Essentiel
Le tournesol, symbole de la vision artistique du monde
Il se trouve aussi que la fleur de tournesol, en plus de ressembler à l'astre vers lequel elle se tourne chaque jour, a de subtiles qualités, visibles et invisibles, qui justifient qu'on en fasse l'emblème de la vision artistique du Monde. Elle est reliée au Nombre d'or d'une manière étonnante.
Aussi longtemps que les Hommes ont considéré le Cosmos davantage comme une chose à contempler et à imiter que comme une chose à transformer, ils ont eu tendance, lorsqu'ils s'adonnaient aux mathématiques, à appliquer ces dernières à l'art plutôt qu'aux techniques.
D'où l'importance, en art, depuis l'Antiquité jusqu'à la Renaissance et même plus tard, de ce nombre que Kepler qualifiait de trésor. «La géométrie, disait-il, contient deux grands trésors: l'un est le théorème de Pythagore; l'autre est la division d'une ligne en moyenne et extrême raison.»
Ce dernier nombre est aussi appelé Nombre d'or. Il correspond à une espèce de sens instinctif de la proportion. En prenant les mesures de milliers d'objets rectangulaires familiers, Fechner, le fondateur de la psychologie scientifique, a pu établir que le rapport entre les côtés de ces rectangles formaient une courbe en cloche dont le sommet est le Nombre d'or: 1.618, que l'on obtient en divisant une ligne de manière telle que le rapport de la plus petite partie à la plus grande soit égal au rapport de la plus grande sur la ligne totale.
On peut engendrer une série de rectangles dorés à partir d'un rectangle doré initial. En joignant entre elles les intersections de ces rectangles, on construit une magnifique courbe logarithmique, celle-là même que l'on retrouve à l'état de perfection dan certaines coquilles comme Nautilus pompilius. Cette courbe, qui est une expression du Nombre d'or, est appelée Spira mirabilis ou courbe de vie, car elle est la mesure de la croissance. Rappelons au passage que le Nombre d'or et les logarithmes font partie de l'essence mathématique secrète de la musique.
Il y a entre les nombres comme entre les personnes des rencontres et des amitiés inexplicables. Il existe une série de nombres telle que chaque nouvel élément soit la somme des deux précédents. Elle porte le nom du mathématicien qui l'a découverte au Moyen Age, Fibonacci: 1-2-3-5-8-13-21-34-55-89. Divisons 2 par 1, 3 par 2, 5 par 3, 8 par 5, 13 par 8, 21 par 13, 34 par 21, 55 par 34. Nous obtenons: 2, 1.5, 1.666, 16, 1.625, 1.615, 1.619, 1.617... Des chiffres qui s'enroulent autour d'une tige centrale qui est le Nombre d'or.
C'est le moment pour la fleur de tournesol d'entrer en scène: 13 spirales partent de son centre dans une direction, 21 dans l'autre. 13 et 21! Deux nombres successifs de la série de Fibonacci. Qu'est-ce que cette rencontre fortuite a de si intéressant? L'une des raisons pour lesquelles les Anciens étaient attachés à la courbe logarithmique c'est qu'elle rend compte de la course annuelle du Soleil: Si l'on combine le mouvement diurne du Soleil avec son mouvement annuel, on obtient en effet une spirale. Dans le cadre d'une vision du Monde où les formes pures et les beaux nombres ont plus d'importance que l'analyse des forces, de tels rapprochements ne manquent pas d'intérêt.
On aura la preuve que la vision artistique du Monde a de nouveau sa place dans la civilisation le jour où l'étude de nombres comme le Nombre d'or fera partie des programmes de mathématiques. Ce sont peut-être les cours de mathématiques qui contribuent le plus à façonner les visions du Monde dans l'âme des enfants.