Kant et l'éducation

Heinrich Kanz

Emmanuel Kant (1724-1804)

par Heinrich Kanz (1)

À Königsberg, aujourd'hui dénommée Kaliningrad, en cette ville où Kant est né, où il a enseigné et où il est mort, et qui fut détruite à 90 % en 1944-1945, on ne trouvera aujourd'hui ni sa maison natale ni celle où il est mort. Mais il y a un musée Kant à l'université, et il reste à l'une des extrémités de la cathédrale de Königsberg, maintenant en ruines, une tombe bien entretenue qu'on peut considérer comme un lieu de souvenir et aussi comme un monument de la réconciliation intellectuelle qui se manifeste actuellement dans le monde et nous fait honorer la mémoire de l'un des plus grands philosophes allemands depuis l'époque des Lumières. Kant peut être en effet considéré comme l'un des grands représentants de la philosophie européenne dans son expression germanique depuis le XVIIIe siècle.

Les spécialistes de l'histoire de la culture allemande appellent le XVIIIe siècle « le siècle pédagogique ». Kant a eu lui aussi des préoccupations d'ordre pédagogique. Cependant, c'est uniquement dans le cadre de sa philosophie que l'on peut les apprécier. Aussi a-t-il plutôt sa place dans une histoire de la « philosophie pédagogique », ou d'une philosophie de la formation et de l'éducation. Il n'est donc pas étonnant qu'il ne figure pas au nombre des « Classiques de la pédagogie » dans l'ouvrage bien connu de Scheuerl, bien qu'il soit cité dans l'introduction (2) aux côtés de Luther, Mélanchthon, Friedrich August Wolf et Schiller. Il se peut que dans son interprétation des classiques de la pédagogie, cet ouvrage ait été inspiré par un souci excessif de garder ses distances à l'égard de cette base scientifique de la pédagogie que constitue la philosophie. D'autres traditions pédagogiques, en revanche, mentionnent explicitement l'importance de Kant comme pédagogue. « Kant et la pédagogie », tel fut en 1954 l'un des thèmes traités par Bollnow (3), philosophe de l'existence bien connu et « auteur pédagogique », qui remonte ainsi une ligne qui, à l'évidence, va de Kant à la pédagogie du XXe siècle.

Ce paraît être l'une des tâches de l'heure présente que de favoriser la rencontre intellectuelle des continents. Cela n'ira pas sans un effort de définition du profil et de la véritable identité historique des groupes ou d'ensembles plus importants tels que l'Afrique, l'Amérique, l'Asie, l'Australie ou l'Europe. S'agissant de l'Europe, cette exigence implique que les Européens se rappellent les compétences humaines qu'ils possèdent et dont eux-mêmes ou les autres peuvent tirer profit, qu'ils réexaminent leur histoire afin de pouvoir faire le bilan des facteurs négatifs ou positifs. En outre, chaque continent doit fournir, dans une démarche pluraliste, individuelle et concrète, sa contribution à la nouvelle éthique mondiale. Aussi faut-il se demander quels sont les acquis intellectuels que l'Europe doit à Kant, et qui feront d'elle un membre de plein droit dans la société mondiale de demain, notamment, pour ce qui est du domaine pédagogique. Aussi retiendrons-nous pour notre profil de « Kant, éducateur », un plan en cinq parties : données bibliographiques, position en matière de pédagogie, méthodes, influence et contributions durables (ce qui nous servira en même temps de conclusion).

Données bibliographiques

De notre point de vue actuel, on peut distinguer le Kant des philosophes professionnels (4), le Kant du monde scientifique (5) et le Kant des chercheurs de l'éducation et des pédagogues (6). Le rappel de certaines données de sa carrière professionnelle ayant trait à ce domaine particulier fait clairement apparaître les compétences et l'importance de Kant en matière de pédagogie.

Immanuel Kant (7) est né à Königsberg le 22 avril 1724. Ses parents, de condition modeste, n'en ont pas moins élevé leur fils de telle façon que celui-ci leur garda un sentiment de « profonde reconnaissance » et assura qu'il n'aurait pu recevoir meilleure éducation morale. Les compétences culturelles de base, la lecture et l'écriture, il les acquit à la Hospitalschule, dans un faubourg de la ville. Puis il fréquenta le Collegium Fridericianum, où les principales matières enseignées étaient le latin (les classiques), le grec (le Nouveau Testament), ainsi que la religion et la théologie, dont la présence constante dans l'enseignement et la vie scolaire, certes, lui pesa, mais assura les bases de ce qui fut par la suite sa religion personnelle, conciliable avec la raison. A l'âge de seize ans, en 1740, Kant s'inscrivit à l'université de Königsberg où il peut se familiariser avec la philosophie de Leibniz. Au cours des années suivantes, il instruisit et éduqua, en qualité de précepteur, des garçons de moins de douze ans. En 1755, il fut reçu docteur de l'université de Königsberg, et fut autorisé, cette année, à enseigner en tant que Privatdozent ou maître de conférences non rémunéré.

En cette qualité il analysa les oeuvres de Newton, de Hume surtout Rousseau, qui, selon ses propres termes, le mit « sur le droit chemin », et provoqua chez lui une « révolution de la réflexion ». Cette situation de maître de conférences, partiellement financée par son salaire de sous-bibliothécaire à la Bibliothèque royale de Königsberg, prit fin en 1770 avec sa nomination à une chaire de professeur titulaire de logique et de métaphysique (sa leçon inaugurale eut pour titre : « Sur la forme et des principes du monde sensible et du monde intelligible ». La carrière professorale de Kant le mena à la tête des intellectuels de langue allemande. Au cours de son existence vouée au savoir (il fut aussi recteur de l'université en 1786 et 1788), il rédigea les oeuvres philosophiques majeures de son époque (voir liste des oeuvres en fin d'article).

Débattant avec ceux qui faisaient autorité dans l'Europe intellectuelle de son temps, Kant écrivit, outre de nombreux textes mineurs, sa célèbre Réponse à la question : Qu'est-ce que les Lumières? (1784). Il fit son dernier cours en 1796, et mourut en 1804. Ses derniers mots furent : « C'est bien ». Le déisme qu'il professait en matière de religion l'avait affranchi de l'angoisse de la mort. Qui veut tenter de résumer les préoccupations intellectuelles de Kant en quelques formules lapidaires peut se référer aux questions, universellement connues par la suite, qu'il posa en 1793 : Que puis-je savoir? Que dois-je faire? Que m'est-il permis d'espérer? Qu'est-ce que l'homme? Les problèmes qu'elles recèlent, Kant s'en saisit, avec un esprit critique et en en recherchant très loin les prémisses, à deux niveaux de réflexion :

Tout d'abord il procéda, avec le positivisme propre à l'esprit des Lumières, à l'examen de la raison humaine, la soumettant à une auto-évaluation rationnelle des possibilités qu'elle ouvre à l'homme et de ses limites. C'est dans cette perspective que se situe l'extraordinaire « modestie » critique et la limitation aux expériences possibles à tout homme (« phénomènes ») qui caractérisent la Critique de la raison pure où, poussant jusqu'à l'absurde les soi-disant preuves de l'idéologie, Kant établit l'impossibilité d'une connaissance scientifique des choses en soi (Noumena).

Mais aussi, dépassant le stade de ce jugement plutôt réservé à l'égard de la raison humaine, Kant ouvre des perspectives sur l'importance morale qu'ont pour l'homme la liberté, l'immortalité et l'accomplissement religieux. Kant lui-même croyait, dans sa Critique de la raison pure de 1781 (II. Théorie transcendantale de la méthode, Chapitre II, Troisième section : De l'opinion, du savoir et de la foi) « inévitablement à l'existence de Dieu et à une vie future » (8). La foi en « Dieu, la liberté et l'immortalité », qui apporte aux hommes le bonheur et fonde la paix sur terre, ne saurait cependant, selon Kant, être (« dogmatiquement ») fondée en raison et érigée en doctrine ou idéologie. Aussi sa critique met-elle en garde contre l'idée qu'il serait possible de procéder en la matière par démonstration. Cela reviendrait en effet à nier la liberté de l'esprit humain. C'est en ce sens que Kant avait critiqué la raison dans la Préface de la seconde édition (1787) de la Critique de la raison pure : « Je devais donc supprimer le savoir, pour trouver une place pour la foi » (9), c'est-à-dire pour ouvrir la voie à des certitudes morales correspondantes, au niveau de l'existence humaine. La raison pure « ouvre des vues sur des articles de foi » (10), ni plus ni moins.

