Pierre Biron par lui-même

Pierre Biron

Pierre est l'auteur de l'Alter dictionnaire médico-pharmaceutique bilingue. «Ce site est inclassable. C'est un dictionnaire, certes, et plutôt deux fois qu'une, un dictionnaire anglais-français et un dictionnaire médico-phamaceutique, mais c'est aussi un complément critique au vade- mecum médical et un manuel d'initiation à la méthodologie en pharmacovigilance et pharmacologie clinique.

On peut en outre le lire selon son humeur comme une collection de morceaux choisis relevant du journalisme d'enquête ou comme une initiation à l'éthique en recherche médicale. Si Pierre Biron met tant d'insistance à dire son parti-pris en faveur du public, c'est davantage pour dénoncer ceux de ses collègues qui manquent de transparence que pour s'excuser à l'avance d'un manque de rigueur. De la rigueur, il en a en surabondance. Chacun de ses sursauts d'indignation s'appuie sur des références solides.»

http://alterdictionnaire.homovivens.org/alter_dictionnaire_medico-pharmaceutique/lauteur

Cheminement en trois étapes.

  • La première partie est consacrée à l’hypertension.
  • La seconde, à la pharmacovigilance.
  • La troisième, à documenter la corruption de la science médicale par l’industrie du médicament (donc une veille éthique de la recherche clinique), laquelle corruption je surnomme la « pharma-co-dépendance », et la surmédicalisation.

* Enfance et adolescence sur le Plateau Mt-Royal à Montréal entre les parcs Laurier et Lafontaine à quelques coins de rue de l’auteur Michel Tremblay et du chanteur Robert Charlebois ; les jeunes immigrants de France s’y concentrent encore. Enfant, je finis toujours par démanteler mes jouets pour voir comment ils fonctionnent. Durant le cours classique chez les Jésuites au Collège Ste-Marie (Brébeuf était trop cher) c’est la période de la Révolution tranquille, en pleine émergence. La philosophie m’intéresse mais offre peu de débouchés hors le sacerdoce. Adolescent, ma sœur est déjà étudiante en médecine : je lis ses manuels, dissèque des petits animaux sur la table de cuisine familiale, et opte pour la médecine, après avoir réalisé que sans la bosse des maths on ne peut faire polytechnique.

* Étudiant universitaire, l’argent de poche arrive en injectant les rats du laboratoire de Hans Selye ; fasciné par les discussions entre le découvreur du stress et ses assistants, je développe le goût de la recherche (tandis que les autres confrères préféraient rédiger des histoires de cas à l’hôpital). Pour l’anecdote, l’antibiotique prescrit pour une morsure de rat mène à une rectite médicamenteuse ; incapable de m’asseoir quelques jours, c’est ma première observation vécue d’un effet indésirable médicamenteux ! Je partage avec Georges Boileau futur directeur du Médecin du Québec, et Marcel Rheault futur historien de la chirurgie québécoise, la rédaction du journal des étudiants en médecine.

* Après l’internat rotatif qui menait directement à la pratique généraliste ou à la résidence en spécialité, je dois m’avouer avoir plus d’affinité pour la recherche et l’enseignement que pour la pratique. Un confrère me parle d’une nouvelle résidence mixte offerte à l’Hôtel-Dieu de Montréal (fondée par notre Jeanne Mance): la clinique dans un service de néphrologie-hypertension et la recherche dans l’unité embryonnaire de Jacques Genest abritée au pavillon De Bullion, unité qui deviendra l’Institut de recherches cliniques de Montréal. La directrice générale sœur Allard avait en effet autorisé en 1953 qu’il installe des laboratoires de recherche clinique dans le pavillon De Bullion, non sans la résistance de l’establishment hospitalier d’alors : les religieuses infirmières cheffes et les médecins chefs de services.

* Jacques Genest père était un pionnier exceptionnel, une force de la nature, fondateur du Fonds de recherche en santé du Québec et sans doute le pionnier de la recherche clinique canadienne-française. Il avait failli découvrir l’aldostérone quand il étudia à New York (il en aurait sans doute été nobélisé). Rencontre marquante, surtout que par coup de chance il m’assigne à l’équipe qui démontre le rôle de l’angiotensine dans l’hypertension artérielle, ce qui mena Genest à une renommée mondiale et l’industrie à la mise au point d’une nouvelle classe d’antihypertenseurs (les IECA et les ARA pour les initiés). J’y travaille trois ans, menant à une maitrise en recherche clinique de l’Université McGill en médecine expérimentale en 1958, parrainée par le Pr JLS Browne, endocrinologue.

