L'Encyclopédie sur la mort


Mort (La) d'amour et l'amour de la mort

Philippe Walter

«L'extrême fascination exercée par la légende tristanienne sur toute la civilisation occidentale tient à des raisons à la fois sociologiques, psychologiques et littéraires. L'amour impossible de l'orphelin Tristan pour une reine d'Irlande qui deviendra l'épouse de son oncle est devenu le "best-seller" de toutes les histoires d'amour. Cette légende contient, à vrai dire, les ingrédients indispensables des histoires à succès. L'élan d'une passion irrépressible, des aventures héroïques et des exploits surhumains (des combats contre des monstres), le merveilleux ramené à des normes humaines (une boisson d'amour aux effets magiques), des personnages qui vont jusqu'au bout de leur destin (la mort d'amour et l'amour au-delà de la mort) et surtout l'art ingénieux et subtilement subversif des auteurs qui ont "conté de Tristan", tout cela s'est uni dans le creuset mystérieux d'une tradition qui n'a certainement pas fini d'évoluer. Car le mythe tristanien n'est pas mort. Il continue de vivre, métamorphosé en des formes narratives diverses. L'exaltation des amours tragiques répondrait-elle à un secret besoin de malheur existant chez tout être humain ou à d'inavouables fantasmes suicidaires?» («Philippe Walter, «Préface», Tristan et Iseut. Les poèmes français. La saga norroise, Textes originaux et intégraux présentés, traduits et commentés par Daniel Lacroix et Philippe Walter, Paris, Le livre de poche, «Lettres gothiques», 1998, p. 7).
Textes et manuscrits
Le roman de Tristan par Béroul est certainement le plus ancien de tous es fragments tristaniens. On situe sa composition entre 1150 et 1190. il raconte les épisodes qui vont de la rencontre clandestine de Tristan et d'Yseut, épiée par le roi Marc jusqu'à la mort infligée aux trois barons calomniateurs par Tristan après le serment ambigu d'Yseut devant la justice.

Le roman de Tristan par Thomas est daté, avec plus de sûreté, de 1173, il inspira Gottfried de Srasbourg pour son adaptation allemande du roman de Tristan au XIII ° siècle. Il se présente sous la forme de plusieurs fragments lacunaires et discontinus. Cinq manuscrits restituent huit morceaux de l'histoire dont deux livrent les fragments les plus importants de l'oeuvre entière.

La Folie Tristan dite d'Oxford et la Folie Tristan de Berne présentent deux versions différentes d'un même épisode: Tristan se déguise en fou pour rencontrer Yseut et entrer dans le palais du roi Marc où il est interdit de séjour.

Le lai du Chèvrefeuille est l'oeuvre de Marie de France qui l'écrivit probablement entre 1160 et 1170. Il comporte un épisode isolé d'une centaine de vers où Tristan et Yseut se rencontrent clandestinement dans une forêt et peuvent s'adonner librement à leur amour pendant un court instant.

Le Donnei des amants est un poème du XIII° siècle qui contient un court épisode tristanien intitulé généralement «Tristan rossignol». Yseut est invitée à rejoindre son amant grâce au chant du rossignol qu'imite précisément Tristan.

Génèse du récit
«Les origines de la légende tristanienne ont donné lieu à bien des hypothèses et à des théories contradictoires. [...] Les ressemblances constatées entre la matière tristanienne et telle ou telle narration antérieure et extérieure à cette matière ne prouvent pas obligatoirement que la première imite la seconde. Elles ne suffisent pas non plus à justifier une quelconque influence voire une dérivation directe entre les deux traditions. [...] Un texte persan Wis et Ramin raconte une histoire qui rappelle celle du trio Marc-Yseut-Tristan. [...] À l'évidence, les parallèles ne manquent pas. Certains sont très frappants, d'autres plus lointains, mais plutôt que de conclure hâtivement à l'influence directe de telle ou telle tradition sur les textes tristaniens français, il est préférable de retenir la notion d'un héritage mythologique commun que l'on qualifiera (sans doute provisoirement) d'indo-eurpéen. Celui-ci inclurait alors aussi bien la branche persane que la branche celtique rattachées à un même tronc commun de mythes et de traditions.» (P. Walter, op. cit., p. 13-17)
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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