L'Encyclopédie sur la mort


Il pleure dans mon coeur

Paul Verlaine

La répétition des mêmes mots (pluie, ennui, peine, coeur, raison) ajoute à la langueur qui semble envahir la respiration de l'âme du poète. Sa douleur est sans raison, mais elle pénètre toute sa personne comme le chant d'une longue plainte. Le procédé d'une écriture automatique sous-tend le récit du rêve où folie et mort se révèlent discrètement.

«Lugubre le poème de Verlaine Il pleure dans mon coeur. Un climat crépusculaire (cet accord entre la pluie du coeur et la pluie de la ville) règne avant la prise de conscience d'un Funèbre qui le pénètre, puis vient l'aveu explicite du Lugubre:
Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure
Quoi! nulle trahison?
Ce deuil est sans raison.»
Michel Guiomar, Principes d'une esthétique de la mort, Paris, José Corti, 1988, p. 181)

Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !

Romances sans paroles, 1874

Explication linéaire
1ère strophe :
    Mélancolie de Verlaine en harmonie avec le paysage, dont la nature lui échappe (3 vers pour l'état d'âme, 1 vers pour le paysage)
2e strophe : (3 vers pour le paysage, 1 vers pour l'état d'âme)
Le bruit de l'eau s'est transformé en mélodie - Verlaine s'enchante de sa mélancolie et se laisse bercer par la mélodie des gouttes - la pluie peut influencer l'état d'âme ou être une projection de celle-ci (effet miroir)

3e strophe :
    Tristesse absolue qui dépossède l'individu de lui-même 
    Rupture du rythme "Quoi !" le poète s'arrache à sa stupéfaction
4e strophe :
    Elle apporte une sorte de réponse aux interrogations du poète.
    Intensité de la tristesse constante tout au long du poème et due à l'absence même de cause.

Conclusion
- Nature de la tristesse évoquée : Spleen baudelairien ? mais dans l'état décrit par Verlaine, il y a moins d'angoisse et plus de douceur et de langueur.

- Musique des mots : crée par la reprise des mêmes termes et mêmes sonorités, envoûtement musical qui s'impose à la sensibilité

- Simplicité d'une chanson populaire et monotonie de la tristesse toujours identique.

www.bacdefrancais.net/pleure.php

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-09-30

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