Charlevoix Pierre-François-Xavier de

24 / 10 / 1682-1761
"Il naquit à Saint-Quentin (Aisne), le 24 octobre 1682. La famille, noble et très ancienne, portait « d’azur à une bande d’argent, chargée de trois coquilles de gueules ». En 1565, Claude de Charlevoix meurt lieutenant au bureau de la foraine, le dernier jour du mois d’août; en 1574, son fils André décède contrôleur pour le roi au grenier à sel. De 1609 à 1614, Claude est conseiller au baillage et en la prévôté de Saint-Quentin; en 1656, un autre Claude est avocat et maire (mayeur). Jean, argentier de la ville (1675), est avocat et maire en 1680, et meurt en 1687.

François, père de François-Xavier, qui avait épousé Antoinette Forestier, est substitut du procureur du roi, en 1683. L’enfant fut d’abord élevé au collège des Bons-Enfants de sa ville natale, puis chez les jésuites. Entré à leur noviciat de Paris, le 15 septembre 1698, il y fit un an de rhétorique et continua par la philosophie (1701-04) au collège Louis-le-Grand. Élevé au diaconat, il fut envoyé au Canada et professa à Québec la grammaire de 1705 à 1709. Comme il n’y avait point d’évêque dans la colonie, il dut retourner en France pour recevoir les onctions sacerdotales et y poursuivre auparavant son cours de théologie (1709-1713). Puis on le chargea d’enseigner les humanités, ainsi que la philosophie, à Louis-le-Grand, remplissant à la fois les fonctions de préfet et de président des salles communes.

En 1689, le père jésuite Jean Crasset avait publié une Histoire de l’Église du Japon, qui devint hors de presse; le Père de Charlevoix imagina de la résumer en un court abrégé : renseignements pris dans les auteurs, il se décida à composer trois volumes : Histoire de l’Établissement des progrès et de la décadence du Christianisme dans l’empire du Japon… (Rouen, 1715).

En 1719, le Régent le choisissait pour l’informer sur place des vraies limites de l’Acadie et des découvertes à faire dans l’extrême ouest. Le P. de Charlevoix s’embarqua, le 1er juillet 1720, et débarqua à Québec le 23 septembre suivant; il devait retourner par la Louisiane. Au commencement de mars 1721, il se rendit à Montréal en calèche d’hiver et y arriva le 14 du mois, visitant le fort de Chambly et le Saut-Saint-Louis. Le 1er mai, il se met en route vers l’Ouest avec deux canots, huit voyageurs et des marchandises, sous le commandement du sieur de Cournoyer. La flottille remonte le Saint-Laurent supérieur, franchit le lac Ontario et atteint Niagara, le 26, et le lac Érié jusqu’à Détroit, le 8 juin; enfin le lac Huron jusqu’à Michillimakinac le 30 du même mois. La baie des Noquets, où sont campés les Sioux, est distante de 60 lieues; il y suit M. de Montigny, qui en est nommé commandant. Dans une lettre qu’il adresse au comte de Toulouse, le 27 juillet, il se plaint du peu de lumière qu’il y a pu tirer des personnes qu’il a interrogées; ce qui lui fit penser à se rendre au lac Supérieur. Mais il résolut de continuer vers la Louisiane, sauf à revenir, l’année suivante, et à exécuter ce dessein. Ayant traversé le lac Michigan, il arriva au fort et à la rivière Saint-Joseph, où il est retenu par la maladie, l’espace de six semaines. Se faisant accompagner de dix soldats, sous les ordres de M. de Saint-Ange, il s’embarque le 16 septembre, atteint la rivière Kankakee jusqu’à la Fourche de celle des Illinois. Le 5 octobre, il est au lac Pimiteouy, à 70 lieues du Mississipi, qu’il suit bientôt jusqu’à la mission Cahokia, où il rencontre deux missionnaires de Québec, deux anciens élèves, les abbés Thaumur de la Source et Le Mercier. Le 20, il arrive sain et sauf à l’entrée de la Louisiane, où les jésuites dirigent leurs florissantes missions et où ils jouit d’un mois de répit. Le 5 janvier 1722, le voyageur salue la Nouvelle-Orléans au berceau et passe à Biloxi, où la fièvre le retient six semaines.

Aussitôt rétabli, il songe à revenir sur ses pas; mais la rumeur apporte la nouvelle des armements entre Sauvages et nul ne se décide à le ramener au Canada. Il décide de monter sur une flûte de la Compagnie en partance pour Saint-Domingue, avec l’espoir d’y trouver un voilier qui le conduira à Québec. Le 1er avril, le bâtiment appareille et, 14 jours après, va se jeter sur un récif vers la pointe extrême de la Floride; tout le monde (est sauf) et 50 jours après le naufrage, le Père est de retour à Biloxi. Le 30 juin, nouvel embarquement pour Saint-Domingue; se voyant obligé de relâcher à La Havane, il n’arrive au terme qu’au bout de deux mois de navigation; depuis huit jours à peine un bâtiment venait de partir pour Québec. Il prend alors le parti de retourner en France et il est à Paris le 20 janvier 1723; il adresse le même jour le rapport de son voyage au comte de Toulouse. À celui-ci succéda le comte de Morville, qui laissa tomber toutes les démarches du Père de Charlevoix en vue de faire découvrir la mer de l’Ouest en remontant le Missouri et de créer un établissement de missionnaires aux Sioux. Le récit de cette excursion ne parut en librairie qu’en 1744, intitulé Journal d’un voyage fait par ordre de la Cour dans l’Amérique septentrionale, par le Père de Charlevoix, s.j.

En 1724, le jésuite publia La Vie de la Mère Marie de l’Incarnation, institutrice et première supérieure des Ursulines de la Nouvelle-France (voir Jos.-Edmond Roy, Essai sur Charlevoix, Ottawa, 1908). C’est sans doute pour surveiller la traduction italienne de cet ouvrage que le Père de Charlevoix se rendit à Rome, où il séjourna trois ans, et ne revint à Paris qu’en 1728.

En 1730, il livra au public son Histoire de Saint-Domingue en 2 vol. in 4o, enrichis de cartes et de planches (voir J.-E. Roy, ibid.). En 1733, il est attaché avec d’autres jésuites à la rédaction des Mémoires de Trévoux. Il révéla alors son dessein de composer une histoire complète du Nouveau-Monde. Sa collaboration, en 1735, consistait à signaler au public l’apparition des livres nouveaux, chaque mois et sans signature. L’Histoire et description générale du Japon parut en 1736.

En 1744 paraissait à Paris, en six volumes in-12o, l’Histoire et Description générale de la Nouvelle-France avec le Journal historique d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique septentrionale. Le texte embrasse toute l’histoire de la colonie, depuis la découverte par Jacques Cartier jusqu’à l’année 1731, époque de la rétrocession du Canada au roi par la Compagnie des Indes occidentales. Il se divise en deux parties : la première a trait à l’histoire générale de la Nouvelle-France en 22 livres et en 4 volumes; la seconde renferme le Journal historique du voyage de l’auteur en 1720-22, sous forme de lettres adressées à la duchesse de Lesdiguières, en deux volumes. Il y a même la description des plantes les plus communes du pays, avec planches pour en désigner l’espèce et la forme; le Journal a été traduit en anglais par Louise Kellog en 1923.

En 1756, il publia son Histoire du Paraguay, en 3 volumes in-4o. Tous ces ouvrages sont d’un auteur bien renseigné et d’un excellent écrivain. Le Père de Charlevoix mourut en 1761 en France."

Louis Le Jeune, article "Charlevoix" du Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, moeurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, vol. 1, p. 368-369

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