Signeur

Signeur: personne qui s'exprime en langue des signes.

Extrait de la thèse se Marguerite Blais.

«Le « maître-Signeur » est donc celui qui exprime le monde autrement, dans toute sa complexité, et avec tous ses sens, l'ouïe en moins. Il le fait par le geste et le corps. Sa langue gestuelle est avant tout une langue authentique, complète et organisée, qui répond à ses besoins cognitifs, linguistiques et affectifs, une véritable communication, entière et symbolique, une nouvelle langue qui interpelle n'importe quel être humain et qui permet, comme nous avons pu le constater, l'épanouissement de la personne dans toutes les sphères de l'existence, que ce soit la vie familiale, l'éducation, l'amitié, l'amour, l'engagement social, les activités de loisirs ou le travail.
Le « maître-Signeur » revendique une nouvelle façon de communiquer. La « positivité » du Sourd, c'est qu'il est « maître-Signeur » grâce à un ensemble d'habiletés inhérentes à sa surdité et à un monde axé sur le visuel : l'écriture, le théâtre, le sport, la sculpture, la peinture. Le seul domaine où le sourd n'est pas très habile est la musique, et là encore, il rêve parfois de pouvoir s'exprimer par le chant! Il s'exprime d'ailleurs très bien par le biais des percussions, des tam-tams et de la danse.
Les Sourds nous interpellent par leur culture fondée sur le signe et le geste, dans une différence qui se fait sentir non seulement par l'absence de la parole, mais également dans les perceptions et les valeurs véhiculées. Quand on maîtrise une langue, on a un meilleur accès à l'apprentissage d'une autre langue, et si les Sourds se sentent respectés et valorisés dans ce qu'ils sont, s'ils peuvent s'épanouir pleinement, c'est justement grâce à cette culture du Signeur. Au Québec, la culture sourde, encore très minoritaire, est toujours menacée. Comme nous l'avons constaté, les enfants sourds sont presque tous inscrits dans des classes régulières ou des programmes scolaires qui visent leur integration à la société dominante entendante. Les Sourds qui utilisent la LSQ sont peu nombreux en Amérique du Nord. Pourtant, ils veulent préserver cette langue et cette culture (sourdes) d'expression québécoise. Ainsi, dépasser l'identité qui ne consiste qu'à être défini comme Sourd et accéder au statut de « maître-Signeur » ne va pas de soi. De grands obstacles se posent, qui ne garantissent en rien l'intégration sociale des adhérents à cette culture menacée de marginalisation, voire d'exclusion.
Nous nous sommes également inspirée des travaux de James Roots et de Harlan Lane sur la catégorisation sociale interne et externe des sourds, travaux qui mettent en évidence leurs difficultés d'insertion sociale. Les travaux de Roots nous ont permis de définir les différentes catégories auxquelles les sourds appartiennent, et avec Lane, nous avons été en mesure spécialistes entendants - ceux qui sont reliés au corps médical -, qui consignent ces descriptions dans des revues spécialisées ou scientifiques. Roots met en cause les théories de la déviance et de la discrimination qui pourraient empêcher une perspective d'affirmation d'égalité plus universelle au sens républicain du terme. Elles se traduiraient en effet par un renforcement négatif envers les handicapés, comme si ces derniers étaient de valeur moindre et socialement isolés du reste de la société. La thèse de la relativité culturelle force à focaliser sur autre chose que les relations interpersonnelles, entre autres sur les personnes handicapées par opposition aux personnes non handicapées, et pose un regard sociopolitique. Par le passage obligé d'une langue signée, le sourd n'est plus handicapé. Il peut passer de « sourd » à «Signeur » et s'inscrire dans le registre de la culture sourde en tant que « Sourd » et «maître-Signeur ». Cette position, même si elle a le mérite de libérer le Sourd de son identité de personne handicapée, sera toujours affaiblie par l'étiquette sociale du sourd - celle qu'on lui attribue et qu'il s'attribue lui-même - et par la catégorisation médicale qui considère la surdité au moyen d'indices biologiques reliés à la problématique d'une déficience.
Pour essayer de comprendre la dynamique de la communauté sourde et celle entourant les stratégies utilisées par les sourds fortement scolarisés, nous avons, dans un premier temps, observé des sourds/Sourds dans leur environnement communautaire, lors de manifestations ou d'événements, en nous impliquant au sein de différents organismes. Nous nous sentions suffisamment acceptée par les sourds/Sourds pour être à l'aise. Cela nous a permis d'être en contact avec un certain nombre de sourds qui peuvent, à l'occasion, être méfiants face aux entendants. Notre idée de recherche pre­nant forme au fil de notre cheminement avec des membres de la commu­nauté sourde, nous avons par la suite précisé notre projet, pour finalement procéder au moyen d'une enquête de type « récit de vie ». Nous avons privilégié cette méthodologie parce qu'elle nous permettait d'être en contact plus étroit avec les sujets de notre étude. Par le biais d'organismes de sourds, nous sommes partie à la recherche des sourds fortement scolarisés. Toutefois, ils ne se sont pas manifestés aussi facilement que nous l'espérions. À la suite d'une première entrevue, puis d'une deuxième, et par l'instauration d'un lien de confiance réciproque, nous avons été en mesure d'entrer en com­munication avec d'autres personnes sourdes qui ont accepté de raconter leur histoire. Internet s'est avéré un outil de communication précieux, nous permettant de fixer les rendez-vous et d'expliquer l'objet de notre étude.»

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Enjeux

Au Québec, la culture sourde, encore très minoritaire, est toujours menacée

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