Peinture antique


Winckelmann
«Il y a lieu de croire que les éloges qu’on donne ici aux statues des artistes grecs étaient également dus à leurs tableaux. Les règles de l’analogie, et la ressemblance qui se trouve naturellement entre ces deux arts, mènent à cette conclusion; mais la main dévorante du temps, et la fureur des conquérants barbares, ont détruit les monuments précieux qui auraient pu nous mettre en état de juger avec certitude de la perfection de la peinture grecque.

On suppose en général que les peintres grecs avaient une connaissance profonde du dessin; on convient aussi qu’ils possédaient au plus haut degré le talent de l’expression; mais on borne leur mérite à ces deux points, et l’on juge qu’ils étaient très médiocres dans les parties de la composition, de la perspective et du coloris. Ce jugement est fondé en partie sur les bas-reliefs, et en partie sur les peintures anciennes qui ont été découvertes ou à Rome ou dans son territoire, et qui ont été tirées des ruines souterraines du palais de Mécène, de Titus, de Trajan et des Antonins. Ces peintures, que l’on ne peut pas prouver être des productions grecques, sont au nombre de trente, dont quelques unes sont en mosaïque.

Le docteur anglais, George Turnbull, a donné, dans son Traité de la peinture ancienne (1740), une collection des peintures anciennes les plus remarquables, dessinées par Camillo Paderni et gravées par Van Mynde: c’est la partie la plus estimable de ce fastidieux ouvrage, qui, sans ces gravures, ne vaudrait pas le papier sur lequel il est imprimé. Parmi ces peintures, il y en a deux, dont les originaux se trouvaient dans le cabinet du célèbre médecin Richard Mead, à Londres.

On sait que le Poussin étudia avec une attention et une assiduité particulières le tableau ancien de la Noce Aldobrandine, qu’on voit encore à Rome et qu’il y a dans quelques cabinets des dessins du Carrache, faits d’après le prétendu Coriolan qui se trouve la dix-septième figure de la collection de Turnbull. Il y a aussi des connaisseurs qui trouvent une ressemblance frappante entre les têtes du Guide et celles qui sont représentées dans l’Enlèvement d’Europe en mosaïque, planche huitième de la même collection. Mais ces remarques sont trop vagues et trop communes pour mériter qu’on s’y arrête.

Nous observerons cependant que si des peintures à fresque, telles que celles qu’on cite ici, suffisaient pour nous donner une idée exacte et fidèle des progrès de la peinture chez les anciens, nous serions en droit de regarder les peintres comme de très médiocres artistes, même dans les parties du dessin et de l’expression. Les murs du fameux théâtre d’Herculanum nous confirmeraient dans cette opinion, car on y trouve peu d’élégance dans le dessin, peu de noblesse dans l’expression, et plusieurs exemples du contraire. Le Thésée environné de jeunes Athéniens qui lui baisent les mains et embrassent les genoux, après la victoire qu’il a remportée sur le Minotaure, est très médiocrement dessiné. On en peut dire autant de la Flore, avec Hercule et le Faune, tableau où l’on a cru reconnaître le jugement d’Appius Claudius. La plus grande partie des têtes qui sont peintes dans ces différents tableaux sont sans expression, et celles du dernier surtout n’ont aucune espèce de caractère.

Mais gardons-nous de juger les artistes anciens d’après ce peu de monuments, dont la médiocrité semble prouver évidemment que ce n’étaient que des productions des peintres du second rang, et peut-être du dernier. Il paraît impossible que ces belles proportions, ce contour gracieux, cette expression grande et forte que nous admirons dans les ouvrages des sculpteurs grecs, aient été entièrement inconnus aux bons peintres de cette nation.»

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