La conception avicennienne de l'éducation
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(370 h?/980? - 428h/1037)
Abdel Rahman Abdel Rahman Al-Naqib (1)
Le présent essai entend exposer les conceptions éducatives d'un penseur arabe dans lequel les anciens comme les modernes s'accordent à voir le plus illustre des philosophes musulmans (2).
Ainsi, Al-Dhahbi le considère "le chef de file de la philosophie islamique" (3). Le Père Anawati (4) a recensé ses écrits et la maison d'édition égyptienne Dar al-kutub al-misriyya a publié en 1950, à l'occasion du millénaire de sa naissance, une liste des titres de ses ouvrages et des commentaires s'y rapportant qui ont été conservés. Il suffit de parcourir cette liste, qui contient plus de cent cinquante imprimés et manuscrits couvrant toutes les branches du savoir de son époque, y compris la poésie, pour avoir une idée de l'étendue de la culture qu'Avicenne avait acquise et qu'il nous a léguée.
Les écrits les plus célèbres d'Avicenne traitent de philosophie et de médecine. Ses conceptions philosophiques ont occupé les penseurs occidentaux pendant plusieurs siècles et ses ouvrages figuraient parmi les sources philosophiques les plus importantes. En médecine, son Canon(Al-Qânûn), traduit en latin à la fin du XIIe siècle de l'ère chrétienne est demeuré une référence pour les étudiants de médecine des universités européennes jusqu'à la fin du XVIIe siècle (5).
Avicenne a, hier comme aujourd'hui, retenu l'attention des chercheurs qui se sont intéressés aux différents aspects de son oeuvre et lui ont consacré livres, essais et articles. Un aspect a cependant été quelque peu négligé, celui de ses conceptions en matière d'éducation et d'enseignement. Bien que ce qu'il a écrit sur le sujet représente en fait peu de chose au regard du nombre de ses autres écrits et de l'abondance de sa production, il n'en demeure pas moins qu'il aborde les mêmes problèmes que ceux auxquels sont confrontés les éducateurs. Il parle de l'individu, de la société, de la connaissance et des moeurs. Il consacre à l'éducation une épître intitulée "La politique" et traite longuement de l'éducation de l'enfant dans le Canon.
Il apparaît ainsi comme l'incarnation même de la rencontre entre philosophie et éducation; l'éducateur et le philosophe sont confrontés aux mêmes problèmes: le vrai, le bien, la nature du monde, le sens de la connaissance, la nature de l'homme... Le résultat de cette rencontre c'est qu'Avicenne le philosophe a son opinion sur l'éducation et l'enseignement. Si l'on ajoute à tout cela qu'il a effectivement pratiqué l'enseignement pendant une durée non négligeable, on voit que l'on est en présence d'un philosophe dont la philosophie s'est transformée en une théorie de l'éducation qu'il a lui-même appliquée. Il s'agit d'une théorie originale, reposant sur des fondements philosophiques bien définis, comme nous le verrons dans cette étude.
L'homme et son époque
Le Cheikh al-raïs sharaf al-mulk Abu Ali al-Husayn b. Abd Allah b. al-Hasan b. Ali Ibn Sina (Connu en Europe sous le nom d'Avicenne) est né dans le village d'Afshana, près de Boukhara, en 370H/980, semble-t-il (6), dans une famille ismaïlienne qui s'intéressait aux sciences spéculatives et aux études philosophiques, ce qui a influé sur la vie scientifique d'Avicenne (7).
Avicenne vécut donc au IVe siècle de l'hégire, période du règne abbasside la plus florissante du point de vue des sciences et de la connaissance, même s'il n'en allait pas de même sur le plan politique. Le marché du savoir était en plein essor, les savants abondaient et les bibliothèques étaient emplies de la production du génie des savants musulmans et des traductions des oeuvres des savants des autres nations établies sur ordre des califes et des vizirs.
L'année 370H/980, qui voit naître Avicenne, et celles qui la suivent marquent l'apogée de la culture arabo-islamique. Comme la langue arabe était à cette époque l'instrument du savoir et le moyen d'expression permettant de le perpétuer, Avicenne l'apprit auprès d'Abu Bakr Ahmad b. Muhammad al-Barki al-Khwarizmi. A peine eut-il acquis cet instrument du savoir que son père lui donna un maître pour le Coran et un autre pour les belles-lettres (adab). L'enfant consacra toute son attention à ses deux maîtres et il n'avait pas encore dix ans qu'il était déjà venu à bout du Coran et d'une grande partie des belles-lettres au point de susciter un grand étonnement, comme il le rapporte lui-même (8). Puis il développa un penchant pour la philosophie, la géométrie et le calcul indien et son père l'adressa alors à Mahmoud "al-Masah" (le géomètre) qui était versé dans le calcul, l'algèbre et l'étude du mouvement des planètes comme le note Al-Beyhaki (9). De même, il étudia le fiqh [droit musulman] et le soufisme auprès d'Ismaïl al-Zahid al-Bukhari. Dès que le philosophe Abu Abdallah al-Natli vint à Boukhara, le père d'Avicenne l'hébergea dans l'espoir qu'il initierait son fils aux études spéculatives. Et si al-Natli réussit une chose, ce fut de détourner le jeune Avicenne des études sur le fiqh et le soufisme pour l'orienter vers les sciences théoriques et les études philosophiques.
Peu de temps après, le maître se rendit compte que l'élève n'avait plus besoin de lui. Poussé par sa soif d'apprendre, Avicenne s'absorba dans l'étude des sciences de la sagesse, puis il se passionna pour les sciences médicales à tel point qu'il ne tarda pas à surpasser les savants de son époque. «Puis, dit-il, je m'adonnai à la médecine et je me mis à lire les ouvrages composés sur cette science; comme la médecine n'est pas une des sciences difficiles, j'y montrais promptement ma supériorité, si bien que des médecins éminents l'étudièrent sous ma direction; de plus, pratiquement, je donnai mes soins aux malades; ainsi, les portes du traitement fondé sur l'expérience s'ouvrirent devant moi, d'une manière indescriptible(10).» Il ne se contenta pas d'une étude théorique des sciences médicales, il les mit en pratique par amour du bien et pour mettre la science à profit. Tout cela alors qu'il n'avait encore que seize ans.
Durant une année et demie, il s'attacha de plus en plus à l'étude. Il se remit à celle de la logique et de toutes les parties de la philosophie. Il poussa ses efforts le plus loin possible pendant cette période au point de ne pas dormir une seule nuit entière et de ne s'occuper toute la journée que de l'acquisition des sciences. Et il n'avait pas atteint dix-huit ans qu'il avait déjà acquis une réputation de savant dans les études philosophiques et les connaissances médicales (11).
Comme le montre sa biographie, Avicenne assimilait vite, il avait une très grande mémoire et la plume facile. A vingt et un ans, pour répondre à la demande de certains de ses élèves, il rédigea un livre, le majmu [compendium], dans lequel il aborde toutes les sciences spéculatives, à l'exception des mathématiques. L'instabilité de la situation politique en Transoxiane, l'obligation dans laquelle il se trouvait de changer souvent de lieu de résidence et les fonctions de ministre qu'il exerça auprès de certains princes, tout cela ne l'empêcha pas de pratiquer la science, tant à son profit qu'à celui des autres. Il avait ses élèves et ses cercles d'études partout où il allait et il en fut ainsi jusqu'à sa mort, survenue un vendredi du mois de Ramadan de l'an 428 de l'hégire. Il fut inhumé à Hamadan (12).
