Grands Lacs

"Il est difficile d'apprécier l'importance du réseau hydrographique des Grands Lacs, même pour les habitants du bassin de ces lacs. Dans l'ensemble, les Grands Lacs contiennent environ 23 000 km3 (5 500 mi3) d'eau, qui recouvrent une superficie totale de 244 000 km2 (94 000 mi2). Ils constituent la plus vaste réserve au monde d'eaux douces de surface, et contiennent approximativement 18% des réserves mondiales d'eau. Seules les calottes glaciaires des pôles contiennent davantage d'eau douce. [...]

En raison des importantes dimensions du bassin-versant, les caractéristiques physiques telles que le climat, les sols et la topographie varient d'un bout à l'autre de ce bassin. Au nord, le climat est froid et le terrain est dominé par le soubassement granitique appelé Bouclier canadien (ou laurentien) et constitué de roches précambriennes, recouvertes d'une couche généralement mince de sols acides. Les conifères sont dominants dans les forêts septentrionales.

Dans les régions sud du bassin, le climat est beaucoup plus chaud. Les sols sont plus profonds, et contiennent des couches ou mélanges d'argiles, de limon, de sables, de graviers et de blocs déposés sous forme de drift glaciaire ou de sédiments glacio-lacustres et fluvio-glaciaires. Les terres sont habituellement fertiles, et peuvent être facilement drainées à des fins agricoles. Les forêts originales de feuillus ont fait place aux zones agricoles et au développement urbain de type tentaculaire.

Bien que faisant partie d'un système unique, chaque lac est différent des autres. Du point de vue volume, le lac Supérieur est le plus vaste et aussi le plus profond et le plus froid des cinq. Le lac Supérieur pourrait contenir l'ensemble des autres Grands Lacs, et trois fois le lac Érié. Le lac Supérieur a de telles dimensions que l'eau y séjourne 191 ans. Le temps de séjour est déterminé à partir du volume d'eau dans le lac et du débit sortant moyen. La majeure partie du lac Supérieur est boisée, et contient peu de zones agricoles, le climat étant froid et les sols pauvres. En raison de la présence des forêts et de son faible degré de peuplement, le lac Supérieur reçoit relativement peu de polluants, sauf des polluants atmosphériques.

Le lac Michigan, qui est le second en dimension, est le seul Grand Lac qui soit entièrement contenu dans le territoire des États-Unis. Sa partie nord se trouve dans la région plus froide et moins développée des Grands Lacs supérieurs. Il est peu peuplé, sauf dans la région de la vallée de la rivière Fox, laquelle se déverse dans la baie Green. Cette baie abrite l'une des pêcheries les plus productives des Grands Lacs, mais reçoit les résidus et déchets de l'une des plus fortes concentrations au monde d'usines de pâtes et papiers. La partie sud plus tempérée du bassin du lac Michigan est l'une des régions les plus urbanisées du réseau des Grands Lacs. Elle englobe les zones métropolitaines de Milwaukee et de Chicago, avec une population d'environ 8 millions, ce qui représente à peu près le cinquième de la population totale du bassin des Grands Lacs.

Le lac Huron, qui comprend la baie Géorgienne, est en volume le troisième plus grand lac. De nombreux Canadiens et Américains possèdent des chalets et maisons de campagne, situés sur les plages sableuses et peu profondes du lac Huron et le long des rives rocheuses de la baie Géorgienne. Le bassin de la rivière Saginaw est cultivé de façon intensive, et englobe les zones métropolitaines de Flint et de Saginaw-Bay City. Saginaw-Bay City, comme Green Bay, abrite une pêcherie très productive.

