Bellay Joachim du

Vers 1522-1525-1er janvier 1560
"Il était fils de Jean du Bellay, sieur de Gonnor, capitaine de quarante hommes d’armes et gouverneur de Brest, et de Renée Chabot, dame de Liré et de la Turmelière. Son père était cousin germain de Guillaume, Martin, Jean et René du Bellay […]. Il n’était donc que le neveu à la mode de Bretagne du cardinal Jean du Bellay qui l’amena à Rome. Il perdit ses parents d’assez bonne heure et se trouva ensuite sous la tutelle de son frère aîné René qui avait hérité de la terre de Gonnor tandis que lui-même avait eu celle de Liré. René du Bellay étant mort jeune, Joachim se trouva à son tour chargé des difficultés de la tutelle de son neveu qu’aggravaient encore les soucis d’une succession embarrassée. Il en tomba malade et ce fut cette maladie qui décida de sa vocation. Renonçant à la politique et aux armes dans lesquelles plusieurs membres de sa famille s’étaient illustrés, il résolut de chercher la gloire uniquement dans les lettres. L’université de Poitiers, alors une des plus célèbres de France, l’attira et il y rencontra Ronsard et Baïf. Dès lors il fut un des membres de la Pléiade et engagé dans le grand mouvement littéraire du milieu du XVIe siècle. Il avait publié plusieurs ouvrages quand le cardinal Jean du Bellay l’appela à Rome pour en faire l’intendant de sa maison, vers 1550 ou 1551. Il y resta quatre ans. Diverses causes restées obscures, mais plus probablement une intrigue amoureuse avec une noble romaine, le firent revenir en France en 1555. À son retour, son cousin Eustache du Bellay le nomma chanoine de Notre-Dame de Paris. Mais il était parti de Rome brouillé avec son parent le cardinal; deux autres de ses protecteurs, Henri II et la reine de Navarre, moururent; enfin la princesse Marguerite de France quitta la cour pour aller régner en Savoie. Lui-même était devenu sourd et avait vieilli avant l’âge. Toutes ces causes hâtèrent sa fin et il mourut, âgé d’environ trente-cinq ans, au moment où il allait être nommé à l’archevêché de Bordeaux.

D’après Sainte-Beuve, son premier ouvrage aurait été un recueil de poésies, dédiées à la princesse Marguerite, sœur de Henri II, et parues en 1549. Ce serait pour ce livre qu’il aurait fait en secret des emprunts à Ronsard, acte que leur amitié persistante semble démentir absolument. La Défense et Illustration de la langue française, qui parut le 5 ou le 15 février 1550 sous les simples initiales I. D. A. B., fut le manifeste de la nouvelle école. Elle est divisée en deux livres. Le premier, qui comprend douze chapitres, est consacré à la défense de la langue française; le second est une sorte de portrait idéal du poète tel que le comprenaient les novateurs.

Écrit avec chaleur et très juste dans beaucoup de ses parties, ce livre eut une grande influence bien que l’école de Marot ait répondu à ses théories par le Quintil Horatian de Charles Fontaines. L’Olive le suivit de près et parut probablement en octobre de la même année. C’est un recueil de sonnets amoureux, forme poétique, née en Provence, puis développée en Italie d’où du Bellay la rapporta. Les uns ont prétendu que l’héroïne du livre était une maîtresse imaginaire, les autres qu’Olive était l’anagramme de son véritable nom Viole. Nous pencherions plutôt pour cette dernière hypothèse que semble justifier le fait que les du Bellay connaissaient une famille Viole. En 1653, en effet, ce fut en faveur d’un Guillaume Viole qu’Eustache du Bellay se démit de son évêché de Paris. Trois ans après le retour de Rome de Joachim du Bellay parurent ses Jeux rustiques (1558, 1ère édition) et ses Regrets. Ces derniers coururent d’abord manuscrits, puis furent imprimés à Paris, chez Frédéric Morel, en un volume in-4 (1558). Une nouvelle édition de ces deux recueils, qui sont certainement l’ouvrage le plus parfait de Du Bellay, a été donnée récemment (Paris, 1876). Elle comprend huit sonnets nouveaux découverts par M. Paulin Paris dans un exemplaire qui avait appartenu à la bibliothèque du Roi et publiés par M. A. de Montaiglon. Joachim du Bellay a encore laissé des lettres et des œuvres latines. Les dernières forment deux recueils : 1. Joachimi Bellaii Andini poematum libri quatuor. Parisiis, apud Federicum Morellum (1558, in-4); 2. Joachimi Bellaii Andini Poetae clarissimi Xenia sev illustrium quorumdam nominum allusiones (Paris, 1569, in-4). L’ensemble des poésies latines de Du Bellay a été recueilli dans les Deliciae Poetarum Gallorum publiés en 1609 par Ranutius Grehus (Gruter). Les œuvres de Joachim du Bellay ont été souvent réimprimées. […]

Poète délicat et quelquefois puissant, du Bellay est presque toujours facile, et il a su éviter le pédantisme où sont tombés quelques-uns de ses amis de la Pléiade, Baïf en particulier. Nous ne pouvons d’ailleurs mieux faire que de nous rallier au jugement si sûr et si fin qu’a porté sur lui Sainte-Beuve. « Des images, dit-il, de l’énergie, de la dignité, du sentiment, telles sont les qualités jusque-là inconnues qu’on distingue en lui quelquefois et dont les vestiges révèlent un poète… sa facilité le sauve de l’enflure pédantesque… Du Bellay a composé des poésies lyriques où se rencontrent beaucoup de strophes d’un ton élevé et soutenu… Mais c’est surtout par la grâce et la douceur qu’il paraît exceller, ainsi que l’avaient bien senti ses contemporains en le surnommant l’Ovide français… Novateur en poésie, il le fut avec autant de talent et plus de mesure qu’aucun de ses contemporains ». (Tableau de la poésie française au XVIe siècle)."

Louis Farges, article «Joachim du Bellay» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, H. Lamirault, [191-?]. Tome sixième (Belgique-Bobineuse), p. 51-52 (domaine public)

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