Fondements philosophiques de la conception avicennienne de l'éducation
SA CONCEPTION DE L'ÊTRE HUMAIN
L'être humain, pour Avicenne, est l'expression du secret (sirr) et du patent (alin). Le patent nous est connu et il est tangible; il s'agit de ce corps humain perceptible, avec ses organes et ses gamètes. «Les sens renseignent sur son extérieur tandis que la dissection permet d'en connaître l'intérieur; quant à son secret, il est constitué par ses facultés mentales (13).» Ce sont ces facultés mentales de l'être humain qui le meuvent et font qu'il s'acquitte de ses différentes fonctions et a le comportement qui est le sien en tant qu'être humain. Cet homme avicennien, en tant que corps tangible quant à son extérieur et révélé par la dissection quant à son intérieur - ainsi qu'il apparaît dans des ouvrages tels que le Canon - nous n'éprouvons aucune difficulté à l'accepter. Restent les facultés mentales qui font se mouvoir ce corps.
Les facultés mentales et leurs fonctions.
Avicenne range ces facultés dans trois groupes:
* D'abord, le groupe des facultés végétales, qui sont communes à l'être humain et aux plantes, et concernent la survie de l'être humain, son développement par l'alimentation et la conservation de son espèce par la reproduction. Elles englobent les trois facultés suivantes: faculté de nutrition, faculté d'accroissement et faculté de génération (14).
* Vient ensuite le groupe des facultés animales par lesquelles les animaux sont supérieurs aux plantes et qui sont communes à l'être humain et aux animaux. Elles se caractérisent par l'attrait des choses bénéfiques que l'être humain désire et le rejet des choses nuisibles qu'il redoute ou qui provoquent sa colère. Elles englobent deux facultés: une faculté motrice et une faculté perceptrice, dont chacune se subdivise à son tour. La faculté motrice comprend deux facultés: une faculté pulsionnelle instinctive et une faculté efficiente qui conduit l'être humain à agir ou à ne pas agir. La faculté perceptrice se subdivise elle aussi en une faculté de perception de l'extérieur par les cinq (la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher), et une faculté de perception de l'intérieur par le sens commun, l'imagination, la mémoire et la réflexion (15).
* Vient ensuite le groupe des facultés humaines qui distingue l'être humain de l'animal et qui comprend deux facultés: une faculté agissante qui oriente le comportement pratique de l'être humain et une faculté cognitive qui oriente son comportement théorique. Ces deux facultés sont dénommées «intelligence», la première étant l'intelligence pratique et la seconde l'intelligence spéculative (16).
Relation entre les facultés mentales et le corps
Toutes ces facultés - végétales, animales et humaines - ne sont en fait que diverses fonctions de l'âme humaine. Celle-ci est une et les trois facultés en sont diverses fonctions (17).
L'âme, pour Avicenne, - avec ses trois facultés - n'est pas matérielle. Elle est différente de la substance du corps (18). Elle n'est pas préexistante, mais naît avec le corps (19) et elle subsiste et ne disparaît pas lorsque l'être humain meurt. "Si le corps meurt et se désintègre, dit Avicenne, la substance de l'âme se débarrasse de l'enveloppe matérielle du corps. Si elle est pleine de savoir, de sagesse et de bonnes actions, elle est attirée vers les lumières divines et les lumières des anges et vers le royaume des cieux, de la même façon qu'une aiguille est attirée par une énorme montagne magnétique. Submergée par le silence et gagnée par la sérénité, elle s'entend interpeller ainsi de l'au-delà : «Ô toi! ... Âme apaisée! ... Retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée; entre donc avec mes serviteurs; entre dans mon Paradis (20).»
L'être humain est-il naturellement bon ou mauvais?
Avicenne pense que l'être humain naît à l'état brut: il n'est ni bon ni mauvais par nature, même si ses conceptions se rapprochent plus du bien que du mal. Puis, l'être humain évolue sous l'influence du milieu et du système d'éducation. S'il s'habitue au mal il devient mauvais et s'il s'habitue au bien il devient bon. Voilà ce que dit Avicenne à ce propos: «dès que l'enfant est sevré, on doit entreprendre son éducation et son instruction morale avant que ne l'assaillent les manières coupables et qu'il ne contracte inopinément des traits de caractère répréhensibles. L'enfant est en effet une proie facile pour les mauvais penchants et il est vite submergé par les habitudes pernicieuses. Le mal qui ainsi s'empare de lui est plus fort que lui et il ne peut ni le quitter ni s'en défaire (21)». Et Avicenne insiste sur ce point en un autre endroit: «Tous les traits moraux, bons ou mauvais, sont acquis et tout être humain peut s'approprier un trait moral qu'il ne possède pas. De même, lorsque son âme rencontre par hasard un trait moral, il peut, par l'exercice de sa volonté, s'en détourner au profit de son contraire (22).»
SA CONCEPTION DE LA SOCIÉTÉ
Le caractère social de l'être humain
L'être humain, tel que Dieu l'a créé, ne peut vivre seul; il a besoin de la société pour son épanouissement, sa culture et sa subsistance. L'être humain a besoin de la société, il lui est donc nécessaire de vivre en société. «L'être humain se distingue des autres animaux, dit Avicenne, en ce qu'il ne peut pas bien vivre s'il vit solitaire, une seule personne vaquant par lui-même à toutes ses occupations, sans compagnon qui l'aide dans les nécessités de ses besoins. Il faut donc que l'être humain trouve sa suffisance dans un autre de son espèce qui, à son tour, trouve en lui et en son semblable sa suffisance. Celui-ci, par exemple, fournira les légumes à celui-là, et celui-là fera son pain à celui-ci; un tel fera de la couture pour tel autre, qui lui fournira l'aiguille de telle sorte que, réunis, ils se suffisent mutuellement. C'est pour cette raison que l'on a été obligé de fonder les billes et les sociétés (23).»
Le caractère divin de la société
La société toute entière doit se soumettre à la juste loi de Dieu agissant par l'intermédiaire du Prophète qui légifère, guidé par la révélation divine. Car la société a besoin d'un législateur – un être humain qui se distingue de ses semblables par des qualités qui font que sa parole est obéie et que la foule le prend pour guide. C'est ainsi qu'Avicenne justifie l'existence du Prophète et les prodiges par lesquels Dieu l'a distingué ainsi que la nécessité de l'existence de la prophétie. "... Il faut donc, dit-il, qu'existe un Prophète et il faut qu'il soit un être humain. Il faut, de plus, qu'il ait une particularité qui ne se trouve pas dans tous les êtres humains, de sorte que les êtres humains se rendent compte qu'il y a en lui quelque chose qui ne se trouve pas en eux, et qui servirait à le distinguer d'eux. Il pourra donc faire les prodiges (24).
