Au point de vue quantitatif, la présence de maladies psychiatriques dans le risque suicidaire, relevée par les études effectuées en psychiatrie, nous paraît très élevée et dépasse, à notre avis, la réalité. Elle a tendance à occuper presque toute l'espace de la crise suicidaire. En outre, les chiffres diffèrent considérablement d'une équipe de recherche à l'autre, comme nous nous sommes rendu compte par la lecture de certains rapports d'ordre statistique*. Ci-dessous, nous transmettons les données quantitatives de trois études différentes accueillies dans le même livre, par ailleurs fascinant, publié sous la direction de Philippe Courtet. Celles-ci démontrent comment la médecine et, plus particulièrement, la psychiatrie tendent à devenir très envahissantes dans le champ du traitement de la crise suicidaire. On est en droit de se poser la question si le traitement de la crise* suicidaire est, nécessairement ou de façon prépondérante, réservé à la psychiatrie. Le moins que l'on puisse dire, c'est que des auteurs comme Thomas Szasz* et d'autres s'opposent à la réduction du suicide à la maladie mentale*. Est-ce que toute conduite non conforme aux modèles et aux normes de comportement, de l'homme et de la femme qui régissent la société contemporaine et notamment la science psychiatrique, doit être considérée comme relevant de la maladie mentale? Autrement dit, la soi-disant dépression, dépistée par les psychiatres, ne peut-elle pas être la réaction d'une personne en bonne santé mentale face à une société en crise majeure, financière et éthique? (É.V.)
«Maladies psychiatriques sévères, en particulier, les troubles de l'humeur, l'alcoolisme*, les schizophrénies: le fait de présenter un trouble psychiatrique constitue un important facteur de risque suicidaire, et ce d'autant plus que la pathologie a nécessité une hospitalisation. Les études fondées sur un suivi prospectif montrent que 10 à 15 p. 100 de patients décèdent par suicide. Par ailleurs, 4 p. 100 des suicides surviennent chez des patients hospitalisés en psychiatrie (c'est-à-dire durant l'hospitalisation, lors d'une permission ou dans les 48 heures suivant leur sortie de l'hôpital). Comparativement à des sujets contrôlés issus de la population générale, le risque de suicide est de 6 à 22 fois supérieur chez les sujets souffrant d'un trouble mental avéré.
Les études par "autopsie psychologique" réalisées aux États-Unis et en Europe du Nord (Angleterre, Suède, Finlande) montrent l'existence d'un trouble psychiatrique chez plus de 90 p. 100 des suicides. Les diagnostics les plus fréquemment portés sont ceux de dépression* (50 p. 100), alcoolisme* (30 p. 100), trouble de la personnalité (35 p. 100), schizophrénie (6 p. 100).»
La comorbidité psychiatrique est importante chez les suicidés. Les troubles de la personnalité et les abus de substances sont rarement les diagnostics principaux ou exclusifs mais s'associent fréquemment à celui de la dépression*.»
J.-P. Kahn, «Évaluation spécifique du risque suicidaire» dans P. Courtet, dir. , Suicides et tentatives de suicide, Flammarion, 2010, p. 102.
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«Dans son ouvrage Urgences psychiatriques et intervention de crise, Michel De Clercq rappelait que l'urgence psychiatrique ne se résume pas aux seules urgences de la psychiatrie (c'est-à-dire aux décompensations d'une pathologie mentale), assertion particulièrement pertinente lorsque l'on s'intéresse aux problématiques suicidaires (2). En effet, si maladies mentales et conduites suicidaires restent dramatiquement liées, et que les unes constituent un facteur de gravité des autres, 60 à 70 p. 100 des suicidants s'inscrivent dans un contexte de crise. Contexte dont nous empruntons la définition au même Michel Declerq: "émergence d'une demande urgente et pressante, adressée à des personnes ou structures identifiées comme étant à même d'y répondre, portant sur des besoins psychiatriques, psychologiques ou sociaux, pouvant être exprimée directement par le sujet, les aidants ou les acteurs sociaux et exigeant une réponse immédiate."»
