Banville Théodore de

14 mars 1823-12 mars 1892
Léon Daudet: souvenirs de Banville

«Théodore de Banville et Mme de Banville étaient des familiers du salon de Victor Hugo. Impossible d'imaginer un vieux ménage plus uni par les douces flammes conjointes de l'esprit et du cœur. Quiconque a lu Banville connaît Banville. Ailée comme une improvisation de Mercutio, sa causerie, qu'éclairait l'étincelle d'une perpétuelle cigarette, allait de la gourmandise aux passions de l'amour, en passant par Balzac et le Théâtre-Français, ouvrait les portes de la mémoire sur les loges d'artistes célèbres, sur les mots des derniers boulevardiers, combinait les plus jolis dessins à la Fragonard, dans des nuances claires et vives qu'on n'oubliait plus. Le génie de Hugo était la fleur immense et parfumée où se grisait ce papillon diapré de Banville. Avec lui l'anecdote allait vite, déblayée par un rapide chevrotement qui signifiait l'accessoire et l'éliminait. Sur sa face glabre aux lèvres fines, l'ironie et la bonté alternaient. D'une exquise politesse, parlant à toutes les femmes comme à des reines, il écoutait les histoires des autres — chose infiniment rare chez un improvisateur de cette qualité — et il n'était jamais distrait. Sa femme était aussi spirituelle que lui, mais en retrait, avec un tact et un nuancé incomparables. Ils étaient de ceux, les chers anciens, qui font trouver la mort trop cruelle, dont la mémoire demeure liée pour nous aux accents déchirants et si nobles d'Alceste et que l'on voudrait, en grande pompe et grand honneur, aller rechercher sur les sombres bords.»

LÉON DAUDET, Souvenirs et polémiques, Éditions Robert Laffont, Paris, 1992.

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Barbey d'Aurevilly : Banville, une cruche qui se croyait une amphore

«La poésie de M. Théodore de Banville n'est en effet, rien de plus qu'une décoction fade dans un verre de Bohême vide, de la poésie d'André Chénier et de M. Victor Hugo, le grand genuine, mais de M. Hugo, faisant, hélas! aussi de la mythologie et de l'archaïsme Renaissance, car il a de ces tristes jours... L'imitation est tellement dans l'air de ce temps sans idées et sans coeur, qu'elle monte parfois, comme une mauvaise herbaille, jusqu'au front du génie... Grec pleurant sur une Vénus défunte, qu'il appelle Aphroditè avec un accent grave sur le e pour toute invention, M. de Banville qui a soutiré à André Chénier son enjambement le plus insupportable, n'est au fond qu'un superbe modèle de creux. Sa flûte a plus de sept trous — ou plutôt elle n'en a qu'un seul dans lequel la flûte disparaît! On a dit de lui, avec une brutalité assez heureuse, qu'il n'était littéralement qu'une cruche qui se croyait une amphore. Or, M. Leconte de Lisle est mieux que cela...»

BARBEY D'AUREVILLY, "Les trente-sept médaillons du Parnasse contemporain", critique parue dans le Nain Jaune, 14 novembre 1866

Articles


Lapins

Théodore de Banville
Les petits lapins, dans le bois, Folâtrent sur l’herbe arrosée Et, comme nous le vin d’Arbois, Ils boivent la douce rosée. Gris foncé, gris clair, soupe au lait, Ces vagabonds, dont se dégage Comme une odeur de serpolet, Tiennent à



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