Nécessité de laisser ouverte la porte de l'ijtihad
Bien que ce soit la Prophète qui établit les lois de la société selon la révélation de Dieu, la porte de l'ijtihad (effort d'interprétation personnelle de la loi islamique) doit demeurer ouverte à l'évolution future des événements et des situations, notamment pour ce qui est des questions politiques et pratiques. Le Prophète définit les fondements généraux de ces questions, mais les applications ponctuelles dépendent des circonstances du moment: «Il faut qu'on [le législateur] laisse beaucoup de questions, en particulier en matière de transaction, à l'élaboration personnelle. Il y a, en effet, des jugements concernant les [circonstances] de temps qu'on ne peut pas fixer avec précision. Quant au contrôle de la cité après cela, il se fait par l'intermédiaire de l'organisation des gardiens, et la connaissance des entrées et des sorties, de la préparation des armes, etc. Il faut donc que cela revienne au dirigeant en tant qu'il est calife [du législateur]. Il ne faut pas édicter, à ce sujet, des statuts particuliers ; l'imposition d'une telle législation entraînerait du désordre, car elle changerait avec le changement des circonstances de temps (25).»
Choix du calife
Étant donné que le Prophète était un être humain et que sa durée de vie était donc limitée, il lui fallait un successeur ou khalifa [calife]. Celui-ci gouverne après lui et a pour mission d'appliquer les "enseignements du Prophète". En ce sens, tout gouvernant en Islam est calife. Comment s'effectue le choix de ce calife? Cela a été l'un des problèmes majeurs posés à la pensée islamique au cours des siècles; pour le résoudre, Avicenne a estimé que ce choix qui relevait du Prophète de son vivant, devait se faire par voie de consultation et de consensus des personnalités influentes après sa mort. «Le Prophète ne désigne comme successeur et n'accepte que les hommes influents ne désignent comme successeur que celui dont ils sont sûrs qu'à lui seul appartient le pouvoir politique, qu'il a une pensée pénétrante, est pétri de nobles vertus en fait de courage, de tempérance et de sens de l'organisation, connaissant si bien la loi que personne ne peut rivaliser avec lui quand il s'agit d'en comprendre les secrets et le fonctionnement profond." L'obéissance est due au dirigeant qui remplit ces conditions et possède ces qualités. Tous ont le devoir de châtier celui qui se révolte contre lui; en ne le faisant pas, ils désobéiraient à Dieu et le renieraient. Il est permis de tuer quiconque se soustrait à cette obligation alors qu'il peut le faire et qu'il connaît la légitimité de la prétention de celui-là au califat (26).»
Il ressort de tout ce qui précède que la société telle que la voyait Avicenne est un rassemblement d'individus que le sort n'a pas dotés des mêmes capacités et dispositions. Cette différence impose une certaine spécialisation, laquelle rend nécessaires la coopération et l'interaction entre les membres de la société. Si cette interaction et cette coopération se font de manière inorganisée, l'ordre social est ébranlé, d'où la nécessité de l'existence du "dirigeant" qui règle la vie des citoyens. Pour que celui-ci soit obéi de son peuple, il est «prophète» dans la société avicennienne, et tient ses lois du Ciel ou successeur du Prophète - ayant pour mission d'appliquer les préceptes de la loi lorsque celle-ci est écrite et de pratiquer l'ijtihad en consultant les personnes influentes en l'absence de loi écrite. La consultation est en effet une nécessité impérieuse à laquelle le gouvernement ou le prince doit se soumettre (27).
Bien que cette représentation idéale de la société telle que la concevait Avicenne ait été quelque peu différente de la réalité de la société iranienne dans laquelle il vivait, c'est cependant de cette conception-là de la société qu'il tire ses idées sur l'éducation. Il se montre en effet soucieux de préserver l'héritage de cette «société divine» qu'incarnent ses convictions, ses pratiques culturelles et son éthique. Il recommandera donc d'inculquer cet héritage à l'enfant dès les premières étapes de son éducation.
SA CONCEPTION DE LA CONNAISSANCE
Avicenne considère que l'âme, avec ses différentes facultés, est l'instrument de la connaissance ou perception et il distingue entre perception sensorielle et perception intellectuelle. Les instruments de la perception sensorielle, comme on l'a vu, sont les cinq sens externes et les quatre sens internes.
Ces sens externes et internes sont donc propres à la perception sensorielle qui se produit lorsque les stimulations sensorielles atteignent les organes des sens, s'y impriment et sont perçues par les facultés sensorielles. «Toute perception n'est, semble-t-il, rien d'autre qu'une prise d'image de l'objet perçu d'une manière ou d'une autre (28).» Et il observe à propos de la perception sensorielle elle-même: «Les images de tous les objets perçus parviennent jusqu'aux organes des sens et s'y impriment et de cette façon sont appréhendées par les facultés sensorielles (29).» A ses yeux, la connaissance sensorielle est donc une connaissance acquise qui a pour source les stimulations perçues et pour instruments les facultés sensorielles externes et internes. Quant à la connaissance intellectuelle, elle n'a d'autre objet que les choses perçues et son instrument est la faculté théorique dont Dieu a doté l'être humain et qui lui permet d'acquérir ce type de connaissance.
Pour que la connaissance intellectuelle soit effective, il lui faut une certaine structure et un instrument pour contrôler ce processus et s'assurer de la justesse de la pensée et du raisonnement. Cet instrument, c'est la logique, c'est-à-dire l'art théorique ou l'outil qui empêche l'esprit de tomber dans l'erreur (30).
SA CONCEPTION DE LA MORALE
Le sens moral, selon Avicenne, est l'expression d'un «trait de caractère qui fait que des actes jaillissent de l'âme avec facilité et sans préméditation (31).» Cela signifie que le sens moral ne se réduit pas au fait de bien se conduire mais que cette bonne conduite se manifeste en toute occasion car l'individu en a pris l'habitude et ne peut agir de façon inverse ou contraire. Ainsi, nous ne pouvons qualifier quelqu'un de véridique que s'il a coutume de dire la vérité et il en va de même des autres vertus morales; de même, nous ne pouvons qualifier quelqu'un de menteur que s'il a pour habitude de mentir et il en va de même des autres défauts.
Pour contracter de bonnes moeurs, l'être humain doit se maîtriser parfaitement dans tout son comportement. Il doit punir son âme lorsqu'elle s'écarte de la vertu et l'encourager et la récompenser lorsqu'elle en emprunte le chemin, cela jusqu'à ce qu'elle regrette le mal et accepte le bien et le chérisse au point qu'il en devient un trait naturel et une qualité fondamentale. «L'être humain doit établir pour son âme une récompense et un châtiment et la gouverner par ces moyens (32) ».
S'il lui arrive de trébucher sur un vice, l'être humain doit connaître la vertu contraire à ce vice et il doit se contraindre à la cultiver de façon exagérée et persévérer dans cet excès jusqu'à ce qu'il parvienne à inculquer à son âme la qualité moyenne.
L'instance de référence dans tout cela est la raison ; lorsque l'être humain comprend comment obéir aux injonctions de la raison, c'est qu'il est en mesure de devenir policé et vertueux. C'est la raison qui détermine la bonne conduite et les critères qui lui permettent de le faire sont les suivants: d'une part, le juste milieu et, d'autre part, l'équité. La raison connaît le juste milieu de chaque vertu en particulier puisque chacune se trouve à mi-chemin entre deux vices. Quant à l'équité, la raison la reconnaît à l'harmonie qui règne entre ces vertus, dans la mesure où aucune d'elles ne l'emporte sur les autres, l'être humain préservant l'équilibre entre toutes ses qualités morales, sans abuser de l'une au détriment des autres. On constate ici, qu'alors que dans le Coran et la Sunna les valeurs spirituelles et morales reposent sur la profonde inhibition religieuse suscitée dans l'âme humaine, chez Avicenne elles procèdent de l'empire de la raison sur les forces mauvaises. Mais il est clair que pour que les qualités morales soient assimilées, il ne suffit pas qu'elles soient acceptées par la raison: il faut qu'elles entrent dans le coeur de façon que le «sens moral» devienne partie intégrante de la structure affective de l'être humain.
