Delacroix Eugène

26 avril 1798-13 août 1863

Éléments biographiques (H. D'Argis, La Grande Encyclopédie, v. 1895)
«Peintre français, fils du conventionnel Charles Delacroix, né à Charenton-Saint-Maurice le 26 avril 1798, mort le 13 août 1863. Par sa mère, Eugène descendait de Aben, un élève distingué de Boulle, et était allié aux Riesener dont le père a signé tant de chefs-d'œuvres du meuble et le fils Henri des tableaux estimés. Dès son enfance, Eugène Delacroix ne révéla pas comme tant d'autres des dispositions spéciales et exclusives pour la peinture : après de solides études au lycée Louis-le-Grand, il montra, ce qui est plus intéressant, un don général pour l'art; c'est la musique qui sembla l'attirer de préférence, et toute sa vie il resta amoureux de cet art, auquel sa violente passion pour la peinture, qui se manifesta bientôt, put seule l'arracher. En 1815 (il avait dix-sept ans), il souhaitait, en faisant de la musique, son étude préférée, acquérir quelques notions de peinture, et par son oncle Henri Riesener il se fit présenter à Guérin; mais il inspira peu de sollicitude à son maître, et les palmarès de l'École des beaux-arts furent sur son nom d'un mutisme peu encourageant. Pourtant une toile, Dames romaines se dépouillant pour la patrie (1818), offre déjà un certain intérêt. Vers cette époque, il gagnait quelque menu argent à faire des lavis industriels et en 1819, devenu orphelin, il tomba dans les plus grands embarras pécuniaires.

En 1822, malgré le mauvais vouloir de son maître Guérin, il envoie au Salon le Dante et Virgile qui y obtient le plus grand succès que puisse désirer un artiste : des admirations enthousiastes et un déchaînement de critiques injustes; succès qui ne l'empêchait pas (y contribuant peut-être, au contraire) d'obtenir cette même année 1822 la dernière place dans le concours pour le prix de Rome, échec peu fait pour le tirer d'une situation toujours embarrasée, à laquelle il résistait avec les profits de caricatures et de lithographies, continuant de travailler avec une énergie croissante. En 1824 il expose Le Massacre de Scio qui accentue encore la tempête qu'avait soulevée son premier Salon. Théophile Gautier seul en parle avec une admiration sans réserves, mais Delécluze, H. Beyle, M. Thiers ne ménagent par leurs restrictions : pour l'un il fait trop horrible cette scène d'horreur; pour l'autre, il y a là trop peu de souci du beau; pour celui-ci, enfin, le soin d'éviter l'académique lui fait fuir la ligne simple et harmonieuse. De cette époque datent Le Tasse dans la maison des fous, L'Empereur Justinien composant ses Institutes, Marino Faliero, et enfin les lithographies de Faust qui lui valent de sincères et chauds éloges de Goethe. Mais, nous voici en 1828, et il nous faut ajouter une forte de plus à ce terrible crescendo qui augmente sans cesse avec l'œuvre d'Eugène Delacroix et qui s'accentue avec l'apparition du Sardanapale exposé cette année-là. Quelques échantillons des brocards qui tombèrent dru sur l'artiste égayeront cette biographie : « Eugène Delacroix est devenu la pierre de scandale des expositions. » (M. Vitet) « La majeure partie du public trouve ce tableau ridicule. » (Moniteur universel) « Que M. Delacroix se rappelle que le goût français est noble et pur et qu'il cultive Racine plutôt que Shakespeare. » (Ibid.) « L'œil ne peut y débrouiller la confusion des lignes et des couleurs… le Sardanapale est une erreur de peintre. » (Delécluze) Et tutti quanti. Cependant, cette année-là, après une brouille momentanée avec le directeur des beaux-arts, il est chargé par le ministre de l'intérieur de peindre La Mort de Charles le Téméraire, et le duc Louis-Philippe d'Orléans lui commande Richelieu disant la messe. De la même année La Bataille de Nancy, quelques peintures religieuses et des portraits, entre autres celui de Mme Simon.

Au Salon de 1831, L'Évêque de Liège soulève peu de discussions, mais La Liberté guidant le peuple les fait renaître. Delécluze se rallie un peu, mais Ambroise Tardieu lutte par son acrimonie contre le bon vouloir manifeste de Gustave Planche. Quoi qu'il en soit, cette exposition eut un résultat appréciable et tangible : Delacroix fut décoré. C'est à ce moment qu'il commence une série de tableaux de combats, entre autres Poitiers, Taillebourg (1831), qui le font traiter de Rubens manqué; et suivie par des toiles historiques : Charles-Quint au monastère de Saint-Just, Boissy d'Anglas et Mirabeau et Dreux-Brézé. – En 1832, Delacroix quittait Paris et s'en allait demander un renouveau d'inspiration aux pays de soleil. Il traverse le Maroc, puis revient en Espagne, et c'est à ces voyages que l'on doit la Fantasia arabe, Rencontre de cavaliers maures et Les Femmes d'Alger dans leur appartement. La seconde de ces toiles était refusée par le jury du Salon en 1834 et Delécluze blâmait sévérement Les Femmes d'Alger. Les années qui suivent se passent dans une production effrénée et il semble que Delacroix ait fait cette sublime gageure d'accumuler les chefs-d'œuvre. L'Institut, au reste, lui ferme obstinément les portes et ce n'est qu'en 1857, au bout de vingt ans, qu'il réussit à être élu après avoir produit des centaines de toiles presque toutes de premier ordre : La Barque de don Juan, Les Croisés à Constantinople (commandé pour le musée de Versailles), la décoration du salon du roi à la Chambre des députés, etc. Depuis 1849 : Les Disciples d'Emmaüs, La Chasse aux lions (musée de Bordeaux), etc. [...] – Delacroix reçut des critiques de tels assauts que forcément il devait devenir polémiste. On a de lui des pages curieuses sur son art et ses lettres sont du plus haut intérêt pour le critique et le psychologue.

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Avec ses erreurs et ses défauts, Delacroix reste le peintre le plus considérable du siècle. Cette fécondité extraordinaire dans le nombre des productions a son analogie dans la nature de son œuvre elle-même : l'érudition considérable du peintre d'histoire, la profondeur du psychologue et la fougue des passions humaines sont pousées à un tel degré d'intensité que tout d'abord devant une toile de Delacroix c'est l'étonnement qui précède l'admiration; mais celle-ci suit de près. La maestria dans les effets de lumière, l'agencement savant et harmonieux des lignes, la splendeur du décor vous empoignent, et c'est à peine si parfois une petite négligence échappée à ce génie tout entier requis par l'idée, vient apparaître comme pour nous rappeler que l'absolue perfection n'est pas de l'homme. Néanmoins c'est avec justice qu'on l'a appelé le maître de l'école française.»


HENRI D'ARGIS, article «Delacroix» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Tome treizième (Cotesbach-Dellden). Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, H. Lamirault, [191-?], p. 1156-1157.

Articles


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Critique des oeuvres exposées par Delacroix au Salon de 1845. Passage tiré des Curiosités esthétiques.

Journal de Delacroix: sur le Réalisme en art

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