*  Grâce à ses relations internationales (dont la famille Rockefeller), Genest m’obtient une bourse de deux ans à l’Institut Rockefeller à Manhattan, occasion de rencontrer des sommités de l’heure en recherche biomédicale, des scientifiques en poste et des professeurs visiteurs, certains nobélisés ou en voie de l’être. L’annexion de lits de recherche à un centre de recherche fondamentale y constitue une première aux É-U, c’est la naissance de la recherche hospitalo-universitaire en Amérique du nord et du concept translationnel « du labo au chevet », précurseur d’une médecine scientifique dite factuelle, non encore dévoyée par l’industrie et les jeux de pouvoir de la médecine organisée. Je réalise aussi que les grandes avancées en sciences fondamentales proviennent de non-médecins.Jouer au pool avec Niels Bohr ou déjeuner avec René Dubos, belle occasion de réaliser ce qu’est un grand chercheur fondamentaliste. On comprend mieux que la recherche clinique actuelle est d’ordre pragmatique, loin d’avoir la rigueur qu’on lui prête généralement, dont plus de 90% n’ont pas fait avancer la science médicale tangiblement,. Belle leçon d’humilité. 

J’y croise Mark Abramovicz éditeur-fondateur de la Medical Letter on Drugs and Therapeutics, un des premiers bulletins indépendants sur les médicaments, et, de retour à Montréal, je le convaincrai de produire une version canadienne-française qui sera distribuée à tous les pharmaciens du Québec pendant un certain temps.

Désireux de découvrir l’Europe, j’opte pour Paris. Un ans passés à Necker, un  à Broussais, en recherche biologique et clinique. De belles rencontres grâce à Philippe Meyer : le fondateur Gilles Bardelay de la revue Prescrire, des initiés en pharmacovigilance comme le couple Louis et Nicole Déry de Lyon, Françoise Bavoux et Bernard Bégaud, ainsi que Joël Ménard, Jean-Michel Alexandre (avant le Mediator !) et d’autres personnalités de la scène médicale. Je suis un cours de Daniel Schwartz, pionnier des statistiques médicales en France.

Sans oublier la visite de centres européens de recherche ; ainsi à Lausanne je sers d’entremetteur pour que Domenico Regoli rencontre les fondateurs du CHU à Sherbrooke et il y deviendra l’un des plus productifs chercheurs-entrepreneurs du département de pharmacologie. Meyer le néphrologue et son épouse Dominique l’hématologue deviennent de grands amis ; je passerai Mai 1968 chez eux pour assister de près à la révolution étudiante, me souviens encore de l’odeur des gaz lacrymogènes...

* De retour à Montréal fin 1964, je cherche un poste universitaire. Très facile à obtenir à l’époque pour un médecin, car les revenus sont bien inférieurs à ceux des cliniciens. Aurèle Beaulnes vient de fonder la pharmacologie médicale à l’U de M, il a déjà recruté quelques confrères de classe comme Léon Tétreault frais arrivé de chez Louis Lasagna, pionnier de la pharmacologie clinique américaine ; les cours de statistique de Léon donnent un nouvel éclairage à l’analyse critique en pharmacologie clinique naissante. Pour l’anecdote, ce département n’existe plus aujourd’hui et l’industrie a le champ libre pour combler ce vide chez les diplômés de l’UdeM. 

* Trois décennies sont passées au département de pharmacologie dans le pavillon Gaudry (« la grande tour » de l’Université de Montréal), assorties de collaboration en recherche avec l’Institut de cardiologie (métabolisme pulmonaire des agents vasoactifs), l’hôpital du Sacré Cœur (pharmacologie clinique cardiovasculaire) et l’hôpital Ste Justine (épidémiologie de l’hypertension en pédiatrie).

Pendant plus de la moitié de mes activités universitaires, la recherche en laboratoire et en clinique est orientée vers l’hypertension, et l’enseignement en cardiovasculaire. Mais vers 1985 les fonds publics de recherche dans ce domaine tarissent et je n’ai pas la formation pour prendre le virage en pharmacologie moléculaire. Je me tourne vers la pharmacovigilance qui est pratiquement nulle dans la province sinon au Canada. Avec des soutiens de différentes natures :

- Edward Napke d’Ottawa, premier directeur du progamme national de pharmacovigilance à Ottawa, m’encourage moralement à promouvoir et structurer une pharmacovigilance québécoise. Ce mentor me laisse le souvenir d’un cadre gouvernemental d’une intégrité exemplaire et s’il n’a pas reçu l’Ordre du Canada, c’est qu’il dérangeait.

Quand je demande un soutien financier à Ottawa, il est tellement assorti de contraintes et de contrôles que je comprends que les décideurs de Santé Canada ne souhaitent pas voir surgir de vrais Centres régionaux comme il en existe une trentaine en France, et quelques-uns ailleurs. Quand je me tourne vers le Ministère de la santé provincial pour un soutien financier, malgré une rencontre que m’accorde un sous-ministre, c’est une fin de non recevoir. La pharmacovigilance dérange ici aussi au Québec.