Avicenne avait conscience que cette conception de la morale était celle des sages ou des philosophes, ou à tout le moins de l'élite. Quant aux gens ordinaires, il estimait que cette conception ne les concernait pas, attendu qu'ils sont mus non pas par la persuasion et le respect de la raison mais par la crainte et la peur des châtiments et des sanctions dans le monde d'ici-bas et dans l'au-delà (33). Dans la mesure où, selon lui, les qualités morales sont acquises et non innées, et où l'être humain peut contracter celles qu'il veut par «accoutumance», «imitation», «peur» ou «sagesse», il estime que ce processus d'acquisition doit commencer à la «naissance de l'enfant», car les peines et les souffrances auxquelles celui-ci est exposé dès cet instant et au cours de la petite enfance influent sur sa psychologie et sur son tempérament et, par voie de conséquence, sur sa conformation morale. D'où l'intérêt qu'Avicenne porte à l'étape de la petite enfance et à tout ce qui y a trait, ainsi qu'aux moeurs et à l'éducation de la nourrice, aux moeurs et à l'éducation de l'enseignant et aux compagnons de l'enfant dans le cercle d'étude.
Les vues pédagogiques d'Avicenne
LES FINALITÉS DE L'ÉDUCATION
Le but qu'Avicenne assigne à l'éducation est l'épanouissement total de l'individu, sous tous les aspects : épanouissement physique, mental et moral, puis préparation de l'individu à vivre en société et à participer à la vie sociale par un travail ou un métier choisi en fonction de ses aptitudes et de ses compétences propres. L'éducation avicennienne ne néglige donc pas le développement physique, avec tout ce que cela suppose sur le plan de l'éducation physique, de l'alimentation et de la boisson, du sommeil et de l'hygiène corporelle (34). Elle ne vise pas seulement le développement mental et l'accumulation de connaissances, et ne privilégie pas uniquement l'aspect moral, mais se propose de former toute la personnalité - physique, mentale et morale - de l'individu. Son action ne consiste pas seulement à former un citoyen accompli sur tous ces plans; elle doit aussi le préparer à un métier ou un travail par lequel il puisse participer à l'édification de la société car celle-ci, selon Avicenne, ne peut être fondée que sur la «coopération», sur la spécialisation de chaque individu dans une activité et l'échange de services entre ses membres.
Bien qu'il fût philosophe, et donc appartenant donc à une catégorie de gens qui considéraient que la pensée grecque était celle de l'élite cultivée et que la supériorité du philosophe allait de soi, Avicenne ne limitait pas l'objectif de l'éducation à la formation du philosophe. L' «éducation du philosophe» est donc pour lui un objectif parmi d'autres de l'éducation, propre à l'étape de la spécialisation, vers laquelle se dirige qui veut en fonction de ses dispositions et de ses inclinations.
C'est cela qui distingue sa conception de l'éducation de celle d'Al-Ghazali ou d'Al-Qabsi, par exemple: alors que ceux-ci ne traitent pas de cette question, et n'en reconnaissent pas l'existence, Avicenne va s'appesantir longuement sur l' «éducation du philosophe», sur les sciences qu'il étudie et sur les finalités et les avantages de chacune d'elles.
On peut donc dire que l'objectif de l'éducation chez Avicenne est de former un citoyen sain, de corps et d'esprit, et de le préparer à un travail ou un métier intellectuel ou manuel. Le travail intellectuel peut se rapporter aussi bien aux sciences «transmises» qu'aux sciences spéculatives qu'Avicenne glorifie et juge nécessaires dans la vie de la société. Il considère les «arts» et «métiers» comme un type d'enseignement qui requiert une formation professionnelle, un apprentissage et une spécialisation: «l'enseignement et l'apprentissage, dit-il, y ont un caractère pratique; on ne peut, par exemple, apprendre la menuiserie ou la teinturerie que par l'exercice assidu de ce métier (35).»
LES ÉTAPES DE L'ENSEIGNEMENT
L'étape de la petite enfance, de la naissance jusqu'à l'âge de deux ans
Avicenne s'intéresse à l'enfant dès sa naissance: «Lorsque l'enfant naît, il faut commencer par couper le cordon ombilical de manière que sa longueur dépasse quatre doigts, et faire un noeud avec un fil de laine propre et fin de façon à ne pas le blesser. Au moment de le langer, la sage-femme doit manier ses membres avec douceur, procéder à tous les examens nécessaires, disposer chaque membre dans la meilleure position, toujours en palpant doucement avec l'extrémité de ses doigts, répéter plusieurs fois les mêmes gestes, et lui essuyer fréquemment les yeux avec de la soie ou une matière similaire (36).»
Avicenne est très attentif à tout ce qui concerne, durant cette étape, le sommeil, le bain, l'allaitement et l'exercice physique convenant à l'âge de l'enfant. Voici ce qu'il dit à propos du sommeil: «L'enfant doit dormir dans une pièce à température moyenne, qui ne soit pas froide. Cette pièce doit être à l'ombre, baignant dans la pénombre, c'est-à-dire que la lumière ne doit pas s'y répandre excessivement. Dans le lit, la tête de l'enfant doit être surélevée par rapport au corps. Il faut veiller à ce qu'aucune partie de son cou, de ses membres ou de son dos ne soit tordue dans le lit (37).»
Avicenne souligne que l'enfant doit être baigné plusieurs fois par jour et que la mère doit l'allaiter elle-même, et il parle longuement du lait maternel, de la durée naturelle de l'allaitement, du nombre quotidien des tétées et du sevrage qui doit se faire progressivement, fournissant sur tout cela des indications qu'il serait trop long de rapporter ici. Il dit notamment que si l'enfant s'endort juste après la tétée, il ne faut pas faire preuve de brutalité en remuant trop violemment le berceau car on agiterait le lait dans son estomac, mais il faut au contraire le bercer doucement. S'il pleure un peu avant la tétée, cela lui fait du bien. La durée normale de l'allaitement est de deux ans et si l'enfant aime autre chose que le lait, il faut le lui donner progressivement, sans le forcer. Lorsque ses dents commencent à percer, il faut passer petit à petit de l'alimentation à base de lait maternel à une alimentation plus solide, sans lui donner quoi que ce soit de dur à mastiquer. On lui propose d'abord du pain mâché par la personne qui l'allaite, puis du pain avec de l'eau et du miel, du jus ou du lait. On lui donne peu à boire et on s'oriente doucement vers la suppression de l'allaitement. Selon les propres termes d'Avicenne « le sevrage doit intervenir graduellement et non d'un seul coup (38)».
