Flaubert Gustave

12 décembre 1821-8 mai 1880
« Fils d'un Champenois devenu chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Rouen, Achille-Cléophas Flaubert, et d'une Normande de vieille souche, Anne-Justine-Caroline Fleuriot, Gustave Flaubert était le quatrième d'une famille de six enfants, dont trois seulement survécurent, l'aîné, Achille, le quatrième, Gustave, et une fille cadette, Caroline. II fit ses études au collège de sa ville natale et ne s'y distingua point autrement que par un goût très prononcé pour l'histoire; reçu bachelier, il partit pour Paris et s'inscrivit à l'Ecole de droit. Une maladie assez grave l'obligea peu de temps après à regagner Rouen. Il ne cherchait, du reste, que l'occasion de renoncer à des études qu'il n'avait entreprises que sur les injonctions formelles de son père et qui lui inspiraient une véritable horreur. Dès cette époque, tout travail étranger à la littérature lui apparaissait comme une diminution; il lisait beaucoup; il écrivait davantage encore, mais sans rien achever. On a recueilli dans des mélanges posthumes quelques-uns de ces essais fragmentaires d'entre sa dix-huitième et sa vingtième année, certains assez personnels déjà, sinon par le fond, qui reste romantique, du moins par le tour, singulièrement net et serré: ainsi le fragment d'autobiographie romanesque qui porte le titre de Novembre. Le premier fragment en date publié est le Chant de la mort (1838) ; le second, Smarh (vieux mystère, dit le manuscrit), daté de l'année suivante, emprunte une certaine importance du fait qu'on y peut trouver l'idée mère et comme les linéaments de cette fameuse Tentation de saint Antoine, éternelle obsession du pauvre Flaubert qui ne cessa d'y revenir, de la reprendre et de la remanier jusqu'en 1874 où elle parut enfin en volume et quand l'Artiste en avait déjà publié les trois quarts dès 1857. Cependant la mort du père de Flaubert, en le soustrayant à une tutelle trop étroite et par le bénéfice d'une succession assez considérable, allait lui permettre de renoncer à toute espèce de travail autre que de son choix. Dès lors la littérature le prend, l'absorbe tout entier. Il s'installe d'abord aux environs de Rouen, à Croisset, avec sa famille, puis il part pour la Bretagne avec M. Maxime du Camp et en rapporte la matière d'un livre d'impressions qui sera publié après sa mort sous le titre de Par les Champs et par les Grèves. Retour à Croisset. Smarh devient dans l'esprit de Flaubert la Tentation de saint Antoine qu'il ébauche dans ses grandes lignes. En 1849, nouveau départ avec M. du Camp, mais cette fois pour la Grèce, la Syrie, l'Egypte, etc., d'où il compte rapporter un nouveau livre d'impressions, dont le début seul fut écrit (A Bord de la Cange); du moins Flaubert y recueillit-il des indications de paysages qui devaient lui servir par la suite. Second retour et installation à Croisset en 1851. Reprise de la Tentation de saint Antoine, qu'il mène d'un trait jusqu'à plus de la moitié du livre et qu'il abandonne brusquement pour l'exécution d'un sujet tout opposé : c'est Madame Bovary, roman de mœurs contemporaines, publié dans la Revue de Paris en 1857, poursuivi sous l'inculpation d'outrage aux mœurs et acquitté sur la remarquable défense de Me Sénart. De Madame Bovary date la réputation de Gustave Flaubert. Le livre fit un bruit énorme dans la presse et dans le public; Sainte-Beuve l'appuya de sa courageuse et décisive autorité. On y vit communément le point de départ d'un art nouveau, franchement réaliste, décidé à tout comprendre et à tout dire; une critique plus avertie devait retrouver plus tard dans cette forme d'apparence si tranchée bien des attaches encore avec le romantisme déclinant. Il eût semblé qu'un succès aussi vif devait décider de la direction de Flaubert : il n'en fut rien. Presque en même temps que Madame Bovary paraissait dans la Revue de Paris, l'Artiste publiait en fragments la Tentation de saint Antoine. En 1858, Flaubert partait pour Tunis, visitait l'emplacement de Carthage, et quatre ans plus tard donnait Salammbô, reconstitution prodigieuse, aux trois quarts intuitive, d'une civilisation à peu près sans histoire et où l'on ne saurait trop admirer du moins la claire et froide beauté du style, la farouche grandeur des épisodes, la marche rythmique de l'action. Salammbô fut loin de provoquer le même enthousiasme que Madame Bovary. Sainte-Beuve lui-même s'éleva contre les procédés un peu suspects d'un romancier avant tout passionné d'exactitude et qui allait choisir de toute l'histoire la civilisation qui prêtait le plus aux hypothèses. Flaubert riposta. La discussion fut longue ; elle n'est point de celles qui se tranchent tout entières en un sens ou en l'autre ; du moins la bonne foi de Flaubert y apparut-elle absolue. Avec l'Education sentimentale, roman d'un jeune homme, Flaubert parut revenir un moment, en 1869, au genre qui lui avait valu une si rapide et légitime célébrité, lors de la publication de Madame Bovary. La Tentation de saint Antoine, publiée en 1874, fut au contraire un retour vers le roman descriptif et d'imagination rétrospective. La même année, Flaubert abordait le théâtre avec une pièce d'actualité, Candidat, qui fut jouée au Vaudeville et tomba net. Ce n'était point sa première tentative dramatique. Flaubert avait écrit une manière de féerie lyrique, le Château des fleurs, qu'il essaya vainement de faire accepter d'un directeur de théâtre et qui a été publié dans ses Oeuvres posthumes. En 1877 paraissaient Trois Contes, dans la manière impersonnelle, hautaine et un peu froide de Salammbô. La mort vint le surprendre au moment où il mettait la main aux derniers chapitres d'une oeuvre nouvelle : Bouvard et Pécuchet, partiellement publiée après sa mort dans la Revue politique et littéraire et réunie en volume en 1881. Sur la fin de sa vie, Flaubert avait fort malheureusement aliéné sa fortune pour satisfaire à des exigences de famille; M. Jules Ferry, alors ministre de l'instruction publique, s'honora en le pourvoyant immédiatement d'une place à la bibliothèque Mazarine (1879). Les oeuvres posthumes du grand romancier comprennent ses Lettres à George Sand (1884); Par les Champs et par les Grèves, publiés d'abord dans le Gaulois et comprenant, en outre des mélanges dont nous avons parlé, une étude sur Rabelais, la Préface aux dernières chansons et la Lettre au Conseil municipal de Rouen, à la suite du refus opposé par la ville à l'érection d'un monument public en l'honneur de Louis Bouilhet ; Candidat et le Château des fleurs, publiés dans la Vie moderne (1885); enfin une Correspondance fort volumineuse (…). La ville de Rouen a élevé en 1890 un monument à la gloire de Gustave Flaubert ; mais Croisset où il mourut et dont le beau parc baignait dans la Seine a été rasé et transformé en un établissement industriel. »

Charles Le Goffic, article « Flaubert » de La Grande encyclopédie (édition publiée entre 1885 et 1902).



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