Hormone

Essentiel

La santé primale en cause

Jusqu'à quel point les craintes qu'inspirent les perturbateurs endocriniens sont-elles fondées, la controverse sur cette question durera encore longtemps. Quoiqu'il en soit, ce débat aura mis en relief l'importance du système hormonal dans la santé humaine. Il faut s'en réjouir.

Pendant longtemps on a étudié le système nerveux, le système immunitaire et le système hormonal séparément. Les découvertes des vingt ou trente dernières années ont fait tomber toutes les barrières qui les séparaient, ce qui a incité le docteur Michel Odent à forger le concept de santé primale.

Le cerveau qu'il appelle primal, (l'hypotalamus), le système hormonale et le système immunitaire forme un ensemble intégré que Michel Odent appelle le système d'adaptation primal.

«Les différentes parties de ce système se développent, se règlent, s'ajustent pendant la vie foetale, pendant la période qui entoure la naissance et pendant la prime enfance. A la fin de la prime enfance, le «système d'adaptation primale» a atteint sa maturité. J'appelle «santé primale» les niveaux d'équilibre atteints par ce système à la fin de la prime enfance. En d'autres termes, la «santé primale» se construit pendant toute la période d'étroite dépendance à la mère, d'abord dans l'utérus, puis pendant le processus d'accouchement, et ensuite pendant la période d'allaitement. Tous les événements qui émaillent cette période de dépendance à la mère influencent cet état de santé de base que nous appelons santé primale.» (1)

Entre le cerveau et le système hormonal les interrelations sont telles que Michel Odent peut affirmer que le cerveau peut être aujourd'hui considéré comme une glande.

«La barrière qu'il est le plus facile aujourd'hui d'éliminer entre les différents constituants du «système d'adaptation primale» est celle que l'on avait interposée entre le «cerveau primal» et le système hormonal. L'hypothalamus fait partie du cerveau. Il est constitué de cellules nerveuses ou «neurones», qui communiquent avec d'autres cellules nerveuses par contact direct de leurs prolongements. Mais l'hypothalamus fait aussi partie du système hormonal. Il sécrète des hormones par lui-même. Ces hormones vont atteindre la partie antérieure de la glande hypophyse par le courant sanguin. Ces hormones de l'hypothalamus peuvent être stimulatrices ou inhibitrices des sécrétions de l'hypophyse antérieure. Les hormones de l'hypophyse sont elles-mêmes stimulatrices des autres glandes endocrines telles que les glandes surrénales, la thyroïde, les ovaires et les testicules. Toutes ces sécrétions d'hormones (telles les sécrétions de «thyroxine», de «cortisol», de «folliculine», de «progestérone», de «testostérone») contrôlent en retour par «rétroaction», par «feedback», l'activité de l'hypothalamus. Il y a une véritable interdépendance entre les glandes endocrines et le cerveau. Bien plus, le cerveau peut être aujourd'hui considéré comme une glande avec une issue nerveuse par l'intermédiaire des neurones moteurs qui donnent des ordres aux muscles et aux viscères, et une issue hormonale par l'intermédiaire de l'hypothalamus.
Le cerveau peut utiliser le modèle hormonal de transport d'information pour son propre usage interne. En d'autres termes, les cellules nerveuses n'ont pas besoin de se toucher, de s'articuler au niveau d'une «synapse» pour communiquer. C'est pourquoi on peut provoquer l'envie de boire en injectant une petite quantité d'«angiotensine» dans une zone précise du cerveau, ou déclencher un comportement maternel en injectant de la même façon un peu d'ocytocine hypophysaire. Ce phénomène permet de comprendre comment de petites greffes de cerveau ont pu combler certains déficits. J'imagine que les physiologistes ou les médecins bien imprégnés par l'image mentale d'une transmission de cellule à cellule, par l'image mentale d'un système comparable au réseau électronique, ont quelques difficultés à intégrer l'existence de substances qui modifient l'activité du cerveau par un mécanisme de «modulation», de «mise en diapason».
La distinction entre système nerveux et système hormonal apparaît comme encore plus arfificielle lorsqu'on sait que les deux systèmes emploient volontiers les mêmes messagers chimiques. Ainsi la noradrénaline, messager chimique du système nerveux sympathique, est aussi l'hormone sécrétée par la glande surrénale pour stimuler les contractions cardiaques, dilater les muscles bronchiques et renforcer les contractions musculaires.» (2)

Notes
1- Michel Odent, La santé primale. Paris: Ed. Payot, 1986, p. 23.
2. Ibid., p. 29-30.

Enjeux

Le système hormonal est au centre d'une controverse mondiale mettant en cause des produits chimiques, présents dans de nombreux plastiques, dans les pesticides et dans les herbicides; on les appelle perturbateurs endocriniens parce qu'ils faussent le fonctionnement normal du système hormonal. C'est surtout l'hormone fémine produite par les ovaires, l'oestrogène, qui est touchée. Certains produits chimiques miment le comportement de cette hormone alors que d'autres bloquent les récepteurs de ladite hormone, l'empêchant ainsi d'agir:
«Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques synthétisées par l’homme ou des substances naturelles qui produisent des effets réversibles ou irréversibles chez les individus en perturbant leurs fonctions hormonales normales. Les perturbateurs endocriniens reconnus jusqu’à maintenant sont principalement des pesticides. Les dioxines, les BPC, les phtalates, les styrènes, les benzo (a) pyrènes, les nonylphénols et certains métaux lourds (cadmium, mercure et plomb) sont également des perturbateurs endocriniens» (WWF Canada, 1999).