Kant a ainsi revendiqué sans ambiguïté la liberté humaine et, respectant la dignité humaine, renvoyé l'aperception de cette liberté au domaine de la subjectivité, dont il est principalement traité dans la Critique de la raison pratique (1788). La conclusion de cette Critique commence en ces termes : « Deux choses remplissent le coeur d'une admiration et d'une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la réflexion s'y attache et s'y applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi ». (11)

Kant et l'éducation

L'importance accordée à la subjectivité est l'un des principes de la pédagogie mondiale actuelle. Celle-ci définit les acteurs du processus de formation/éducation comme des sujets auxquels il est interdit de s'instrumentaliser réciproquement. Or, que tous les hommes soient des sujets qui ne devraient pas se considérer les uns les autres comme moyens, voilà qui semble bien constituer la quintessence de la philosophie kantienne. C'est ce dont, au sein du mouvement pédagogique mondial, la pédagogie européenne moderne lui sait gré. Mais ceux qui considèrent la philosophie kantienne d'un point de vue pédagogique, qui s'interrogent sur les enseignements à en tirer de ce point de vue, n'en sont pas réduits à déceler des implications pédagogiques immanentes : il/elle peut aussi se référer à des propos ayant trait directement à la pédagogie.

Les intellectuels allemands qui, au XVIIIe siècle, donnaient le ton, disposaient d'organes d'expression connus, comme la Berlinische Monatsschrift [Le mensuel berlinois]. Il s'y faisait un échange très actif d'opinions sur toutes les questions du temps et, entre autres, sur les problèmes touchant à la formation et à l'enseignement. En 1776-1777, Kant s'exprime dans les Königsberger Gelehrte und Politische Zeitungen [Journaux savants et politiques de Königsberg] à propos de la célèbre école innovatrice des philanthropes de Dessau. Il lui prête une importance cosmopolite, révolutionnaire et continentale. « Il est du plus haut intérêt pour toute collectivité, pour tout citoyen du monde, de faire connaissance d'un établissement par lequel va s'instaurer un tout nouvel ordre des choses ». Le Philanthropinum de Basedow à Dessau devrait « de toute nécessité [...] attirer l'attention de l'Europe ». Dans les pays civilisés d'Europe devrait, par une « rapide révolution », s'engager la réforme attendue de l'école. Or, cette révolution, « l'Institut d'éducation de Dessau (le Philanthropinum) » l'engage et la concrétise excellemment (12).

Kant s'est explicitement interrogé sur la didactique de son enseignement universitaire. Il s'est efforcé d'avoir à l'égard de ses auditeurs un comportement éducatif. Ce souci s'exprime dans la façon dont sont annoncés ses cours pour -1765-1766. Il se propose de faire de ses auditeurs des hommes sensés, raisonnables et instruits. Il veut former la jeunesse qui lui est confiée afin qu'elle « acquière un jugement personnel plus accompli à l'avenir » (13).

Kant donne des « cours de pédagogie » (14) durant le semestre d'hiver 1776-1777, le semestre d'été 1780, et durant les semestres d'hiver 1783-1784 et 1786-1787. Il ne les a pas publiés lui-même, mais le Dr. Friedrich Theodor Rink devait s'en charger en 1803, chez l'éditeur Nicolovius à Königsberg. On peut admettre qu'y sont rassemblées les idées essentielles de Kant en matière d'éducation. En sa qualité de professeur de la faculté de philosophie, il était tenu de faire en alternance un cours de pédagogie. Il pouvait s'appuyer en cela sur le Manuel d'art de l'éducation de son ancien collègue D. Bock, conseiller au consistoire. Lui a-t-il beaucoup emprunté? C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, et qui se pose d'ailleurs à propos de l'ensemble de son oeuvre. On peut considérer la présentation que fait Rink des Propos de pédagogie de Kant comme une résultante de différents états de la réflexion kantienne. À la lecture, on est naturellement amené à se demander ce qu'il faut imputer aux périodes critique ou pré-critique. Il n'en demeure pas moins qu'on distingue très clairement les idées essentielles du philosophe Kant en matière de pédagogie, telles qu'il les a lui-même conçues ou qu'elles résultent du débat avec d'autres intellectuels de son temps.

Il est intéressant de comparer les conceptions formulées par Kant au cours des leçons de pédagogie auxquelles il était astreint avec les considérations d'ordre pédagogique formulées dans des ouvrages de la même époque ou plus tardifs, et notamment dans des textes plus ou moins importants traitant d'éthique, d'esthétique, d'histoire, d'anthropologie ou de théologie. Citons en particulier, outre ces classiques que constituent les trois Critiques : « Idée d'une histoire générale pour un citoyen du monde » (Berlinische Monatsschrift, 1784), « Conjectures sur le commencement de l'histoire humaine » (ibid., 1786), « Qu'est-ce que les Lumières? » (ibid., 1784), Paix perpétuelle (1795) et L'Anthropologie d'un point de vue pragmatique (1798) (15). On se référera également avec profit à l'ouvrage fondamental de 1793 sur la philosophie de la religion intitulé : La religion dans les limites de la simple raison, en particulier en ce qui concerne le problème du bien et du mal chez l'homme et la réponse qu'y apporte l'éducation (16). C'est là que l'on trouve la formule : « Ce que l'homme est ou peut-être destiné à devenir, au sens moral, bon ou mauvais, il ne le doit qu'à lui-même, maintenant comme autrefois (17) ».

La version imprimée dont nous disposons sur le cours de pédagogie de Kant (1976-1977, 1980, 1786-1787) (voir note 5) diffère par sa forme littéraire de ses autres oeuvres. Ce qu'a publié Rink, est un compendium d'axiomes, devises et thèses, plutôt qu'un exposé logiquement organisé.

Mais ces considérations, qu'on peut qualifier de cumulatives, sur l'éducation et la pédagogie n'en recèlent pas moins des vues encore intéressantes aujourd'hui, même si l'on y perçoit la préoccupation de remettre en question des opinions qui avaient cours à l'époque en matière d'éducation.

Nous allons donc nous efforcer de formuler ici quelque thèmes, hypothèses ou réflexions susceptibles de constituer, pour la structure éducative universelle requise aujourd'hui, des suggestions constructives. Vouloir faire de ces éléments un exposé procédant selon une logique interne serait aller au-delà de ce qu'offre l'original, et relèverait davantage de l'interprétation. Il est possible, en revanche, de poser quelques questions adéquates et de rechercher quelles réponses le texte y apporte : Qu'est-ce que l'éducation? À qui s'adresse-t-elle? Quelle éducation faut-il donner ou recevoir pour former des esprits éclairés et épris de paix?

Qu'est-ce que l'éducation?

L'idée pédagogique fondamentale de Kant, c'est que l'éducation est absolument nécessaire au développement de l'humanité. C'est précisément parce que tous les hommes ont « un tel penchant pour la liberté » qu'il faut les « accoutumer de bonne heure à se plier aux prescriptions de la raison » (1963, p. 10) L'homme (terme générique) n'est rien que ce que l'éducation fait de lui.