L'étape de l'enfance(trois à cinq ans)
Cette étape commence à l'âge de trois ans et s'achève à cinq ans, époque à laquelle «les articulations de l'enfant se fortifient, sa langue se délie, il devient mûr pour l'apprentissage et son ouïe se fait attentive (39)». Le Canon fixe au début de la sixième année la fin de cette étape et le commencement de l'«étape de l'enseignement primaire»: «Lorsqu'il atteint l'âge de six ans, il
faut le présenter à un maître (40).» Nous notons qu'à ce stade, Avicenne ne se soucie d'aucune information de type particulier; tout ce qui l'intéresse ici c'est de former un enfant heureux, en bonne santé physique, mentale et morale. Aussi ses préoccupations sont-elles de trois ordres: Première préoccupation: l'éducation morale de l'enfant, qu'il s'agit de tenir à l'abri de toutes les influences nocives susceptibles de s'exercer sur son âme et ses moeurs.
Deuxième préoccupation:le développement physique et moteur; voici ce qu'Avicenne dit à propos de la nécessité du jeu et du sport: «Lorsque l'enfant se réveille, le mieux est de le baigner, puis de le laisser jouer une heure, de lui donner ensuite une petite collation et de le laisser encore à ses jeux pendant un long moment, enfin de le baigner et de lui servir un repas. Il faut éviter autant que possible de lui donner à boire de l'eau pendant le repas afin que les aliments ne passent pas dans l'organisme à l'état cru avant que n'ait pu se faire la digestion (41).» Le jeu est à cette étape une nécessité dans la vie de l'enfant, qui acquiert par ce biais les diverses compétences physiques et motrices. Il apprend aussi à vivre en société et à tirer profit de cette vie.
Troisième préoccupation: l'affinement du goût et développement affectif. Avicenne s'est en effet intéressé à la musique, qu'il considérait comme nécessaire à l'enfant. Dès le berceau, lui-même s'endormait au son de quelque mélodie. Cela prédispose l'enfant à apprendre la musique par la suite, et cette éducation du goût s'affinera au cours de l'étape suivante où l'élève apprendra la poésie simple, à la prosodie facile, qui ravit son âme et la transporte et l'incite en outre à aimer la vertu.
L'étape de l'enseignement primaire (six à quatorze ans)
Cette étape débute à l'âge de six ans, comme on l'a dit, et s'achève vers l'âge de quatorze ans. Dès qu'ils abordent cette étape de leur vie, les enfants doivent recevoir une éducation plus sérieuse, diminuer petit à petit les jeux et le sport et commencer l'étude organisée. «Jusqu'à l'âge de quatorze ans, [les enfants] doivent petit à petit réduire leurs activités sportives (42).»
Au cours de cette étape, les enfants étudient les «fondements de la culture islamique», à savoir le Coran et la poésie arabe, la calligraphie correspondante et les préceptes islamiques. Cette étape générale est commune à tous les enfants, car les inclinations ne se sont pas encore manifestées et parce que chacun doit obligatoirement assimiler ce tronc commun général de la culture islamique. Après quoi, les penchants se font jour et l'enseignement se spécialise alors en fonction des besoins de chacun.
Avicenne estime qu'il vaut mieux, à cette étape, que l'enseignement soit collectif et non individuel. Il recommande d'éduquer l'enfant au milieu de ses camarades: «Il convient que l'enfant étudie avec des enfants appartenant aux familles illustres ayant de bonnes manières et des habitudes convenables, car un enfant s'instruit plus vite avec un autre, il apprend de lui et y trouve une compagnie. Si on laisse l'enfant seul avec le maître, cela risque de n'être satisfaisant ni pour l'un ni pour l'autre, alors que si le maître va d'un élève à l'autre, le risque de se lasser est moindre, le rythme d'activités est plus soutenu et l'enfant est plus enclin à apprendre et à réussir (43).»
L'étape de l'enseignement spécialisé (à partir de quatorze ans)
L'enfant aborde cette étape après qu'il a assimilé l'enseignement primaire général et que se sont affirmés ses penchants pour les études ou pour l'apprentissage d'un métier et l'entrée dans la vie active. En fonction de ces inclinations, le jeune définit pour lui-même le type d'études ou d'activité professionnelle dans lequel il souhaite s'engager à cette étape supérieure ou spécialisée.
Avicenne insiste ici sur la nécessité de prendre en considération les inclinations de l'élève lorsqu'il s'agit de définir son avenir, ses études et le type de métier auquel il se destine et de ne rien lui imposer qui contrarie ses goûts et ses capacités. Le maître doit savoir que «ce qui est accessible au jeune et qui lui sied, ce n'est pas n'importe quel métier qu'il convoite, mais celui qui s'accorde avec son tempérament et lui convient, et que si les bonnes manières et les métiers pouvaient s'obtenir sur demande et par simple souhait, sans exigence de conformité ni de convenance, alors personne ne serait dépourvu de bonnes manières ni de métier, et les gens seraient unanimes à choisir les manières les plus honorables et les métiers les plus nobles (44).»
Mais quels sont les critères qui permettent de discerner les inclinations éducatives et professionnelles des élèves à cette étape? Et comment le maître fait-il pour orienter l'élève vers un type de discipline scientifique ou de profession qui lui semble lui convenir? Avicenne pense que cela se manifeste directement dans le comportement de l'enfant et son «directeur», qu'il s'agisse du père ou du précepteur, le voit à des signes précis. Concrètement, il suffit à celui-ci, pour se faire une idée, d'observer l'élève. Avicenne juge en revanche difficile de cerner la vraie nature du penchant ou de l'aptitude: «Ces choix ainsi que ces affinités et ces ressemblances ont des causes profondes et cachées qui échappent à l'entendement humain et sont trop subtiles pour être mesurables ou perceptibles; seul Dieu les connaît (45).»
Avicenne a bien vu que les élèves différaient par leurs penchants et leurs capacités et il a jugé nécessaire une orientation pédagogique et professionnelle à cette étape. Sa démarche n'a rien d'étonnant à une époque caractérisée par la prolifération des sciences et des connaissances ainsi que par l'essor des arts et métiers et la multiplication des corps de métiers et des corporations d'artisans.
Il s'est aussi intéressé aux «arriérés mentaux» et aux «idiots» qui ne se prêtent à aucune espèce d'éducation théorique ou pratique. A ceux-là et à leurs semblables, il pense qu'il faut réserver un lieu placé sous le contrôle d'un curateur et assurer la vie et la subsistance à ceux qui sont incurables.
«Il se peut, dit-il, que le tempérament d'un individu soit rebelle à tous les usages et à toutes les bonnes actions et qu'il n'en retienne rien. La preuve en est qu'il y a des gens d'esprit qui, désireux d'éduquer leurs enfants, ont déployé beaucoup d'efforts et dépensé beaucoup de biens à cet effet sans parvenir au but recherché (46).»
Avicenne a clairement préconisé le recours à l'orientation pédagogique et professionnelle. Il avait compris le lien étroit qui existe entre l'éducation et les besoins socio-économiques de la communauté ainsi que le rôle des inclinations et des capacités individuelles dans la définition du type de discipline scientifique ou de métier dans lequel l'élève souhaite se spécialiser et il a fait de l'étape supérieure de l'enseignement celle de la spécialisation. Chaque élève se spécialise dans la science ou l'art dont il veut faire son métier et sa source de revenus dans la vie active. Avicenne avait aussi compris que cette étape de spécialisation ne doit venir qu'après un enseignement général commun auxquels prennent part tous les élèves et au cours duquel ils assimilent les fondements de la culture islamique, avant de développer ensuite leurs qualités et leurs inclinations particulières. C'est sur cette base que repose l'étape de l'enseignement supérieur spécialisé.
