L'Encyclopédie sur la mort


La demande d'euthanasie volontaire («Une mort moderne?»

Anita Hocqard

L'auteur a interrogé en 1992 22044 adhérents de l'Association de mourir dans la dignité (ADMD)*. «Si notre corpus final (3 000 questionnaires) n'est pas, statistiquement parlant, écrit-elle, représentatif de la population globale des demandeurs [d'euthanasie], il n'en constitue pas moins, nous semble-t-il une bonne représentation.» Si les conclusions auxquelles elle arrive sont phénoménologiques ou sociologiques, elles nous paraissent très importantes du point de vue éthique. La dé-socialisation, que constituerait la demande d'euthanasie volontaire, n'en continue pas moins une socialisation. L'ensemble de cette oeuvre met en évidence le ou les divers profils du demandeur de l'euthanasie.
Source: «Une mort moderne?» dans L'euthanasie volontaire, Paris, PUF, «Perspectives critiques», 1999, p.199-200)

Notons que la pensée dAnita Hocqard s'est nourrie de celle de Marcel Conche*, qui fut également son directeur de recherche, cité à plusieurs reprises dans la présente Encyclopédie et dont la pensée nous demeure très chère.
La demande d'euthanasie volontaire semble donc actualiser la conjonction de deux événements historiques en partie indépendants: la montée de l'individualisme et la multiplication des «cercles sociaux» (Georg Simmel) Le premier - phénomène sur lequel s'accordent tous les auteurs - a pour conséquence inévitable la saillance croissante de la mort. Le second, probablement sous l'effet de l'augmentation et la densification des échanges, voit se multiplier les types d'individualités. Cela expliquerait qu'on ne puisse faire de la demande d'euthanasie volontaire un objet social univoque. Elle met en jeu non pas une mais trois ou quatre figures de l'individu: l'égoïste, le citoyen, l'acteur lié à sa persona ou encore l'atome dans la masse.

La revendication létale articule ces différentes individuations, les hiérarchise et les met en résonance. Nous voyons ainsi des citoyens légalistes dont le militantisme, quasi procédurier, s'avère inséparable aussi d'un utilitarisme* bien compris que d'une logique de l'honneur occupée à ne jamais déchoir. Dans le même ordre d'idées, l'individualisme égoïste rencontre,à sa façon, la préoccuaption comptable du coût (collectif) de la santé. On pourrait ainsi multiplier les exemples jusqu'au rapprochement surprenant de ce qui peut-être une authentique aspiration à la disparition et un processus complexe d'immortalisation. Le sujet instaure par là une relation entre tous les pôles de sa vie et de sa mort. Il annonce ainsi la dynamique isotrope de séparation-jonction spécifique à l'action réciproque.

En demandant sa mort, l'être socialement individué met en oeuvre toutes les dimensions de l'existence sociale. Se désocialisant, il n'en continue pas moins, ainsi, à (se) socialiser.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

Documents associés

  • Aux frontières de la vie
  • Vient de paraître en français Exit final (1), conçu comme un guide qui renseigne le public et les...
  • Euthanasie volontaire
  • Même si plusieurs ont bien conscience qu'il ne s'agit pas tant d'ajouter quantitativement de la...
  • L'affaire Imbert
  • «Pour en venir au cas que tu as évoqué, que dire de plus? Je crois que tout a été dit. Il s'agit...
  • Propos pour discussion
  • Dans Le Différend, Jean-François Lyotard, écrit: «Le plaignant porte sa plainte devant le tribunal,...