L'Encyclopédie sur la mort


Elckerlyc (Everyman)

Dans son Homulus (1536), adaptation latine d'Elckerlyc, un humaniste de Maastricht nommé Ischyrius, reconnaît dans l'auteur du texte originel, écrit en moyen néerlandais, un moine flamand que l'on identifiera plus tard à Petrus Dorlandus (1454-1507) de Diest, ville située dans la province du Brabant en Belgique*, vicaire des Chartreux à Zeelhem.

Historique
Elckerlyc,
qui signifie «Tous et chacun»,«Chacun de nous», «Monsieur chacun», «Tout-Homme», emprunte au récit Barlaan et Josaphat des thèmes que l'auteur Pierre Dorlant (Petrus Dorlandus) aurait connus grâce au Speculum historiale de Vincent de Beauvais.

Au début du 20° siècle, Elckelyc, ainsi que les précautions à prendre en vue de la mort et de l'au-delà, suscitent un nouvel intérêt. Effectivement en 1911, Hugo von Hofmannsthal crée en allemand Jedermann à partir de l'Everyman anglais (1491) et de la Comedi vom Strebend reichen Menschen (Comédie du mourir d'un homme riche) de Hans Sachs (1549).

En 1927, Prosper Thuysbaert publie un Elckerlyc français (Mystère liturgique et allégorique en un acte (Paris, André Blot, Les Cahiers du théâtre chrétien, 1927), adaptation libre du vieux flamand. Voir Laffont-Bompiani, Dictionnaire des personnages littéraires et dramatiques de tous les temps et de tous les pays, article «Jedermann», Société d'édition de dictionnaires et encyclopédies, 1970, p. 336.

Elckerlyc. Moralité du XVe siècle par Petrus Van Diest, (1937) est une adaptation moderne et française par Herman Teirlinck. Everyman. 15 th Century morality est une adaptation moderne et anglaise par John Arden, Bruxelles-Paris, Éditions O. Perrin, « Le Théâtre belge / The Belgium Theatre » n° 1, 1955, 48 p. «Le Paysan qui meurt» (De boer die sterft, 1915 est une version modernisée de l’Elckerlijc médiéval, nouvelle extraite du recueil De bestendige aanwezigheid (La présence perpetuelle), 1918, traduite du néerlandais par Herman Teirlinck. Bruxelles, Éditions de La Sixaine. Le Paysan qui meurt est une transposition dramatique adaptée pour la scène ou pour la radio, texte français de Herman Teirlinck, dans Théâtre de Belgique n° 8, février 1956.

«A la fin du 15e siècle, fut créée la pièce Everyman, courte oeuvre anglaise anonyme de 922 vers, archétype de la moralité. Ce genre théâtral, qui apparut au soir du Moyen Age, était encouragé par les autorités religieuses et laïques car, à travers son aspect ludique, amusant et attractif, il enseignait au peuple des valeurs morales et sociales favorables à l'ordre établi et à l'idéal recherché dans le monde occidental chrétien. S'inscrivant dans la tradition littéraire de l'Ars Moriendi du 15e siècle (terme tiré de l'ouvrage le plus populaire de ce genre qui fut publié en Hollande dans les années 1460 et traduit en anglais par Caxton en 1491), Everyman, au moyen de son héros allégorique symbolisant tout être humain, enseigne à son public la voie à suivre pour mourir l'âme en paix et se voir accorder l'entrée au Paradis. (Aimeric Vacher, «L'Ars Moriendi à travers la pièce Everyman»,

Thématique
Everyman
est une moralité ancrée dans son temps. Elle tente, à travers le destin d'un homme, de rendre la mort acceptable tout en enseignant à son public la bonne manière pour ne pas en être effrayé. Loin d'être un illuminé suivant aveuglément les préceptes de l'Eglise, l'auteur fait montre d'un certain sens de la critique et de la réflexion. D'une part, il est à même de résoudre efficacement des paradoxes tout en les expliquant avec facilité. D'autre part, il dénonce de manière évidente la vente des indulgences qui mine l'Eglise.» (Aimeric Vacher, op. cit.)