LES PROGRAMMES D'ENSEIGNEMENT
Enfants de moins de six ans
Nous avons indiqué qu'à cette étape Avicenne s'intéressait au développement psychomoteur et à l'éducation morale et affective. Tout ce que nous savons, c'est qu'il n'a pas mentionné d'autre programme précis que l'éducation physique et la musique, l'une pour l'éducation de l'enfant et son développement physique et moteur, et pour qu'il acquière par le sport un grand nombre des habitudes morales et mentales, l'autre pour qu'il affine ses sens et élève ses sentiments.
Avicenne prête beaucoup d'attention au jeu, c'est-à-dire à l'exercice physique à cet âge-là, de même qu'à l'âge de l'enseignement primaire. Il nous expose le rôle du sport dans l'éducation, en souligne la nécessité dans la vie de l'enfant, et nous montre que les activités sportives varient en fonction de son âge et de sa capacité: il y en a qui se pratiquent à petite dose, d'autres à forte dose, certaines sont violentes et exigent une force physique particulière, d'autres sont douces, il y en a qui sont rapides et d'autres lentes, certaines sont vives, combinant force et rapidité, d'autres tout en relâchement. Chacun de ces types de sports a son utilité et sa justification dans la vie de l'enfant (47).
Mais il n'y a pas que le jeu et le sport qui aient retenu l'attention d'Avicenne à cette étape; il y a aussi l' «éducation musicale». Nous savons que lui-même était très versé dans ce bel art, à la fois comme compositeur et comme exécutant (48). Aussi est-ce en expert qu'il évoque les sentiments de plaisir, d'extase, de pureté et d'élévation que la musique inspire à l'enfant, en plus du fait qu'elle l'habitue à percevoir la consonance et la dissonance et l'aigu et le grave ainsi que leurs causes. Avicenne parle longuement de musique - de la composition, du rythme et des instruments utilisés (49).
Sport et musique sont donc les deux matières principales du programme d'enseignement à cette étape. Ce sont les deux instruments didactiques qui préparent l'enfant à aborder l' «enseignement primaire» organisé de l'étape suivante, lorsqu'il atteint l'âge de six ans.
Étape primaire (six à quatorze ans)
Les matière enseignées à cette étape sont le Coran, qu'il s'agit d'apprendre par coeur, l'écriture et la lecture ainsi que les fondements de la religion, et un aperçu de la poésie arabe, en plus des activités ludiques et sportives déjà évoquées. «Lorsque les articulations de l'enfant se fortifient, que sa langue se délie, qu'il devient mûr pour l'apprentissage et que son ouïe se fait attentive, il faut commencer à lui faire apprendre le Coran, à lui dessiner les lettres de l'alphabet et à lui inculquer les préceptes fondamentaux de la religion. Il faut lui faire réciter d'abord le rajaz [mètre poétique], puis la qasida [l'ode classique], le rajaz, étant plus facile à dire et à apprendre car son vers est plus court et son mètre plus léger (50).» L'enfant doit étudier d'abord le rajaz, facile à mémoriser.Les vers qu'il apprend doivent décrire les bons usages, vanter le savoir, décrier l'ignorance et la bêtise et inciter à la piété filiale, aux bonnes actions, à l'hospitalité et autres bonnes manières (51). En d'autres termes, la poésie qu'Avicenne souhaite voir présenter à l'enfant au cours de cette étape relève de la littérature édifiante qui contribue à former le jeune et à lui dispenser une éducation morale dans laquelle Avicenne voit le but de l'être humain et la source de son bonheur.
A travers ce programme d'études, Avicenne nous révèle l'attachement de la société de son époque à la culture islamique avec ses composantes fondamentales que sont le Coran, la poésie, les pratiques cultuelles, les préceptes moraux et les croyances. D'autre part, il ne néglige pas le besoin qu'a l'enfant de jouer, de bouger et de se distraire, de sorte que ce programme ne diffère guère de celui qui est dispensé aux enfants de nos jours, si ce n'est par l'accent qu'il met sur «l'apprentissage par coeur du Coran» et par la «priorité absolue qui est accordée à cet apprentissage».
Enseignement supérieur (à partir de quatorze ans)
L'enseignement est ici spécialisé en fonction du métier que le jeune envisage pour l'avenir et dont le choix dépend de ses inclinations et de ses aptitudes. Cet enseignement n'a pas de limite, en ce sens qu'il dure tout au long de la vie. « Lorsqu'il a fini d'apprendre le Coran et de mémoriser les fondements de la langue, on regarde alors ce que l'on veut que soit son métier et on l'oriente dans la filière voulue. S'il [son maître ou son tuteur] décide de l'orienter vers l'écriture, il ajoute à l'étude de la langue celle de l'art épistolaire, de la rhétorique, de la polémique et du dialogue et autres matières semblables, il lui explique le calcul, l'initie par un stage pratique aux choses de l'administration, et prend soin de sa calligraphie; et, si c'est à un autre métier qu'il se destine, il l'oriente en conséquence (52).»
Avicenne divisait l'enseignement de son époque en enseignement théorique et enseignement manuel ou pratique (commerce, bijouterie et autres métiers). Les connaissances pratiques «s'acquièrent par la répétition assidue des gestes de l'art en question (53)» ou par la formation. Quant aux connaissances théoriques, elles s'acquièrent «par un discours qui s'adresse à l'oreille ou à l'intelligence et qui est de nature à susciter une conviction ou une opinion ou à produire une représentation qui n'existait pas (54).» L'enseignement théorique comprend à son tour deux catégories: l'enseignement théorique "transmis" et l'enseignement théorique intellectuel ou philosophique. Chaque enseignement théorique ou pratique - et chaque enseignement transmis ou intellectuel - a ses propres instruments et programmes qui préparent l'individu à se spécialiser dans le domaine concerné. Nous aurions souhaité qu'Avicenne parlât plus longuement des programmes de ces trois types d'enseignement (transmis, intellectuel et professionnel) pour avoir un tableau complet de l'éducation et de ses programmes à l'époque où il vivait. Malheureusement, il ne fait que les signaler, ce qui prouve leur existence, puis il discourt longuement sur les programmes d'enseignement des sciences spéculatives (55).
L'ÉDUCATION DES FILLES
Avicenne parle moins des filles que des garçons. Pourtant, l'éducation a connu au IVe siècle de l'Hégire un grand essor dont les filles ont un peu bénéficié comme en témoignent les noms d'illustres juristes, poétesses et chanteuses de l'époque (56). Peut-être cela est-il dû au fait que la femme, aux yeux d'Avicenne, ne doit pas gagner sa vie comme l'homme et qu'il doit être établi dans son cas que c'est l'homme qui subvient à ses besoins et prend en charge ses dépenses (57).
La femme n'a donc pas besoin comme l'homme d'études spécialisées ou supérieures pour acquérir un métier ou un travail qui sera plus tard son gagne-pain. Ce dont la femme a besoin c'est d'un enseignement qui la prépare comme il convient à être mère, épouse et soeur. Il semble qu'au siècle d'Avicenne, l'usage voulait que cet enseignement soit dispensé au foyer par les proches ou par un maître spécialement affecté à cette tâche. Avicenne paraît avoir approuvé cette méthode individuelle d'éducation des filles et avoir laissé à la famille le soin de leur dispenser la formation morale, religieuse et culturelle qu'elle jugerait appropriée.
