Turner Joseph Mallord William

23 / 04/ 1775-19 / 12 / 1851
Notice de La Grande Encyclopédie (fin du XIXe siècle)

«Peintre anglais, né à Londres le 23 avril 1775, mort à Chelsea le 19 décembre 1851. Fils d'un pauvre perruquier, il se lia dans son enfance avec Thomas Girtin et peignit comme lui des aquarelles (cet artiste très bien doué mourut à vingt-sept ans, à la suite de débauches): les deux amis intéressèrent à leurs efforts le docteur Munro qui leur permit de copier les dessins de sa magnifique collection et achetait une demi-couronne leurs croquis. En 1789, Turner entra comme élève à l'Académie royale et, l'année suivante, il exposa une Vue du palais de l'archevêque de Lambeth: depuis cette époque, il exposa tous les ans à l'Académie jusqu'à sa mort (sauf en 1821, 1824 et, 1848), et le chiffre de ses envois s'élève à 259, c.-à-d. la moitié environ de son œuvre, si l'on en excepte ses aquarelles dont le nombre est incalculable. Ses tableaux, paysages et marines d'Angleterre, ne tardèrent pas à lui valoir une grande réputation, si bien qu'il devint dès 1802 membre titulaire de l'Académie. Influencé d'abord par la manière terne et froide mise à la mode par Richard Wilson, Turner subit ensuite l'influence des Hollandais Guillaume Van de Velde, Cuyp, puis celle de Claude Lorrain et du Poussin, surtout du premier. Ses voyages en Écosse, en France (1802), en Suisse, sur les bords du Rhin, agrandirent son horizon. En 1807, il fut nommé professeur de perspective à l'Académie royale, mais n'y donna des leçons que peu d'années. L'année suivante, il commença la publication d'un recueil de ses esquisses sous le nom de Liber Studiorum, puis imita le Liber Veritatis de Claude Lorrain. La séduction exercée par le grand paysagiste français sur Turner a laissé une trace visible dans ses tableaux. «Il aimait comme lui les grands horizons baignés d'une douce lumière, les lointains vaporeux, les splendeurs dorées du soleil couchant.» Mais son originalité a connu des hardiesses ignorées de Lorrain; dès 1806, il exposait un Soleil se levant dans le brouillard National Gallery), où se marque la maîtrise de son talent. Il a beaucoup aimé l'Italie où il a séjourné à trois reprises, en 1819, 1829 et 1840. Pendant soixante années, il a travaillé sans relâche: un sentiment admirable de vérité et de poésie illumine ses crépuscules et ses aurores; c'est un des plus grands peintres de paysage de l'école anglaise. A la fin de sa vie, l'artiste se livra plus entièrement à sa fantaisie dans la lumière: à partir de 1835, ses tableaux ressemblent à de lumineuses visions à travers le brouillard, à des arcs-en-ciel, à des feux d'artifice; le jaune et le rouge se mêlent et s'opposent sur des fonds blancs. La singularité de sa dernière manière a rencontré des admirateurs enthousiastes. En dehors de ses grandes compositions, Turner a exécuté d'innombrables illustrations pour les éditions luxueuses de Walter Scott, Samuel Rogers, Byron, Thomas Moore; les "Keepsakes" contiennent presque toujours quelques-uns de ses dessins, vues de Venise noyée dans une vapeur dorée, barques glissant dans un pâle rayon de lune, larges paysages arcadiens où se jouent les nymphes de Diane, colonnades fuyant dans la perspective de fantasques architectures. Tous ces sujets étaient peints à l'aquarelle, avec une merveilleuse légèreté des ombres, colorées et lumineuses: Turner est considéré par les Anglais comme le maître du genre. Tant d'œuvres universellement admirées et payées fort cher avaient enrichi le peintre. Mais il ne voulut pas jouir de sa fortune et, à la fin de sa vie, rechercha la solitude: il quitta sa maison de Queen Anne Street, bâtie en 1812, rompit toute relation avec le monde, changea de nom et se retira dans un pauvre logement de Chelsea, de l'autre côté de Westminster; il y passa les dernières années de sa vie, dans une solitude absolue, inabordable, inconnu même de l'hôtelière qui le logeait. Il a légué ses tableaux à la nation et 200 000 livres sterling pour la construction d'un asile en faveur des artistes pauvres. La National Gallery à Londres contient 412 de ses tableaux et, dans ce nombre, la plupart de ses œuvres maîtresses: Jason, la Forge, Apollon et Python, le Naufrage, Didon et Enée, la Chute de Carthage, la Baie de Baïa, Ulysse et Polyphème, la Traversée des Alpes par Annibal, l'Entrée du port de Calais.»

Article «Turner» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.] Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de «La grande encyclopédie», [191-?]. Tome trente-et-un, p. 511

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Influence de Turner sur les impressionnistes (P. Signac)
«En 1871, pendant un long séjour à Londres, Claude Monet et Camille Pissarro découvrent Turner. Ils s'émerveillent du prestige et de la féerie de ses colorations; ils étudient ses œuvres, analysent son métier. Ils sont tout d'abord frappés de ses effets de neige et de glace. Ils s'étonnent de la façon dont il a réussi à donner la sensation de blancheur de la neige, eux qui jusqu'alors n'ont pu y parvenir avec leurs grandes taches de blanc d'argent étalé à plat, à larges coups de brosses. Ils constatent, que ce merveilleux résultat est obtenu, non par du blanc uni, mais par une quantité de touches de couleurs diverses, mises les unes à côté des autres et reconstituant à distance l'effet voulu.

Ce procédé de touches multicolores, qui s'est manifesté tout d'abord à eux dans ces effets de neige parce qu'ils ont été surpris de ne pas les voir représentés, comme de coutume, avec du blanc et du gris, ils le retrouvent ensuite, employé dans les tableaux les plus intenses et les plus brillants du peintre anglais. C'est grâce à cet artifice que ces tableaux paraissent peints, non avec de vulgaires pâtes, mais avec des couleurs immatérielles.»

PAUL SIGNAC, "D'Eugène Delacroix au néo-impressionnisme, in la Revue Blanche, 1899. Voir ce texte.

Articles


L'école anglaise: Joseph Mallord William Turner

Ernest Cheneau
Passage du livre de l'historien français Ernest Cheneau sur le peintre Turner. Déjà vers 1864, le génie précurseur de Turner avait conquit la majorité des critiques. On le constatera à la lecture de ce texte dans lequel l'auteur, qui sans dout



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