Elckerlyck «porte sa propre mort et danse sa vie durant avec elle» et exprime «le contraste formé par la joie de vivre et l'arrivée brutale de la mort» (Ivan Illich, Némesis médicale. L'expropriation de la santé, Paris, Seuil, 1975, p. 173).

«Le jeu est construit autour de dialogues de divers personnages allégoriques: certains d'entre eux se détournent d'Eckerlyc dès l'instant où ils se rendent compte de ce qui va bientôt lui arriver [...]. D'autres encore, négligés depuis de nombreuses années, sont incapables d'intervenir (Vertu). Parce qu'il est réceptif aux influences positives, Elckerlyc arrive cependant à la fin à se préparer à la mort. C'est ainsi que l'ange qui accueille son âme au ciel peut constater que son compte est «pur et sans tache» et que ses péchés sont pardonnés. (Anthologie en langue française, sous la direction de Jean-Claude Polet, préface de Claude Pichois, Patrimoine Littérature Européen 6, Prémices de l'humanisme (1400-1515), De Boeck Université http://universite.deboeck.com/livre, p.552-553)

Contenu
Dieu se plaint de la perversion des humains. Il convoque la Mort: Elckerlyc, représentant en quelque sorte Monsieur-tout-le- monde, devra rendre compte de sa vie. Il reçoit le mandat d'entreprendre un pèlerinage qui le mènera à la mort. Il tente vainement de ruser avec la Mort qui n'accepte aucun retard. Il a pourtant le droit de se trouver un compagnon de route. Il fait appel à Gheselscap (compagnons), à Maghe et Neve (parents et amis) et à Tgoet (ses possessions), mais ceux-ci refusent lorsqu'ils apprennent la destination du voyage. Duecht (vertu) est très faible, mais sa soeur Kennisse (connaissance de soi) amène Elckerlyc auprès de Biechte (confessions). Faisant pénitence, Elckerlyc restaure les forces de Duecht (vertu). Accompagné par Schoonheyt (beauté), Cracht (force), Vroetscap (sagesse) et les Vijf Sinnen (cinq sens), il se met en route. Rendu à la fin devant sa tombe ouverte, ses compagnons l'abandonnent. Seules Dueght (vertu) et Kennisse (connaissance de soi)vont avec lui au ciel.

Arts
Le premier festival de Salzbourg s'est ouvert le 22 août 1920 par une représentation du Jedermann de Hugo von Hofmannstahl sur la place devant la Cathédrale, sous la direction de Max Reinhardt. Depuis, le festival commence, à chaque année, par une représentation de cette pièce sur la même place. Gardant la même visée fondamentale, la trame de cette pièce diffère considérablement du jeu de moralité d'Elckerlyc: http://fr.wikipedia.org/wiki/Jedermann

Traduction française: Hugo von Hofmannsthal, Jedermann, théâtre traduit de l'allemand (Autriche) par Daniel Hurstel, Préface de Jean-Yves Masson, Postface de l'auteur traduite par Fedora Wesseler, Lagrasse, Verdier/poche, 2010.
Extrait de la préface: «Bien loin d'être une référence érudite ou un plaisir de lettré, la reprise du thème d'Éverymann enrichi de toute la tradition allemande qui va de l'héritage des drames du Moyen Âge jusqu'à la profusion de pièces allégoriques produites durant la période où s'épanouit le drame baroque étudié par Walter Benjamin*, est la conséquence d'un investissement poétique extrêmement profond, touchant aux sources inconscientes de sa création; [...]. Investissement si profond, donc, que huit années furent nécessaires pour que la pièce prît sa forme définitive.» (op. cit., p. 13-14)

IMAGE
Ellen Vogel, Ank van der Moer et Han Bentz van den Berg. Présentation de Elckelyc en 1953.
Foto: Lemaire en Wennink/MAI. Collection de «Theater Instituut Nederland».

 
 
 

 

 
 
 
 

















Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-18

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