« L'homme, il convient de le remarquer, ne reçoit son éducation que d'autres hommes éduqués par les mêmes voies » (p. 11). L'éducation peut être, d'une part, étudiée d'un point de vue empirique, c'est-à-dire telle qu'elle est effectivement mise en oeuvre dans la réalité, mais elle peut l'être aussi du point de vue de ses fondements anthropologiques et de ce que doit être son idée normative. Or, « une idée n'est rien d'autre que le concept d'une perfection encore absente dans l'expérience » (p. 12).

C'est l'idée de l'éducation qui fournit la norme de la pratique éducative. Elle rend possible la critique de l'éducation, de la formation et de la scolarité. Même si elle n'est pas encore réalisée, ou si elle ne peut, par principe, l'être qu'approximativement, « l'idée éducative développant toutes les dispositions naturelles de l'homme "paraît être " la vérité ».

C'est dans la réalisation d'une éducation bonne et véridique que « réside le grand mystère de la vraie perfection de la nature humaine » (p. 12 et suiv.). Pour Kant, c'est « ravissement que de se représenter la possibilité de toujours mieux développer la nature humaine par l'éducation, et de la porter à une forme adéquate à l'humanité » (p. 12). Aussi un plan d'éducation doit-il être conçu dans un esprit « cosmopolite » et avoir en vue « le plus grand bien universel » (p. 15). « C'est d'une bonne éducation que naît tout le bien dans le monde » (p. 15). On peut dès lors poser en principe qu'il ne faut « jamais éduquer les enfants en fonction du niveau présent, mais en fonction du meilleur état éventuellement possible pour l'humanité, c'est-à-dire qu'il faut tenir compte de l'idée de l'humanité et de sa destinée universelle » (p. 14).

L'un des reproches adressés par Kant à l'éducation pratiquée à son époque, et notamment à l'éducation donnée dans les familles, c'est que les parents élèvent communément leurs enfants « dans le seul dessein qu'ils s'adaptent au monde présent, fût-il corrompu » (p. 14). Alors que la véritable éducation est en mesure d'améliorer progressivement le monde. Elle est une oeuvre qui doit se parfaire à travers de multiples générations, dont chacune progressera vers la perfection de l'humanité par un « développement gradué et conforme à cette fin » de toutes les dispositions humaines naturelles. Il est donc juste de dire que le bonheur ou le malheur de l'homme dépend « de lui-même ». « Aussi l'éducation est-elle le problème le plus grand, et le plus ardu, qui puisse se poser à l'homme. Car la clarté de vue dépend de l'éducation, et l'éducation, à son tour, de la clarté de vue » (p. 13). Pour Kant, il est si vrai que l'activité pédagogique fait partie intégrante de la vie culturelle de l'humanité qu'il la compare à l'activité politique : « Il est deux inventions humaines que l'on peut tenir sans doute pour les plus chargées de difficultés : celle de l'art de gouverner et de l'art d'éduquer » (p. 14).

Pour Kant les tâches majeures sont les suivantes : a) discipliner la pensée, b) cultiver, c) civiliser, et d) moraliser (p. 16 et suiv.). S'il admet que l'éducation contemporaine satisfait aux trois premières tâches, il estime et déplore que « nous vivons au temps de la soumission à la discipline, de la culture, de la civilisation, mais nous sommes encore loin de celui de la rectitude morale » (p. 17).

C'est à propos de cette quatrième tâche majeure de l'éducation que Kant manifeste vraiment son originalité, celle qui a été souvent mal comprise en raison d'une application fautive du concept de morale, mais qui comporte le respect d'une future éthique universelle. Par moralisation, il faut en effet comprendre que l'individu à éduquer devrait acquérir la disposition d'esprit qui « ne lui fasse choisir que de bonnes fins ». « Bonnes sont les fins qui reçoivent nécessairement l'approbation de chacun et qui peuvent être en même temps les fins de chacun » (p. 17). Par moralisation, il faut donc entendre les démarches éducatives qui tendent à former le « caractère moral » des enfants et jeunes gens. Or, il existe une relation infrangible entre celui-ci et la notion de la dignité de l'humanité, et il doit donc être interprété comme anticolonialistes, anti-impérialistes et élitistes comme « citoyen du monde ». L'éducation doit donc inculquer aux enfants qu'ils ont d'une part des devoirs envers eux-mêmes et d'autre part, des devoirs envers les autres : « Le devoir envers soi-même consiste en ce que l'homme respecte la dignité de l'humanité en sa propre personne » (p. 51). Que dans chacun de ses actes, l'enfant ou la personne à éduquer se souvienne que « l'homme a en lui-même une certaine dignité qui le distingue de toutes les autres créatures vivantes et que c'est son devoir de ne point renier cette dignité de l'humanité de sa propre personne» (p. 50).

S'agissant des devoirs envers les autres : « Il faut de très bonne heure enseigner à l'enfant le respect et la considération du droit des hommes » (p. 51). Kant enseigne, par exemple, à l'enfant riche à témoigner à un autre enfant, moins riche que lui, le même respect qu'à ses semblables. L'espace faisant ici défaut pour poursuivre l'examen des nombreuses réflexions dignes d'intérêt consacrées par Kant à l'éducation, nous nous contenterons du fait que le principe d'obéissance en éducation est toujours appliqué dans le contexte de la raison. Au stade final de l'éducation, le devoir, l'obéissance et la raison se conjuguent : « Accomplir un acte par devoir, c'est obéir à la raison » (p. 46).

À qui s'adresse l'éducation?

Les propos de Kant se situent à deux niveaux : ceux qui concernent l'homme en général et qui s'appliquent à tous les âges de l'existence, et ceux qui s'appliquent aux enfants et adolescents, c'est-à-dire à toute personne n'ayant pas encore atteint l'âge adulte. Quelques indications concrétiseront chacune de ces deux approches.

L'homme est, de façon générale, doté de toutes les dispositions au bien. « L'homme doit tout d'abord pourvoir au développement de ses dispositions au bien; la Providence ne les a point déposées en lui sous une forme déjà achevée. Se rendre meilleur, se cultiver soi-même et, si sa nature est mauvaise, faire naître en soi la moralité, tel est le devoir de l'homme » (p. 13). Un homme « peut être hautement cultivé physiquement et avoir un esprit bien formé, mais ne témoigner que d'une piètre formation morale, et rester, en fin de compte, une mauvaise créature » (p. 13 et suiv.).

La véritable nature de l'homme se reflète dans certaines capacités d'esprit et d'entendement. Kant fournit une définition exemplaire : « L'entendement est connaissance du général. Le jugement est l'application du général au particulier. La raison est la faculté de voir ». La nature de l'enfant apparaît dans maintes observations et, par déduction, dans les conseils donnés pour l'éducation. Les enfants doivent, par exemple, pouvoir se comporter selon leur âge, et ne pas être soumis à des exigences excessives, ni insuffisantes. « Un enfant doit se contenter d'une sagesse d'enfant » (p. 46). La nature essentielle de l'enfant est déformée par la précocité ou par les souci de la mode . « Les enfants doivent avoir aussi un coeur ouvert et un regard rayonnant à l'image du soleil » (p. 47). « Dans l'hypothèse où l'enfant présenterait- - ce qu'on ne saurait concevoir que dans des cas d'une rareté extrême -- une propension naturelle à l'entêtement, le meilleur moyen, s'il ne fait rien pour nous être agréable, est de ne rien accomplir en retour pour lui faire plaisir » (p. 42 et suiv.). « Il ne faut pas davantage inculquer la timidité aux enfants » (p.41). « Ils n'ont pas à discuter de tout » (p. 41). « Il est des plus dommageable d'accoutumer l'enfant à faire un jeu de toute chose » (p. 35).

Comment amener un enfant à acquérir une raison éclairée, éprise de paix et soucieuse de l'universel? Kant juge à cet égard nécessaire le développement de « l'art de l'éducation ou pédagogie » (p. 14) afin de « la transformer en science » (p. 14). ). Il est, de même, nécessaire que soient reconnus les vrais problèmes posés par l'éducation et les faux problèmes dénoncés par une critique d'ordre idéologique. Kant traite, notamment, du problème de la contrainte en éducation , des méthodes d'apprentissage et du concept de devoir .