LES MÉTHODES D'ENSEIGNEMENT
Méthode d'apprentissage du Coran, de la calligraphie et de la littérature arabe
En Transoxiane, où vivait Avicenne, la calligraphie était enseignée en même temps que le Coran, comme l'explique Ibn Khaldun dans sa Muqaddima (58). Quand Avicenne dit: «Lorsque les articulations de l'enfant se fortifient, que sa langue se délie, qu'il devient mûr pour l'apprentissage et que son ouïe se fait attentive, il faut commencer à lui faire apprendre le Coran et à lui dessiner les lettres de l'alphabet... (59)», il fait sans doute allusion à la façon dont l'écriture était couramment enseignée dans son pays, c'est-à-dire par le dessin sur une tablette en bois: le maître dessinait à l'enfant les lettres de l'alphabet arabe et lui demandait de les apprendre par coeur en les répétant oralement et par écrit jusqu'à en maîtriser complètement l'écriture et la prononciation, avant de passer à l'étape suivante, celle de la formation des mots et des phrases. Après quoi, l'élève commence à écrire sa propre tablette sur laquelle il recopie des versets du Coran qu'il doit mémoriser.
«Lorsque l'enfant atteint l'âge de six ans, il faut le conduire chez deux maîtres (60)», l'un pour lui faire apprendre de la poésie arabe, l'autre pour lui faire apprendre le Coran. «Avicenne estime que le premier doit choisir des poésies faciles par l'expression et la langue, dont les vers soient courts et la prosodie légère, afin que l'élève puisse les comprendre et les retenir facilement. Il doit également veiller à choisir des poèmes qui ont été composés dans un but hautement moral tel que l'éloge des qualités morales et la condamnation des mœurs blâmables car, à cet âge-là, l'enfant est très impressionné par ce qu'il lit et ce qu'il entend» (61).
Méthodes d'éducation morale
Avicenne a montré qu'il avait une grande compréhension des fondements psychologiques de l'éducation morale. Sa démarche à cet égard était double, puisqu'il s'intéressait tout à la fois, d'un part aux moyens incitatifs, tels que le bon exemple, un environnement sain, l'encouragement, la persuasion, la douceur ; aux moyens restrictifs, l'acceptation des remontrances venant d'autrui et les punitions.
Avicenne s'est beaucoup préoccupé des effets nocifs des châtiments corporels et il ne permettait d'y recourir qu'en cas de besoin, estimant que les corrections trop sévères comportaient un élément de vengeance et n'avaient pas l'effet pédagogique recherché (62).
Diversités des méthodes de l'enseignement supérieur
Si l'on examine les informations disponibles sur les méthodes d'enseignement suivies par Avicenne lui-même dans ses cercles d'études ou dans les cours de sciences qu'il donnait à ses élèves, on constate qu'il ne s'en tenait pas à une seule méthode. Tantôt il dictait la leçon à ses élèves, tantôt il discutait avec eux, souvent il leur expliquait, rédigeant des épîtres ou des opuscules pour exposer son point de vue, ou répondre à quelque épître, et recommandait à ses élèves de lire, de faire des recherches et de s'informer, les renvoyant à des ouvrages de référence pour chaque branche du savoir.
La pratique
Une fois que l'élève a choisi la discipline scientifique dans laquelle il va se spécialiser et fait quelque progrès dans cette voie, Avicenne lui recommande de mettre en pratique ce qu'il a appris. S'il a étudié la médecine, il doit s'efforcer d'exercer concrètement ce métier. Et s'il a étudié la littérature, la calligraphie et la composition, il doit s'efforcer de vivre de son savoir.
Ce que veut Avicenne, c'est que l'élève redouble d'empressement pour la science étudiée, qu'il se persuade de plus en plus de ses avantages et parvienne à mieux la maîtriser par l'exercice pratique, en même temps qu'il apprend à compter sur lui-même pour assurer sa subsistance: «Lorsque le jeune a un peu approfondi l'étude d'un métier, il est bon de l'amener à gagner sa vie par ce moyen, car il en tire deux bénéfices: premièrement, s'il goûte au plaisir du gain que procure son art et comprend la richesse qui s'y cache, il en reconnaît l'importance, et ne manque pas d'y exceller et d'en pénétrer tous les secrets et, deuxièmement, il s'habitue à gagner sa vie (63).»
LA FORMATION DU MAÎTRE
Avicenne a compris combien il est important de bien choisir le maître et de lui donner une bonne formation théorique et morale. En effet, le rôle qu'il joue dans l'instruction du jeune ne se réduit pas à la transmission d'informations, car les élèves empruntent à leurs maîtres beaucoup de leurs habitudes, de leurs idées et de leurs valeurs. Aussi Avicenne demande-t-il au
maître d'être un homme de qualité, pénétré des valeurs de la société et des vertus morales afin que les élèves le prennent pour modèle et pour guide: «Le maître doit être un homme de raison et pieux, (...) habile à instruire les enfants, digne et pondéré, étranger à la sottise et à la légèreté, peu enclin à manquer de retenue ou à se laisser aller en présence du jeune, ni renfrogné ni glacial, mais doux et compréhensif, vertueux, propre et droit; un homme qui a servi l'élite de la nation et appris à connaître les principes moraux supérieurs dont elle s'enorgueillit et les usages à observer en société (64).»
Avicenne a donc observé que le maître transmet à l'élève non seulement un savoir, mais aussi les valeurs et les idées auxquelles il croit, ainsi que les vertus et les bonnes manières dont il est imprégné. Et s'il transmet le savoir avec zèle et conscience, les élèves s'approprient ses manières et ses vertus, à son insu et sans effort de sa part, sous l'effet de l'«apprentissage par imitation (65).»
Cet aperçu des conceptions d'Avicenne en matière d'éducation nous révèle un penseur original, qui avait des opinions bien arrêtées sur la question. Il était aussi le chef d'une école philosophique qui a exercé une influence sur l'éducation à la fois dans l'Orient islamique et l'Occident chrétien (66). À ces titres divers, il a encore beaucoup à nous dire et à nous apprendre.
Notes
1. Abdel Rahman Abdel Rahman Al-Naqib (Égypte). Titulaire d'un doctorat en éducation obtenu à l'Université d'Exeter (Grande-Bretagne) en 1980. Il est actuellement professeur et directeur du Département des fondements de l'éducation à l'Université de Mansourah. Il est l'auteur de nombreux articles et ouvrages et a participé à plusieurs conférences locales et internationales sur l'éducation. Ses principales publications, en arabe, ont pour titres: La philosophie de l'éducation chez Avicenne ; La formation théorique et pratique du médecin chez les musulmans; Études sur l'éducation islamique (trois parties); Mesure de l'engagement islamique chez les étudiants et
L'éducation islamique: vocation et parcours (en arabe).
2. A. F. al-Ahwani, Ibn Sina, Dar al-Ma'arif, Le Caire, 1958, p. 17; P. Sa'ad, Ibn Sina al-Faylasuf ba'd Sittmi'a Sana'ala wafatih, Beyrouth, 1937, p. 62.
