Sport extrême

La plupart des sports actuels ont cessé d'être des jeux parce qu'ils comportent des avantages financiers et qu'ils impliquent des contrats créant des obligations. Ce sont des activités professionnelles. Les sports extrêmes demeurent des jeux, des jeux extrêmes eux aussi, en ce sens que les principales caractéristiques du jeu, dont la liberté et la gratuité, y sont accentuées.
La mesure des performances et la présentation des résultats n'y a guère d'importance, car plus que l'entraînement à long terme et le souci de la carrière, c'est la sensation forte qui importe. Le mot adrénaline revient dans la plupart des définitions qu'on en donne, même si ce sont souvent d'autres substances qui sont sécrétées devant le danger encouru.
Ne serait-ce que pour cette raison, on peut considérer l'adepte de ces excès comme un marginal. Marginal, il l'est aussi parce qu'il cherche le risque dans un monde où l'on a tendance à faire de la sécurité un absolu et à nier qu'il existe dans l'âme humaine un besoin fondamental de risque. Marginal, notre Tarzan des villes — car ces héros de bandes dessinées ou de publicités télévisuelles font partie de l'imaginaire en cause — l'est aussi par son souci de l'autonomie.
Alors que la règle est de confier la gouverne de soi-même à des experts, des drogues et des ordinateurs, de renforcer le corps par des prothèses, voici le corps abandonné à lui-même dans des situations où il aurait besoin d'un soutien. Alors que l'individu normal ne sait plus faire usage de ses jambes, notre Icare voudrait se passer des ailes et du moteur de l'avion pour changer de continent.
À la vitesse où il évolue et compte tenu des sensations fortes qui l'envahissent, on voit mal comment il pourrait s'enivrer du parfum des fleurs; en quoi il ressemble à tous les autres sportifs, il est victime de la perte des sens. Victime non consentante toutefois, ce qui la rend marginale. À sens émoussés, stimuli forts. Pour redécouvrir qu'ils ont des sens, nos Quichottes les surexcitent, se rapprochant par là des adeptes du plaisir par la mutilation.1
Ils sont hyperactifs, et par là conformistes, à n'en point douter. Certains auteurs sont cependant d'avis qu'ils ont leur manière à eux, toute sartrienne, d'être actifs : pour minimiser l'absurdité de l'existence humaine. 2 Ce sont des travailleurs de l'inutile, des draveurs par caprice.

Sur un site français, on les invite à prendre pour modèle Platon, l'homme aux larges épaules…et le plus grand philosophe, qui a aussi écrit , mais on omet de le rappeler, que " philosopher c'est apprendre à mourir. " Quand on sait que pour bien des gens partir en avion c'est mourir complètement, on est autorisé à penser que les Platons de la parapente sont les vrais philosophes de notre époque.
Ils ressemblent toutefois plus à Diogène dans son tonneau, qu'au Platon de la République. Diraient-ils à Alexandre : « Ôte-toi de mon soleil ! » Peut-être, mais pour mieux s'incliner ensuite devant le représentant de la maison NIKE. Leur mort elle-même a été récupérée. Comme celle des terroristes extrêmes, dont ils sont les contemporains gavés.

 




1. Cf Maude Landreville, Les sports extrêmes ou le plaisir de mourir jeune.
2. Maude Landreville, op.cit. «La satisfaction [est] basée sur les deux concepts de confort et de plaisir, qui sont situés dans deux centres de stimulations différents du cerveau. L'on constate que la satisfaction du plaisir s'enregistre de façon dynamique. Par contre, le centre de la perception du confort (le même que le centre de la douleur) enregistre des conditions statiques. Ainsi notre société serait trop axée sur les notions de sécurité et de confort, les besoins comblés avant même qu'ils ne soient énoncés et le centre du plaisir trop peu stimulé. La recherche de celui-ci [plaisir] pourrait amener à des actions désordonnées, incompréhensibles et violentes. »

Essentiel

Sur un site français, on les invite à prendre pour modèle Platon, l'homme aux larges épaules…et le plus grand philosophe, qui a aussi écrit , mais on omet de le rappeler, que " philosopher c'est apprendre à mourir. " Quand on sait que pour bien des gens partir en avion c'est mourir complètement, on est autorisé à penser que les Platons de la parapente sont les vrais philosophes de notre époque.
Ils ressemblent toutefois plus à Diogène dans son tonneau, qu'au Platon de la République. Diraient-ils à Alexandre : « Ôte-toi de mon soleil ! » Peut-être, mais pour mieux s'incliner ensuite devant le représentant de la maison NIKE. Leur mort elle-même a été récupérée. Comme celle des terroristes extrêmes, dont ils sont les contemporains gavés.

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