S'agissant des contraintes en éducations, la question essentielle est de savoir comment concilier la soumission aux impératifs imposés par la loi et les impératifs sociaux, sans lesquels il n'est pas de vie possible, et la capacité « d'user de sa liberté » (p. 20). Si l'enfant ne sent pas de bonne heure « l'inéluctable résistance de la société », il n'apprendra pas à apprécier la difficulté qu'il y a à subsister et à conquérir son indépendance personnelle. Kant préconise trois règles de conduite éducatives en vue de guider progressivement à la liberté :

Il convient, dès la première enfance, de laisser l'enfant libre en toutes choses, hormis celles où il se nuit à lui-même, pourvu qu'il n'entrave pas par là la liberté des autres. Il faut lui montrer qu'il ne peut arriver à ses fins qu'en laissant les autres atteindre les leurs. Il faut lui prouver qu'on lui impose une contrainte propre à le mener à l'usage de sa propre liberté, qu'on veille à sa culture pour qu'il puisse être un jour libre, c'est-à-dire qu'il n'ait pas à dépendre de la sollicitude d'autrui (p. 20).

Dans ce contexte, le problème de la discipline se pose de telle sorte que les règles de la discipline doivent toujours laisser à l'enfant le sentiment de sa liberté, à condition qu'il n'entrave pas celle des autres (p. 29). Il faudrait que les enfants prennent l'habitude du travail sans être obligés pour autant à renoncer au jeu. Pour résumer : « L'éducation doit comporter la contrainte, mais non pour autant l'esclavage » (p. 35).

En ce qui concerne les méthodes d'apprentissage, Kant rappelle certains principes fondamentaux : « L'individu assimile et retient le mieux de ce qu'il apprend, pour ainsi dire, de lui-même » (p. 40). « Il importe que les enfants apprennent à penser », et non qu'ils soient dressés comme des animaux. Or, penser, cela s'apprend par la méthode socratique, de pair avec ce qu'on appelle la méthode mécanique de la catéchèse. « Dans la formation de la raison, il faut user de la méthode socratique ». Les enfants, certes, ne peuvent comprendre seuls les fondements essentiels, « mais il faut bien reconnaître que la perception de la raison ne peut leur être inculquée de force » (p. 40). La méthode socratique devrait aussi déterminer le cheminement de la méthode mécanique de la catéchèse, laquelle est « exemplaire » dans l'exposé de la religion révélée et de ses rapports avec l'histoire.

Dans ses leçons de pédagogie, Kant a formulé encore bien d'autres conseils dignes d'intérêt en matière de pédagogie pratique. Il s'y tient à mi-chemin entre les positions extrêmes de son époque, que ce soit, par exemple, dans l'opposition jeu et travail, liberté ou contrainte, etc. Mais il paraît important de souligner, pour terminer, l'intérêt qu'il attache à l'éducation dans son rôle de formatrice du caractère et de la conscience. Le devoir, l'action guidée par la conscience, et l'égalité d'humeur ne sont d'ailleurs pas en contradiction avec la « joie du coeur », qui naît de ce que l'on n'a rien à se reprocher (p. 59). Kant n'interdit pas l'inclination, l'intérêt et le plaisir. Simplement, il ne leur accorde qu'une valeur relative, subordonnée, chez l'individu, à l'amour du prochain et au bien-être universel. Ce primat du devoir, Kant le promulgue avec l'intention très arrêtée de former des citoyens du monde. C'est en les situant dans l'effort fait pour promouvoir la paix universelle que l'on comprendra et appréciera pleinement les phrases suivantes : « Une action doit apparaître valable à mes yeux non par ce qu'elle correspond à mes propres inclinations, mais parce qu'elle reflète mon devoir d'amour du prochain et aussi la conscience que j'ai d'être un citoyen du monde. La nature de notre âme nous demande de nous intéresser : 1. à nous mêmes, 2. aux autres avec qui nous avons grandi, et 3. à ce qui est le mieux dans le monde. Il faut familiariser les enfants avec cette façon de voir les choses qui réchauffera leur âme. Ils doivent se réjouir de ce qui est le mieux à l'échelle de l'univers, même si cela n'est pas à l'avantage de leur patrie ou ne leur apporte aucun bénéfice » (p. 59).

Les méthodes

Les instruments de la recherche dont dispose la science contemporaine sont nombreux et variés, et résultent d'une longue évolution historique. Leur diversification selon les domaines de recherche (nature, intellect. société, etc.), et la façon moderne de les qualifier (« phénoménologique », « empirique », « dialectique », etc. ) font qu'il est difficile d'extrapoler et de les appliquer à des périodes plus anciennes de l'histoire. On nous permettra donc de donner ici quelques précisions pour tenir compte, autant que possible, des façons de penser propres à l'époque de Kant.

Sans conteste, c'est l'expression « critique transcendantale » qui qualifie le mieux la méthode d'investigation philosophique de Kant (18). Selon ses propres termes, Kant a sorti la philosophie de son « sommeil dogmatique » en matière de contenus et de méthodes, et élaboré sa propre méthode de réflexion philosophique qui allait faire de lui l'une des grandes figures de la philosophie mondiale. Ce qu'il en est résulté pour l'éducation de l'époque, Kant l'a montré dans ses propos sur la pédagogie, après son changement critique de position et aussi par le contenu « éducatif » de sa philosophie novatrice sur la pédagogie. On pourrait dire, pour plus de brièveté, que, en établissant une distinction entre les idées et le matériel de la recherche « empirique », Kant a frayé la voie à l'une des positions fondamentales de la science moderne de l'éducation qui part du principe de la liberté de ses sujets. Quand même il n'y aurait jamais eu une notion de liberté avant lui, cette liberté existe depuis Kant en tant qu'idée normative, indépendamment de tous les facteurs empiriques négatifs et réalités oppressives.

Kant, fondateur de l'idéalisme allemand, limite la connaissance scientifique à ce qui est de son ressort, sans pour autant ignorer les idées « non empiriques » inhérentes à l'existence humaine. Il cherche au contraire, il cherche à garantir intellectuellement la liberté de la pensée de l'homme, d'une part en montrant l'indémontrabilité des valeurs suprêmes de l'homme par la science empirique, car cette preuve impliquerait la négation de la liberté de l'esprit, et d'autre part, en appelant l'attention « phénoménologico-transcendantal » sur la dignité par laquelle se définit la condition humaine et qui mérite un commentaire critique.

Outre la critique transcendantale et son application universelle aux domaines non philosophiques, Kant a utilisé en matière pédagogique, des méthodes d'investigation traditionnelles telles que l'observation, l'étude de la littérature spécialisée, et l'examen des opinions de contemporains éclairés auxquels il se réfère explicitement (Basedow, Rousseau). Quant aux méthodes pédagogiques de Kant dans le cadre de l'enseignement universitaire de l'époque, elles firent de lui un maître et un conseiller recherché de ses étudiants.

Influence de l'oeuvre de Kant

Notre sujet, qui est celui de « Kant, éducateur », nous oblige à limiter ici la description de son influence à certains domaines de la théorie et de la pratique pédagogique. On peut les classer en diverses catégories - éducation de base , éducation familiale, éducation scolaire, éducation universitaire, éducation générale des adultes et éducation des personnes plus âgées - dans le contexte de l'histoire de l'Allemagne et de l'Europe.

L'influence de Kant en matière pédagogique est naturellement liée à celle qu'il a exercée comme fondateur de l'idéalisme allemand (dans l'histoire de la philosophie), comme figure de proue du siècle des Lumières en Prusse au XVIIIe siècle (dans l'histoire des sciences morales), et comme intellectuel européen de dimension mondiale (dans l'histoire de la culture et de l'éducation).