Le lac Érié a le plus faible volume, et subit le plus profondément les effets de l'urbanisation et de l'agriculture. Étant donné la présence des sols fertiles qui entourent le lac, la région fait l'objet d'une agriculture intensive. Le lac reçoit le ruissellement de la région agricole du sud-ouest de l'Ontario et de parties de l'Ohio, de l'Indiana et du Michigan. Dix-sept régions métropolitaines dont la population dépasse 50 000 se situent à l'intérieur de bassin du lac Érié. Bien que le lac ait une superficie approximative de 26 000 km2 (10 000 mi2), sa profondeur moyenne est de seulement 19 mètres (62 pieds). C'est le moins profond des lacs, et par conséquent, il se réchauffe rapidement au printemps et en été, et gèle souvent complètement en hiver. De tous les lacs, il est aussi celui dont les eaux ont le plus court temps de séjour, soit 2,6 années. Le bassin ouest, qui représente environ un cinquième du lac, est très peu profond; sa profondeur moyenne est de 7,4 mètres (24 pieds), et sa profondeur maximum de 19 mètres (62 pieds). [...]

L'écosystème des Grands Lacs et les formes de vie qu'il contient ont continuellement varié avec le temps. Durant les périodes de variations climatiques et de glaciation, certaines espèces ont migré à l'intérieur ou à l'extérieur de la région, certaines ont péri, et d'autres ont conquis le terrain dans les nouvelles circonstances. Toutefois, aucun changement n'a été aussi rapide que celui produit par l'arrivée des colonisateurs européens.

Lorsque les premiers Européens sont arrivés dans le bassin il y a environ 400 ans, celui-ci était une région verdoyante, couverte d'une végétation dense. De vastes peuplements d'arbres, en particulier de chênes, d'érables et d'autres feuillus, dominaient les régions du sud. De nos jours, il ne reste de la forêt originale que de très peu de vestiges, de faible étendue. Entre les zones boisées existaient de riches prairies, dans lesquelles les plantes atteignaient deux à trois mètres (7 à 10 pieds). Au nord, des forêts de conifères occupaient les sols sableux, peu profonds, parsemés de marécages, de tourbières et autres terres humides.

Les forêts et prairies abritaient une grande variété d'animaux, par exemple l'orignal dans les terres humides et les forêts de conifères, et le cerf dans les prairies et les forêts arbustives du sud. Dans les nombreux chenaux et terres humides vivaient le castor et le rat musqué, et dans les forêts matures, le renard, le loup et autres espèces d'animaux à fourrure. Les peuples indigènes et les Européens les capturaient et en faisaient le commerce. D'abondantes populations d'oiseaux prospéraient sur les divers terrains, certains migraient vers le sud en hiver, d'autres s'y établissaient de façon permanente.

On estime qu'il existait jusqu'à 180 espèces de poissons endémiques des Grands Lacs. Parmi ceux vivant dans les eaux littorales, il y avait l'achigan à petite bouche, l'achigan à grande bouche, le maskinongé, le grand brochet et la barbue. Au large, vivaient le cisco de lac, le doré bleu, le grand corégone, le doré jaune, le doré noir, le malachigan, la truite fardée et le bar blanc. En raison des différences de caractères des lacs, la composition des espèces variait dans chacun des Grands Lacs. Le lac Érié, plus chaud et peu profond, était le plus productif, et le lac Supérieur, plus profond, le moins productif.

Les variations survenues dans la composition des espèces peuplant les Grands Lacs, depuis 200 ans, sont le résultat des activités humaines. De nombreuses espèces endémiques de poissons ont disparu par suite de prises excessives, de la destruction de leur habitat ou de l'introduction d'espèces exotiques ou non indigènes, telles que la lamproie et le gaspareau. La pollution, principalement sous forme de charges excessives d'éléments nutritifs et de contaminants toxiques, a soumis les populations de poissons à des contraintes supplémentaires. D'autres conditions défavorables créées par l'homme ont altéré les conditions autrefois propices à la reproduction, ainsi que les habitats, et ont obligé quelques variétés à migrer ou bien ont causé leur disparition. Parmi d'autres effets sur la vie dans les lacs, citons la construction de barrages et de canaux, la modification ou la pollution de tributaires aboutissant dans les lacs, tributaires dans lesquels a lieu le frai et des écosystèmes distincts étaient autrefois florissants et s'intégraient à l'écosystème plus vaste du bassin."

