Ce texte théâtral est «la conséquence d'un investissement poétique extrêmement profond, touchant aux sources inconscientes de sa création; ainsi les scènes de dialogue avec la mère et l'amante sont-elles parmi les pages de son oeuvre où Hofmannsthal a transposé de la façon la plus ouverte ses combats intérieurs contre le monstre du désir.» (Jean-Yves Masson, «Préface» de Hugo von Hofmannsthal, Jedermann, Lagrasse, Verdier/poche, 2010, p. 14)
L'HOMME: Je suis bon chrétien, j'écoute les sermons, je fais l'aumône et je suis célibataire.
LA MÈRE DE L'HOMME: Mais quand retentiront les trompettes du Jugement, tu devras rendre compte à Dieu de toutes tes richesses. Il en ira d'une mort éternelle ou d'une vie éternelle. Mon fils, il est certes difficile de mourir, mais se perdre à jamais est tellement plus terrible.
L'HOMME: J'ai à peine quarante ans; personne ne me forcera à délaisser les plaisirs d'ici-bas.
LA MÈRE DE L'HOMME: Pourquoi ne pas ouvrir les yeux, l'Homme? Ne vois-tu pas la mort qui peut arriver à tout instant?
[...]
La mère s'en va. L'amante arrive, suivie de musiciens et d'enfants portant des torches
L'HOMME: Voici ma délicieuse maîtresse, vers qui mon coeur se tend avec désir. Elle est entourée de musiciens et vient me chercher.
L'AMANTE: Il faut chercher celui que tous désirent et qui se laisse désirer. C'est avec cymbales et torches que je le conduis vers son devoir.
L'HOMME: Ton éclat rend bien pâles les lumières des torches, tes mots sont plus doux que le son de la flûte. Ils sont à cette heure un baume pour mes plaies.
[...]
LE CORYPHÉE: Un ami nous a invité. Il s'appelle l'Homme. L'Homme est d'une belle prestance, il a une douce amie, alors pourquoi résisterions-nous? Il nous a invités et nous voici.
TOUS: Levez-vous tous, allons danser! Musiciens, rejoignez-nous, nous sommes tous invités à danser ici. Rassemblons-nous, ne soyons pas timides, pas de retenue, vous avez suffisamment observé et admiré. À présent enlaçons-nous et honorons la danse. Mettez-vous par couple selon vos désirs et que chacun, le sang et l'humeur échauffés, laisse éclater cette fête!
L'HOMME: Soyez-tous les bienvenus, entourez-moi tous pour un dernier adieu.
UNE DEMOISELLE: Voici un salut bien étrange.
LE COUSIN GRAS: Mon cher cousin l'Homme, quelle curieuse façon de nous accueillir, que vous arrive-t-il?
L'AMANTE: Que se passe-t-il? Qu'est-ce qui te préoccupe?
[...]
L'HOMME: Ils portent tous un linge blanc comme un linceul.
L'AMANTE: Qu'est-ce qui te prend? Es-tu malade?
L'HOMME: Une pensée incongrue! Je vais prendre un verre de vin, il dissipera les humeurs.
L'AMANTE: Reste assis et dis-leur un mot aimable.
L'HOMME: Vous autres, êtes-vous où vous devez être? Vous me semblez tous si étrangers!
LA MÈRE DE L'HOMME: Mais quand retentiront les trompettes du Jugement, tu devras rendre compte à Dieu de toutes tes richesses. Il en ira d'une mort éternelle ou d'une vie éternelle. Mon fils, il est certes difficile de mourir, mais se perdre à jamais est tellement plus terrible.
L'HOMME: J'ai à peine quarante ans; personne ne me forcera à délaisser les plaisirs d'ici-bas.
LA MÈRE DE L'HOMME: Pourquoi ne pas ouvrir les yeux, l'Homme? Ne vois-tu pas la mort qui peut arriver à tout instant?
[...]
La mère s'en va. L'amante arrive, suivie de musiciens et d'enfants portant des torches
L'HOMME: Voici ma délicieuse maîtresse, vers qui mon coeur se tend avec désir. Elle est entourée de musiciens et vient me chercher.
L'AMANTE: Il faut chercher celui que tous désirent et qui se laisse désirer. C'est avec cymbales et torches que je le conduis vers son devoir.
L'HOMME: Ton éclat rend bien pâles les lumières des torches, tes mots sont plus doux que le son de la flûte. Ils sont à cette heure un baume pour mes plaies.
[...]
LE CORYPHÉE: Un ami nous a invité. Il s'appelle l'Homme. L'Homme est d'une belle prestance, il a une douce amie, alors pourquoi résisterions-nous? Il nous a invités et nous voici.
TOUS: Levez-vous tous, allons danser! Musiciens, rejoignez-nous, nous sommes tous invités à danser ici. Rassemblons-nous, ne soyons pas timides, pas de retenue, vous avez suffisamment observé et admiré. À présent enlaçons-nous et honorons la danse. Mettez-vous par couple selon vos désirs et que chacun, le sang et l'humeur échauffés, laisse éclater cette fête!
L'HOMME: Soyez-tous les bienvenus, entourez-moi tous pour un dernier adieu.
UNE DEMOISELLE: Voici un salut bien étrange.
LE COUSIN GRAS: Mon cher cousin l'Homme, quelle curieuse façon de nous accueillir, que vous arrive-t-il?
L'AMANTE: Que se passe-t-il? Qu'est-ce qui te préoccupe?
[...]
L'HOMME: Ils portent tous un linge blanc comme un linceul.
L'AMANTE: Qu'est-ce qui te prend? Es-tu malade?
L'HOMME: Une pensée incongrue! Je vais prendre un verre de vin, il dissipera les humeurs.
L'AMANTE: Reste assis et dis-leur un mot aimable.
L'HOMME: Vous autres, êtes-vous où vous devez être? Vous me semblez tous si étrangers!