(2) M. De Clercq, Urgences psychiatriques et interventions de crise, Bruxelles, De Boeck Université, 1997, 255 p.
C. Debien et G. Valva, «Urgences psychiatriques et problématiques suicidaires: un rendez-vous à ne pas manquer», P. Courtet, dir., op. cit., p. 265
***************
«Le suicide est la complication d'un trouble psychiatrique. En effet, plus de 90 p. 100 des suicidés avaient une maladie psychiatrique. Près de 60 p. 100 de l'ensemble des suicides surviennent chez des patients présentant un trouble de l'humeur mais seuls 7 p. 100 des déprimés se suicideront.
Quel patient va passer à l'acte suicidaire et quand va-t-il le faire? On n'a pas pu individualiser un facteur clinique prédictif d'un passage à l'acte imminent, cela rend toute prédiction individuelle impossible.»
C. Castelnau, «Prise en charge et évaluation du risque suicidaire en ambulatoire» dans P. Courtet, dir., op. cit., p. 296.
Note: Les caractères gras sont de nous
Les études par "autopsie psychologique" réalisées aux États-Unis et en Europe du Nord (Angleterre, Suède, Finlande) montrent l'existence d'un trouble psychiatrique chez plus de 90 p. 100 des suicides. Les diagnostics les plus fréquemment portés sont ceux de dépression* (50 p. 100), alcoolisme* (30 p. 100), trouble de la personnalité (35 p. 100), schizophrénie (6 p. 100).»
La comorbidité psychiatrique est importante chez les suicidés. Les troubles de la personnalité et les abus de substances sont rarement les diagnostics principaux ou exclusifs mais s'associent fréquemment à celui de la dépression*.»
J.-P. Kahn, «Évaluation spécifique du risque suicidaire» dans P. Courtet, dir. , Suicides et tentatives de suicide, Flammarion, 2010, p. 102.
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«Dans son ouvrage Urgences psychiatriques et intervention de crise, Michel De Clercq rappelait que l'urgence psychiatrique ne se résume pas aux seules urgences de la psychiatrie (c'est-à-dire aux décompensations d'une pathologie mentale), assertion particulièrement pertinente lorsque l'on s'intéresse aux problématiques suicidaires (2). En effet, si maladies mentales et conduites suicidaires restent dramatiquement liées, et que les unes constituent un facteur de gravité des autres, 60 à 70 p. 100 des suicidants s'inscrivent dans un contexte de crise. Contexte dont nous empruntons la définition au même Michel Declerq: "émergence d'une demande urgente et pressante, adressée à des personnes ou structures identifiées comme étant à même d'y répondre, portant sur des besoins psychiatriques, psychologiques ou sociaux, pouvant être exprimée directement par le sujet, les aidants ou les acteurs sociaux et exigeant une réponse immédiate."»
(2) M. De Clercq, Urgences psychiatriques et interventions de crise, Bruxelles, De Boeck Université, 1997, 255 p.
C. Debien et G. Valva, «Urgences psychiatriques et problématiques suicidaires: un rendez-vous à ne pas manquer», P. Courtet, dir., op. cit., p. 265
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«Le suicide est la complication d'un trouble psychiatrique. En effet, plus de 90 p. 100 des suicidés avaient une maladie psychiatrique. Près de 60 p. 100 de l'ensemble des suicides surviennent chez des patients présentant un trouble de l'humeur mais seuls 7 p. 100 des déprimés se suicideront.
Quel patient va passer à l'acte suicidaire et quand va-t-il le faire? On n'a pas pu individualiser un facteur clinique prédictif d'un passage à l'acte imminent, cela rend toute prédiction individuelle impossible.»
C. Castelnau, «Prise en charge et évaluation du risque suicidaire en ambulatoire» dans P. Courtet, dir., op. cit., p. 296.
Note: Les caractères gras sont de nous