Sans poser ici la question de savoir lesquels de ses contemporains, quelles époques historiques ou quels siècles (entre le XVIIIe et le XXe) l'ont bien compris, on peut considérer son influence sous deux angles et étudier tout d'abord ce qu'il a apporté de positif et, en second lieu, ce que son oeuvre comporte négatif.

Comme il n'existe pas de bilan empirique global pour chacun des domaines théoriques et pratiques évoqués précédemment, nous nous en tiendrons à quelques termes de référence tels que les Lumières, l'individu, l'éthique du devoir et la paix universelle.

Du point de vue de l'histoire de l'éducation, Kant est reconnu comme le représentant du siècle des Lumières, et il est effectivement cité dans tous les manuels allemands comme la source de l'esprit des Lumières conçu au sens international. Sa réponse à la question de la signification des Lumières à savoir que tout individu doit trouver le courage de se servir de son propre entendement en dépit des obstacles opposés par la lâcheté et la paresse, reste encore valable pour l'Allemagne réunifiée d'aujourd'hui.

La notion d'individu a été différemment comprise au sens philosophique, juridique et théologique. Mais depuis Kant, ce terme exprime, à tous les niveaux de culture générale en Allemagne, l'idée que « tout être humain est une fin en soi », c'est-à-dire indépendamment de sa classe sociale, de ses idées, de sa religion, de sa race, de sa nationalité, etc., et indépendamment de tous les obstacles présents sur son chemin, tout homme est, dès le début de son existence, un être ayant une dignité et des droits intrinsèques. Kant est cité, avec Rousseau, Shaftesbury et Leibniz, comme l'une des sources de l'idée qui a inspiré l'enseignement européen depuis des siècles et qui veut qu'il faille « laisser se développer librement les forces et dispositions qui sommeillent en l'homme, en considérant l'homme non comme un moyen mais comme une fin en soi, comme un être en qui il faut faire confiance et auquel il faut laisser exprimer sa spontanéité » (19).

L'éthique du devoir telle que la conçoit Kant est un objet de controverse entre les philosophes. Mais dans ce contexte des écrits pédagogiques, lorsqu'il utilise, par exemple, l'idée de devoir envers nos semblables et pose en principe qu'il faut apprendre à l'individu à résister au consumérisme égoïste et à l'isolement, l'importance d'une éducation globale s'impose particulièrement. L'impératif catégorique, qui veut que tous les hommes soient obligés d'agir de telle façon que les principes de leurs actions s'imposent à tous, fait implicitement et explicitement référence à une humanité à l'échelle du monde entier et dans laquelle tous sont égaux. Les commentateurs de l'idée de devoir chez Kant notent avec étonnement les avatars de l'éthique du devoir, après la mort du philosophe, au XIXe et au XXe siècle. Plus récemment la véritable nature de la pensée a été reconstituée, et l'on prend de plus clairement conscience des dérives incroyables que nationalisme et formalisme lui ont fait subir.

C'est à une réinterprétation positive de l'idée kantienne du devoir dans une perspective pédagogique qu'a procédé, entre autres, Eduard Spranger, éminent pédagogue de l'époque de Weimar et de la première période (1949 à 1959) de la création de la République fédérale (20), en faisant apprécier, dès Frédéric II, une tradition prussienne digne de considération. Ce dernier, avait fait ce qui, pour son époque, était de son devoir, et attendait de ses successeurs qu'ils en fassent autant. Spranger ne pense pas qu'il soit possible d'engager pédagogiquement la lutte pour le bien de l'humanité tout entière, contre l'égoïsme, les convoitises de tous genres et les autres facteurs négatifs, sans recourir à l'idée de devoir, qu'il oppose même à Humboldt « qui ne cherche qu'à donner libre cours à ses dispositions les plus profondes » (21). De même, Kant a été positivement apprécié dans le domaine théorique et pratique de l'éducation pour la paix, qui a pu s'inspirer de son Projet de « paix perpétuelle » (22). Kant s'oppose à ceux qui « encensent le pouvoir dominant » (23). Il y conçoit un accord futur entre la politique, le droit et la morale génératrice de paix. « Il faut respecter saintement le droit de l'homme, dussent les souverains y faire les plus grands sacrifices » (24). C'est « devoir, s'il y a là un espoir fondé de réalisation », que d'oeuvrer à ce que « la paix perpétuelle qui succédera aux trêves jusqu'ici nommées traités de paix ne soit pas une chimère, mais un problème dont le temps, vraisemblablement abrégé par l'uniformité des progrès de l'esprit humain, nous promet la solution » (25).

Pour ce qui est de la théorie pédagogique, l'influence de Kant a continué de se manifester de multiples façons aux XIXe et XXe siècles. Il n'y eut guère de « classique de la pédagogie » qui se fût dispensé de citer Kant. Qui plus est, on a vu se manifester une école de l'orientation scientifique se référant directement à Kant et dénommée école « philosophique transcendantale néo-kantienne », qui a fait des fondements idéalistes de la philosophie kantienne la base de toute réflexion pédagogique. Ce courant pédagogique a constitué, en s'appuyant sur les concepts de sujet, de moi, de conscience, de dialogue, etc., ce qu'on a appelé la dimension normative de l'éducation, qui cherche à garantir partout et en tout temps la dignité de l'homme. Alfred Petzelt et ses élèves ont été, après la Seconde Guerre mondiale, les représentants éminents de cette école (26).

C'est lorsqu'il est question du militarisme prussien, de conceptions du devoir hostiles à la vie telles qu'elles ont pu se manifester au cours de l'histoire allemande, ou des perversions intellectuelles du national-socialisme, que le nom et l'oeuvre de Kant sont cités avec une connotation négative. Nous en prendrons pour exemple le jugement formulé par Hans Scholl, étudiant exécuté pour résistance à l'hitlérisme. Il proteste, le 22 mai 1942, contre l'image, évoquée plus haut, que donne Spranger du roi de Prusse Frédéric II : « Faut-il qu'un peuple soit petit pour qualifier de grand Frédéric II! Ce peuple s'est battu pour sa liberté contre Napoléon, mais il a choisi la servitude prussienne » (27). Par son interprétation de Kant, Hans Scholl se situe dans la lignée de son maître spirituel, Theodor Haecker, qui avait écrit : « Faire des phrases sur le devoir, c'est véritablement déshumaniser l'homme. Mais c'est une invention et une spécialité germano-prussiennes » (28). Haecker qualifie l'idéalisme allemand de Kant d'« affaire prussienne  » (26). C'est dans le même sens que s'exprime Hans Scholl dans sa lettre à Rose Nägele, datée du 25 janvier 1942 à Munich : « Quel mal Kant n'a-t-il pas fait avec son impératif catégorique! Kant, dureté, prussianisme, c'est la mort de toute vie de l'esprit! » (29)

Les acquis durables de Kant

Quelles qu'aient pu être l'influence de Kant, au sens étroit ou au sens large, au fil de l'histoire, et les différentes images, parfois contradictoires, données de son oeuvre, nous allons conclure en tentant d'esquisser ce que cette oeuvre signifie pour nous et de montrer sur quelques points, sous forme en quelque sorte idéogrammatique, sans faire de mythologie et en toute honnêteté, ce qu'il faut considérer comme sa contribution, sur le plan philosophico-pédagogique, à l'édification spirituelle et normative d'une future société universelle. Quatre thèmes peuvent servir de point de départ pour une réflexion plus approfondie.

L'Europe au siècle des Lumières

Prenant une part décisive à ce mouvement, Kant a su donner une expression frappante et définitive à ses arguments contre l'intolérance, l'endoctrinement, la lâcheté et la paresse, de sorte qu'ils peuvent nous servir encore aujourd'hui pour édifier une société universelle sur de bonnes assises. Souvenons-nous de sa définition des Lumières : « Les Lumières se définissent comme la sortie de l'homme hors de l'état de minorité où il se maintient par sa propre faute. La minorité est l'incapacité de se servir de son propre entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute quand elle résulte non pas d'un manque d'entendement mais d'un manque de résolution et de courage pour s'en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Voilà la devise des Lumières » (30).

