L'Encyclopédie sur la mort


Maeterlinck Maurice

Maeterlinck MauriceMaurice Polydore Marie Bernard Maeterlinck, né le 29 août 1862 à Gand (Belgique) et décédé le 5 mai 1949 à Nice (France), est un écrivain dramaturge, poète et essayiste philosophique belge d'orgine flamande, mais d'exprerssion francophone. En 1911, le Prix Nobel de Littérature lui est attribué pour L'Oiseau bleu, 1909.

Pelléas et Mélisande
, 1892

L'intrigue est simple et archaïque. Lors d’une partie de chasse, Golaud, prince du royaume d’Allemonde, se perd dans la forêt et rencontre au bord d’une fontaine une « petite fille en pleurs », désolée d’une mort déjà annoncée. Golaud la prend pour femme et la ramène au royaume d’Allemonde, sans connaître rien de son passé. Pelléas, demi-frère de Golaud, ne tarde pas à succomber au charme de Mélisande et les deux jeunes gens s’avouent mutuellement leur amour. «Tu es si belle, lui dit Pelléas, qu'on dirait que tu vas mourir.» Golaud les surprend et, sous l’emprise d’une jalousie délirante, Golaud surgit par derrière un arbre et, «parce que c’est l’usage», dit-il, frappe de son épée Pelléas qui tombe près de la fontaine, tandis que Mélisande s'enfuit légèrement blessée.
Elle donnera naissance à une petite fille dont le destin s’annoncera tragique. Vous ne savez pas ce que c'est que l'âme», soupire le vieux roi Arkel, aïeul de Golaud. au chevet de Mélisande. C’est pendant ce discours que Mélisande meurt discrètement. «Je n’ai rien vu…je n’ai rien entendu…Si vite, si vite…tout d’un coup…Elle s’en va sans rien dire» se lamente le vieillard. En profond désarroi, les personnages de ce drame se taisent ou s’expriment dans des paroles vagues ou obscures. « Je ne sais pas ce que je dis », s’avoue Mélisande. Ces êtres au destin incertain semblent se mouvoir dans un ailleurs de ce monde. Ils n’agissent pas, au contraire ils sont agis et subissent leur sort en silence.
Peu de choses sont dites tout au long de la pièce, tout n'est que suggéré. Maeterlinck disait d'ailleurs dans le Trésor des humbles que «le silence est l'élément dans lequel se forment les grandes choses, pour qu'enfin elles puissent émerger, parfaites et majestueuses, à la lumière de la vie qu'elles vont dominer.» (Bibliotheca. Dans l’univers des livres : «Maeterlinck- Pelléas et Mélisande» http://bibliotheca.skynetblogs.be)

La mystique de Maeterlinck est portée vers le silence
La valeur symbolique du silence, qui sourd des profondeurs de l'âme flamande, archaïque et mystique, a été promue par Maeterlinck lui-même dans un de ces écrits servant de témoignage: «La parole est du temps, le silence de l'éternité. Il ne faut pas croire que la parole serve jamais aux communications véritables entre les êtres. Les lèvres ou la langue peuvent représenter l'âme de la même manière qu'un chiffre ou un numéro d'ordre représente une peinture de Memlinck, par exemple, mais dès que nous avons vraiment quelque chose à nous dire, nous sommes obligés de nous taire ; et si, dans ces moments, nous résistons aux ordres invisibles et pressants du silence, nous avons fait une perte éternelle que les plus grands trésors de la sagesse humaine ne pourront réparer, car nous avons perdu l'occasion d'écouter une autre âme et de donner un instant d'existence à la nôtre ; et il y a bien des vies où de telles occasions ne se présentent pas deux fois …
Nous ne parlons qu'aux heures où nous ne vivons pas, dans les moments où nous ne voulons pas apercevoir nos frères et où nous nous sentons à une grande distance de la réalité. Et dès que nous parlons, quelque chose nous prévient que des portes divines se ferment quelque part. Aussi sommes-nous très avares du silence, et les plus imprudents d'entre nous ne se taisent pas avec le premier venu.