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"Malgré leurs grandes dimensions, les Grands Lacs sont sensibles aux effets d'un grand nombre de polluants. Parmi les sources de pollution, citons le ruissellement superficiel et l'entraînement par les eaux de ruissellement des produits chimiques d'usage agricole, les produits résiduaires provenant des villes, les rejets des zones industrielles, et les lixiviats provenant des dépotoirs. La vaste superficie des lacs les rend aussi vulnérables aux polluants provenant directement de l'atmosphère, qui tombent avec la pluie ou la neige, ou sous forme de poussières, à la surface des lacs.

Le débit sortant des Grands Lacs est relativement faible (moins d'un pour cent par an) par rapport au volume total d'eau. Les polluants qui pénètrent dans les lacs - à la suite de déversements directs le long des rives, de leur entraînement par des tributaires, ou à la suite du travail du sol, ou sous forme de retombées atmosphériques - sont retenus dans le réseau hydrographique, et leurs concentrations augmentent avec le passage du temps. Par ailleurs, les polluants persistent dans le réseau hydrographique, en raison de la remise en suspension des sédiments (ou de leur réintroduction dans l'eau par agitation des sédiments), et de leur recyclage dans les chaînes trophiques."

Source: Les Grands Lacs: Atlas écologique et manuel des ressources (Environnement Canada)



Bassin de drainage des Grands Lacs
Source: Nos Grands Lacs (Environnement Canada)


Image satellite de la région des Grands Lacs
Source : NASA; modifié par Visipix. com


Carte des Grands Lacs de Coronelli, 1688; Archives nationales du Canada, NMC-6411
Source: exposition «Aux sources de la Nouvelle-France», Archives nationales du Canada
Il s'agit de la première carte de l'ensemble des Grands Lacs et de l'illustration générale la plus exacte des lacs et des affluents au XVIIe siècle.

Essentiel

"Les Grands Lacs - Supérieur, Michigan, Huron, Érié et Ontario - constituent une importante partie de l'héritage physique et culturel de l'Amérique du Nord. Ces grandes mers intérieures, qui s'étendent sur plus de 1 200 kilomètres (750 milles) d'ouest en est, ont fourni de l'eau aux fins de consommation, pour les transports, la production d'hydro-électricité, les usages récréatifs, et toutes sortes d'autres emplois.

L'eau des lacs et les nombreuses ressources du bassin des Grands Lacs ont joué un rôle important dans l'histoire et le développement des États-Unis et du Canada. Pour les premiers explorateurs et colonisateurs européens, les lacs et leurs tributaires ont été les avenues grâce auxquelles ils se sont introduits dans le continent, en ont extrait des ressources de grande valeur, et ont pu transporter les produits régionaux à l'étranger.

Actuellement, le bassin des Grands Lacs abrite plus d'un dixième de la population des États-Unis et du quart de la population du Canada. On rencontre dans la région des Grands Lacs, l'une des plus fortes concentrations d'industries au monde. Presque 25 % de la production agricole totale du Canada et 7 % de la production des États-Unis viennent du bassin des Grands Lacs. Les États-Unis considèrent les Grands Lacs comme un quatrième littoral, et la région des Grands Lacs est un facteur dominant dans l'économie industrielle du Canada."

Source: Les Grands Lacs: Atlas écologique et manuel des ressources (Environnement Canada)

Enjeux

"Des portions de l'écosystème des Grands Lacs ont été modifiées pour mieux servir les besoins des populations humaines, et l'on se rend compte depuis peu de temps seulement des conséquences imprévues d'un grand nombre de ces modifications. Depuis 1960, on commence peu à peu à mieux comprendre l'importance de ces modifications et les incidences plus sérieuses de certaines activités humaines. Les plus importantes catégories d'incidences sont la pollution, la perte d'habitat et les espèces exotiques.

La détérioration de la qualité des eaux a débuté avec la colonisation moderne. Tout d'abord, la pollution a été localisée. La mise en valeur des terres, l'exploitation des forêts et l'urbanisation ont provoqué l'envasement des cours d'eau et des marais littoraux et la pollution organique des zones portuaires. Les rejets urbains et industriels, les déversements occasionnels de pétrole et de produits chimiques et les effets de l'exploitation minière, ont laissé une partie des voies navigables et cours d'eau impropres à l'approvisionnement en eau et aux usages récréatifs. On a recouru au traitement des déchets pour éliminer les polluants biologiques qui menaçaient de façon immédiate la santé des populations. Dans certaines juridictions, des règlements ont été adoptés pour empêcher les déversements effectués inconsidérément dans les voies navigables et cours d'eau. Finalement, il a fallu que tout le bassin des Grands Lacs soit exposé à une sérieuse menace, pour que les autorités se rendent compte que tout l'écosystème des Grands Lacs était en voie de détérioration."



