Joie

Il est des poèmes qui définissent un terme mieux qu’aucune définition ne saurait le faire.

Ô homme, prends garde!
Que dit le profond minuit?
«J'ai dormi, j'ai dormi,
D'un rêve profond je me suis éveillé:
Le monde est profond.
Et plus profond que ne pensait le jour.
Profond est son mal.
La joie, plus profonde que l'affliction.
La douleur dit: Passe et péris.
Mais toute joie veut l'éternité,
Veut la profonde, profonde éternité! »

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra


Ainsi la joie suppose l’éveil, la lucidité. Il n’y a pas de joie possible pour celui qui reste attaché à ses illusions. Nietzsche rejoint ici le Platon du mythe de la caverne et Spinoza, le rigoureux penseur de la joie. Certes la lucidité s’accompagne d’un sens aigu du mal et de l’affliction qui en découle, mais la joie est plus profonde que cette douleur… «toute joie veut la profonde éternité.» Les plus grandes traditions religieuses, orientales aussi bien qu’occidentales, à leur sommet, ne disent pas autre chose. La joie suppose aussi que l’œil de l’amour permette de voir au-delà de ce qu’on voit avec l’œil de l’intelligence.

La joie, plus profonde que la douleur, mais aussi plus durable que le plaisir, selon Frédéric Gros:

«La joie est autre chose, (que le plaisir) moins passive et plus exigeante, moins intense et plus complète, moins locale et plus riche. Dans la marche s'éprouve aussi la joie comprise cette fois comme l'affect lié à une activité. On trouve chez Aristote et Spi­noza au fond la même idée : la joie, c'est l'accom­pagnement d'une affirmation.»

«La tristesse est une affirmation  entravée» La joie  est le signe d'une énergie qui se déploie dans l'aisance, elle est une affirmation libre.»

«Dans la marche, la joie est une basse continue. [...] Ce qui dans la marche domine, loin des hourras fanfa­rons, c'est la joie simple d'éprouver son corps dans l'activité la plus archaïquement naturelle. Et il faut voir l'enfant faisant ses premiers pas : ce rayonnement qui lui vient de mettre un pas devant l'autre. Quand on marche, la basse conti­nue de la joie c'est de sentir à quel point le corps est fait pour ce mouvement, comment il trouve dans chaque pas la ressource du prochain.»
Source: Frédréric Gros, Marcher, une philosophie, Flammarion, Paris 2009, p.194-195

La joie ou le bonheur? «La joie ne doit pas être confondue avec le bonheur. Ce dernier terme évoque, en effet, un état stable et gratifiant dans lequel toutes les aspirations de la personne à la liberté, à la bonté, à la sagesse, etc., seraient enfin réalisées. La joie, quant à elle, traduit une expérience de vie, beaucoup plus fragile et temporaire. Même si elle peut durer de longues périodes, elle n'installe pas la personne dans un état de béatitude proche de celui que l'on peut deviner sur les statues de Bouddha. La joie est souvent mouvementée. En tout cas, elle est mouvement et ne protège nullement des tempêtes de la vie. »

Éduquer par la joie. Entretien avec le père Xavier Thévenot (Les Salésiens et les Salésiennes de Don Bosco de France)


«- La joie si pleine d'elle-même qu'elle soit est toujours prête à accueillir ce qui se présente à elle. - La douleur si vide et si avide qu'elle soit, se referme sur elle-même et ne veut rien admettre en dehors d'elle. L'une est fille du Ciel sans bornes.L'autre vient du pays de toutes les limites.»

« La joie Le nomme et la douleur L'appelle.  »


-« La joie semble remplir le coeur de l'homme, la douleur le creuser. Dans les desseins de Dieu l'une ne le creuse que pour qu'il soit par l'autre surabondamment comblé.

V.Ghika


«Il n'est au pouvoir d'aucune peine ni d'aucune humiliation humaine d'éteindre la joie essentielle qui est en nous» (Paul Claudel, in Cahiers Paul Claudel, 1 «Tête d'Or» et les débuts littéraires, Paris, NRF, Gallimard, 1959, p. 83).

 

 

 

 

 

 

 

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