- Mark Abramowicz de New York (Medical Letter on Therapeutics) m’offre un soutien financier de démarrage.

- Mes directeurs de département me laissent développer le Progamme conjoint de pharmacovigilance du Québec en me dispensant de tâches administratives. Je dois cependant porter le programme à bout de bras durant 8 ans.
- Pendant huit ans, avec la collaboration des Ordres des médecins, des pharmaciens et des dentistes, un formulaire de notification (dite « la carte jaune québécoise ») est distribué par la poste à tous ces professionnels.

- Mes notes de cours avancés deviendront deux manuels publiés aux É.-U., traduits par le médecin pharmaceutique Barton Cobert ; plusieurs observations cliniques seront publiées et une chronique paraîtra dans le Bulletin du Collège des médecins, pour sensibiliser les cliniciens aux risques médicamenteux graves et inattendus.

Après la retraite, je me tourne vers la lecture, l’écriture et le partage d’une veille documentaire portant sur la corruption médico-pharmaceutique et la surmédicalisation. C’est classique, on a la parole plus libre et déliée à la retraite.
- Je tente ma chance chez l’Actualité médicale distribuée à tous les médecins du Québec ; la rédactrice d’alors Catherine Choquette m’y accueille favorablement même si le propriétaire privé Rogers y présente aussi des annonces de nature pharmaceutique. Une autre rédactrice prend le relais et le mensuel devient Profession Santé, je peux continuer. Mais après la parution d’une chronique trop critique d’un nouveau vaccin (Gardasil), on me fait comprendre que c’était la dernière.

- Je me tourne vers la France et une revue de haut niveau pour généralistes, Médecine, Libbey Eutotexte ; feu Jean-Pierre Vallée puis Yves le Noc accueillent plusieurs articles et quelques éditoriaux.

* Quand je commence la rédaction d’un dictionnaire alternatif médico-pharmaceutique anglais-français, engagé, critique, évolutif, surnommé « l’alter-dico », je cherche un portail en ligne (n’étant pas doué en informatique) et fait une heureuse rencontre: le philosophe, écrivain et ex-journaliste Jacques Dufresne qui l’héberge gracieusement dans son Agora, portail Homo Vivens, depuis 2011.

 

Autres remerciements

  • Feu Fernand Turcotte professeur de Santé communautaire, traducteur de Gotzsche, Halder et Welch, et Paul Nguyen interniste général, pour les inspirants échanges en ligne
  • Les personnes suivantes pour l’accueil dans leurs pages : feu Abby Lippman, dans un réseau de discussion privé, pour les rencontres virtuelles de correspondants engagés et inspirants, de formations, de parcours et de pays diversifiés; Elena Pasca dans Pharmacritique (Paris); Jean-Louis Montastruc dans le BulIetin d’Informations de Pharmacologie (Toulouse); Roger Ladouceur dans Le Médecin de famille canadien (Ottawa); Agnes St-Laurent chez Readers Digest (Montréal); Colleen Fuller dans PharmaWatch (Vancouver)

* En aparté : Pourquoi ce goût pour la traduction et le journalisme médicaux ? Tout a commencé par la pratique de la plaisance (sur un voiler nommé Placebo). J’y fais alors deux constats :

A) Quand les plaisanciers québécois discutent sur les quais ils regorgent d’anglicismes vu leur ignorance des termes français de ce loisir. Je commence à prendre des notes qui finissent par la publication à compte d’auteur d’un « Lexique nautique anglais-français » imprimé en 1981. Le travail continue avec la production d’un ouvrage numérique « Dix mille mots pour naviguer en français », unique et inédit mais toujours disponible gratuitement sur demande. C’est ainsi que la structure de l’Alter-dictionnaire médico-pharmaceutique est née dans mon esprit.

B) Au lac Champlain, le plus beau des É.-U. et à 1 heure de Montréal, il n’y a pas de guide de croisière, les plaisanciers québécois se renseignent de bouche à oreille pour connaître les plus beaux mouillages, les meilleurs ports de plaisance. Je commence à prendre des notes qui finissent en 1983 par la publication à compte d’auteur du premier Guide de croisière du lac Champlain, bilingue. Du survol du lac en Cessna pour les photos jusqu’à la conception de la mise en page, des corrections auprès de l’imprimeur jusqu’à la vente directe dans les marinas, je comprend la fierté d’être l’auteur-éditeur d’un livre ; je passe ensuite la main à un couple, des plaisanciers de Burlington au Vermont, qui ré-éditent et bonifient le Lake Champlain Cruising Guide durant plusieurs années.

Une quatrième étape voit le jour, l’analyse de la gestion de la pandémie c-19. Elle se fit en 2021 et présentée sous la forme de « cui-cui » dans l’Agora. Merci encore Jacques.

 

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