Source: Les Grands Lacs: Atlas écologique et manuel des ressources (Environnement Canada)



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"L'état des Grands Lacs s'est considérablement amélioré par rapport aux conditions lamentables de la fin des années 1960. Par exemple, la situation générale des polluants s'est améliorée considérablement depuis le début des années 1970, et on a constaté une baisse importante des concentrations de la plupart des principaux polluants pour lesquelles on possède des données. Certaines espèces d'oiseaux qu'on croyait disparues pour toujours dans la région, comme le pygargue à tête blanche et le faucon pèlerin, commencent à revenir dans la région et même à y nicher. Les populations d'autres espèces d'oiseaux nicheurs comme le balbuzzard pêcheur et le cormoran sont en hausse. L'état des communautés de poissons s'améliore aussi. Ainsi des espèces comme le touladi font leur réapparition dans la plupart des lacs, et le lac Supérieur en compte même une population autosuffisante."

Source: Nos Grands Lacs (Environnement Canada)

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"Malgré les progrès constants et les signes encourageants pour l'écosystème, la pollution demeurera une grande préoccupation au cours des années à venir. Il peut s'avérer nécessaire d'élargir le champ de la réglementation sur les produits chimiques toxiques, à mesure que la recherche et les observations révèlent l'emploi de méthodes et usages dangereux. Déjà, en de nombreux endroits, sont appliquées des mesures plus strictes concernant l'élimination des déchets. On examine actuellement les pratiques agricoles, étant donné l'importante étendue des effets exercés par les pesticides et les engrais. En plus de se pencher sur les problèmes de pollution, il faudra se renseigner davantage pour mieux protéger et rétablir la biodiversité de l'écosystème et pour raffermir la gestion des ressources naturelles. Les terres humides, les forêts, le littoral et autres zones écologiques sensibles importantes pour l'écosystème des Grands Lacs devront être plus strictement protégés; dans certains cas, ils devront être remis en état et leur étendue devra être augmentée.

Tandis que l'on prend les mesures nécessaires pour protéger la santé et pour assainir l'environnement, l'on reconnaît que la remise en état des zones dégradées et la prévention d'autres dégâts sont les meilleures méthodes pour assurer la bonne santé et pour protéger et préserver les ressources vivantes et les habitats des Grands Lacs."

Source: Les Grands Lacs: Atlas écologique et manuel des ressources (Environnement Canada)


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"Dans le bassin des Grands Lacs, les lacs Supérieur, Michigan et Huron ont vu leurs niveaux baisser pour la quatrième année consécutive. Le lac Supérieur n'a jamais été aussi bas à cette période de l'année depuis 1926. De leur côté, les lacs Michigan et Huron - qui, en fait, n'en forment qu'un - n'ont jamais autant chuté depuis le milieu des années 1960. Tous trois devraient rester sous le zéro des cartes durant le mois de mai. Le lac Érié est un peu sous les normales saisonnières alors que le lac Ontario s'en approche. Les deux se retrouvent au-dessus du zéro des cartes et au-dessus de leurs niveaux à pareille date, l'année dernière. Bien que l'on s'attende à ce que le lac Érié demeure sous les normales saisonnières ce printemps et cet été, le lac Ontario pourrait les dépasser au cours de la même période selon l'abondance des précipitations. Par ailleurs, au port de Montréal, en février dernier, on a enregistré le plus bas niveau de l'histoire pour cette région. On prévoit qu'au cours des prochains mois les niveaux d'eau à la hauteur du port de Montréal demeureront bas, tout en restant au-dessus du zéro des cartes."

Source: Focus (Commission mixte internationale), vol. 26, no 1, printemps 2001

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