La lettre de L'Agora
une agora, une encyclopédie
Volume 16 - Numéro 4
Noël – Révolution tranquille
– Politique et élections américaines – Nouvelle
Hiver 2025
Il n’est pas trop tard pour saisir l’esprit de Noël après le 25 décembre, puisque la célébration de
la Nativité, dans la tradition catholique du moins, se poursuit jusqu’à l’Épiphanie, ou plus
communément appelée le jour des Rois. C’est le sens même de Noël que Georges-Rémy Fortin a voulu
dégager en rappelant ce qu’en disait Thomas d’Aquin dans de belles pages. Or Noël, censé célébrer un
Dieu incarné, se réconcilie mal, comme le note Jacques Dufresne, avec la fascination de notre époque
pour l’Intelligence artificielle, qui propage l’idée que le cerveau humain fonctionnerait à la
manière d’un superordinateur. Le temps de Noël est aussi propice à la réflexion sur nos besoins et
sur le désir, lequel, selon Yan Barcelo, peut nous entraîner vers le divin.
Pour commencer l’année 2025, année jubilaire, quatre textes interrogent, chacun à sa manière, la
question de la transmission dans un Québec « postcatholique » qui s’enorgueillit encore d’avoir fait
sa « Révolution tranquille », avec pertes et profits. Jean-Philippe Trottier ouvre
la discussion en partant de l’idée, que confirmeraient certaines enquêtes d’opinion, que les
Québécois auraient atteint un certain état de bonheur. Un bonheur apparent et trompeur selon
Trottier, qui cache une « douloureuse aliénation » que la Révolution tranquille n’aurait pas
effacée. Richard Lussier, pour sa part, propose une méditation faite à partir du texte de Pierre
Vadeboncoeur, Les deux royaumes, qui renvoie à l’idéal qui a inspiré plusieurs révolutionnaires
tranquilles et que les métamorphoses rapides du Québec ont ensuite délaissé. Dans une Lettre à mon
fils, Jacques Larochelle revient également sur l’essai de Vadeboncoeur et tire quelques leçons à
suivre pour faire face à l’incessant roulement des choses et des êtres de notre temps. Enfin, Gilles
McMillan sort de l’oubli la condamnation posthume et expéditive dont le cinéaste Claude Jutra,
soupçonné de pédophilie, a fait l’objet et à laquelle le réalisateur Jean-Claude Coulbois a consacré
le film documentaire Onze jours en février. Le Québec postlyrique semble entretenir quelques
rapports troubles avec la mémoire collective.
Sur le plan politique, l’année 2025 sera sûrement marquée par l’avènement à la présidence américaine
de Donald Trump, qui sera assermenté le 20 janvier pour un deuxième mandat de quatre ans. Cependant,
si Donald Trump a paru s’entourer d’oligarques pour le conseiller et mener ses politiques, certains
d’entre eux semblent cultiver une ambition intellectuelle, comme Peter Thiel, ainsi que le remarque
Jacques Dufresne, qui s’est avéré un lecteur de René Girard. De même, dans l’entourage du
vice-président, JD Vance, se profilent des intellectuels catholiques, dits « postlibéraux ». Marc
Chevrier a brossé un portrait critique des idées de l’un d’eux, Patrick Deneen, politiste de
l’université Notre-Dame dont les deux derniers livres ont élaboré la plateforme philo-politique
d’une démocratie chrétienne à l’américaine. Avec la réouverture en grandes pompes de
Notre-Dame-de-Paris au début de décembre 2024, la France a également capté l’attention du monde,
mais sans pouvoir cacher la misère de son système politique, frappé d’une crise persistante depuis
les législatives anticipées de l’été 2024. Marc Chevrier nous présente ainsi le régime politique
français comme une forme de parlementarisme empêché. Tandis que les États et les nations n’échappent
pas, comme les hommes, aux aléas de l’histoire, il est à-propos, selon Georges-Rémy Fortin, de lire
ou de relire le petit essai que la philosophe Édith Stein a publié en 1925 sur l’État et qui en
saisit l’essence.
Les forces contraires qui agitent notre époque peuvent toutefois, à une échelle interindividuelle,
former une source de rapprochement entre deux êtres qui se croient trop différents pour s’aimer, ce
que nous raconte Nicolas Bourdon dans sa nouvelle « À la saison des fleurs
».
Bonne et heureuse année 2025!
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Noël
Noël, l’incarnation, l’IA
Jacques Dufresne
L’idée que l’IH (intelligence humaine) fonctionne comme un ordinateur semble être devenue à ce point la norme qu’on a cru nécessaire de créer un nouveau mot pour désigner la vieille intelligence perdue : cognition incarnée.
