort avait fait son lit, a surgi en périphérie des radicelles de vie. Pour continuer la vie.

Je me sens comme cet oiseau, tige dans le bec, (relent de mon cerveau reptilien), qui sert d’outil pour débusquer des insectes. Pour combler les trous d’un corps défaillant, il nous faut une boîte à outils. Je ne peux sortir sans elle, la preuve, je ne sors jamais sans lui…le faut…euil comme deuil, écueil mais aussi comme accueil à moi-même. Faute de quoi, je ne sors pas, je ne peux rouler pour aller faire mes courses, me rendre à la bibliothèque, et autres activités du quotidien. Claude Masse, ancien bâtonnier du Québec, forcé d’utiliser un fauteuil motorisé me parlait de cet outil merveilleux pour recouvrer en partie sa mobilité comme faire une marche, disait-il, avec ma fille sur la piste cyclable.

Si vous me demandez comment je suis arrivée là où je suis, je reprends la phrase du poète colombien : « Hace el camino al andar ».

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