Depuis cette définition, la notion de « Lumières » a évolué au cours des différentes phases de l'histoire de la culture. On a pu parler d'une deuxième, d'une troisième et d'une quatrième époque des Lumières dans l'histoire européenne des idées. Il apparaît aujourd'hui qu'un retour à Kant et, à partir de sa conception des Lumières, une reconstitution de ce concept « évolutif » est une tâche qui s'impose aux intellectuels, notamment dans la situation résultant du remodelage de l'Europe depuis 1989.

Les tâches majeures de l'éducation telles que Kant les conçoit , c'est-à-dire sous une quadruple forme (discipliner, cultiver, civiliser et moraliser), il convient de les réinterprétées aujourd'hui, après les nombreuses erreurs de la pédagogie allemande, en revenant à leur sens originel. Kant ne voulait pas que l'éducation soit opposée à la croyance religieuse. Et il n'appuyait pas non plus implicitement le principe inhumain d'obéissance qui est une constante de l'histoire prussienne. Bien au contraire, il cherchait à exprimer le fait que toutes les activités éducatives et formatrices devaient être régies en vertu d'un principe excessif d'exigence ou d'indulgence, en respectant et en appliquant, dans toute la mesure du possible, l'axiome de la dignité de l'être humain. Telle devrait être la démarche permettant de redéfinir et de consolider, en termes adaptés à notre époque, cette exigence de « moralisation » que nous a léguée la pensée kantienne.

Le concept de l’individu

Que tout homme, partout dans le monde et en tout temps, constitue une individualité existentielle élémentaire à considérer comme fin en soi, voilà qui est devenu depuis Kant et grâce à lui une idée que l'on ne peut ignorer et dont il est admis qu'elle doit guider la conduite des hommes. L'intérêt que revêt l'idée kantienne de la personne humaine pour la pédagogie s'impose à l'évidence, si l'on considère les analyses qui en ont été faites dans les sciences voisines. En philosophie du droit, par exemple, il est entendu que : « Par sa doctrine de l'autonomie morale de l'homme, Kant a ouvert une voie tout à fait nouvelle. Il substitue au problème de la moralité posé en termes factuels et objectifs, tel qu'il avait préoccupé toute la doctrine du droit naturel avant lui, le problème de la moralité subjective. L'autonomie morale de l'homme devient le principe de la moralité. La personne morale - c'est-à-dire non pas l'homme empirique, élément du monde sensible, mais « l'humanité présente en l'homme » - est fin en soi, et non moyen en vue de fins étrangères. Et pour ce qui est du « comment » de la démarche morale, Kant le définit par son célèbre impératif catégorique : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle » (31).

Maintes objections ont été faites à cette argumentation de Kant, qui a pourtant très largement contribué à la justification philosophique des droits de l'homme. On lui a notamment reproché de tourner en rond lorsqu'il déduit le « quoi », c'est-à-dire le contenu éthique, du « comment », à savoir l'impératif catégorique. Mais ce reproche serait injustifié, car fondé sur l'idée erronée que le « quoi » pourrait être défini sans référence subjective, sans le « comment ». Mais il est vrai que le « quoi » ne peut être entièrement défini par le « comment », comme l'admet cependant le fonctionnalisme moderne (N. Luhmann) (32). Il importe de rappeler ici les conséquences du concept de personne humaine : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours comme une fin, et jamais simplement comme un moyen » (33).

Au service de la paix

Le devoir de paix tel qu'il se présente aujourd'hui, absolu et d'application universelle, s'imposant à tous les hommes de tous les continents et de tous les temps, on peut à bon droit en situer le fondement historique dans le théorème kantien de l'impératif catégorique, et notamment dans ses incidences sur les activités qui tendent à faire de la dignité humaine une réalité sans réserves, avec pour fin l'établissement de la paix éternelle. Kant lui-même s'en est expliqué clairement dans ses leçons de pédagogie.

L'importance de la théorie de l'impératif catégorique comme base de réflexion dans la problématique actuelle de la paix et en vue d'une coexistence pacifique de tous les peuples et de toutes les cultures (sans les connotations négatives des penseurs allemands), d'autres cheminements la font également apparaître : l'impératif catégorique s'impose toujours dès qu'il s'agit de définir une norme éthique fondamentale d'application universelle. C'est ce qu'a bien vu P. Mikat lorsqu'il s'est préoccupé de définir les facteurs stabilisateurs du mariage dans le monde moderne. Reprenant les différents éléments du débat scientifique, il rappelle la valeur qui fonde essentiellement l'éthique moderne de la liberté en responsabilité : la dignité de l'être humain comme sujet moral, comme personne, la dignité intangible de celui qui, en réglant sa propre conduite, a le pouvoir d'édicter les lois devant présider universellement à la coexistence d'êtres humains (34). « En effet, et bien que l'homme agisse comme un être de chair et d'os, il n'est pourtant pas un instrument de l'arbitraire mais, confié -- en liberté et en raison - à sa propre responsabilité, il est à lui-même sa propre fin.
Tout être raisonnable, capable de définir des fins, se distingue donc, en dernier ressort, par son propre caractère de fin en soi et de volonté autonome, et c'est là ce qui constitue le sens de son être moral» (35).

L'impératif catégorique et la reconnaissance de la dignité de la personne, quels que soient l'homme et son champ d'activité, peuvent être considérés comme les deux faces d'une même médaille. L'impératif catégorique rappelle que la dignité de la personne humaine est la notion qui doit guider généralement l'action humaine. C'est la notion de la « dignité fondamentale de toutes les données naturelles qui portent et environnent l'être humain, comme de toutes les productions normatives transmises par voie socio-culturelle ». C'est ce qui permet à Kant de formuler, dans la célèbre seconde version de l'impératif catégorique, le principe fondamental de la conduite de l'homme, en tant que personne morale, à l'égard de lui-même et des autres hommes : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen » (36).

Cette idée que tout homme constitue une fin en soi, liée pour nous au nom de Kant, revêt lorsqu'elle est située par certains commentateurs dans une perspective d'avenir (voir, par exemple, Reiner ou Bärthlein) une grande importance pour ce qui concerne la solidarité de la communauté humaine (37). Elle répond à des besoins anthropologiques essentiels et ouvre la voie à la coopération de cultures différentes. « Le droit que revendique tout être raisonnable comporte la reconnaissance du même droit pour tout autre être raisonnable, si l'on admet que tous puissent exister simultanément et côte à côte en cette qualité ». C'est là le principe de réciprocité qui est posé. « Ce dernier a déjà, sous forme de "règle d'or", profondément marqué, de façon ou d'autre, la conscience morale de tous les peuples », et il se trouve formulé en termes positifs dans le Nouveau Testament : « Ainsi, tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux » (Mathieu 7, 12).

Le précepte de portée universelle ainsi exprimé dans l'ouvrage fondamental du christianisme, en accord avec les autres grandes religions, peut être formulé à peu près comme ceci dans le langage de la philosophie européenne : « La nature de l'être humain, que la liberté et la raison constituent en sujet moral, oblige par là même à reconnaître tout homme comme objet moral, comme un individu » (38). Quiconque s'efforcera de mettre en pratique l'impératif catégorique et sa conception de la personne ne manquera pas d'aborder les problèmes interhumains et internationaux sous l'angle des droits légitimes des différentes parties concernées. « Dans le domaine des relations morales entre les personnes, il s'établira entre celles-ci un équilibre, dès lors que tout en poursuivant la réalisation de ses prétentions, l'individu ne fera jamais de la personne d'autrui un simple moyen, mais au contraire la respectera toujours comme porteuse de sens et animée de prétentions propres, différentes des siennes mais également légitimes. Ainsi la règle éthique fondamentale devra-t-elle toujours être appliquée comme critère suprême, et elle pourra, en outre, être utilisée aussi comme principe heuristique dès lors qu'il s'agira, dans le cas concret, de diriger l'action de l'être humain vers un résultat conforme à sa nature spirituelle » (39).