L'instinct des vérités surhumaines que nous possédons tous nous avertit qu'il est dangereux de se taire avec quelqu'un que l'on désire ne pas connaître ou que l'on n'aime point ; car les paroles passent entre les hommes, mais le silence, s'il a eu un moment l'occasion d'être actif, ne s'efface jamais, et la vie véritable, et la seule qui laisse quelque trace, n'est faite que de silence. Souvenez-vous ici, dans ce silence auquel il faut avoir recours encore, afin que lui-même s'explique par lui-même ; et s'il vous est donné de descendre un instant en votre âme jusqu'aux profondeurs habitées par les anges, ce qu'avant tout vous vous rappellerez d'un être aimé profondément, ce n'est les paroles qu'il a dites, ou les gestes qu'il a faits, mais les silences que vous avez vécus ensemble ; car c'est la qualité de ces silences qui seule a révélé la qualité de votre amour et de vos âmes.
Je ne m'approche ici que du silence actif, car il y a un silence passif qui n'est que le reflet du sommeil, de la mort ou de l'inexistence. C'est le silence qui dort ; et tandis qu'il sommeille, il est moins redoutable encore que la parole ; mais une circonstance inattendue peut l'éveiller soudain, et alors c'est son frère, le grand silence actif, qui s'intronise. Soyez en garde. Deux âmes vont s'atteindre, les parois vont céder, des digues vont se rompre, et la vie ordinaire va faire place à une vie où tout devient très grave, où tout est sans défense, où plus rien n'ose rire, où plus rien n'obéit, où plus rien ne s'oublie … Et c'est parce qu'aucun de nous n'ignore cette sombre puissance et ses jeux dangereux que nous avons une peur si profonde du silence. Nous supportons à la rigueur le silence isolé, notre propre silence : mais le silence de plusieurs, le silence multiplié, et surtout le silence d'une foule est un fardeau surnaturel dont les âmes les plus fortes redoutent le poids inexplicable. Nous usons une grande partie de notre vie à rechercher les lieux où le silence ne règne pas. Dès que deux ou trois hommes se rencontrent, ils ne songent qu'à bannir l'invisible ennemi, car combien d'amitiés ordinaires n'ont d'autres fondements que la haine du silence ? Et si, malgré tous les efforts, il réussit à se glisser entre des êtres assemblés, ces êtres tourneront la tête avec inquiétude, du côté solennel des choses que l'on n'aperçoit pas, et puis ils s'en iront bientôt, cédant la place à l'inconnu, et ils s'éviteront à l'avenir, parce qu'ils craignent que la lutte séculaire ne devienne vaine une fois de plus, et que l'un d'eux ne soit de ceux, peut-être, qui ouvrent en secret la porte à l'adversaire.» (Maurice Maeterlinck,
Le Trésor des humbles, Paris, Mercure de France, 1896 )

Propos sur la mort
«Accoutumons-nous à considérer la mort comme une forme de vie que nous ne comprenons pas encore. Apprenons à la voir du même oeil que la naissance. Il est tout à fait raisonnable et légitime de se persuader que la tombe n'est pas plus redoutable que le berceau.» (cité par Robert Sabatier, Dictionnaire de la Mort, op. cit., p. 348)

Musique
De Pelléas et Mélisande, Claude Debussy créera un opéra lyrique, en cinq actes et 19 tableaux, qui deviendra un grand succès. Malheureusement, les rapports entre Maeterlinck et Debussy finissent par se détériorer, malgré leurs affinités esthétiques et mystiques. Le compositeur n’aurait pas suffisamment respecté le texte du dramaturge, selon la conviction de ce dernier.

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10

Notes

Pour d'autres informations sur Maeterlinck et plus particulièrement sur Pelléas et Mélisande de Dubussy , consulter : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Maurice_Maeterlinck

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