Noël selon saint Thomas d'Aquin
Georges-Rémy Fortin
La nuit de Noël est le moment où le petit enfant qui se montre est encore le Dieu caché, bien au chaud dans la crèche, entouré de Marie, Joseph et des bergers. C’est le moment de l’intimité, de la famille et de l’amitié, où se révèle quelque chose de fragile qui doit ensuite être transmis au monde entier.
Il n’y a désir que de Dieu
Yan Barcelo
Force mystérieuse que le désir. Il est le moteur essentiel de notre destin. C’est une soif d’absolu. Une soif que nous demandons aux choses d’assouvir, mais qu’elles ne peuvent. Là réside le paradoxe et le danger du désir : vouloir imposer au monde relatif un ordre absolu.
Retour sur la Révolution tranquille
La Révolution tranquille ou le catapultage vers le même
Jean-Philippe Trottier
Selon les sondages, nous serions dans le peloton de tête des sociétés heureuses. Le Québec va donc mal selon une lecture officielle mais « ça va bien aller ». Sommes-nous donc un peuple schizophrène et, au-delà, un peuple indéchiffrable, indéfinissable?
Dégénérations
Richard Lussier
À l’occasion du bel hommage que les collègues, anciens étudiants et amis ont offert au professeur de philosophie Daniel Tanguay à l’Université d’Ottawa en septembre 2024, on a fait référence à un de ses articles publié en 2003 dans la revue Mens et dont le titre est Une question sacrilège de Pierre Vadeboncœur. La lecture de cet article et du livre de Vadeboncœur auquel cet article fait référence, soit Les deux royaumes, a jeté un nouvel éclairage sur ma perception de la Révolution tranquille.
Lettre à mon fils
Jacques Larochelle
«Je voudrais t’entretenir, en jetant un peu de lumière sur l’homme que j’étais dans l’époque où j’ai grandi et sur l’homme que tu es devenu dans le temps de ton propre développement.»
Dialogues dans une tempête
Gilles McMillan
Dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui l’affaire Jutra, dont rend compte admirablement le film documentaire de Jean-Claude Coulbois, Onze jours en février, c’est un euphémisme de dire que le ressentiment de la foule s’est vite emparé des esprits. Quelques paragraphes dans la biographie de Claude Jutra par Yves Lever (1942-2020) alléguant la pédophilie du réalisateur, relayés par des médias et des réseaux sociaux déchaînés, ont soulevé une tempête qui conduisit à un véritable naufrage. Le naufrage de quel vaisseau au juste, de quel équipage ?
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Politique et élections américaines
Trump, les oligarques et l’anthropologue René Girard
Jacques Dufresne
Dans un entretien avec Daniel Lance, Peter Thiel a présenté Girard comme «one of the last great generalists», en précisant qu’on mettra encore du temps à prendre sa juste mesure. L’influence de Thiel sur Trump et l’ensemble du parti républicain est déjà considérable. Dans quelle mesure est-ce aussi celle de Girard?
Du postlibéralisme aux États-Unis. La démocratie chrétienne de Patrick Deneen
Marc Chevrier
Quoi que l’on pense des idées de Patrick Deneen, elles compteront vraisemblablement, pour les temps à venir, parmi la boite à outils des républicains américains. Quel usage en feront-ils, quelle influence réelle exerceront-elles sur l’entourage qui conseillera l’administration Trump ? Cela reste à voir. Toujours est-il qu’elles sont le signe qu’une partie des catholiques américains a senti l’appel de la cité terrestre.
La France et son parlement empêché
Marc Chevrier
Là où en Europe, on voit un président élu côtoyer un premier ministre responsable devant la chambre nationale, comme en Finlande, au Portugal et en Autriche, on a dû se résoudre à limiter ou à abaisser la fonction présidentielle pour consolider l’autorité du premier ministre. La France a suivi le chemin inverse, soit empêcher son parlement, et donc son premier ministre, pour conserver la grandeur et l’immunité présidentielles.
La souveraineté de l’État et la conscience nationale selon Edith Stein
Georges-Rémy Fortin
Édith Stein est une philosophe singulière autant par son itinéraire intellectuel que par sa vie qui s’est conclue dans l’horreur d’Auschwitz. Un petit texte d’elle est peu connu et mérite qu’on s’y arrête. Il s’agit de De l’État, publié en 1925, à l’époque où Stein appartenait encore pleinement au courant phénoménologique de Husserl.
Nouvelle
À la saison des fleurs
Nicolas Bourdon
Elle n’attendait plus grand-chose de l’amour. Simplement un peu de tendresse et de compagnie pour ne pas avoir à supporter la vie seule. Elle avait été en couple pendant douze ans avec un comptable agréé qui avait beaucoup plus de talent pour compter que pour aimer.