Conséquences et effets délétères des perturbateurs endocriniens

Les premiers effets des perturbateurs endocriniens sont apparus chez plusieurs représentants de la faune mondiale. Les animaux sont souvent très exposés aux polluants (nourriture, milieu de vie, etc.) et leur cycle de vie est généralement plus court que le nôtre (plus de générations en moins de temps). En général, les effets des perturbateurs endocriniens se manifestent chez les individus de la génération suivante plutôt que chez ceux qui sont directement exposés. Ainsi, dès le début des années 50 et jusqu’à aujourd’hui, plusieurs maladies, malformations et comportements étranges ont été constatés chez les oiseaux, les alligators, les phoques, les dauphins, les bélugas et bien d’autres. Après avoir découvert un lien entre tous ces effets négatifs sur les populations animales, les recherches pour découvrir de tels effets chez l’humain ont été entreprises.

Les perturbateurs endocriniens peuvent agir différemment selon l’âge ou la phase de développement de l’organisme touché; l’exposition in utero est de loin la plus critique. Le moment de l’exposition pour un organisme en développement est important car la bonne hormone doit être présente lors de la formation de chaque organe. Le signal hormonal manquant à un stade précis du développement peut entraîner des conséquences graves tout au long de la vie de l’organisme. Des problèmes de santé liés aux expositions in utero peuvent être ressenties à un moment ou un autre de la naissance à l’âge adulte (Center for Bioenvironmental Research of Tulane and Xavier Universities, 1999). Des expositions régulières même à faibles doses sur de très longues périodes peuvent également causer des dommages importants. L’exposition à plusieurs perturbateurs endocriniens en même temps peut entraîner un effet beaucoup plus important que l’effet d’un seul produit, démontrant ainsi un effet synergique.




Effets délétères
  • Anomalies congénitales : Plusieurs animaux de différentes espèces naissent avec des malformations graves (organes génitaux difformes, etc.). Les filles nées de mères qui ont été traitées au Diéthylstilbestrol (un médicament considéré comme modulateur endocrinien) durant leur grossesse ont également des malformations génitales pouvant conduire à l’infertilité.
  • Immunité : Chez plusieurs espèces (lapins, rats, chèvres, goélands, sternes, etc.), une faible production d’anticorps, de globules blancs et de lymphocytes est liée à une quantité importante d’organochlorés, de pyréthroïdes et de BPC présents dans leur organisme. Les enfants Inuit du Québec montrent un taux élevé d’infections respiratoires et d’otites, la vaccination n’est pas efficace chez eux, signe que leur système immunitaire est affecté. Les niveaux de BPC dans le lait maternel de cette population sont dix fois plus élevés que la moyenne du Québec.
  • Reproduction : Des études réalisées à divers endroits dans le monde montrent une diminution des quantités de sperme chez les jeunes hommes. La production de sperme chez l’adulte est dépendante de signaux hormonaux qui incitent la création de cellules spécifiques dans les testicules avant la naissance. La faible proportion de ces cellules chez l’adulte réduit sa capacité de reproduction. Il semble que les BPC puissent agir de cette façon. L’exposition au DDT entraîne la formation d’organes reproducteurs féminisés chez les embryons mâles. Cette féminisation limite considérablement, chez plusieurs espèces d’oiseaux, le nombre de mâles capables de se reproduire.
  • Cancer : Chez la femme, un excès d’oestrogène conduit à l’augmentation de la probabilité de développer un cancer du sein ou de l’endomètre. L’incidence de ces cancers est en augmentation depuis quelques années. Certains pesticides tels que le DDT, le chlordécone et l’atrazine augmentent la production d’oestrogènes dites néfastes les plus susceptibles de causer un cancer. L’exposition in utero de ces substances augmente le nombre de récepteurs d’oestrogènes causant ultérieurement plus de réponses oestrogéniques que la normale. Une incidence croissante de jeunes hommes atteints de cancers des testicules montre que ce type de cancer pourrait être lié à un développement avant la naissance de cellules précancéreuses qui connaîtraient une soudaine prolifération à la puberté.
  • Neurologie et comportement : Les singes rhésus tout comme les humains qui sont exposés à certains pesticides et aux BPC in utero et par le lait maternel subissent certains troubles d’apprentissage et de motricité. Une diminution de la mémoire à court terme et des facultés cognitives ainsi que l’hyperactivité sont également liées à ces expositions. Les mères des enfants les plus touchés ont des taux très élevés de contaminants dans leur lait maternel.
Actuellement, à part les conséquences liées au Diéthylstilbestrol, les effets néfastes des perturbateurs endocriniens chez l’homme n’ont pas encore été corrélés. Des études chez l’animal, bien appuyées, nous permettent cependant de penser que nous sommes également en danger. Les organismes intéressés par cette problématique (OMS, EPA, Fond Mondial pour la Nature, Santé Canada, Environnement Canada, etc.) sont d’avis que ces substances doivent être étudiées et enrayées de façon prioritaire. L’EPA a d’ailleurs mis sur pied un comité chargé de proposer des avenues de dépistage et d’analyse des substances suspectées ou reconnues comme des perturbateurs endocriniens.

Certaines mesures peuvent être prises individuellement pour réduire l’exposition à ces contaminants. Par exemple, il est préférable d’éviter les expositions inutiles aux pesticides (porter des vêtements protecteurs lors de l’utilisation des pesticides, éviter le contact avec les surfaces traitées, etc.), de réduire la consommation de poissons pêchés dans des zones à risque (Guide de consommation du poisson de pêche sportive en eau douce) et de minimiser les contacts entre la nourriture et les plastiques.

Source: ©Ministère de l'Environnement du Québec, Reproduction autorisée

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