L'Encyclopédie sur la mort


Quelque pierre que tu soulèves

Paul Celan

«Parler est assimilé ici [dans ce poème] à l'acte de soulever des pierres. Ces pierres sont les pierres tombales qui recouvrent les morts. Le poète parlant, parlant de ces morts, les met à nouveau à nu en les privant ainsi de la protection, de la pudeur que le silence de la tombe leur alloue. Ériger une pierre, une stèle funéraire, c'est paradoxalement arracher les morts à l'anonymat de la fosse commune qui les protège» (John E. Jackson, «Douleur, deuil et mémoire» dans Y. Bonnefoy, dir., La conscience de soi de la poésie, Seuil, 2008, p. 201).

QUELQUE PIERRE QUE TU SOULEVES

Quelque pierre que tu soulèves -
tu dénudes
ceux qui ont besoin de la protection des pierres :
Nus,
ils renouvellent l'entrelacement.

Quelque soit l'arbre que tu abattes
tu menuises
le lit sur lequel
les âmes s'entassent une seconde fois,
comme si cet éon
ne vacillait pas
lui aussi

Quelque parole que tu prononces,
tu la dois
à la perdition.

«La perte est au début comme elle est à la fin, allant même jusqu'à sceller le mode définitif sur lequel le poère peut encore se relier à celle qu'il a perdues entre toutes et qui ne cesse de l'habiter [sans dote sa mère]» (Jackson, op, cit., p. 202)

JE PEUX TE VOIR ENCORE :

un écho,
palpable par mots
tactiles sur l’arête
de l’adieu.

Ton visage s’effarouche sans bruit
lorsque d'un coup
il devient clair comme lampe en moi,
à l’endroit
où l’on dit au plus douloureusement
Jamais.

Contrainte de lumière (Lichtzwang, 1970)
traduit par John E. Jackson, édition José Corti, 2004.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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