Les considérations qui précèdent ne sont pas de pure théorie, comme on peut le voir dans l'éloge de l'impératif catégorique qu'a prononcé le professeur Kurt Huber devant le Tribunal du peuple, le 19 avril 1943, avant d'être exécuté par les nazis : « Je m'étais fixé pour but de susciter dans les milieux étudiants, non pas au moyen d'une organisation mais par le seul verbe, non quelque acte de violence mais une prise de conscience morale des maux graves qui marquent actuellement notre vie politique. Le retour à des principes moraux clairs, à l'État fondé sur le droit, à la confiance d'homme à homme, cela n'est pas illégal mais c'est, au contraire, rétablir la légalité. Je me suis demandé, dans l'esprit de l'impératif catégorique de Kant, ce qu'il adviendrait si cette maxime subjective de mon action devenait loi universelle. À cette question, il ne peut y avoir qu'une seule réponse : ce serait alors le retour, dans notre vie politique, de l'ordre, de la sécurité, de la confiance en notre État » (40).

L'UNESCO prépare actuellement une Déclaration universelle sur la tolérance, en guise de contribution à l'Année des Nations Unies pour la tolérance (1995). Une première étape a consisté à rédiger un plaidoyer en faveur de ce projet. Celui-ci, dans son point 2, appelle toute institution scientifique disposant de spécialistes des questions éthiques et religieuses « à rassembler ses forces créatives afin de les consacrer, unies à celles d'experts d'autres institutions religieuses et éthiques, à l'élaboration de cette éthique mondiale » (41). Il serait difficilement concevable que, dans cette entreprise, on ignore ces fondements historiques et théoriques que constituent la personnalité et l'oeuvre de Kant.

Notes
1. Heinrich Kanz (Allemagne). Titulaire d'un doctorat en théologie. A travaillé comme professeur dans l'enseignement secondaire et comme formateur de professeurs jusqu'à sa nomination, en 1972 comme doyen de l'École supérieure des sciences de l'éducation à . Il est nommé professeur en 1977 à l'École supérieure d'éducation à Bonn, et en 1980, professeur d'enseignement général à l'Université rhénane Friedrich-Wilhelm, à Bonn. Ses principales publications sont les suivantes : Der Nationalsozialsmus als pädagogisches ProbelDeutsche Erziehungsgeschichte 1933-1945 [Le national-socialisme en tant que problème pédagogique : histoire de l'éducation allemande, 1933-1945],(1984); Deutsche Erziehungsgeschichte 1945-1985 in Quellen und Dokumenten [Histoire de l'éducation en Allemagne, 1945-1985, dans les sources et les documents] (1987); Bundesrepublikanische Bildungsgeschichte 1949-1989. Quellen und Dokumente zum zweiten und dritten Lebensabschnitt [L'histoire de l'éducation en République fédérale d'Allemagne, 1949-1989: sources et documents de la seconde et troisième phases] (1989).
2. Scheuerl, Hans (dir. publ.): Klassiker der Pädagogik [Classiques de la pédagogie], vol. I, Beck, Munich, 1979, p. 11.
3. Bollnow, Otto Friedrich : « Kant und die Pädagogik » (Kant et la pédagogie), dans Westermanns pädagogische Beiträge [Contributions de Westermann à la pédagogie], vol. 6, 1954, no 2, p. 49-55.
4. Voir par exemple Ritter, Joachim et al. (dir. publ.) : Historisches Wörterbuch der Philosophie [Dictionnaire historique de la philosophie], Stuttgart /Bâle, Schwabe, 1976, vol. 4, p. 1268-1272. (Nouvelle édition entièrement révisée de Rudolf Eisler, Wörterbuch der philosophischen Begriffe.)
5. Que l'on pourra étudier, par exemple, dans les ouvrages suivants de la Wissenschaftliche Buchgesellschaft. Tout d'abord : I. Kant, Werke in zehn Bänden [Œuvres en dix volumes] [Œuvres en dix volumes] (Wilhelm Weischedel, dir. Publ.) édition spéciale 1983, en particulier vol. 9 et 10, Schriften zur Anthropologie, Geschichtsphilosophie, Politik und Pädagogik [Écrits sur l'anthropologie, La philosophie historique, La politique et l'éducation]. En second lieu, I. Kant, Werke in sechs Bänden [Œuvres en six volumes] (Wilhelm Weischedel, dir. Publ.), réimpression 1983. Voir, en particulier, vol. 6, Schriften zur Anthropologie, Geschichtsphilosophie, Politik und Pädagogik [Écrits sur l'anthropologie, La philosophie historique, La politique et l'éducation]. Signalons, enfin, les éditions fondamentales de l'Académie: I. Kant, Gesammelte Schriften (oeuvres complètes) (sous la direction de Preussische Akademie der Wissenschaften, vol 1-22; de Deutsche Akademie zur Berlin, vol. 23; et de l' Akademie der Wissenschaften zu Göttingen, vol. 24 et suiv.). Tirés à part et réimpressions en 1992, Berlin et New York, De Gruytr.
6. L'édition suivante marque une étape essentielle dans la recherche kantienne du point de vue des sciences de l'éducation : I. Kant, Ausgewählte Schriften zur Pädagogik und ihrer Begründung [Morceaux choisis relatifs à la pédagogie et à ses fondements], Hans Hermann Groothoff et Edgar Reimers (dir. publ.), Schöningh, Paderborn, 1963.
7. On trouvera une étude biographique complète dans l'ouvrage fondamental de Gross, Felix (dir. publ.): Immanuel Kant. Sein Leben in Darstellungen von Zeitgenossen. [Immanuel Kant, sa vie d'après les témoignages de ses contemporains],avec des bibliographies de L. E. Borowski, R. B. Jachmann und A. Ch. Wasianski, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1980. (Réimpression de l'édition de 1912). Voir aussi Ausgewählte Schriften zur Pädagogik und ihrer Begründung, p. 175-191.
8. I. Kant, Immanuel, Kritik der reinenVernunft [Critique de la raison pure], 1781, 2e éd. améliorée, Karl Kehrbach (dir. publ.), Leipzig, Philipp Reclam, 1878, p. 626 (II. Méthodologie transcendentale. Deuxième chapitre, troisième section, « Des opinions, des connaissances et des croyances ». Après la réunification de l'Allemagne, il semble maintenant approprié de se référer à des éditions unifiées présentant un intérêt historique; c'est pourquoi, les éditions Reclam des oeuvres de Kant seront désormais utilisées.
9. I. Kant, Kritik der reinen Vernunft [Critique de la raison pure], op. cit., p. 26
10. I. Kant, Kritik der praktischen Vernunft [Critique de la raison pratique], p. 627, 1788.
11. I. Kant, Kritik der praktischen Vernunft [Critique de la raison pratique], Leipzig, Philipp Reclam, 1978, p. 193.
12. I. Kant, «Aufsätze das Philanthropin» [Essais sur les philanthropes], entre 1776 et 1777, dans Ausgewählte Schriften zur Pädagogik und ihrer Begründung, op. cit., p. 69.
13. I. Kant, «Nachricht von der Einrichtung seiner Vorlesungen in dem Winterhalbenjahre 1765-66» [Annonce sur le programme de ses leçons pour le semestre d'hiver 1765-1766], dans Ausgewählte Schriften zur Pädagogik und ihrer Begründung, op. cit., p. 69.
14. I. Kant, « Vorlesung über Pädagogik » [Cours sur la pédagogie], Ausgewählte Schriften zur Pädagogik und ihrer Begründung, p. 69.
15. I. Kant, « Idee zu einer allgemeinen Geschichte in weltbürgerlicher Absicht »[Idée d'une histoire générale pour un citoyen du monde, ], Berlinische Monatschrift, 1784; « Mutmasslicher anfang der Menschheitsgeschichte [Conjectures sur le commencement de l'histoire humaine], Berlinische Monatschrift, 1786; «Was ist Erklärung? » [Qu'est-ce que les Lumières?], Berlinische Monatschrift, 1784; Zum ewingen Frieden [Paix perpétuelle, 1795; Anthropologie in pragmatischer Hinsicht abgefasst [L'anthropologie d'un point de vue pragmagtique], 1798.
16. I. Kant , Die religion innerhalb der Grenzen der blossen Vermunft [La religion dans les limites de la seule raison]. (Textes de l'édition de 1793 augmenté des changements figurant dans l'édition de 1794.) Ausgabe Karl Kehrbach, p. 46, Leipzig, Reclam, 1879.
17. Textes tirés du cours sur la pédagogie (Kant, Ausgewählte Schriften zur Pädagogik und ihrer Begründung). Les chiffres entre parenthèses renvoient aux pages de cette édition.
18. J. Ritter, op. cit.
19. Dolch, Josef : Lehrplan des Abendlandes. Zweieinhalbjahrtausende seiner Geschichte [Le plan d'étude de l'Occident. Deux mille cinq cents ans d'histoire], Henn, Ratingen, 1965, p. 337.
20. Voir également Heinrich Kanz : Bundesrepublikanische Bildungsgeschichte 1949-1989 [Histoire de la formation en République fédérale d'Allemagne de 1949-1989], Francfort/Main, Lang 1989. Voir aussi du même auteur : Deutsche Erziehungsgeschichte 1945-1985 [Histoire de l'éducation en Allemagne de 1945-1985], même éditeur, 1987.
21. Henning, Uwe: Eduard Spranger und Berlin - Tradition oder Erbe? [Eduard Spranger et Berlin -- Tradition ou patrimoine?], Bibliothèque de l'Université libre de Berlin, 1992, p. 5.
22. Voir H. Röhrs, Frieden - eine pädagogische Aufgabe. Idee und Realität der Friedenspädagogik [La paix: une tâche pédagogique. Idées et réalités de l'éducation pour la paix], Agentur Pedersen Westermann, Braunschweig, 1983.
23. I. Kant, Zum ewigen Frieden : ein philosophischer Entwurf [sur la paix perpétuelle: essai philosophique], Königsberg, Nicolovius, 1795, p. 75.
24. Ibid., p. 91.
25. Ibid., p. 104.
26. Comme on peut le voir notamment à la fin de l'article d'A. Petzelt sur « Kant : Das Fürwahrhalten lässt sich nicht mitteilen » [Kant: Vous ne pouvez pas communiquer ce que vous croyez], dans Einführung in die pädagogische Fragestellung. Aufsätze zur Theorie der Bildung [Introduction à l'interrogation pédagogique: essai sur la théorie de l'éducation], 2e partie (sous la direction de Wolfgang Fischer), Fribourg, Lambertus-Verlag, 1963, p. 9-61. Sur le concept de dignité dans la philosophie de l'éducation actuelle en Allemagne, voir Heinrich Kanz : Einführung in die Erziehungsphilosophie [Introduction à la philosophie de l'éducation], Francfort/Main, Lang, 1987, p. 100.
27. Scholl Hans et Scholl Sophie, Briefe und Aufzeichnungen [Lettres et notes], (sous la direction d'Inge Jens, ), Francfort/Main, Fischer, 1984, p. 100.
28. Ibid., p. 266.
29. Ibid,. p. 77.
30. I. Kant, « Was ist Erklärung? », op. cit., p. 29
31. Kaufmann, Arthur, Rechtsphilosophie [La philosophie du droit], dans Staatslexikon echt, Wirtschaft, Gesellschaft [Dictionnaire du droit de l'économie et de la société] (publié par Görres-Gesellschaft), 7e éd. entièrement revue, Fribourg-en-Brisgau, Herder, 1988, vol. 4, p. 711.
32. Ibid.
33. I. Kant, Grundlegung der Metaphysik der Sitten [Fondements de la métaphysique des moeurs] , 2e éd. Riga, Hartkoch, 1786 (Stuttgart, Reclam, 1952, p. 81).
34. Mikat, Paul, Ethische Strukturen der Ehe in unserer Zeit [Structures éthiques du mariage à notre époque], Schöningh, Paderborn, 1987, p. 35 et suivantes.
35. Ibid., p. 35.
36. I. Kant, Grundlegung der Metaphysik des Sitten, op. cit., p. 81.
37. P. Mikat, op. cit., p. 36 et suivantes.
38. Ibid.
39. Ibid.
40. Dans Die weisse Rose. Ausstellung über den Widerstand von Studenten gegen Hitler in München 1942-1943. (La rose blanche. Exposition sur la résistance des étudiants à Hitler, Munich 1942-1943). p. 63. Organisé par la Weissen Rose Stiftung, Genterstrasse 13, 8000 München 40, sans indication d'année.
41.UNESCO heute [L'UNESCO aujourd'hui], Bonn, vol. 39, no 1, 1992, p. 17.


