L'Encyclopédie sur la mort


Marguerite

Johann Wolfgang Goethe

Dans un creux du mur des remparts, Marguerite découvre l'image de la Mater dolorosa. Dans les vases qui se trouvent devant, Marguerite dépose des fleurs fraîches et, privée de la présence de son amant, elle chante une hymne à la Vierge. Elle identifie ses douleurs à celles de la mère de douleurs. Plus tard, dans le cachot Marguerite reçoit la visite de Faust, croyant qu'il est venu la libérer et s'envoler vers des justes noces. Or, Méphistophélès en a décidé autrement. L'indifférence coupable de Faust lui apprend que désormais elle marche vers la mort.
LES REMPARTS

MARGUERITE: Abaisse, ô mère de douleurs! un regard de pitié sur ma peine!
Le glaive dans le coeur, tu contemples avec mille angoisses la mort cruelle de ton fils!
Tes yeux se tournent vers son père; et tes soupirs lui demandent de vous secourir tous les deux!
Qui sentira, qui souffrira le mal qui déchire mon sein? l'inquiétude de mon pauvre coeur, ce qu'il craint, et ce qu'il espère? toi seule, hélas! peux le savoir!
En quelque endroit que j'aille, c'est une amère, hélas! bien amère douleur que je traîne avec moi!
Je suis à peine seule, que je pleure, je pleure, je pleure! et mon coeur se brise en mon sein!
Ces fleurs sont venues devant ma croisée! tous les jours je les arrosais de mes pleurs: ce matin je les ai cueillies pour te les apporter,
Le premier rayon du soleil dans ma chambre me trouve sur mon lit assise, livrée à toute ma douleur!
Secours-moi! sauve-moi de la honte et de la mort! abaisse, ô mère de douleurs! un regard de pitié sur ma peine!

CACHOT
Faust avec un trousseau de clefs et une lampe devant une petite porte de fer.

FAUST: Un frisson, de longtemps non ressenti, s'empare de moi. Toute la misère de l'humanité s'appesantit sur ma tête. Ici! ces murailles humides... voilà le lieu qu'elle habite, et son crime fut un doux mirage! Faust, tu trembles de t'approcher! tu crains de la revoir! Entre donc! Ta timidité hâte l'instant de son supplice.

Faust ouvre la porte. Marguerite se cache sous sa couverture. Faust saisit les chaînes pour les détacher. Il se jette à ses pieds.
[...]
FAUST: Marguerite! Marguerite!
MARGUERITE, attentive : C'était la voix de mon ami! (Elle s'élance, les chaînes tombent.) Où est-il? Je l'ai entendu m'appeler. Je suis libre! personne ne peut me retenir, et je veux voler dans ses bras, reposer sur son sein! Il a appelé Marguerite, il était là sur le seuil. Au milieu des hurlements et du tumulte de l'enfer, à travers les grincements, les rires des démons, j'ai reconnu sa voix si douce, si chérie!
FAUST: C'est moi-même!
MARGUERITE: C'est toi! oh! redis-le encore! (Le pressant.) C'est lui! lui! Où sont mes douleurs? où sont les angoisses de la prison? où sont les chaînes? C'est bien toi! tu viens me sauver. Me voilà sauvée! - La voici la rue où je te vis pour la première fois! voilà le jardin où Marthe et moi nous t'attendîmes.
FAUST, s'efforçant de l'entraîner: Viens! viens avec moi!
MARGUERITE: Oh! reste! j'aime tant à être où tu es!
Elle le caresse
FAUST: Hâte-toi! nous paierons cher un instant de retard.
MARGUERITE: Quoi! tu ne sais plus embrasser? Mon ami, depuis si peu de temps que tu m'as quittée, déjà tu as désappris d'embrasser? Pourquoi dans tes bras suis-je si inquiète?... quand naguère une de tes paroles, un de tes regards, m'ouvraient tout le ciel et que tu m'embrassais à m'étouffer. Embrasse-moi donc, ou je t'embrasse moi-même! (Elle l'embrasse) Ô Dieu! tes lèvres sont froides, muettes. Ton amour, où l'as-tu laissé? qui me l'as ravi?
Elle se détourne de lui.

[...]

FAUST: Le jour se montre! mon amie! ma bien-aimée!
MARGUERITE: Le jour? oui, c'est le jour! c'est le dernier des miens; il devrait être celui de mes noces! Ne va dire à personne que Marguerite t'avais reçu si matin. Ah! ma couronne!... c'en est fait! Nous nous reverrons, mais ce ne sera pas à la danse. La foule se presse, on ne l'entend pas; la place, les rues pourront-elles lui suffire? La cloche m'appelle, la baguette de justice est brisée. Comme ils m'enchaînent! comme ils me saisissent! Je suis déjà enlevée sur l'échafaud, déjà tombe sur le cou de chacun le tranchant jeté sur le mien. Voilà le monde entier muet comme le tombeau!
FAUST: Oh! que ne suis-je jamais né!

[...]

OPÉRA
Charles Gounod (1818-1893), Faust (1859), livret de Jules Barbier et de Michel Carré.
Hector Berlioz((1803-1869), La damnation de Faust (1846), légende dramatique, destinée au concert, livret de Gérard de Nerval, d'Almire Gandonnière et de Hector Berlioz.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

Documents associés

  • Marguerite
  • LES REMPARTS MARGUERITE: Abaisse, ô mère de douleurs! un regard de pitié sur ma peine! Le glaive...