3. Al-Dhahbi, Siyar A'lam al-Nubala, photocopie, Dar al-Kutub al-Misriyya, n° 12195/2, partie I, p. 119.
4. G.C. Anawati, Mu'allafat Ibn Sina, Le Caire, Dar al-Maarif, 1950.
5. A. Wolf, History of science, technology and philosophy in the sixteenth and seventeenth century, Londres,1935.
6. Aldo Mielli, La science arabe, Leyde, 1938.
7. Rapporté par al-Beyhaqi dans Tarikh Hukama al-Islam, al-Qaft_ dans
Akhbar al `Ulama, et Ibn Khallikan dans Wafayat al A'yan. Ibn Abi Usaybi'a est seul à dire, dans son livre `Uyun al-Anba, qu'il est né en 375H. Une autre source encore indique qu'il est né en 373H.
8. Ibn Usaybi'a, `Uyun al-Anba, Le Caire, Al-Matba'a al-Wahhabiyya, 1299H, vol. II, p. 2
9. Ibid.
10. Al-Beyhaqi, Tarikh Hukama al-Islam, Damas, Matba'at al-Taraqqi, 1946, p. 53.
11. Ibn Usaybi'a, op. cit., p. 3.
12. Ibid.
13. A. Sohiel, Avicenna, his life and works, Londres, Unwin, 1938, 8. 201.A.R. al-Naqib, Falsafat al-Tarbiya`ind Ibn Sina, Le Caire, Dar al-Thaqafa, 1954, p. 38.
14. Ibn Sina, «Risalat al-Quwa al-Insaniyya wa Idrakatuha», dans Majmu' al-Rasa'il, Le Caire, Matba'at Kurdistan al-Ilmiyya, 1328H, p. 212; Tis' Rasa'il fil-Hikma wat-Tabi'iyat, Bombay, Kalzar Husna,1318H, p. 30.
15. Ibn Sina, Al-Najat, Le Caire, Al-Babi al-Halabi, 1357H, p. 158, et
Al-Shifa, Téhéran, Hajar, dir. publ., 1353H, vol. I, p. 294.
16. Ibn Sina, Al-Najat, op. cit., p. 159-163; Al-Isharat wal-Tanbihat, Leyde, 1892, vol. I, p. 125; Al-Shifa, op. cit., vol. I, p. 333. Mohamed Othman Najati, Al-Idrak al-Hissi `ind Ibn Sina, Dar al-Ma'arif, 1961, p. 117.
17. Ibn Sina, Al-Najat, op. cit., p. 164; Risalat al-Quwa al insaniyya wa Idrakatuha, op. cit., p. 215-216.
18. Ibn Sina, Ahwal al-Nafs, A. F. Al-Ahwani (dir. publ.), Le Caire, Dar Ihya al-Kutub al-`Arabiyya, 1371H,p. 108-110. Al-Najat, p. 189 et suiv.
19. Ibn Sina, Al-Shifa, op. cit., vol. I, p. 248-257; Risalat fi Ma'rifat al-Nafs al-Natiqa, A. F. Al-Ahwani (dir. publ.), Le Caire, Dar Ihya al-Kutub al-`Arabiyya, 1371H, p. 183-185.
20. Ibn Sina, Risalat fi Ma'rifat al-Nafs al Nariaq, op. cit., p. 97-98.
21. Ibn Sina, Risalat al-Shifa min Khawf al-Mawt wa Mu'alajat al-Ightimam bihi, dans la collection Jami'al-badi', Le Caire, Matba'at al-Sa'_da, 1335H, p. 37-38.
22. Ibn Sina, Kitab al-Siyasa, sous la dir. de L. Maalouf, Majallat al-Sharq, Le Caire, 1906, p. 1074.
23. Ibn Sina, «'Ilm al-Akhlaq», dans Majmu' al-Rasa'il, op. cit., p. 198.
24. Avicenne, La métaphysique du shifa, trad. G. C. Anawati, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1985, Livre X, chap. 2, p. 175.
25. Ibid., p. 176.
26. Ibid., Livre X, chap. 5, p. 188.
27. Ibid., p. 185
28. Ibn Sina consacre de longs propos à la consultation et aux sciences que doivent maîtriser les «gens de consultation». Voir à ce sujet Al-Majmu' aw al-Hikma al-`Arudhiyya fi Ma'ani Rituriqa, Le Caire, Maktabat al-Nahdha al-Misriyya, 1950, p. 34-42.
29. Ibn Sina, Al-Shifa, vol. I, p. 295.
30. Ibn Sina, Al-Najat, p. 160.
31. Ibn Sina, Al-Isharat wal-Tanbihat, p. 2-3.
32. Ibid., p. 296.
33. Ibn Sina, Kitab al-Siyasa, op. cit., p. 1039.
34. Ibn Sina, Al-Shifa, op. cit., vol. II, p. 565.
35. Abdel Rahman al-Naqib, Falsafat al-Tarbiya ind Ibn Sina,
op. cit., p. 109-112.
36. Ibn Sina, Al-burhan min al-Shifa, Le Caire, Al-matba'a al-amiriyya, 1375H, p. 57.
37. Ibn Sina, Al Qanun, vol. I, Le Caire, Matba'at Bulaq, 1294H, p. 150.
38. Ibid., p. 153.
39. Ibn Sina, Al-Siyasa, op. cit., p. 1034.
40. Ibn Sina, Al Qanun, vol. I, p. 150.
41. Ibid., p. 157.
42. Ibid., p. 158.
43. Ibn Sina, Al-Siyasa, op. cit., p. 1074-1075.
44. Ibid., p. 1075.
45. Ibid., p. 1075.
46. Ibid., p. 1075-1076.
47. Ibn Sina, Al Qanun, vol. I, p. 159.
48. Zakariya Youssef, "Musiqa Ibn Sina", article paru dans Al-Kitab al-Dhahabi lil-Mahrajan al-alfi li Ibn Sina, Le Caire, Matba'at Misr, 1952, p. 123-135.
49. Ibn Sina, Risalat al-musiqa, dans Majmu' al-Rasa'il op. cit., p. 2-12.
50. Ibn Sina, Al-Siyasa, p. 1074.
51. Ibid.
52. Ibid., p. 1075.
53. Ibn Sina, Al-burhan min al-Shifa, op. cit., p. 57.
54. Ibid.
55. Ibn Sina évoque longuement ces sciences dans son livre "Aqsam al-Ulum al-aqliyya", dans Majmu'al-Rasa'il, op.cit.
56. Asma Fahmi, Mabadi'al-Tarbiya al-islamiyya, Le Caire, Lajnat al-Ta'lif wal-Tarjam wal-Nashr, 1366H, p. 148-150.
57. Ibn Sina, Al-Shifa, op. cit., vol. 2 p. 562-563.
58. Ibn Khaldûn, Muqaddima vol. III, Le Caire, Bulaq, 1350H, p. 950
59. Ibn Sina, Al-Siyasa, p. 1074.
60. Ibn Sina, Al-Qanun, vol. I, p. 157.
61. Ibn Sina, Al-Siyasa, p. 1074.
62. Ibid., p. 1074-1075.
63. Ibid., p. 1076.
64. Ibid., p. 1074.
65. Ahmed Zaki Saleh, Al-Usus al-nafsiyya lil-Ta'lim al-thanawi, Le Caire, Al-Nahdha al-misriyya, 1959, p. 401-402.
66. Pour plus de détails au sujet de l'influence qu'Ibn Sina a exercée en Orient et en Occident, voir Abdel Rahman al-Naqib, Falsafat al-Tarbiya ind Ibn Sina, op. cit., p. 156-177.