Œuvres d'Immanuel Kant

1781 Kritik der reinen Vernunft. 2e éd., 1787 (Critique de la raison pure, 1950)
1783. Prolegomena zur einer jeden künftigen Metaphysik die als Wissenschaft wird auftreten können (Prolégomènes à toute métaphysique future qui voudra se présenter comme science, 1951.)
1785. Grundlegen zur Metaphysik der Sitten (Fondements sur la métaphysique des moeurs, 1969.)
1788. Kritik der praktischen Vernunft. (Critique de la raison pratique, 1949)
1790. Kritik der Urteilskraft. 2e éd. 1793 (Critique du jugement, 1892, 2e éd. 1914)
1793. Die Religion innerhalb der Grenzen der blossen Vernunft. 2e éd. 1976. (La religion dans les limites de la seule raison,1960)
1795. Zum ewigen Frieden. 2e éd. 1796. (Paix perpétuelle, 1915, réimpression 1972)
1797. Die Metaphysik der Sitten. 2e éd. 1798-1803 (La Métaphysique des moeurs, 2 vol., 1799, réimpression 1965)
1798. Der Streit der Facultäter [Querelles d'universitaires]
1798. Anthropologie in pragmatischer Hinsicht abgefasst. Édition améliorée en 1800 (L'anthropologie d'un point de vue pragmatique, 1964)
1963. Ausgewählte Schrifter zur Pädagogik und ihrer Begrundung [choix d'écrits sur l'éducation et ses fondements]. Sous la direction de H.H. Groothfoft et E. Reimers, Paderbron, Schöningh.

Autres articles associés à ce dossier

Kant: concilier philosophies expérimentale et idéaliste

Mme de Staël

Quatrième et dernière partie du chapitre VI du tome II de De l'Allemagne consacré à Kant. 1. L'introduction à son oeuvre 2. La Critique de

Kant: la Critique du jugement ou le traité du sublime et du beau

Mme de Staël

Troisième partie du chapitre VI du tome II de De l'Allemagne consacré à Kant.  

Kant: la Critique de la raison pure

Mme de Staël

Deuxième partie du chapitre VI du tome II de De l'Allemagne consacré à Kant. 1. L'introduction à son oeuvre 2. La Critique de la raison pure

Kant: introduction à son oeuvre

Mme de Staël

Mme de Staël fut une lectrice enthousiaste de Kant qu'elle entendait faire découvrir aux Français, rebutés par l'hermétisme du philosophe allema

L'école kantienne

Josette Lanteigne

Quelques citations de Kant, qui nous permettent de voir à quoi ressemblerait une école gouvernée selon ses principes.

Politesse de philosophe

Emmanuel Kant

Voici jusqu'où peut aller le respect de l'autre chez un philosophe soucieux de vivre en conformité avec ses propres idées.




Articles récents