Essentiel
«Il est clair que cette sorte d'auteurs n'écrit pas seulement pour plaire, mais, plus que toute autre famille d'écrivains (hormis les auteurs spirituels, avec lesquels ils demeurent, quoi qu'ils disent et fassent, en affinité élective), pour « instruire », édifier sur la vie et, encore souvent, édifier tout court. Le choix de la forme concentrée, voire martelée, s'explique ainsi par le fait que c'est elle.qui s'imprime le plus aisément dans la cire de la mémoire du lecteur. Le but, souvent prioritaire, de tout écrivain moraliste étant d'inciter son lecteur à la prudence (celle-ci pouvant, selon l'« idéologie » de l'auteur, prendre les colorations les plus diverses, de l'épicurisme à la Saint-Évremond au rigorisme des jansénistes), toute son entreprise est sous-tendue par une réflexion sur le statut et le fonctionnement de la mémoire. La forme concise et ramassée, la phrase nerveuse et serrée, voire sèche et impérieuse, répondent de la façon la plus efficace au but qu'il poursuit, de procurer comme un vade-mecum existentiel.
Et la question de la forme et celle de la mémoire commandent d'être considérées sous une ample perspective. » (p.6)
Les quelques fragments qui suivent sont cités de mémoire:
Ce qui a été écrit avec le sang mérite d'être appris par coeur. (Nietzsche)
Tout est fruit pour moi de ce que m'apporte tes saisons ô nature! (Marc-Aurèle)
Impius non est qui tollit multitudinis deos sed qui diis opiniones multitudinis applicat. L'impie n'est pas celui qui rejette les dieux de la multitude, c'est celui qui applique aux dieux les opinions de la multitude. (Épicure)
Qu'importe que tu nies les dieux ou que tu les souilles. (Sénèque)
Nous voyons alors ce qu'il y a au fond du pot. (à la mort) (Montaigne)
L'homme n'est qu'un roseau, mais c'est un roseau pensant. (Pascal)
Le Christ sera en agonie jusqu'à la fin du monde. (Pascal)
Raminagrobis mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre (La Fontaine)
Nous flattons de la créance que nous quittons nos vices alors que ce sont nos vices qui nous quittent. (La Rochefoucauld)
Il faut que le coeur se brise ou se bronze. (Chamfort)
Man muss vom Leben scheiden wie Odysseus von Nausikaa schied, segnend, nicht verliebt. Il faut quitter la vie comme Ulysse quitta Nausikaa, en la bénissant et non amoureux d'elle. (Nietzsche)
Dass ihre Liebe sei mitleident mit leidenden und verhülten Göttern. Que votre amour soit de la pitié pour des dieux souffrants et voilés. (Nietzsche)
Dans le mariage on ne fait qu'un, il s'agit de décider lequel. (Chesterton)
L'amour est une orientation de l'âme et non un état d'âme. (Simone Weil)
Ce qui n'est pas de l'éternité retrouvée est du temps perdu. (Gustave Thibon)
La perte de l'âme est indolore.(Gustave Thibon)
On n'est pas fait pour le malheur, on est fait par le malheur. (Hélène Laberge)
La civilité est la pourriture noble de la vitalité.
Leuhlan.
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Jugement de Nietzsche sur les Allemands et les moralistes français
«Ils n'ont jamais passé dans leurs classes, comme les Français, par un sévère XVII siècle où l'on apprenne l'examen de conscience. Un La Rochefoucauld , un Descartes sont cent fois supérieurs en loyauté aux premiers d'entre eux ; les Allemands, jusqu'à maintenant, n'ont pas eu un seul psychologue. Or la psychologie donne presque la mesure de la propreté ou de la malpropreté d'une race... Et quand on n'est même pas propre, comment pourrait-on être profond ? Chez l'Allemand, comme chez la femme, on n'arrive jamais au fond : il n'y a pas de fond, voilà tout. Et cependant ils n'arrivent même pas à être plats. »
Ecce homo
Jugement de Ernst Jünger sur les moralistes
«Rivarol comptera, par ses
Maximes, parmi ces analystes et peintres du caractère humain que l'on désigne du nom de moralistes, et dont l'esprit français, par ses qualités de sociabilité, favorise particulièrement la croissance. De même que dans ce climat tempéré certains fruits atteignent à la plus haute perfection et font l'ornement des tables, ainsi prospèrent
en France, surtout depuis l'époque de Montaigne, ces oeuvres consacrées à la connaissance intime du coeur, de l'esprit et du caractère humains, dans leurs traits nobles et bas, leurs vertus et leurs défauts. Par cette contribution, la France a dispensé à la littérature universelle une série d'ouvrages célèbres dont la lecture nous comble de la jouissance que donnent un « déchiffrage du cceur », une joyeuse connaissance et une prise de conscience de soi.»
Rivarol et autres essais, Paris, Grasset, 1974, p.31